Société française de Littérature générale et comparée https://sflgc.org Société française de Littérature générale et comparée Tue, 19 Mar 2024 08:00:08 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.4.3 Ecrire la faim : famines, disettes, expériences de la faim dans l’Europe de la première modernité https://sflgc.org/actualite/ecrire-la-faim-famines-disettes-experiences-de-la-faim-dans-leurope-de-la-premiere-modernite/ Tue, 19 Mar 2024 08:00:08 +0000 https://sflgc.org/?post_type=post_actualite&p=5269 Continuer la lecture de « Ecrire la faim : famines, disettes, expériences de la faim dans l’Europe de la première modernité »]]> NB : CORRIGE et REMPLACE la soumission précédente

 

Appel à communications

Écrire la faim : famines, disettes, expériences de la faim dans l’Europe de la première modernité

Université de Caen Normandie – 10 et 11 octobre 2024

 

« La faim va devant moi, force est que je la suive » (Les Tragiques, 1616, I, v. 381) : c’est un impératif poétique autant que moral qui oblige Agrippa d’Aubigné à témoigner d’un monde à l’envers où la faim conduit à l’épisode bien connu du cannibalisme maternel.

Si cette scène frappe par son caractère spectaculaire, la faim apparaît aussi comme une épreuve récurrente dans la littérature de la première modernité. Que l’on pense à l’épopée de la faim de Lazarillo (1554) ou à l’incipit du « Petit Poucet » (1697), aux marins sur les routes de l’Amérique contraints de mâcher le cuir ou aux plébéiens qui menacent de sédition, faute de grain, dans Coriolan de Shakespeare (c.1607-1609), les textes sont hantés par les corps affamés d’enfants et de vieillards édentés. L’expérience de la faim touche d’abord les pauvres et marginaux lors des innombrables disettes et pénuries qui frappent les pays d’Europe du XVIe au XVIIIe siècle, mais les épisodes de grandes famines rappellent que la faim peut menacer chacun, quelle que soit sa richesse.

Les historiens ont bien étudié ces crises frumentaires ainsi que leurs conséquences démographiques et politiques dans une Europe très dépendante des céréales et fragilisée par un marché des grains fortement spéculatif. Mais il importe de se pencher sur les productions textuelles, littéraires et artistiques qu’ont pu générer les expériences de la faim. Au croisement des food studies et des études sur l’écriture des désastres, nous souhaiterions étudier les représentations des corps dénutris, affamés, marqués par les disettes, ainsi que les traces laissées par les privations de nourriture dans les textes de la première modernité afin d’interroger leurs enjeux anthropologiques, esthétiques, éthiques, sociaux et politiques. La faim sera ici moins appréhendée comme appétit ou désir que comme l’expérience, éprouvée dans sa chair, du manque de nourriture, qu’elle soit quotidienne ou qu’il s’agisse d’une épreuve exceptionnelle, signe d’une calamité collective. Comment récits, performances, discours peuvent-ils mettre en forme l’expérience de la faim, interroger les divers facteurs des pénuries, ainsi que les effets d’une expérience de privation susceptible d’éveiller les révoltes mais aussi d’ébranler les interdits moraux ? Plusieurs perspectives d’études, non exclusives, peuvent être envisagées.

Dire et montrer les corps affamés : entre observation clinique, scènes tragiques et caricature comique

Des descriptions cliniques aux portraits spectraux de corps dénutris, des scènes de déploration aux satires comiques, les modalités d’écriture de l’expérience de la faim subie sont variées, dans les textes factuels comme fictionnels. Sans négliger les contraintes génériques et l’évolution des formes, on pourra ainsi étudier les images et ressources d’écriture mobilisées pour faire entendre la privation, ainsi que leurs effets, en les replaçant dans une histoire médicale et culturelle ; relire certains textes bien connus (fables, contes etc.) dont l’arrière-plan et la temporalité sont parfois minorés en tenant compte du contexte de famine ou disette dans lequel ils ont pu être écrits et reçus, ce qui conduira à interroger la place même de l’écriture ou de la représentation dans l’expérience de la faim (comment écrit-on ou lit-on le ventre affamé ?).

  • Analyser les symptômes physiques et psychiques mentionnés pour suggérer la privation de nourriture ainsi que les expédients mis en œuvre pour composer avec la faim permettra d’interroger la représentation des corps affamés. Dans quelle mesure est-elle informée par les corpus médicaux contemporains ? Quelles distinctions peut-on repérer selon l’âge et le genre du corps représenté ?
  • Des lamenti aux intermèdes comiques, les modes de représentation de la faim varient selon des partitions génériques à analyser. Quelles différences observe-t-on entre textes factuels et fictionnels ? Dans quelle mesure le développement du genre de la nouvelle, mais aussi des témoignages et des récits à la première personne permet-il l’essor de nouvelles manières de dire l’expérience de la faim ? Si la faim qui tourmente Lazarillo est l’un des ressorts du comique de répétition, le récit picaresque fait entendre à la première personne les effets physiques et moraux de la dénutrition. Comment et selon quel point de vue le corps décharné peut-il susciter le rire ou le dégoût, favoriser l’émergence de la compassion ou au contraire l’entraver ?
  • La visibilité des corps décharnés qui s’imposent par leur maigreur peut être perçue comme paradoxale : les rêves de pays de Cocagne s’enracinent souvent dans une expérience de la privation et la rhétorique de l’abondance peut servir l’écriture de la faim. Mais comment faire voir le manque de nourriture et la dénutrition ? Comment l’incarner ? Dans quelle mesure la représentation de la faim sur scène peut-elle être comprise, dans des contextes de disette, comme un dérivatif pour exorciser le manque par la fiction et le rire partagé ?

La faim et l’autre. Éthique et politique de la faim. 

Alors que les rites qui organisent la convivialité font l’objet de nombreuses études depuis le travail de Michel Jeanneret jusqu’à l’essor des food studies, nous souhaitons explorer l’envers de la culture du banquet. Si les plaisirs partagés de la table masquent les exclusions sur lesquelles ils reposent ainsi que les maillons dont ils dépendent, les récits de la faim jettent une lumière crue sur le tissu des interdépendances qui enserrent les corps affamés, le rapport à la terre nourricière et à l’animal, l’inscription dans un groupe social qui régule le partage de la nourriture disponible. Comment se nouent les relations quand il n’y a plus rien à répartir, ou quand il y a trop peu à manger ? Dans Dieu, la mort et le temps, Levinas conçoit la faim comme une expérience éthique fondatrice qui prépare à la reconnaissance de l’autre et à la compassion. Mais l’expérience de la faim ne réveille-t-elle pas, au contraire, les instincts les plus égoïstes et le pur souci de soi, selon l’adage, commenté par Erasme, « ventre affamé n’a point d’oreilles » ? Interrogations morales et anthropologiques s’articulent aux enjeux politiques, sociaux et économiques de la prise en charge de la faim.

  • Entre infanticides et sacrifices, vol et charité, rejet et hospitalité, les récits de famine dépeignent les violences et la dérégulation des liens sociaux, mais aussi la solidarité, auxquelles les privations de nourriture peuvent donner lieu. Comment montrent-ils les bouleversements de la relation à l’autre occasionnés par l’expérience intime de la faim ?
  • À l’échelle collective, les représentations de la faim posent la question de la prise en charge des affamés, entre accueil et criminalisation de la mendicité, pratique individuelle de la charité et mise en place de structures d’assistance. On pourra étudier la manière dont les récits de disettes s’inscrivent dans les débats politiques et théologiques et mettre en lumière d’éventuelles variations régionales et historiques en lien avec les pratiques sociales et juridiques.
  • Ces enjeux sociaux sont aussi politiques. Comme le rappelle Bacon, pour qui « les pires révoltes sont celles qui viennent du ventre », tout comme Fénelon qui s’indigne de l’incurie royale lors de la famine terrible de 1693-1695, la gestion des ressources alimentaires participe à l’art de gouverner. Comment la mise en récit des disettes permet-elle d’interroger les causes sociales et politiques des crises frumentaires, de questionner le partage et la gestion des richesses ou de désigner des responsables ? Comment participe-t-elle à l’émergence des politiques dites compassionnelles ?

Le fléau de la faim. Entre apocalypse et désastre trop humain. 

La faim reste, tout au long de la période, associée à la peste et à la guerre : troisième cavalier de l’Apocalypse, la faim tue de manière régulière dans l’Europe de la première modernité. Mais le tableau apocalyptique d’un monde à l’envers qui donne corps aux angoisses millénaristes n’empêche pas d’interroger la chaîne des causes et des conséquences, politiques, économiques et démographiques par lesquelles la famine se répand et bouleverse le monde : la Dernière Semaine (1596) du poète catholique Quillian en témoigne.

La compréhension de la famine et de la série des disettes engage ainsi, comme celle des catastrophes, la mise en forme de systèmes de causalité complexes. Il s’agira d’identifier les paradigmes qui donnent sens à l’expérience récurrente des disettes ainsi qu’aux expériences paroxystiques de privation lors des épisodes de grandes famines. Un processus de naturalisation a souvent été mis en évidence dans l’appréhension des catastrophes de la Renaissance aux Lumières : au paradigme religieux qui lit les calamités comme une punition divine s’opposerait une conception rationnelle, attentive aux facteurs climatiques et humains. Mais cette évolution est-elle confirmée par les textes consacrés aux famines ?

On pourra étudier les textes de circonstance, discours, chroniques et témoignages ancrés dans une expérience contemporaine (comme celle du siège de Sancerre par Jean de Léry, 1574),  mais aussi les mettre en regard d’œuvres qui puisent des cas d’études à méditer dans les récits de disettes et famines antiques et bibliques (ainsi Jean de La Taille établit-il un parallèle entre l’état de la France déchirée par les guerres de religion et celui d’Israël accablé par la famine, dont il tire le sujet de sa tragédie La Famine ou les Gabéonites, 1573).

  • Comment la mise en série d’épisodes de disettes donne-t-elle sens à la famine ? Dans quelle mesure l’essor des témoignages peut-il servir de laboratoire à la mise en récit fictionnelle ?
  • Entre pénuries récurrentes et crises exceptionnelles, comment certains épisodes de famine, circonscrits dans le temps et frappants par leur létalité, sont-ils constitués en « désastres » ? Selon quelles étapes et quelle temporalité ? Alors que la faim est souvent concomitante d’autres catastrophes (guerres, épidémies, tremblements de terre ou inondations), comment les rapports de causalité sont-ils mis en forme ?
  • Comment l’interprétation religieuse en termes de calamité et de punition peut-elle cohabiter avec une appréhension rationnelle des phénomènes, attentive à la part des facteurs météorologiques, sociaux, économiques, politiques ? Dans quelle mesure l’explication providentialiste peut-elle céder la place à une lecture intentionnelle de la crise alimentaire, où la famine n’est plus lue comme une punition divine, mais comme une machination du pouvoir ?

Modalités de soumission

Les études de cas, les réflexions comparatistes, ainsi que les propositions en arts du spectacle ou en histoire de l’art sont bienvenues. Les contributions pourront prendre la forme d’une communication ou d’une table ronde. Les propositions (400 mots environ), accompagnées d’une brève présentation bio-bibliographique, sont à envoyer au plus tard le 10 juin 2024 à louise.dehondt@unicaen.fr.

Le colloque aura lieu les 10 et 11 octobre 2024 à la Maison de la Recherche en Sciences humaines, à Caen.

Comité scientifique 

Fabien Cavaillé (U. de Caen Normandie) ; Anne Duprat (IUF / U. de Picardie Jules Verne) ; Olivier Leplatre (U. Jean Moulin Lyon 3) ; Zoé Schweitzer (U. Jean Monnet Saint-Etienne) ; Enrica Zanin (U. de Strasbourg).

