Éditos
Le soir, je sortais seul, au milieu de la ville enchantée où je me trouvais au milieu de quartiers nouveaux comme un personnage des Mille et une Nuits. Il était bien rare que je ne découvrisse pas au hasard de mes promenades quelque place inconnue et spacieuse dont aucun guide, aucun voyageur ne m’avait parlé.
Je m’étais engagé dans un réseau de petites ruelles, de calli divisant en tous sens, de leurs rainures, le morceau de Venise découpé entre un canal et la lagune, comme s’il avait cristallisé suivant ces formes innombrables, ténues et minutieuses. Tout à coup, au bout d’une de ces petites rues, il semblait que dans la matière cristallisée se fût produite une distension. Un vaste et somptueux campo à qui je n’eusse assurément pas, dans ce réseau de petites rues, pu deviner cette importance, ni même trouver une place, s’étendait devant moi entouré de charmants palais pâles de clair de lune.
Marcel Proust, A la recherche du temps perdu, Albertine disparue (chap. 3)
En ces temps de rentrée compliqués et incertains, où l’avenir proche semble brouillé, je nous souhaite, à l’image du narrateur de la Recherche, de pouvoir découvrir, au détour d’un page, d’une rencontre, d’un cours ou d’une promenade, une de ces surprises fragiles et belles que la vie nous réserve parfois. Tel ce peintre, Eugène Louis Gillot, célèbre en son temps, comme peintre officiel de la Marine, et qui aujourd’hui, n’ayant pas de page wikipedia, heureusement d’une certain façon, peut, comme le campo vénitien, surprendre au détour d’un musée, d’un livre ou d’une flânerie sur internet…
Jean-Louis Haquette,
Président de la SFLGC