Éditos
La nouvelle question de littérature comparée, qui sera au programme de l’agrégation de lettres modernes en 2019 et 2020, porte sur la représentation du pouvoir au théâtre à travers quatre pièces : Richard III de Shakespeare, Cinna, ou la clémence d’Augustede Corneille, Boris Godounov de Pouchkine et La Résistible Ascension d’Arturo Ui de Brecht.
Conçues à l’époque de l’installation de la monarchie absolue, de l’autocratie tsariste et de la dictature nazie, ces quatre œuvres invitent à interroger les enjeux politiques du théâtre et ses rapports avec l’histoire. Elles développent une réflexion politique sur l’accès au pouvoir et son exercice, sur la légitimité et la tyrannie, qui s’incarne dans des personnages et prend forme à travers le dialogue entre passé et présent.
Le théâtre du pouvoir repose d’abord sur quatre figures problématiques de souverain, qui produisent de puissants effets dramatiques et suscitent des émotions contrastées. L’admiration ressentie aussi bien pour la magnanimité exemplaire d’Auguste que pour le talent machiavélique de Richard III tranche avec la pitié éveillée par la destinée de Boris Godounov et le mépris inspiré par Arturo Ui, qui mettent en question la représentation idéalisée de l’homme de pouvoir.
La représentation du pouvoir se déploie ensuite sur la scène de l’histoire. Mettant en scène quatre moments historiques cruciaux, plus ou moins éloignés de leur époque, les dramaturges travaillent à partir d’un abondant matériau historique et remontent aux origines du temps présent. La confrontation de deux pièces « anciennes », Richard IIIet Cinna, et de deux pièces « modernes », Boris Godounov et La Résistible Ascension d’Arturo Ui, fait apparaître un autre aspect de la dimension historique dans laquelle se développe la réflexion dramatique sur le pouvoir. Fondée sur d’incessants jeux de citations, sur la reprise et la mise à distance de modèles incontournables, issus de l’Antiquité, la représentation du pouvoir convoque aussi l’histoire littéraire, la tradition théâtrale. Chaque pièce met ainsi à l’épreuve la forme tragique, née à Athènes au Vesiècle avant Jésus-Christ, pour l’adapter à ses besoins. A travers les nombreux échos intertextuels se tisse alors un autre dialogue entre passé et présent, qui assure la survie des œuvres à travers le temps.
De la tragédie élisabéthaine à la tragédie classique, du théâtre russe du début du XIXesiècle au drame épique brechtien se dessinent des interrogations similaires sur la nature de l’homme, sur l’exercice du pouvoir, sur la marche de l’histoire et sur la fonction du théâtre. Les différentes réponses esquissées, dans le contexte spécifique à chaque œuvre, permettent de mieux comprendre en quoi consiste le pouvoir de la représentation, en montrant comment le théâtre est capable de rendre actuels des événements ou des textes appartenant au passé et comment il peut constituer un acte politique par les moyens qui lui sont propres.
Des bibliographies et des présentations de la question et des différentes œuvres sont consultables sur le site.