Bibliographie indicative

Alberola, Armando et Domenico Cecere (dir.), Rischio, catastrofe e gestione dell’emergenza nel Mediterraneo occidentale e in Ispanoamerica in età moderna, Alicante, Federico II University Press, 2022.

Bénassy-Berling, Marie-Cécile, « Famines, épidémies et inondations dans la Séville de l’époque moderne : notes sur un texte sévillan », e-Spania [En ligne], 12 | décembre 2011, numéro spécial « Catastrophes, cataclysmes et naufrages : de la terreur au récit » dirigé par Louise Bénat-Tachot, URL : http://journals.openedition.org/e-spania/21415 ; DOI : https://doi.org/10.4000/e-spania.21415

Bonnet, Jean-Claude, La Gourmandise et la faim. Histoire et symbolique de l’aliment (1730-1830), Paris, LGF, 2015.

Camporesi, Piero, Le pain sauvage. L’imaginaire de la faim, de la Renaissance au XVIIIe siècle, traduit de l’italien par Monique Aymard, Paris, Le Chemin vert, 1981.

Chiari, Sophie (dir.), Écrire la catastrophe. L’Angleterre à l’épreuve des éléments, XVIe-XVIIIe siècles, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2019.

Cunningham, Andrew et Ole Peter Grell, The four horsemen of the Apocalypse : religion, war, famine and death in Reformation Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2000.

De Ribas, Nicolas, « Le tremblement de terre de Lima de 1746 : témoignages, actions et pensées de la catastrophe naturelle », e-Spania [En ligne], 12 | décembre 2011, numéro spécial « Catastrophes, cataclysmes et naufrages : de la terreur au récit » dirigé par Louise Bénat-Tachot, URL : http://journals.openedition.org/e-spania/20760 ; DOI : https://doi.org/10.4000/e-spania.20760

Drouet, Pascale, « “I speak this in hunger for bread” Representing and staging hunger in Shakespeare’s King Lear and Coriolanus », in Angel-Perez, Elizabeth et Poulain Alexandra (dir.), Hunger on the Stage, Cambridge Scholars Publishing, 2008.

Goldstein, David B, Eating and Ethics in Shakespeare’s England, Cambridge, Cambridge University Press, 2013.

Jouhaud, Christian, Nicholas Schapira et Dinah Ribard, Histoire, Littérature, Témoignage. Écrire les malheurs du temps, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », 2009.

Kaplan, Steven Laurence, Le Complot de famine. Histoire d’une rumeur au XVIIIe siècle, traduction par Michèle et Jacques Revel, Paris, A. Colin, 1982.

Labbé, Thomas « La catastrophe comme objet de gouvernement : le développement de la notion de « calamité publique » dans la pensée politique en France et en Italie (XVe-XVIe siècle) », in numéro spécial « Désastres (XIVe-XVIIe siècle), dirigé par Giancarlo Alfano et Laurent Baggioni Laboratoire italien [En ligne], 29 | 2022, https://doi.org/10.4000/laboratoireitalien.9200

Labbé, Thomas, « Aux origines des politiques compassionnelles. Émergence de la sensibilité envers les victimes de catastrophes à la fin du Moyen Âge », Annales HSS, no 74-1, 2019, p. 45-71.

Lavocat, Françoise (dir.), Pestes, incendies, naufrages : écritures du désastre au dix-septième siècle, Turnhout, Brepols, 2011.

Leplatre, Olivier, « “Un doux repas” Politique de l’alimentation chez Fénelon », Food & History, vol. 5, n° 2, 2007, p. 71-93.

Magnot-Ogilvy, Florence, « A body without a voice : A literary approach to Linguet’s opposition to the physiocrats over the free trade in grain », The European Journal of the History of Economic Thought, Volume 22, 2015 – Issue 3 Antiphysiocratic Perspectives in Eighteenth-century France (Arnaud Orain, ed.), p. 420-444.

Marquer Bertrand (dir.), Fictions identitaires, fictions alimentaires, Presses Universitaires de Strasbourg, coll. “Configurations littéraires”, 2020.

Mercier-Faivre, Anne-Marie et Chantal Thomas (dir.), L’invention de la catastrophe au 18e siècle : du châtiment divin au désastre naturel, Genève, Droz, 2008.

Montanari, Massimo, La Faim et l’abondance, histoire de l’alimentation en Europe, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Faire l’Europe », 1995.

Piatti-Farnell, Lorna, et Donna Lee Brien, The Routledge Companion to Literature and Food, New York and Abingdon, Routledge, 2018.

Salvo Rossi, Andrea « ‘‘Aver pensiero dell’abondanza’’ : les famines anciennes et modernes dans la tradition du Tacitisme florentin », in numéro spécial « Désastres (XIVe-XVIIe siècle), dirigé par Giancarlo Alfano et Laurent Baggioni, Laboratoire italien [En ligne], 29 | 2022, DOI : https://doi.org/10.4000/laboratoireitalien.9435

Schiano, Gennaro, Relatar la catástrofe en el Siglo de Oro. Entre noticia y narración, Berlin, Peter Lang, 2021.

Schweitzer, Zoé, « The cannibal meal: to see and not to see (16th-18th century) », ArNovIt. Archivio novellistico Italiano, 8, 2023, p. 30-40.

Schweitzer, Zoé, « Variations sur la mort des enfants : Médée, Jephte et La Famine », Albineana, Cahiers d’Aubigné, 20, 2008, p. 101-116.

Stacey, Jessica, Narrative, catastrophe and historicity in eighteenth-century French literature, Oxford, Voltaire Foundation, 2022.

Tigner, Amy L. et Allison Carruth, Literature and Food Studies, Routledge, 2017.

Viaud, Alicia, Anne-Gaëlle Leterrier-Gagliano et Paul-Victor Desarbres (dir.), « Le Pain à la Renaissance », Le Verger – Bouquet XV, 2019. http://cornucopia16.com/blog/2019/07/02/bouquet-xv-le-pain-a-la-renaissance/

 

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Colloque « Le temps et le moment. Poétiques temporelles de la météo en littérature » https://sflgc.org/actualite/colloque-le-temps-et-le-moment-poetiques-temporelles-de-la-meteo-en-litterature/ Sat, 16 Mar 2024 20:50:11 +0000 https://sflgc.org/?post_type=post_actualite&p=5263 Continuer la lecture de « Colloque « Le temps et le moment. Poétiques temporelles de la météo en littérature » »]]> Colloque « Le temps et le moment. Poétiques temporelles de la météo en littérature », 28-29 Mars 2024

Symposium “Time and Tide. Weather Temporalities in Literature”, 28-29 March 2024

 

Anne Duprat (UPJV-IUF) et Julia Jordan (UCL) organisent un colloque intitulé “Le temps et le moment. Poétiques temporelles de la météo en littérature” / “Time and Tide. Weather Temporalities in Literature”. Cet événement se déroulera les 28 et 29 mars 2024 au Logis du Roy.

Jeudi 28 Mars / Thursday March 28

Logis du Roy – Salle du Sagittaire

 

8.30 Accueil et Introductions / Welcome and Opening Remarks

Christine Meyer (UPJV), Anne Duprat (UPJV/IUF),  Julia Jordan (UCL)

            9:00 : Urs Buettner (Oxford): « Time, Weather, and Narration in Thomas Mann’s The Magic Mountain”

 

Session 1 – Temps cyclique et temps humain, du Moyen Age à la Renaissance

Weathering Time: Cyclical time and human time, from the Middle Ages to the Early-Modern period

 

10:00 – 11:00

– Charlotte Guiot (Ac. Amiens) « Le temps cyclique de la pastorale médiévale »

– Tariq Oukhadda (U. Moulay Ismaïl – Meknès) « Pour une sémiotique de la météorologie dans deux traités andalous »

            Pause café / Coffee

 

11:30 – 13:00

– Naïs Virenque (UC Louvain) « La neige et son irruption dans le temps des hommes. Pour une écopoétique de la contemplation dans quelques fictions textuelles et figuratives de la fin du Moyen Âge français et italien »

– Rosa Palamaris (U. Toulouse-J.Jaurès) « Les Sacrifices de l’amour :Le temps météorologique ou la poétique de la discordance »

– Eric Langley (UCL) « Shakespeare, seventeenth-century prognostication, and the limitations of sophisticated thought »

 

            Déjeuner / Lunch  – Logis du Roy

 

Session 2. Fictions modernes du temps (XVIe-XIXe s)

Modern Weather/Temporal Fictions

 

14 :00-15:30

– Penelope Woods (UCL) « An early modern art of reading: the weather, the theatre and the book »

 – Anne Lemerre – Louërat (U. Sorbonne) « Temps qui passe » et « temps qu’il fait » dans la poésie météorologique de la Renaissance

– Tess Somervell (Oxford): « Alternative Histories and Fictional Futures in Defoe’s Storm Writing »

 

                        Pause café / Coffee

16:00- 17:00

– Jean-Luc Guichet (UPJV) : « Climatisation du moi et temporalité subjective au XVIIIe siècle »

– Taichi Nakae (U. Sorbonne) « La quête de la réconciliation des deux temps dans les Météores :

Voyage des jumeaux et réécriture du Tour du monde en quatre-vingts jours »

 

                        Dinner 20:00 (Amiens)

 

Vendredi 29 Mars / Friday March 29   Logis du Roy – Salle du Sagittaire

Session 3 – Météorologies du roman au début du XXe siècle

Time and the Meteorological Novel in the early Twentieth-Century

 

9:30 -11:00

– Aaron Rosenberg (King’s College) « Welcome to the Psychozoic »

– Catherine Grall (UPJV) « Glace et glaciation dans le roman préhistorique Before Adam de Jack London »

– Barry Shiels (Durham) « Joyce’s Meteorological Device: the weather forecast and everyday time in literary modernism »

            Pause café / Coffee

Session 4 – Nuée, temps, tempête (XXe-XIXs)

Cloud, Weather, Storm: Temporal Weather Events

 

11:30 – 13:00

– Cécile Narjoux (Paris Cité) et Roselyne de Villeneuve (U. Sorbonne) « Il a été submergé, emporté et roulé pendant un temps qui lui a paru interminable » : approche aspecto-temporelle de la catastrophe naturelle aquatique dans le récit de fiction moderne et contemporain »

– Angela Ramirez-Carillo (U. Toulouse-J. Jaurès) : « Pour qu’il pleuve bientôt et que le ciel se dégage : puissance de la tempête comme non-événement dans les récits d’Ana Lydia Vega »

– Margaux Coquelle- Roëhm (U. Poitiers) : « Passage des nuages, nuheure et condensation »

           

            Déjeuner / Lunch  – Logis du Roy

 

Session 5. Météo, météores et mouvement : littérature du temps présent

Meteors and Movement: Weather and the Present

 

            14:00 : Anouchka Vasak (EHESS) « L’expérience de la Mounine de Francis Ponge. Du mouvement et de l’immobilité du temps »

14:30 :

– Fabiola Obame (U. Paris-8) « Au temps des souvenirs : variations météorologiques et temporelles dans la littérature française »

– Alina Ganea (U. Dunarea de Jos Galati) « Après la pluie, les éclaircies… Les météores en langue et littérature » – Cartographie d’un colloque déroulé sous un ‘temps’ plutôt capricieux »

 

16:00 Claire Dutrait (CIELA Aix-Marseille) “Représenter l’atmosphère, un défi pour que s’ouvre le temps présent”

 

16 :30  Conclusions

 

 

Université de Picardie-Jules Verne,  Amiens (France)

Logis du Roy (passage du Logis-du-Roy, 80 000 AMIENS)

org. Anne Duprat (UPJV-IUF), Julia Jordan (UCL)

Contacts : Anca Mihalache (anca.mihalache@u-picardie.fr) & Marie-France Thibaut (marie-france.thibaut@u-picardie.fr, UPJV)

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Prix de thèse 2024 https://sflgc.org/edito/prix-de-these-2024/ Fri, 15 Mar 2024 21:57:27 +0000 https://sflgc.org/?post_type=post_editorial&p=5262 Continuer la lecture de « Prix de thèse 2024 »]]> Afin de distinguer et de valoriser les meilleures thèses de littérature générale et comparée, la SFLGC a créé en 2019 un Prix de thèse. En 2024, il sera décerné pour la sixième fois.
Ce prix, remis annuellement et doté de 1000 €, doit permettre de financer ou de co-financer la publication de la thèse ou un projet de recherche postdoctoral.

