Éditos
En juillet 2013, Paris-Sorbonne (aujourd’hui Sorbonne Université), avec la collaboration de la SFLGC et de 35 universités partenaires, accueillait le XXème Congrès de l’Association Internationale de Littérature Comparée. Alors que le comparatisme est partout mais la littérature comparée de plus en plus menacée, en tout cas dans les lieux où elle s’est d’abord développée, en Europe et en Occident, il s’agissait de marquer la présence de la discipline, non pas dans une perspective de défense disciplinaire corporatiste mais pour affirmer que le comparatisme représente une approche critique – « Le comparatisme comme approche critique ? », telle était l’interrogation qui donnait son titre au Congrès et tel est, sous sa forme affirmative, le titre de la série de six volumes qui en est le prolongement et qui regroupe, dans les deux langues officielles de l’AILC (français et anglais), une sélection des interventions du Congrès et les contributions théoriques sollicitées dans le cadre du séminaire régulier qui a accompagné le processus éditorial.
L’ensemble témoigne de la vitalité et du renouvellement de la discipline, à la fois en termes d’origine géoculturelle des contributions et en termes d’approches et de questionnements. Dans un corpus déjà fourni d’ouvrages qui, depuis au moins les travaux de Marcel Detienne (Comparer l’incomparable) ou Gayatri Spivak (Death of a Discipline), réfléchissent aux enjeux de la comparaison, aux fondements et au renouvellement de la discipline, la spécificité du présent ensemble tient à son ampleur et son ambition. Aucun des textes n’entend présenter un état des lieux de la discipline à quelque échelle que ce soit ; aucun ne prétend « comparer les comparatismes » ; certains prennent assurément position sur telle ou telle évolution de la discipline et nombreux sont les textes qui se répondent ou se font écho parce qu’ils envisagent des aspects proches du comparatisme. Ce que tous les textes ont en commun est de revendiquer, plus ou moins explicitement et fermement, une démarche et une approche comparatistes, dans des domaines disciplinaires qui dépassent le champ littéraire et même celui des sciences humaines puisqu’ils concernent également le droit comparé, les sciences biologiques et les sciences dites « dures ».
À l’heure où la mondialisation économique affecte toute l’économie du livre et de la culture, où le développement des nouvelles technologies de la communication conduit à repenser radicalement tant le statut de l’auteur que celui du texte et du lecteur, et où la montée des nationalismes, concomitante de la mondialisation économique, s’accompagne de remises en cause de notions aussi centrales pour tout comparatiste que celles d’étranger et d’altérité, s’il n’est plus à démontrer que le comparatisme ne se décline pas au singulier et qu’il n’y a pas une et une seule méthode comparatiste mais bien des comparatismes, les variations dans ce que recouvrent les démarches et approches se revendiquant comparatistes que donnent à lire les présents volumes permettent de prendre la mesure effective de la diversité des pratiques et donnent concrètement la matière pour une comparaison des comparatismes. Les différents parcours que les lecteurs choisiront à travers les textes leur permettront de construire une telle comparaison, ou plutôt des comparaisons – comparaisons des modalités de construction des objets d’étude, comparaisons des façons de problématiser les enjeux de l’approche, comparaison des démarches.