Théories et méthodes

Pour une mythopoétique : quelques propositions sur les rapports entre mythe et fiction

ARTICLE

« Komparatistik als Arbeit am Mythos » : « Le comparatisme comme travail sur le mythe », tel était le sujet du douzième congrès de la Société Allemande de Littérature Générale et Comparée à Iéna en mai 2002 [1] . Ce titre reprend celui de l’essai philosophique d’Hans Blumenberg (1920-1996), Arbeit am Mythos [2] et prouve son influence grandissante — moins toutefois, pour l’instant du moins, en France [3] qu’en Italie et en Allemagne. Il est l’indice surtout d’une actualité indubitable de la question dans le champ des études littéraires et des sciences humaines, et plus spécialement dans celui d’une littérature générale et comparée attentive précisément aux relations entre littérature, arts, philosophie et sciences humaines.

Actualité de la question, pour deux raisons au moins semble-t-il. D’abord, parce que ce début du troisième millénaire manifeste un remarquable déplacement des mots « mythe » et « mythologie » du champ du savoir académique vers celui de ce qu’un Voltaire aurait impitoyablement taxé de superstition, — je cite l’anthropologue québécois John Leavitt  :

Avec le retrait de la marée structuraliste, et sans doute avec une série de transformations sociales et idéologiques en Occident, on voit aujourd’hui un étrange double mouvement : d’une part, dans les sciences humaines, la notion même de mythe semble relativement peu utilisée ; d’autre part, dans les sociétés occidentales la recherche de nouvelles idéologies en réponse aux idéologies dominantes insatisfaisantes, mène à la création d’innombrables sous-cultures et de quêtes personnelles qui valorisent massivement la notion de mythe. Les livres sur les mythes sont plus nombreux sur les rayons Spiritualité et Nouvel Âge que sur le rayon Anthropologie [4] .

Ensuite, parce que l’époque contemporaine vit justement une situation inédite : celle d’une immersion quasi-permanente — à tout le moins d’une immersion possible en permanence — dans la fiction et le virtuel, ce qui donne une singulière importance à la question récemment posée par Jean-Marie Schaeffer [5] , « pourquoi la fiction ? ». La relation entre les deux termes — mythe et fiction — mérite donc l’examen. Je proposerai ici de reprendre le terme « mythopoétique », donné récemment par Pierre Brunel comme un prolongement de « mythocritique », pour envisager la réception et l’invention des mythes.

Mythocritique / mythopoétique

Le terme « mythocritique » est à l’origine enraciné dans la « psychologie des profondeurs » ; il y a supplanté celui de « mythanalyse » lancé d’abord par Denis Rougemont [6] et repris par Gilbert Durand qui l’avait pourtant préféré dans un premier temps [7]  : « à la psychanalyse de Freud répondait la mythanalyse de Denis de Rougemont. À la psychocritique de Charles Mauron répond la mythocritique de Gilbert Durand », expliquait naguère Pierre Brunel [8] . Sous l’égide de Pierre Brunel justement, la « mythocritique » a pris des distances vis-à-vis de cet héritage et s’est imposée dans les études littéraires [9] . Tout récemment, Danièle Chauvin et Philippe Walter ont publié un bilan sous forme de dictionnaire [10] , où se trouve confronté, sous le titre Questions de mythocritique, le double héritage de Pierre Brunel et de Gilbert Durand [11] .

Mais, pour son plus récent ouvrage consacré aux mythes, Pierre Brunel a cette fois choisi le titre Mythopoétique des genres [12] , et s’en explique ainsi dans la « proposition » qui ouvre le livre :

Cette théorie des genres est placée ici sous l’éclairage  du mythe et de la mythocritique, dont ce livre cherche à être une nouvelle illustration.  Pas plus que je n’avais forgé le mot « mythocritique », repris de Gilbert Durand, je n’ai créé « mythopoétique » — à peine moins monstrueux que la dithyrambopoétique d’Aristote.  Le point de départ m’a été fourni ici par le grand comparatiste canadien Northrop Frye […] [13] .