Conditions
La thèse doit :
• Être inscrite en « Littérature générale et comparée » ;
• Avoir été préparée dans une université française ou dans le cadre d’une cotutelle entre une université française et une université étrangère ;
• Être rédigée en langue française ;
• Avoir été soutenue après le 31 mai 2022 et avant le 15 janvier 2024.

Candidature
Pour l’édition 2024, les candidatures doivent parvenir à la SFLGC au plus tard le 31 mai 2024.

Les pièces requises pour présenter sa candidature sont les suivantes :
Documents à transmettre par voie électronique :
• Un exemplaire de la thèse en format PDF, ou un lien fonctionnel vers le site de dépôt électronique de la thèse ;
• Une copie du rapport de soutenance ;
• Une copie du diplôme de Docteur ou, à défaut, une attestation de soutenance ;
• Un curriculum vitae ;
• Une lettre de présentation de la directrice ou du directeur de thèse.
Le dossier, complet, doit être envoyé à l’adresse : prix_de_these@sflgc.org
Les dossiers incomplets ne pourront pas être examinés.

Jury
Le Jury est présidé par le président de la SFLGC, il est composé de membres du bureau et du conseil d’administration.Pour toute question, écrire à prix_de_these@sflgc.org

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Journée d’études normande des doctorant·e·s de la SFLGC – Penser l’oubli en littérature comparée https://sflgc.org/actualite/journee-detudes-normande-des-doctorant%c2%b7e%c2%b7s-de-la-sflgc-penser-loubli-en-litterature-comparee-2/ Fri, 15 Mar 2024 01:08:50 +0000 https://sflgc.org/?post_type=post_actualite&p=5256 Continuer la lecture de « Journée d’études normande des doctorant·e·s de la SFLGC – Penser l’oubli en littérature comparée »]]> Responsables scientifiques : Oriane Chevalier, Paolo Dias Fernandes, Daphné Le Digarcher Doublet, Florine Lemarchand, Nina Roussel et Lucie Tamboise.

 

Journée d’études normande des doctorant·e·s de la SFLGC

Penser l’oubli en littérature comparée

Avec le soutien des laboratoires LASLAR (Caen), CÉRÉdI (Rouen) et CELIS (Clermont-Ferrand)

 

9h – Accueil des participant.e.s

 

9h30 – Introduction par Oriane Chevalier et Nina Roussel

 

9h45 – Panel 1 – Géographie de l’oubli

Animé par Daphné Le Digarcher Doublet

 

Arthur Gaté – “Corps en ruines, corps des ruines”

Doctorant à l’Université de Caen Normandie

 

Florine Lemarchand – “Un monde en train d’être oublié : présence de l’oubli dans les lieux du retour”

Doctorante à l’Université de Caen Normandie

 

11h15 : Pause

 

Vincent Lemercier – “Le motif de la boue dans Ceux de 14 et Parade’s End : les corps oubliés de la tranchée”

Doctorant à l’Université de Rouen Normandie

 

Pause déjeuner

 

13h45 – Panel 2 – L’oubli : moteur et produit de l’écriture

Animé par Florine Lemarchand

 

Alix Borgomano – “Effacer pour révéler : oubli et mémoire dans la pratique de l’erasure poetry

Doctorante à l’Université de Strasbourg

 

Antoine Paris – “Oublier pour écrire et pour lire. Proposition d’analyse comparée des Stromates de Clément d’Alexandrie et d’« Une collection très particulière (I) L’écriture et l’oubli » de Bernard Quiriny”

Docteur (Sorbonne-Université, Université de Montréal)

 

Pause

 

15h15 – Panel 3 – Enjeux sociétaux de l’oubli

Animé par Lucie Tamboise

 

Mathilde Noëlle Mougin – “L’oubli de la faute : quand la communauté se craquelle”

Doctorante à Cergy Paris Université

 

Ruiyao Liu – “Tombé dans l’oubli : le Sanguozhi yanyi dans la Bibliothèque royale de France”

Doctorante à l’Université Clermont Auvergne

 

Alix Cagnion – Memory Editing : oubli et mémoire factice dans la science-fiction cyberpunk”

Étudiante de M2 à l’Université Clermont Auvergne

 

17h – Clôture par Paolo Dias Fernandes

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Appel à communications : Colloque international et interdisciplinaire « Les représentations de l’autisme au cinéma » https://sflgc.org/actualite/appel-a-communications-colloque-international-et-interdisciplinaire-les-representations-de-lautisme-au-cinema/ Fri, 15 Mar 2024 01:08:26 +0000 https://sflgc.org/?post_type=post_actualite&p=5255 Continuer la lecture de « Appel à communications : Colloque international et interdisciplinaire « Les représentations de l’autisme au cinéma » »]]> 12-16 novembre 2024, MSH de Clermont-Ferrand

Ce colloque international sur les représentations de l’autisme au cinéma, qui réunira des spécialistes tout en donnant la parole aux personnes concernées par le sujet et en étant ouvert au grand public, constitue une initiative interdisciplinaire inédite allant bien au-delà des SHS.

Il vise à tracer un panorama critique :

  • des manières dont, tout au long de son histoire, le septième art a représenté l’autisme (partis pris narratifs, esthétiques, idéologiques… ; représentations réalistes, motifs récurrents, stéréotypes, représentations stigmatisantes ou excluantes, ou au contraire idéalisations…) ;
  • des contextes (scientifiques, mais aussi politiques, sociaux, idéologiques, culturels, esthétiques…) qui ont nourri ces représentations ;
  • des objectifs qui les sous-tendaient ;
  • et de l’impact qu’elles ont eu à leur tour, notamment sur les représentations sociales en matière d’autisme et sur l’accompagnement des personnes autistes.

Il a également pour objectif plus large d’être, par le dialogue entre des domaines d’expertise variés, un outil de sensibilisation aux problématiques soulevées par l’autisme à travers ses représentations, notamment artistiques, et à la capacité du cinéma à enregistrer, véhiculer voire créer certaines visions de l’autisme. Il s’agit donc d’approfondir la compréhension de l’autisme à travers l’étude de sa présence au cinéma ; mais la réciproque est vraie, et ce qui est en jeu est aussi l’approfondissement de la connaissance du cinéma et de son histoire à travers l’étude de ses représentations de l’autisme.

Un colloque sur les représentations de l’autisme au cinéma est par nature pluridisciplinaire. Les principales disciplines concernées par ce projet sont notamment :

  • les études cinématographiques, qui peuvent se pencher sur la manière dont les cinéastes représentent l’autisme, examinant les partis-pris narratifs, esthétiques et techniques des réalisateurs ainsi que les questions de réception ;
  • la psychologie, qui peut examiner le lien entre des représentations de l’autisme au cinéma et son impact sur la compréhension du spectre de l’autisme par le public, ainsi que sur l’analyse des stéréotypes, des préjugés ou de la stigmatisation de l’autisme  ;
  • les sciences cognitives, qui peuvent étudier les mécanismes de la pensée dans diverses disciplines (informatique, neurobiologie, linguistique, psychologie…) et qui interrogent les intentions, les croyances, les émotions, la compréhension du langage pour comprendre les états mentaux tant du réalisateur que du spectateur et des conséquences des représentations de l’autisme sur la connaissance du spectre en question ;
  • la sociologie, qui peut s’intéresser aux implications sociales des représentations de l’autisme au cinéma, en examinant comment elles influencent la perception de l’autisme dans la société et la construction des normes sociales ;
  • la recherche en pédagogie, qui peut analyser la manière dont les films sur l’autisme sont utilisés dans le cadre de la sensibilisation et de l’éducation et leur impact sur l’enseignement et la formation des professionnels ;
  • la recherche sur la diversité et l’inclusion, qui peut examiner si et comment le traitement de l’autisme au cinéma contribue à la représentation de la diversité et à la promotion de l’inclusion ;
  • les études sur le handicap, qui peuvent s’intéresser à la manière dont le cinéma représente les personnes autistes et dont ces représentations influencent la perception de l’autisme ;
  • les études culturelles, qui peuvent se pencher sur les dimensions culturelles et identitaires des représentations de l’autisme au cinéma en examinant comment elles reflètent et influencent les conceptions culturelles de l’autisme ;
  • la médecine et les sciences de la santé, qui peuvent s’intéresser aux aspects médicaux et cliniques de l’autisme tels qu’ils sont représentés au cinéma, ainsi qu’à la manière dont ces représentations peuvent influencer la relation entre les professionnels de la santé et les patients ;
  • la sociopoétique, colonne vertébrale du CELIS, qui peut offrir ici sa perspective sur les voies par lesquelles les représentations sociales de l’autisme influencent la création cinématographique ;
  • l’histoire de l’art, qui peut fournir des éléments d’éclairage sur la diversité des représentations plastiques de l’autisme et leur influence éventuelle sur leur modalité de transposition à l’écran.

 

Ces disciplines pourront apporter des perspectives variées et complémentaires au colloque afin de favoriser la construction d’une approche approfondie et holistique de la question. On le voit, ce colloque, s’il est porté par le CELIS, a en fait une amplitude qui va bien au-delà des SHS.

 

La parole des spécialistes rencontrera celle des personnes concernées par le sujet, dans une perspective de recherche participative et collaborative : le colloque accueillera des interventions proposées par des personnes autistes ainsi que par des chercheurs, des doctorants et des professionnels qui s’intéressent à la thématique dans le cadre de leurs fonctions principales ou secondaires.

 

 

 

Le colloque se veut donc une plateforme de réflexion et d’échange unique en son genre car conçue selon une approche intégrative. Ce principe vaut pour son corpus :

  • toutes les périodes, genres, catégories de l’histoire du cinéma pourront être abordées (œuvres de fiction, docu-fiction, documentaire, expérimental, animation, série, etc);
  • toutes ses formats seront intégrés à la réflexion collective : longs et courts métrages, épisodes de séries, etc.
  • toutes les formes de présence de l’autisme au cinéma seront prises en compte :
    • films dont le récit central repose sur l’autisme,
    • films dont le personnage principal est autiste ou qui mettent en scène des personnes autistes (que ce soit explicite ou implicite),
    • films dans lesquels rien n’est dit à propos de l’autisme mais où les spécialistes et/ou les personnes autistes reconnaissent des traits autistiques, qu’il s’agisse d’un personnage ou du film lui-même,
    • films réalisés et/ou interprétés par des personnes autistes.

Le colloque se composera :

  • de journées consacrées à des conférences (présentations sur les représentations de l’autisme au cinéma, discussions sur les avancées récentes de la recherche), des tables rondes (partage de connaissances entre experts des deux champs, échanges sur les défis et les opportunités de la représentation cinématographique de l’autisme) et des débats (discussions en groupe sur des questions, des thèmes ou des films « clés ») ;
  • de soirées de projection de films particulièrement représentatifs des enjeux abordés.

Porté par le CELIS (Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique, UPR 4280 UCA) en collaboration avec le CHEC (Centre d’Histoire « Espaces et Cultures », UPR 1001 UCA) et le LAPSCO (Laboratoire de Psychologie Sociale et Cognitive, UMR 6024 UCA-CNRS), il sera également la première manifestation scientifique d’envergure de la Mission Autisme UCA et sera accompagné par la chaire « L’autisme entre l’université et la cité » de la Fondation UCA. Il aura aussi pour partenaire le programme national Atypie-Friendly (https://atypie-friendly.fr/), qui travaille à une meilleure inclusion dans l’enseignement supérieur des personnes présentant un trouble du neuro-développement. Il sollicitera enfin plusieurs structures du monde du cinéma à Clermont-Ferrand : Cinéfac, le Centre de documentation La Jetée, Sauve Qui Peut le Court-Métrage, Traces de vies, Vidéoformes, des cinémas d’art et d’essai.

Cette collaboration multipolaire contribuera à enrichir l’expérience de tous et à renforcer notamment les liens entre le monde académique, envisagé dans toute sa diversité, et le champ culturel et artistique, favorisant ainsi des collaborations fructueuses à venir, autour de l’autisme et au-delà  ; mais aussi à contribuer au mouvement qui donne aux personnes autistes une place de plus en plus grande dans la recherche consacrée à l’autisme.

Le colloque aura lieu principalement à la Maison des Sciences de l’Homme de Clermont-Ferrand. Le comité organisateur accueillera les propositions de communications de jeunes chercheurs, de chercheurs confirmés comme de doctorants. En vue des tables rondes et des échanges divers, il examinera également des propositions sous une forme moins académique des personnes ou des professionnels engagés et ou concernés par la question. Une publication des actes après une double expertise des textes est prévue. Les propositions de communication, en français ou en anglais, doivent être accompagnées d’un résumé de 300 mots et d’une courte présentation de l’auteur. Merci d’adresser vos propositions avant le mercredi 15 mai 2024 aux adresses suivantes :

helene.vial@uca.fr

marie.izaute@uca.fr

caroline.lardy@uca.fr

Comité scientifique du colloque

Perrine Boutin, maître de conférences de cinéma à l’université Sorbonne Nouvelle-Paris 3, membre de l’IRCAV (Institut de recherche sur le cinéma et l’audiovisuel)

Michaël Dambrun, professeur de psychologie à l’UCA, membre du LAPSCO

Cyrielle Derguy, maîtresse de conférences de psychologie à l’Université Paris Cité, membre du LPPS (Laboratoire Psychopathologie et Processus de Santé)

Marie Izaute, professeur de psychologie à l’UCA, membre du LAPSCO

Klara Kovarski, maîtresse de conférences à Sorbonne Université, membre du LaPsyDÉ (Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’Éducation de l’enfant)

Caroline Lardy, maître de conférences d’études cinématographiques à l’UCA, membre du CHEC

Éric de Léséleuc, professeur de sociologie à l’INSEI (Institut National Supérieur de formation et de recherche pour l’Éducation Inclusive)

Alain Montandon, professeur émérite de littérature comparée à l’UCA, membre du CELIS

Bertrand Monthubert, professeur à l’Université Toulouse III-Paul Sabatier, directeur du programme national Atypie-Friendly

Hélène Vial, professeur à l’UCA, membre du CELIS, directrice de la Mission Autisme UCA, référente Atypie-Friendly UCA, personne autiste

 

Quelques pistes bibliographiques

Brigitte Chamak, « L’autisme à l’écran », 2015, fhalshs-01182764 (https://shs.hal.science/halshs-01182764/document).

Julie Dachez, André N’Dobo et Oscar Navarro Carrascal, « Représentation sociale de l’autisme », Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 2016/4, 112, p. 477-500.

Stuart Murray, « Autism and the Contemporary Sentimental : Fiction and the Narrative Fascination of the Present », Literature and Medicine, 25, 1,‎ 2006, p. 24-45.

Stuart Murray, Representing Autism : Culture, Narrative, Fascination, Westport, Liverpool University Press, 2008.

Ann Pointon et Chris Davies, Framed. Interrogating Disability in the Media, Londres, British Film Institute, 1997.

Murray Pomerance et R. Barton Palmer, Autism in Film and Television : on the Island, Austin, University of Texas Press, 2022.

Et deux projets collectifs en cours :

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Appel à candidatures : Chaire Maurice Halbwachs Pour un(e) Professeur(e) invité(e) à l’Université de Wuppertal https://sflgc.org/actualite/appel-a-candidatures-chaire-maurice-halbwachs-pour-une-professeure-invitee-a-luniversite-de-wuppertal/ Fri, 15 Mar 2024 01:08:01 +0000 https://sflgc.org/?post_type=post_actualite&p=5259 Continuer la lecture de « Appel à candidatures : Chaire Maurice Halbwachs Pour un(e) Professeur(e) invité(e) à l’Université de Wuppertal »]]> Appel à candidatures : Chaire Maurice Halbwachs
Pour un(e) Professeur(e) invité(e) à l’Université de Wuppertal

La Chaire Maurice Halbwachs, ancrée au sein de la Faculté des sciences humaines et culturelles de l’Université de Wuppertal, est mise au concours pour la deuxième fois pour une durée d’un an. Elle s’adresse à un ou une professeur(e) invité(e) venu(e) d’une université (ou autre organisme de recherche équivalent) française, et issu(e) de l’une des disciplines suivantes : lettres modernes, littérature comparée, histoire, philosophie, culture, civilisation et études germaniques. Une approche interdisciplinaire entre les disciplines susmentionnées serait particulièrement appréciée. Une éventuelle ouverture sur les sciences économiques est également envisageable.

La Chaire Maurice Halbwachs est à pourvoir pour un an à partir du 1er septembre 2024.

La Chaire Maurice Halbwachs est financée conjointement par le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie et par l’Université de Wuppertal. Elle vise à renforcer les projets liés à la France au sein de la Faculté des sciences humaines et culturelles et elle vient consolider l’engagement commun du Land et de l’Université pour l’intensification de la coopération franco-allemande.

Le ou la professeur(e) invité(e) sera accueilli(e) dans le cadre d’une délégation auprès de l’Université de Wuppertal en coopération avec l’Ambassade de France en Allemagne. Il ou elle continuera de se voir verser son traitement par son établissement français d’origine. L’université de Wuppertal financera pour sa part une indemnité mensuelle forfaitaire de 2.500 €, versée au ou à la professeur(e) invité(e) sous forme de prime par l’établissement français d’origine. L’université de Wuppertal prendra par ailleurs en charge les frais de remplacement (service d’enseignement statutaire) dans l’établissement français d’origine. Il ne sera pas conclu de contrat de travail entre le ou la professeur(e) invité(e) et l’Université de Wuppertal.

Conditions requises :
● Être titulaire d’un doctorat dans les disciplines suivantes : lettres modernes, littérature comparée, histoire, philosophie, culture, civilisation ou encore études germaniques.
● Occuper un poste permanent de professeur(e) ou de maître(sse) de conférences dans une université (ou autre organisme de recherche équivalent) française.
● Maîtriser l’allemand à un niveau permettant d’assurer un cours dans cette langue – ou à défaut, compétences équivalentes en anglais.
● Conduire des recherches et/ou des projets interculturels et interdisciplinaires.

Missions :
● Assumer une charge d’enseignement de 4h hebdomadaires (1 cours magistral et 1 séminaire) dans les cursus de bachelor ou de master des disciplines susmentionnées.
● Concevoir ces enseignements (notamment le cours) pour un public de non-spécialistes, conformément à la vocation d’ouverture de la chaire.
● Promouvoir la visibilité des thématiques relatives à la France au sein de l’université, à travers des initiatives académiques et citoyennes.

Les candidatures (CV synthétique, liste de publications, propositions d’enseignements – syllabus –, d’échanges scientifiques et d’initiatives de vulgarisation), doivent être adressées à « Frau Prof. Dr. Ursula Kocher » et déposées avant le 15 avril 2024 uniquement sur le portail dédié de l’Université de Wuppertal :
https://stellenausschreibungen.uni-wuppertal.de.

Numéro d’identification : P24008

 

Les candidatures incomplètes ne pourront pas être examinées.

Les candidatures de personnes de tout sexe sont bienvenues. Conformément à la loi sur l’égalité des genres du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, les femmes bénéficient d’un traitement préférentiel, à moins que les qualités personnelles d’un autre candidat ne prévalent. Les droits des personnes gravement handicapées à bénéficier d’un traitement préférentiel en cas d’aptitude égale ne sont pas affectés.

(Note : la version française de cet appel à candidature vaut pour un usage général. Seule la version originale allemande est juridiquement contraignante.)

 

— Version originale allemande —

Ausschreibung Maurice Halbwachs-Gastprofessur an der Bergischen Universität Wuppertal

 

Die Maurice Halbwachs-Gastprofessur an der Fakultät für Geistes- und Kulturwissenschaften der Bergischen Universität Wuppertal, die nun zum zweiten Mal ausgeschrieben und jährlich neu besetzt wird, richtet sich an Wissenschaftler*innen französischer Universitäten bzw. vergleichbarer Forschungseinrichtungen mit unterschiedlichen Fachrichtungen (Komparatistik, Germanistik, Geschichte, Philosophie und Frankoromanistik). Eine interdisziplinäre Ausrichtung zwischen den Fachrichtungen, ggf. mit einer Öffnung zu den Wirtschaftswissenschaften ist willkommen.

Die hier ausgeschriebene Gastprofessur (w/m/d) wird für den Zeitraum vom 01.09.2024 bis 31.08.2025 besetzt.

Die Maurice Halbwachs-Gastprofessur wird gemeinsam gefördert durch das Land Nordrhein-Westfalen und die Bergische Universität Wuppertal. Die Gastprofessur soll die bestehenden Frankreich-Projekte in der Fakultät für Geistes- und Kulturwissenschaften verstärken, und sie bekräftigt das gemeinsame Engagement von Land und Universität für die Intensivierung der deutsch-französischen Zusammenarbeit.

Der Aufenthalt an der Bergischen Universität Wuppertal erfolgt im Rahmen einer Abordnung. Die Bergische Universität Wuppertal tritt hierbei als Gastgeberin auf. Die Gastprofessur wird zusätzlich zum individuellen französischen Gehalt mit einer zusätzlichen monatlichen Pauschalzahlung von 2.500 € unterstützt, welche als Prämie im Rahmen der fortbestehenden Anstellung in Frankreich ausgezahlt wird. Die Einladung des*r Gastprofessor*in erfolgt über die Bergische Universität Wuppertal in Zusammenarbeit mit der Französischen Botschaft in Deutschland. Außerdem übernimmt die Bergische Universität Wuppertal die Vertretungskosten in der Lehre für den*die Gastprofessor*In an der französischen Heimathochschule. Ein Arbeitsverhältnis nach deutschem Recht wird mit der Bergischen Universität Wuppertal nicht geschlossen.

 

Fachliche und persönliche Voraussetzungen bzw. Erwartungen:

– Promotion in Komparatistik, Germanistik, Geschichte, Philosophie, Frankoromanistik und eine unbefristete Anstellung als Professor*In oder Maître*sse de Conférences an einer französischen Universität oder vergleichbaren Forschungseinrichtung
– Deutschkenntnisse auf einem Niveau, die zur Lehre in deutscher Sprache befähigen; alternativ entsprechende Kompetenzen in englischer Sprache
– Forschungsinteressen an interkulturellen und interdisziplinären Fragestellungen und Projekten

Aufgaben und Anforderungen:
– Übernahme einer Lehrverpflichtung im Umfang von 4 LVS (1 Vorlesung und 1 Seminar) in den Bachelor- bzw. Masterstudiengängen der genannten Fachgruppen
–  Konzeption der Lehre im Hinblick auf einen möglichst fächerübergreifenden Adressatenkreis im Sinne einer breiten studentischen Nachfrage
– Bereitschaft, die Sichtbarkeit des Frankreich-Engagements der Bergischen Universität durch akademische und zivilgesellschaftliche Initiativen zu fördern

Kennziffer: P24008

 

Bewerbungen (mit Anschreiben, tabellarischem Lebenslauf, Publikationsverzeichnis, Kurzbeschreibung eines Seminars und einer Vorlesung, kurzer Skizze möglicher Initiativen zum Forschungstransfer) sind grundsätzlich nur über das Onlineportal der Bergischen Universität Wuppertal möglich:
stellenausschreibungen.uni-wuppertal.de

Unvollständig eingereichte Bewerbungen können nicht berücksichtigt werden.