En réalité, avant même Northrop Frye, la référence de Pierre Brunel dans ce livre sur les genres littéraires est la Poétique d’Aristote. Et la grande question que cerne cet essai critique, dans sa conclusion entée sur l’œuvre de Michel Deguy, est celle du « vieux mythe de l’inspiration corrigé par le culte du travail et le point d’honneur humain [14]  ».  Avant de revenir à la définition qu’on peut en déduire d’une « mythopoétique », il n’est pas inutile de faire un rapide bilan des acceptions actuelles de ce mot, moins nombreuses mais aussi déroutantes dans leur diversité que celles du mot « mythe ».

L’association entre le nom « muthos » et le verbe « poïein » (faire) remonte à Platon, dans un très célèbre passage de la République où Socrate utilise le participe composé muthopoïos, « faiseur de mythes » pour désigner les poètes. Ce passage a été souvent cité et commenté, car c’est là que le philosophe chasse de sa cité les poètes menteurs (Hésiode, Homère). Mais on oublie souvent aussi de rappeler que, s’il les chasse, ce n’est pas par mépris pour leurs inventions, les « mythes », mais au contraire parce qu’il attribue à ces inventions un énorme pouvoir, celui de modeler les âmes, de construire les enfants à qui ils sont racontés :

Ne sais-tu pas qu’en toutes choses la grande affaire est le commencement, principalement pour tout être jeune et tendre, parce que c’est à ce moment qu’on façonne et qu’on enfonce le mieux l’empreinte (plattetai kai enduetai tupos) dont on veut marquer un individu ? […]

En ce cas laisserons-nous à la légère les enfants prêter l’oreille à n’importe quelle fable imaginée par le premier venu (tous epitukhontas hupo tôn epitukhontôn muthous plasthentas) et recevoir dans leur esprit des opinions le plus souvent contraires à celles qu’ils doivent avoir, selon nous, quand ils seront grands ? […]

Il faut donc commencer par veiller sur les faiseurs de fables (tois muthopoïois), et, s’ils en font de bonnes, les adopter, de mauvaises, les rejeter. Nous engagerons ensuite les nourrices et les mères à conter aux enfants celles que nous aurons adoptées et à leur façonner l’âme avec leurs fables (plattein tas psukhas autôn tois muthois) beaucoup plus soigneusement que le corps avec leurs mains [15] .

La plus ancienne combinaison des deux racines grecques apparaît donc dans le contexte d’une réflexion politique, psychologique et morale sur l’éducation des enfants. Le vocabulaire de Platon ici est particulièrement remarquable. Les poètes « fabriquent les mythes » ; les deux racines verbales de poïein (faire) et de plattein (façonner) sont utilisées pour désigner cette invention. En retour les mythes « font », « façonnent » les âmes des enfants, donc les hommes qu’ils deviendront : le même verbe plattein est utilisé pour le dire.

C’est dans le monde anglophone que l’association des deux termes grecs est aujourd’hui à la fois la plus répandue, et la plus fréquemment rattachée à un domaine analogue à celui-là. Mythopoetic et mythopoeic, présentés comme équivalents, sont d’usage assez courant dans la langue anglaise contemporaine pour que l’édition de 2001 du Harrap’s unabridged anglais-français en donne une traduction : « qui crée des mythes ». En 1967 a été fondée « The Mythopoeic Society », qui se définit sur son site Internet [16] comme « a non-profit international literary and educational organization for the study, discussion, and enjoyment of  fantastic and mythic literature, especially the works of  J.R.R. Tolkien, C.S. Lewis, and Charles Williams ». L’Amérique du Nord connaît également un « mouvement mythopoétique », qui regroupe différents groupes d’action ou de thérapie (« self-help movements ») s’inspirant des livres de Joseph Campbell [17] , de Robert Bly [18]  ou de Clarissa Pinkola Estes [19] . Il s’agit pour eux de puiser dans le folklore et les mythes des modèles de comportement et de spiritualité. Le point commun de ces groupes est leur recours aux archétypes jungiens et à l’exégèse des contes populaires [20] , pour fonder un renouveau de l’approche des différences sexuelles, des rôles respectifs des femmes et des hommes — des hommes surtout [21] , car « Mythopoetic » renvoie le plus souvent au courant masculiniste qui se réclame du livre de Robert Bly consacré au conte « Jean de fer » des frères Grimm. Le terme anglais reste adjectif, et s’il est fréquemment utilisé dans le contexte de la critique littéraire, on voit qu’il s’est nettement spécialisé dans le champ des « sous-cultures », ou du moins  des « quêtes personnelles » mentionnées ci-dessus par John Leavitt.