Bitte richten Sie Ihr Anschreiben an Prof. Dr. Ursula Kocher.

Bewerbungen von Menschen jeglichen Geschlechts sind willkommen. Frauen werden nach Maßgabe des Landesgleichstellungsgesetzes NRW bevorzugt berücksichtigt, sofern nicht in der Person eines Mitbewerbers liegende Gründe überwiegen. Die Rechte der Menschen mit Schwerbehinderung, bei gleicher Eignung bevorzugt berücksichtigt zu werden, bleiben unberührt.

Bewerbungsfrist: 15.04.2024

 

Bei Fragen bitte kontaktieren Sie Prof. Dr. Ursula Kocher

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Grands corpus : jeux d’échelles et enjeux méthodologiques en littérature comparée https://sflgc.org/actualite/grands-corpus-jeux-dechelles-et-enjeux-methodologiques-en-litterature-comparee/ Fri, 15 Mar 2024 01:07:08 +0000 https://sflgc.org/?post_type=post_actualite&p=5260 Continuer la lecture de « Grands corpus : jeux d’échelles et enjeux méthodologiques en littérature comparée »]]> Appel à contributions (articles) pour une publication en 2026.

Directrices du numéro :

La question du corpus est récurrente au sein de la discipline comparatiste. Celle-ci oblige en effet systématiquement à définir, circonscrire, un objet de recherche, celui-ci ayant rarement la valeur d’évidence qu’il peut avoir souvent en littérature française par exemple (les critères monographiques simples — œuvre, auteur, etc. — ne suffisant jamais). Comme le rappelle Françoise Lavocat, “il n’est […] pas de recherche comparatiste qui ne procède à la construction d’un objet original, qui n’exige un effort définitionnel et terminologique préalable1”. Chacun·e s’engage ainsi à justifier son corpus en le créant, et c’est de cette première conception que découlent des méthodes et outils propres à l’objet étudié qu’il ou elle entend questionner : tout·e comparatiste est en principe forcé·e de constater l’étroite intrication de ses choix méthodologiques et de ses positionnements scientifiques, aucun choix méthodologique n’apparaissant ni simple, ni anodin. De nombreux travaux existent sur cette question générale de la définition du corpus : citons pour exemple la référence que constitue depuis 1999 Le Comparatisme aujourd’hui, dirigé par Sylvie Ballestra-Puech et Jean-Marc Moura2, ou bien la parution prochaine du volume dirigé par Marie Kondrat et Mathilde Manara, “Le corpus corps à corps”, qui établira un précieux état des lieux actuel de la question3. Il nous intéresse, en réactivant ces questions, de nous focaliser surtout sur les “grands” corpus. Car si la question de l’amplitude de l’objet de recherche — dans le temps et dans l’espace — est au cœur du programme de la discipline comparatiste, en revanche, comme a pu le remarquer Franco Moretti, “lire plus” n’est pas une méthode4. Le maniement de grands, voire de très grands corpus de textes, en littérature comparée, constitue  à la fois une pratique de recherche courante, voire de plus en plus constitutive, et un lieu de persistantes questions, parfois d’impensés méthodologiques et scientifiques, dont ce volume voudrait s’emparer. Il s’agit ainsi pour nous d’ajouter une pierre à la réflexion scientifique propre à notre discipline en prenant pour point de départ une question qui exacerbe certaines de ses spécificités et enjeux les plus délicats.

 

1- Définir un (grand) corpus

Tout·e comparatiste se heurte à la question générale de savoir ce qu’est un corpus et comment l’on peut en discuter lorsqu’il s’agit de le définir : par l’établissement de critères d’inclusion ou d’exclusion, par une problématisation forte de leur pertinence, ou encore par la délimitation de l’extension de ce corpus (linguistique, générique, etc.). Qu’appelle-t-on exactement un “grand corpus” ? Un corpus qui couvre plusieurs aires culturelles ? Un corpus qui traverse plusieurs périodes historiques, sur la “longue durée5” ? Un corpus qui porte sur plusieurs auteur·ices ? Ces configurations posent déjà des défis de taille.

S’y ajoutent des questions linguistiques, lorsqu’une personne travaille par exemple avec une ou des langues dont elle n’a pas forcément la parfaite maîtrise : peu de chercheur·euses peuvent prétendre égaler l’ambition d’un René Étiemble, dont la thèse d’État mobilisait à elle seule une vingtaine de langues6. Les thèses de doctorat en mythocritique semblent pourtant s’y prêter particulièrement, comme en témoigne récemment le travail mené par Cassandre Martigny sur la construction du personnage de Jocaste et de son mythe de l’Antiquité à nos jours : comment écrit-on une thèse dont le corpus couvre ainsi non seulement vingt-neuf siècles d’histoire littéraire mais aussi sept aires culturelles différentes ?7 Un autre problème symétrique surgit : comment établir un corpus qui soit représentatif d’une question étudiée sans tomber dans la tentation trompeuse de l’exhaustivité ?

Le ou la chercheur·euse comparatiste se heurte aussi à l’accessibilité matérielle des œuvres étudiées.  Quelles ressources et quelles stratégies peut-on développer pour identifier les œuvres pertinentes à une étude, lorsqu’on a l’ambition d’une lecture panoramique ? La thèse en cours de Carla Robison, qui porte sur l’écriture de l’avortement avant sa légalisation, pose ces questions à partir d’un objet qui a longtemps été considéré comme “invisible” dans la littérature. Trouver des œuvres sur un sujet prétendument absent de la littérature, avant même de pouvoir les étudier, relève d’une gageure typique des problèmes que l’on peut rencontrer en littérature comparée8.

 

2- Collecter, référencer, mettre en ordre: outils d’analyse et autres bricolages

Une fois les règles de constitution d’un corpus établies, il faut encore réunir celui-ci : collecter, référencer, mettre en ordre. Quels outils, quelles techniques pour engranger les éléments d’un corpus ? Ce travail préparatoire sur les textes les décroche de leurs contextes initiaux et démarre un travail d’analyse qui, par définition, met en péril leur qualité de signification synthétique : mises en fiches, écartelées dans des cartes mentales et autres constructions mémorielles, dispersées dans des bases de données, que deviennent alors les œuvres ? Lorsqu’on travaille avec un grand corpus, ces méthodes de collecte, d’organisation et de classification prennent une importance majeure. Rendre compte de la récurrence de certains phénomènes textuels, sans avoir nécessairement recours  à des méthodes quantitatives, est l’une des formes d’administration de la preuve en littérature comparée. C’est ce qui peut permettre aux chercheur·euses d’identifier des moments de régularités ou de rupture — en cas d’approche diachronique —, de déterminer le degré d’homogénéité ou d’hétérogénéité d’un corpus — en cas d’approche synchronique.

Il faut parler entre autres de la conception, et souvent du “bricolage” plus ou moins tâtonnant et autodidacte, des outils propres à l’analyse de chaque corpus. L’angle numérique, de plus en plus incontournable de nos jours9, est ici particulièrement intéressant, précisément parce qu’il apporte cette notion de “données” : si c’est en cela que se transforme le texte, on tire alors les fils de quantité d’autres questions, aussi bien légales, qu’éditoriales, que poétiques ou encore qu’éthiques et politiques. L’expérience de programmation numérique que propose le logiciel Litote, développé par Aurore Turbiau pour accompagner sa thèse et qui suscite des interrogations sur les liens que peuvent entretenir recherche comparatiste et pratiques de science ouverte, apporte des éléments de réflexion intéressants10.  Dans l’ensemble, ce débat anime les humanités numériques depuis leur naissance11 : les littéraires, et peut-être particulièrement les comparatistes en raison des spécificités méthodologiques de la discipline, ont sur ce point beaucoup d’éléments scientifiques à apporter à la discussion.

 

3- Rédiger : naviguer entre le micro et le macro, entre close reading et distant reading 

Au moment de la saisie conceptuelle critique et problématisée d’un vaste corpus de textes, tout·e comparatiste se confronte aussi à la difficile question du lien à construire entre analyse panoramique et analyse de détail.

Comment préparer l’écriture sans risquer de lisser les corpus, ni trahir la discipline, en évitant notamment de transformer ce qui doit être un examen littéraire des œuvres en analyse du discours ? En effet, la “masse” textuelle et la méthode de rédaction propre à notre discipline incite parfois les comparatistes à traiter leurs œuvres en vastes discours. Ce problème est sans doute là aussi redoublé par les évolutions numériques du contexte de la recherche ; comme le remarquent abondamment des études majoritairement anglophones12, l’accès à des plus grandes corpus à travers la numérisation d’œuvres et le développement de bases de données textuelles comme Gallica, Google Books, Internet Archive, etc., comme la diffusion croissante d’œuvres au format ebook, est à double tranchant et pose de vraies questions théoriques quant à l’avenir de la discipline comparatiste : à la fois cet accès permet de concevoir des projets de recherche ambitieux et de grande envergure et à la fois, comme le formule William Marx, il questionne de nouvelles manières, l’accomplissement et le sens de gestes aussi élémentaires que celui de la lecture13. D’autres le remarquent en même temps qu’à l’ère du distant reading14, l’idée d’une lecture rapprochée semble revêtir une nouveau potentiel subversif15. Or, comme l’affirme Anne Tomiche dans son introduction au Comparatisme comme approche critique, les lectures appuyées sur de très vastes corpus, notamment lorsqu’ils sont numérisés, “n’ont de pertinence si elles ne s’appuient sur la close reading, lecture rapprochée qui respecte le détail du texte et tout particulièrement le détail ‘contradictoire’ et ‘dur à assimiler’16”. Comment alors structure-t-on une analyse à la fois transversale et précise ? Multi-focalisée et multi-contextualisée, et pourtant globale ?

On peut remarquer que cette hésitation ne concerne pas seulement la question de la numérisation croissante des outils et démarches des chercheur·euses : elle est fréquemment formulée aussi vis-à-vis d’autres proximités disciplinaires, et notamment par rapport aux gestes critiques accomplis en sociologie de la littérature. La question peut donc aussi être posée dans l’autre sens : lorsqu’on travaille sur de vastes corpus de textes, au moment de les réunir comme au moment de les traiter, qu’est-ce qui permet d’identifier la spécificité d’une analyse comparatiste par rapport à d’autres démarches de sciences sociales, notamment de l’analyse du discours, de l’histoire ou de la sociologie ? Des travaux tels que ceux qu’Anne Grand d’Esnon mène sur l’interprétation et la réception des violences sexuelles dans les récits de fiction, posent par exemple ces questions scientifiques et disciplinaires de fond, en même temps que, par la mise en place de méthodes numériques précises d’extraction et balayage de textes (puisque l’étude de la réception passe notamment par l’analyse d’interprétations réellement publiées sur Internet, ainsi “moissonnées” par la chercheuse), ils ne cessent de les lier à une réflexion sur les outils et techniques de la recherche. Ainsi, l’investigation franchement théorique — sur la notion d’interprétation — dépend d’un travail réflexif approfondi sur les dispositifs de l’écriture, du commentaire et de la recherche17.

Plus tard, lorsqu’il s’agit finalement de rédiger à partir de la saisie plus ou moins simultanée de vastes corpus d’œuvres et textes, comment organise-t-on un propos efficace et structuré sans tomber ni dans la superficialité (où le contexte et le sens des œuvres serait perdu), ni dans l’éparpillement (une œuvre étant prise et abandonnée, son suivi étant “lâche” dans l’ensemble de l’étude), ni encore dans le risque du catalogue ou, son corollaire peut-être particulièrement lié aux nouvelles ressources numériques, celui de la preuve excessive, trop exhaustive ou trop pinailleuse ?

 

4- Politiques de la recherche : ambiguïtés et enjeux épistémologiques des grands corpus

Au-delà des questionnements strictement liés à la rédaction individuelle, on peut s’interroger aussi sur les politiques de la recherche mises en œuvre. À l’ère de la “littérature mondiale18”, comment éviter le problème de l’homogénéisation en rendant compte des spécificités de chaque aire culturelle lorsque le “terrain” embrassé est “trop” large, ou “trop” divers et instable ?  Des projets comme celui qu’a mené Natália Guerellus dans son ouvrage Colonialismes et colonialités, collaboratif, interactif et bilingue, articulent ces questions : le dispositif éditorial lui-même visibilise et problématise un enjeu de communication entre corpus et méthodes hétérogènes, parfois contradictoires. L’article d’Elena Brugioni sur le champ des études littéraires africaines à l’aune du débat sur la littérature mondiale pose notamment très clairement cette question des comparatismes “combinés et inégaux”, insistant sur l’instabilité même des concepts et textes mis en présence : elle entraîne des questionnements non seulement méthodologiques, mais aussi géo-politiques et épistémologiques19.

Ces réflexions invitent également à repenser fondamentalement ce que sont les canons littéraires : travailler avec des grands corpus doit forcément inciter à niveler les écarts établis au fil du temps et des enjeux d’influence culturelle qui se jouent à l’échelle mondiale20, entre littératures mineures et littératures majeures, comme entre marges et centres de l’espace littéraire. Si l’on peut craindre certains effets d’écrasement quant à la représentation de la “valeur littéraire” des œuvres — en raison des nivellements produits par les grands corpus, qui ne placent pas nécessairement l’examen de la valeur des textes en priorité de la réflexion littéraire —, cette dimension qu’on pourrait dire “inclusive” de la recherche sur les grands corpus permet cependant aussi de déplacer les intérêts et effets idéologiques des études comparatistes : elle choisit de parler d’ailleurs que du point de vue de la “valeur”, notion piégée à bien des titres lorsqu’on s’intéresse aux jeux de pouvoir qui s’établissent dans l’espace littéraire.

***

Chacun de ces moments de l’usage critique et théorique des corpus (définition et problématisation, collecte et référencement, rédaction, engagement épistémologique et théorique) correspond à ce que l’on nomme, souvent sans bien saisir la diversité des gestes critiques et techniques à l’œuvre, “analyse” : en effet, à l’origine, le terme renvoie bien à ce geste multiple qui consiste à prendre un objet pour le décomposer, en défaire la trame, puis le re-trier, le recomposer en tâchant de l’expliquer. Le cas des grands corpus, en littérature générale et comparée, expose avec évidence la complexité de ce maniement, des allers-retours et divers jeux d’échelle qu’il impose. Les grands corpus paraissent à cet égard paradigmatiques des questions soulevées par les comparatistes, particulièrement difficiles à traiter : ils révèlent combien les choix méthodologiques que l’on opère induisent et traduisent en réalité toujours des positionnements scientifiques.

Nous appelons à des réflexions et propositions ancrées dans l’exposé des enjeux de travaux d’envergure en littérature comparée, de telle manière que ces exposés permettent de traiter ces questions de manière soit transversale, en les mettant en perspective les unes par rapport aux autres, soit au contraire de manière focalisée sur les enjeux d’une de ces étapes précises dans l’élaboration et l’analyse d’un corpus, à partir de cas d’étude particuliers.

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Les propositions de communication (environ 2 000 signes hors bibliographie), accompagnées d’une courte notice bio-bibliographique, sont à envoyer avant le 20 juin 2024 aux deux adresses suivantes : carlarobison@gmail.com et aurore.turbiau@zaclys.net. Nous encourageons particulièrement les propositions qui s’intéresseront à des corpus extra-européens et non anglophones. Les articles seront soumis à un processus d’évaluation en double aveugle. N’hésitez pas à nous contacter en cas de questionnement sur les orientations et modalités de ce projet.

Les contributeur·ices seront informé·es de la décision dans le courant du mois de septembre 2024.

 

Bibliographie indicative

Sylvie Ballestra-Puech et Jean-Marc Moura (dir.), Le Comparatisme aujourd’hui, Villeneuve d’Ascq, Université Charles-de-Gaulle, 1999.

Sylvie Ballestra-Puech, “Longue durée et grands espaces : le champ mythocritique”, dans Sylvie Ballestra-Puech et Jean-Marc Moura (dir.), Le Comparatisme aujourd’hui,  Villeneuve d’Ascq, Université Charles-de-Gaulle, 1999, p. 23-33.

Jenny Bergenmar et Katarina Leppänen, “Gender and Vernaculars in Digital Humanities and World Literature”, dans Anka Ryall et Anne Birgitte Rønning (dir.), Gender in Literary Exchange, Londres, Routledge, 2021.

Jean Bessière, “What Is Left of Comparative Literature and World Literature? Notes on International Literature, Its Concrete Universality and Enigmaticity”, Canadian Review of Comparative Literature, Jonathan Locke Hart (dir.), vol. 44, n° 3, “Literary Texts and Contexts: Comparing the World and the World of Comparison”, 2017, p. 407-419.

Elena Brugioni, “Comparativismes Combinés et Inégaux : repenser le champ des études littéraires africaines à l’aune du débat sur la littérature mondiale”, dans Natália Guerellus (dir.), Colonialismes et colonialités. Théories et circulations en portugais et en français, Lisbonne-Lyon, Éditions Theya Editores – Marge – MSH Lyon Saint-Étienne, 2022 (en ligne : https://01.cosr.org/fr/comparativismes-combines-et-inegaux-repenser-le-champ-des-etudes-litteraires-africaines-a-laune-du-debat-sur-la-litterature-mondiale/).

Maria de Jesus Cabral, Maria Herminia Amado Laurel et Franc Schuerewegen (dir.), Lire de près, de loin. Close vs distant reading, Paris, Classiques Garnier, 2014.

Silviano Carrasco, “Littératures e-comparées : trois défis”, TRANS-. Revue de littérature générale et comparée, n° 11, février 2011 (DOI : 10.4000/trans.461).

Pascale Casanova, La République mondiale des lettres, Paris, Seuil, 1999.

Yves Clavaron, “Littérature comparée et études culturelles”, Bibliothèque comparatiste, n° 13, 2020 (en ligne : https://sflgc.org/bibliotheque/clavaron-yves-litterature-comparee-et-etudes-culturelles/).

Marin Dacos et Pierre Mounier, Humanités numériques. État des lieux et positionnement de la recherche française dans le contexte international, Paris, Institut français, 2014.

René Étiemble, Ouverture(s) sur un comparatisme planétaire, Paris, Christian Bourgois, 1988.

Bernard Franco, “Between Waves and Trees: Digital Humanities and Comparative Reading of Texts”, dans Péter Hajdu et Xiaohong Zhang (dir.), Literatures of the World and the Future of Comparative Literature, Leyde, Brill, 2023, p. 28-36 (DOI : 10.1163/9789004547179_005).

Véronique Gély, “Comparaison et comparatismes : regards actuels”, Revue de littérature comparée, vol. 352, n° 4, 2014, p. 489-502 (DOI : 10.3917/rlc.352.0489).

Anne Grand d’Esnon, Interpréter des violences sexuelles dans les récits de fiction : discours de réception, problèmes théoriques et esthétiques, thèse de doctorat en littérature générale et comparée, Dijon, Université de Bourgogne, en cours.

Natália Guerellus (dir.), Colonialismes et colonialités. Théories et circulations en portugais et en français, Lisbonne-Lyon, Éditions Theya Editores – Marge – MSH Lyon Saint-Étienne, 2022 (en ligne : https://01.cosr.org/fr/).

Anne Herschberg Pierrot, “Style, corpus et genèse”, Corpus, n° 5, décembre 2006 (DOI : 10.4000/corpus.425).

Marie Kondrat et Mathilde Manara, “Le corpus corps à corps”, colloque organisé à l’Université de Genève, 12-13 mai 2023.

Françoise Lavocat, “Roman, Histoire, Politique. Franco Moretti et le roman européen au XIXe siècle”, Revue de littérature comparée, vol. 373, n° 1, 2020, p. 93-105 (DOI : 10.3917/rlc.373.0093).

Françoise Lavocat, “Le Comparatisme comme herméneutique de la défamiliarisation », Vox Poetica, avril 2012 (en ligne : https://vox-poetica.com/t/articles/lavocat2012.html).

Cassandre Martigny, Devenir Jocaste. Naissances et renaissances du personnage de l’Antiquité à nos jours, thèse de doctorat en littérature comparée, mondes antiques et médiévaux, Paris, Sorbonne Université, novembre 2023.

William Marx, “Vivre dans la bibliothèque du monde”, lors de la rencontre leçon inaugurale au Collège de France, Paris, janvier 2020 (en ligne : https://www.college-de-france.fr/fr/agenda/lecon-inaugurale/vivre-dans-la-bibliotheque-du-monde/vivre-dans-la-bibliotheque-du-monde).

Chiara Mengozzi, “De l’utilité et de l’inconvénient du concept de World Literature”, Revue de littérature comparée, vol. 359, n° 3, 2016, p. 335-349 (DOI : 10.3917/rlc.359.0335).

Franco Moretti,  “Conjectures on World Literature”, New Left Review, n° 1, février 2000, p. 54-68 (en ligne : https://newleftreview.org/issues/ii1/articles/franco-moretti-conjectures-on-world-literature).

Pierre Mounier, Les Humanités numériques. Une histoire critique, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2018 (en ligne : https://books.openedition.org/editionsmsh/12006?lang=fr)

Lou Quevauvillers,  “Litote, de la gestion de corpus à l’aide à la rédaction : Une application pour de la littérature scientifique”, France Culture,  “Lectures numériques”, 12 décembre 2023 (en ligne :  https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lectures-numeriques/litote-une-application-pour-produire-de-la-litterature-scientifique-9446122).

Gisèle Sapiro, “Créer un canon littéraire international. Roger Caillois et le programme des ‘Œuvres représentatives’ de l’UNESCO”, séminaire “Nouvelles recherches sur la littérature”, Collège de France, 21 mars 2023 (en ligne : https://www.college-de-france.fr/fr/agenda/seminaire/nouvelles-recherches-sur-la-litterature/creer-un-canon-litteraire-international-roger-caillois-et-le-programme-des-oeuvres-representatives).

Haun Saussy, “La lecture, pratique dissidente”, dans Anne Tomiche (dir.), Le Comparatisme comme approche critique, tome 3 “Objets, méthodes et pratiques comparatistes”, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 59-73.

Carla Robison, Écrire l’avortement en Occident à la veille de sa légalisation (1920-1978), thèse de doctorat en littérature générale et comparée, Paris, Sorbonne Université, en cours.

Mads Rosendahl Thomsen, “Strangeness and World Literature”, CLCWeb: Comparative Literature and Culture, Marko Juvan (dir.), vol. 15, n° 5, “World Literatures from the Nineteenth to the Twenty-first Century”, décembre 2013 (DOI : 10.7771/1481-4374.2351).

Anne Tomiche, “Le comparatisme comme approche critique”, dans Anne Tomiche (dir.), Le Comparatisme comme approche critique, tome 3 “Objets, méthodes et pratiques comparatistes”, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 7-19.

 

Notes :

  1. Françoise Lavocat, “Le Comparatisme comme herméneutique de la défamiliarisation”, Vox Poetica, avril 2012 (en ligne : https://vox-poetica.com/t/articles/lavocat2012.html).
  2. Sylvie Ballestra-Puech et Jean-Marc Moura (dir.), Le Comparatisme aujourd’hui, Villeneuve d’Ascq, Université Charles-de-Gaulle, 1999.
  3. Marie Kondrat et Mathilde Manara, “Le corpus corps à corps”, colloque organisé à l’Université de Genève, 12-13 mai 2023, parution des actes prochaine. Programme : https://agenda.unige.ch/events/view/36289.
  4.  “World Literature ? Many people have read more and better than I have, of course, but still, we are talking of hundreds of languages and literatures here. Reading ‘more’ seems hardly to be the solution.” Franco Moretti, “Conjectures on World Literature”, New Left Review, n° 1, février 2000, p. 54-68, p. 55 (en ligne : https://newleftreview.org/issues/ii1/articles/franco-moretti-conjectures-on-world-literature).
  5. Sylvie Ballestra-Puech, “Longue durée et grands espaces : le champ mythocritique”, dans Sylvie Ballestra-Puech et Jean-Marc Moura (dir.), Le Comparatisme aujourd’hui,  op. cit., p. 23-33.
  6. Voir René Étiemble, Ouverture(s) sur un comparatisme planétaire, Paris, Christian Bourgois, 1988, p. 17-18. Voir aussi ce qu’en dit Françoise Lavocat, à propos de la recherche comparatiste en France :  “Les comparatistes français hésitent à embrasser le monde. Les immenses perspectives brossées par Etiemble font sourire ; il a eu peu d’émules (alors qu’il y a un centre de littérature comparée à Pékin qui porte son nom). Il recommandait sérieusement aux comparatistes de maîtriser une douzaine de langues !”.  Françoise Lavocat, art. cit.
  7. Cassandre Martigny, Devenir Jocaste. Naissances et renaissances du personnage de l’Antiquité à nos jours, thèse de doctorat en littérature comparée, mondes antiques et médiévaux, Paris, Sorbonne Université, novembre 2023. Voir https://www.theses.fr/s244782 et https://mythejocaste.hypotheses.org/27.
  8. Carla Robison, Écrire l’avortement en Occident à la veille de sa légalisation (1920-1978), thèse de doctorat en littérature générale et comparée, Paris, Sorbonne Université, en cours. Voir aussi “Entretien avec Carla Robison, doctorante en littérature comparée”, août 2023, Sorbonne Université (en ligne : https://www.sorbonne-universite.fr/portraits/carla-robison).
  9. L’AILC comporte par exemple, depuis 2006, un comité dédié à la prise en compte des questions numériques, le Research Committee on Comparative Literature in the Digital Age.
  10. Voir Lou Quevauvillers,  “Litote, de la gestion de corpus à l’aide à la rédaction : Une application pour de la littérature scientifique”, France Culture,  “Lectures numériques”, 12 décembre 2023 (en ligne :  https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lectures-numeriques/litote-une-application-pour-produire-de-la-litterature-scientifique-9446122).
  11. Voir notamment Pierre Mounier, Les Humanités numériques. Une histoire critique, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2018 (en ligne : https://books.openedition.org/editionsmsh/12006?lang=fr).
  12. Voir notamment, au sujet de la  “complexité” propre aux recherches comparatistes et de ses évolutions probables en fonction de l’histoire numérique, Mads Rosendahl Thomsen, Strangeness and World Literature”, CLCWeb: Comparative Literature and Culture, Marko Juvan (dir.), vol. 15, n° 5, “World Literatures from the Nineteenth to the Twenty-first Century”, décembre 2013 (DOI : 10.7771/1481-4374.2351).
  13. “S’il ne saurait y avoir de sciences de l’esprit (Geisteswissenschaften) sans prise en compte des différences culturelles, si la nécessité s’impose de recenser toute la diversité des manifestations de l’esprit dans l’espace et dans le temps, les outils numériques suffiront-ils à la tâche ? Quoique utile à bien des égards, une abstraite cartographie universelle des littératures, établie par ordinateur, a l’inconvénient d’évacuer la fréquentation réelle des œuvres, sans laquelle il n’y a ni littérature ni science de la littérature qui vaille.” William Marx, “Vivre dans la bibliothèque du monde”, lors de sa leçon inaugurale au Collège de France, Paris, janvier 2020 (en ligne : https://www.college-de-france.fr/fr/agenda/lecon-inaugurale/vivre-dans-la-bibliotheque-du-monde/vivre-dans-la-bibliotheque-du-monde).
  14. Franco Moretti, “Conjectures on World Literature”, art. cit. ; voir aussi Maria de Jesus Cabral, Maria Herminia Amado Laurel et Franc Schuerewegen (dir.), Lire de près, de loin. Close vs distant reading, Paris, Classiques Garnier, 2014.
  15. Haun Saussy,  “La lecture, pratique dissidente”, dans Anne Tomiche (dir.), Le Comparatisme comme approche critique, tome 3 “Objets, méthodes et pratiques comparatistes”, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 59-73.
  16. Anne Tomiche,  “Le comparatisme comme approche critique”, dans Anne Tomiche (dir.), Le Comparatisme comme approche critique, op. cit., p. 7-19.
  17. Anne Grand d’Esnon, Interpréter des violences sexuelles dans les récits de fiction : discours de réception, problèmes théoriques et esthétiques, thèse de doctorat en littérature générale et comparée, Dijon, Université de Bourgogne, en cours.
  18. Pascale Casanova, La République mondiale des lettres, Paris, Seuil, 1999 ; voir aussi Chiara Mengozzi, “De l’utilité et de l’inconvénient du concept de World Literature”, Revue de littérature comparée, vol. 359, n° 3, 2016, p. 335-349 (DOI : 10.3917/rlc.359.0335) et Françoise Lavocat, “Roman, Histoire, Politique. Franco Moretti et le roman européen au XIXe siècle”, Revue de littérature comparée, vol. 373, n° 1, 2020, p. 93-105 (DOI : 10.3917/rlc.373.0093).
  19. Elena Brugioni, “Comparativismes Combinés et Inégaux : repenser le champ des études littéraires africaines à l’aune du débat sur la littérature mondiale”, dans Natália Guerellus (dir.), Colonialismes et colonialités. Théories et circulations en portugais et en français, Lisbonne-Lyon, Éditions Theya Editores – Marge – MSH Lyon Saint-Étienne, 2022 (en ligne : https://01.cosr.org/fr/comparativismes-combines-et-inegaux-repenser-le-champ-des-etudes-litteraires-africaines-a-laune-du-debat-sur-la-litterature-mondiale/).
  20. À cet égard, la réflexion menée par Gisèle Sapiro sur l’histoire de l’établissement des canons littéraires internationaux, telle qu’elle en rend compte notamment dans son cours du Collège de France, est très intéressante. Gisèle Sapiro,  “Créer un canon littéraire international. Roger Caillois et le programme des ‘Œuvres représentatives’ de l’UNESCO”, séminaire  “Nouvelles recherches sur la littérature”, Collège de France, 21 mars 2023 (en ligne : https://www.college-de-france.fr/fr/agenda/seminaire/nouvelles-recherches-sur-la-litterature/creer-un-canon-litteraire-international-roger-caillois-et-le-programme-des-oeuvres-representatives).
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Appel à contribution – La séduction du nom Hélène et son spectre https://sflgc.org/actualite/appel-a-contribution-la-seduction-du-nom-helene-et-son-spectre/ Fri, 08 Mar 2024 08:18:13 +0000 https://sflgc.org/?post_type=post_actualite&p=5249 Continuer la lecture de « Appel à contribution – La séduction du nom Hélène et son spectre »]]>  

Appel à contribution

K. Revue trans-européenne de philosophie et arts

12, 2/2024

La séduction du nom

Hélène et son spectre

 

 

 

Ce n’était pas moi-même, mais mon nom seulement

Euripide, Hélène

 

Un vrai amant ne cesse pas d’aimer

Euripide, Les Troyennes

 

 

La guerre est-elle un spectre ? Plus précisément : est-elle un simulacre de la civilisation ? Sans doute Euripide devait-il le croire lorsqu’en réadaptant dans Hélène une version du mythe différente de celle adoptée par les poèmes homériques, il démonte la logique la plus canonique du modèle de la beauté absolue (pour Homère, la beauté d’Hélène tend à impliquer fatalement l’infidélité de l’épouse) et détruit ainsi, jusqu’à leurs fondements, certains bastions culturels de la civilisation grecque archaïque. Dans la tragédie représentée pour la première fois en 412 avant J.-C., Grecs et Troyens se seraient en effet massacrés pour rien, pour un fantôme (mais au fond, un fantôme, qui plus est d’une belle femme, est-ce vraiment rien ?) : la femme que Pâris emmène avec lui loin de Sparte n’est pas Hélène, mais seulement son image. Eidolon : « Un fantôme/semblable à moi, fait d’éther et par elle animé […]. Le roi fils de Priam crut donc me posséder/quand il ne tenait qu’un mirage » (Euripide, Hélène, vv. 34-36). Que dit le fantôme d’Hélène ? On ne possède pas une image ; encore moins une image en mouvement, qui vit, bien que ne possédant pas d’identité précise. Euripide a la force de libérer Hélène de son image – une image qui semble évoquer celle d’Ève dans le Paradis perdu : disponible à la séduction du verbe, superficielle, éphémère, ingrate envers ceux qui lui accordent un royaume – en fournissant littéralement à la femme une autre image qui lui permette de dissocier son existence, sa beauté, ses désirs, de la mort.

Le conflit se joue donc, matériellement, sur une apparence : l’Hélène d’Euripide, celle pour laquelle on se bat et l’on meurt, n’est rien d’autre qu’un nom ; il n’y a aucune substance ; son corps n’est pas là où il devrait être. La “vraie” Hélène, en effet, dans la tragédie d’Euripide, se trouve en Égypte, où elle passe son temps à attendre anxieusement de recomposer les ruines de sa famille (aux yeux du Nietzsche de La Naissance de la tragédie, cette Hélène sans rêve, atone, résolument anti-apollinienne, devait sans doute apparaître comme une formidable confirmation des intentions suicidaires d’Euripide envers la tragédie classique). Pour Euripide, la guerre est une illusion, la moins réelle qui soit dans la réalité, et c’est précisément pour cette raison qu’elle est destructrice et quasiment sans répit. Il s’agit alors d’ouvrir les yeux en échappant à une série de malentendus, pour en finir enfin avec les illusions qui gâchent la vie, de sorte à comprendre que le conflit qui mène la ville de Troie à son trépas est une expérience insensée, fruit d’un terrible malentendu. À ce stade, les corps déchiquetés, défigurés dans les batailles, ne constituent plus qu’une couverture pour un événement plus traumatique et plus bouleversant encore, si cela est possible, que le massacre : tout conflit est une mortelle hallucination.

Hélène apparaît en effet comme un mystère indéchiffrable pour ceux qui l’entourent ; le point culminant de la matérialisation la plus radicale de la différence féminine, précisément parce que, contrairement à d’autres figures féminines de la tragédie, elle ne présente pas une profondeur dramatique exceptionnelle (nous pensons évidemment, avant tout, à Antigone et à Médée). À cet égard, comme le souligne un précieux ouvrage (M. Bettini – C. Brillante, Il mito di Elena. Racconti dalla Grecia a oggi, Turin, 2002), dans Hélène, avant d’arriver comme naufragé en Égypte, où il retrouvera sa “vraie” femme, Ménélas passe sept ans avec l’eidolon d’Hélène (enlevée à Troie après la fin de la guerre) et pourtant, chose incroyable, il ne remarque rien, il ne perçoit aucune différence entre la “vraie” Hélène, qu’il ne rencontre pas en effet depuis dix-sept ans, et son image ; pas même un doute. Il ne perçoit aucune dissonance entre les deux, au point qu’en Égypte, il ne pourra croire à la “vraie” Hélène que lorsque le double évanescent de la reine de Sparte disparaîtra (mais une image peut-elle disparaître définitivement ? N’est-ce pas là son privilège le plus grand : survivre même lorsqu’elle s’évanouit ?)

Toutefois : si l’on admet l’hypothèse du jeune Nietzsche sur la structure apollinienne de la culture grecque, qui serait fondée sur l’idée que pour vivre il faut avoir l’illusion que la vie vaut la peine d’être vécue, qu’il faut, comme dans un rêve, donner une forme à la destruction pour ne pas être détruit, les choses se compliquent sans doute. Soyons clairs, c’est en cela que réside la tragédie de la guerre et de son incommensurable brutalité : il faut se bercer de l’illusion qu’elle ait un sens. Sommes-nous alors certains qu’Agamemnon, Ménélas, Hector, Ajax, Ulysse ne savaient pas – c’est-à-dire sans s’attarder, comme le fait Euripide dans Hélène, sur des discours qui pourraient évoquer des diatribes de philosophie du langage (comment considérer autrement les propos sur la valeur d’un nom propre littéralement décorporé ?) – que l’interminable carnage de la guerre se réalise immanquablement par une image ? On pourrait oser encore davantage et penser que les poèmes homériques, où la femme de Ménélas est avant tout une épouse infidèle, avertissaient déjà qu’Hélène est le nom propre d’une affaire commune, c’est-à-dire que la guerre est inexorablement une affaire de spectres, de morts, de survivances et de douleur ; qu’Hélène n’est à ce point qu’un nom pour donner un nom à l’insensé. Un doute surgit alors : Euripide ne met-il pas en scène dans Hélène ce qui, à bien des égards, est un fait connu et ne se débarrasse-t-il pas ainsi avec une agilité excessive du mythe d’une femme dont la beauté serait à l’origine d’un conflit sanglant ? Un mythe de la beauté et de la guerre qui indique, justement, que la guerre, plus longue et sanglante est-elle, plus elle s’avère être un événement inconsidéré. La guerre n’est-elle pas, en d’autres termes, une vicissitude inextricablement liée aux simulacres, aux fausses croyances, mais surtout à la nécessité d’attribuer un sens au tourbillon tragique et insensé de l’existence même ? Après tout, le Thersite laid et imprésentable du deuxième livre de l’Iliade, soldat grec différent de tous les autres héros décrits par Homère, n’avait-il pas déjà crié la vérité au visage d’Agamemnon ? « C’est votre guerre ! C’est celle des rois et des puissants ; ce n’est pas une affaire qui concerne les infirmes, les misérables, les nullités, les hommes et les femmes sans nom ». Il le dit clairement : nous rentrons chez nous. Humilié immédiatement, rien de moins que par Ulysse, il reste quand même un soldat, il pleure : vaincu, terrassé, moqué, il sanglote. Dans l’Iliade, il y a deux monstres parmi les Achéens : Hélène, glaçante par son extraordinaire beauté, presque une étrangère, désormais, et Thersite, l’homme qui ose s’insurger contre le pouvoir et qui imagine que tous ceux qui sont comme lui devraient déserter les honneurs de la guerre.

 

***

 

Hélène de Sparte ? Ou bien : Hélène de Troie ? Putain, épouse infidèle, fugitive, traîtresse, maîtresse, spectre, adultère, reine rusée ? Fille de Zeus et de Léda, sœur d’une autre femme aux habitudes dangereuses, Clytemnestre, sœur des Dioscures, son nom est-il perdu, ou ne reste-t-il que son nom ? Au nom de l’absolu, d’une beauté extraordinaire, qui confine à la justice, peut-on dévaster le monde ? En consacrant un dossier à la reine de Sparte, arrivée pour Homère à Troie, réfugiée, pour Euripide, en Égypte tandis que son double se trouve dans les bras de Pâris, la revue K entend soulever une série de questions probablement précieuses pour la physionomie généalogique de la notion de pouvoir destituant.

Le féminin comme différence potentielle dans la guerre : bien qu’accusée d’être la cause d’un conflit terrible et sanguinaire, l’Hélène d’Euripide pourrait représenter au contraire une des formes de l’altérité féminine dans le monde classique par rapport à la guerre (nous pensons bien sûr, entre autres, à Lysistrata).

 

La figure d’Hélène est tellement séduisante qu’elle mérite l’un des gestes les plus provocateurs de Gorgias qui, dans l’Éloge d’Hélène (presque contemporain de l’Hélène d’Euripide), entreprend de démontrer l’innocence de l’épouse de Ménélas : la philosophie matérialiste des Sophistes s’insurge contre l’archaïsme en exonérant la femme de toute culpabilité : « Ce qu’elle a fait, c’est par les arrêts du Destin, ou par les arrêts des dieux ou par les décrets de la Nécessité qu’elle l’a fait ; ou bien c’est enlevée de force, ou persuadée par des discours, (ou prisonnière du désir) ».

 

Le désir féminin ne devient-il tolérable que s’il est raisonnable ? Que s’il est commode ? Que s’il est consommé de manière responsable et en mesurant les conséquences ? La jouissance féminine peut-elle être supportée ou devient-elle une tragédie, une trahison, le rejet de toute norme morale ? Euripide ne risque-t-il pas, au fond, d’apprivoiser jusqu’à l’excès le rôle du féminin dans le tragique, en laissant finalement s’évanouir les illusions d’un plaisir ingouvernable par la Raison d’État ?

 

Dissiper le nom, ne pas avoir de nom propre, se séparer du nom, comme la condition pirandellienne pour échapper aux formes de capture de soi. Dans l’Hélène d’Euripide, la guerre de Troie est combattue autour d’un nom, alors que la femme pour laquelle la guerre se déchaîne est ailleurs. On pourrait alors penser que l’anonymat est le véritable salut d’Hélène. Il est probable qu’aujourd’hui, s’évanouir, être sans nom, clandestin, soit à la fois le plus grand danger et aussi le seul combat politique qui vaille la peine d’être pensé.

 

Qui est Ménélas ? Dans Hélène d’Égypte (1928) de Hofmannsthal, où convergent brillamment la version homérique et la version euripidéenne du mythe, Ménélas est empoisonné par le ressentiment, par la rage : il tente plus d’une fois de tuer sa femme, il ne supporte pas l’outrage qui lui est fait et sa beauté ne peut être apprivoisée. Chez Hofmannsthal, en effet, le véritable protagoniste de la pièce est le roi trahi, le cocu par excellence de toute la tradition occidentale. Pourtant, au cours de l’histoire, Ménélas change : il pardonne, pour reprendre l’expression de Derrida, l’impardonnable. Qu’est-ce qui permet à Ménélas de cesser d’être un homme accablé et violent, de regarder peut-être pour la première fois sa femme ?

 

Comme l’avais compris peut-être mieux que quiconque Walter Benjamin dans la lutte contre le nazi-fascisme, afin de rompre toute forme de complicité culturelle avec ses présupposés politiques, la bataille a un caractère tout d’abord esthétique : le terrain d’affrontement radical et préalable se joue dans le domaine des images. Si l’intention fasciste est toujours, au fond, dominée par une esthétisation de la guerre, le renversement de cette vision exige que ne soit toléré aucun compromis avec la fascination et les raisons, quelles qu’elles soient, de la violence guerrière.

 

Dans l’Hélène d’Euripide est traité un topos littéraire et artistique de longue date : le double (le double d’Hélène est également une figure cruciale dans l’Hélène d’Égypte d’Hofmannsthal). Une figure anodine capable, peut-être comme peu d’autres, de tourmenter la logique de l’identité par l’excès de proximité entre ce qui l’incarne et sa révocation ; un type traumatique de complicité telle que seuls la victime et le bourreau peuvent peut-être établir.

 

Le mythe d’Hélène, c’est d’abord une beauté qui n’est pas comme les autres : elle est incomparable à tout ce que l’on peut concevoir sur terre. Il ne serait pas incorrect de la considérer, avec Kant, comme sublime : la condensation de la terreur dans le plaisir le plus grand. Dans l’Iliade, par ailleurs, les anciens de Troie, tout en reconnaissant qu’il s’agit d’un malheur, ne doutent pas que pour une beauté comme celle d’Hélène, une beauté jamais vue, une beauté difficile même à imaginer, cela vaille la peine de s’entretuer : « Ce n’est pas sans raison que les Grecs aux belles cnémides et les Troyens supportent, pour une telle femme, de si longues souffrances. Son visage est aussi beau que celui des déesses Immortelles » (Livre III, vv. 156-159). Dans le sillage de Lyotard, nous voudrions interroger la valeur actuelle de la notion de sublime comme dispositif à même de conférer au geste artistique une politisation inimaginable, donc révolutionnaire.

 

***

 

Les propositions devront être envoyées avant le 8 avril 2024 (maximum 2500 caractères)

À l’adresse : krevuecontact@gmail.com

Si la proposition est acceptée, la contribution devra être remise avant le 20 septembre 2024. Après cette date, il est prévu que la contribution soit automatiquement exclue du numéro de la revue.

 

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Journée Cécile Poisson https://sflgc.org/actualite/journee-cecile-poisson/ Fri, 08 Mar 2024 08:17:36 +0000 https://sflgc.org/?post_type=post_actualite&p=5250 Rimbaud sous les traits de Fu Site https://sflgc.org/actualite/rimbaud-sous-les-traits-de-fu-site/ Tue, 05 Mar 2024 15:07:37 +0000 https://sflgc.org/?post_type=post_actualite&p=5244 Continuer la lecture de « Rimbaud sous les traits de Fu Site »]]> « Ut pictora poesis », écrivait le poète latin. « Le poème est une peinture invisible, la peinture est un poème visible », observait un penseur chinois du XIe siècle… Le débat est millénaire. Il revêt un sens inédit ou peu s’en faut dans ce nouvel ouvrage : Rimbaud sous les traits de Fu Site (quinze chapitres titrés, vingt illustrations en couleur, 212 p.)

Le peintre chinois contemporain Fu Site, qui a étudié la peinture, surtout en Chine et un peu en France, travaille et expose désormais à Paris. De Rimbaud, il connait le nom, mais n’a gardé de son œuvre que le souvenir imprécis d’un ou deux poèmes, lus autrefois en chinois. Or chacun de ses tableaux, à mi-chemin du figuratif et de l’abstraction, avec le recours aux techniques les plus nouvelles, présente une analogie intrigante avec tel ou tel poème de Rimbaud, poèmes en vers ou Illuminations. Cette analogie culmine dans de petites peintures où semblent transposés le vécu et les angoisses de Rimbaud trafiquant au Harar, exprimées dans des lettres que Fu Site n’a pourtant jamais lues.

On pourrait penser que l’idée de cet ouvrage résulte de la subjectivité de l’observateur. Mais l’analyse formelle et thématique très méticuleuse des tableaux de Fu Site, associée à celle des œuvres de Rimbaud, favorise l’idée d’une analogie réelle de ces deux expériences artistiques, animées par une inquiétude qui est celle de la finalité de l’art:  simple remède aux tensions dont les anciens philosophes chinois ont ressenti le danger, ou bien le moyen de représenter un principe spirituel, omniprésent dans l’esprit des ancêtres de Fu Site : quelque chose comme le Nombre et l’Harmonie, dont l’esprit de Rimbaud s’est rapidement détaché. Dans l’Occident moderne, ce principe unitaire est l’objet d’une contestation dont se gardent les artistes d’Extrême-Orient, imprégnés par les interprétations de l’Un, toujours vivaces dans leur culture.

Le premier chapitre de cet ouvrage est réservé au thème filé de la Chine (ou celui de « l’Orient ancien ») dans les poèmes de Rimbaud. Ce thème chez notre poète ajoute à cette enquête une visée anthropologique : comme si Rimbaud lui-même était conscient des invariants qui transcendent les différences culturelles les plus indéniables. C’est que la parole de Rimbaud, comme le pinceau de Fu Site, questionnent une vérité universelle, qui se joue de ces différences.

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