Dans la langue allemande, en revanche, « Mythopoetik » s’est substantivé et appartient plus nettement au vocabulaire de la critique littéraire et anthropologique. Il figure dans le titre de quelques essais récents : Mythopoetik. Das Weltbild des antiken Mythos und die Struktur des nachnaturalistischen Dramas [22] , Im Zeichen des Dionysos : Zur Mythopoetik in der russischen Moderne am Beispiel von Vjaceslav Ivanov [23] , Aspekte zur Mythopoesie und Mythopoetik bei Friedrich von Hardenberg (Novalis) [24] , « Ästhetische Konzepte der "Mythopoetik" um 1800 » [25] .

Les langues romanes utilisent moins ce mot. Un recueil d’essais récent rédigé en espagnol, mais élaboré aux Etats-Unis (Williams College) a choisi pour titre « Mythopoesis [26]  ». Quant à la France, le Trésor de la Langue Française signale l’apparition en 1957 de l’adjectif « mythopoétique », défini un peu curieusement par « qui trouve dans les mythes sa richesse poétique ». Claude Lévi-Strauss l’employait dans la Pensée sauvage, en 1962, pour qualifier son concept de « bricolage » :

Comme le bricolage sur le plan technique, la réflexion mythique peut atteindre, sur le plan intellectuel, des résultats brillants et imprévus. Réciproquement, on a souvent noté le caractère mythopoétique du bricolage [27] .

Peu de temps après, commentant ce passage, Jacques Derrida l’avait relevé :

L’activité du bricolage, Lévi-Strauss la décrit non seulement comme activité intellectuelle mais comme activité mythopoétique. […] C’est donc ici que le bricolage ethnographique assume délibérément sa fonction mythopoétique. Mais du même coup, elle fait apparaître comme mythologique, c’est-à-dire comme une illusion historique, l’exigence philosophique ou épistémologique du centre [28] .

Ici « mythopoétique » signifie simplement « qui fabrique des mythes » ou « qui fabrique du mythe ». Dans L’invention de la mythologie, Marcel Détienne utilise aussi cet adjectif quand il résume la théorie de Karl Ottfried Müller (1797-1840) sur l’épuisement de la « faculté mythopoétique » vers l’an mille avant notre ère [sic] [29] . Dans la lignée de cette conception d’une « pensée mythique », on peut noter une première proposition de substantivation de « mythopoïétique », celle de Jean-Jacques Wunenburger pour qui « la tâche d’une mythopoïétique consiste à reconstituer les intentionnalités et les procédures mentales spécifiques à la voie mythique, qui doivent pouvoir se distinguer nettement des visées et des méthodes de la pensée rationnelle [30]  ».

Mais c’est sans aucun doute à Pierre Brunel que revient d’avoir proposé le substantif « mythopoétique » dans le registre non de telles spéculations sur une « pensée mythique », mais d’une poétique d’inspiration aristotélicienne.

Mythopoétique des genres littéraires et critiques

Pierre Brunel emprunte le mot « mythopoétique », on l’a vu, à N. Frye qui l’emploie comme adjectif dans son Anatomie de la critique, en 1957 [31] , et dans le résumé de sa conception des rapports entre « Littérature et mythe », publié dans la revue Poétique en 1971 [32] . Les deux critiques ont en commun de lier l’emploi de ce terme à une réflexion d’ensemble sur la littérature, sur la création littéraire et sur les genres. La question des genres littéraires leur apparaît indissociable de celle d’un engendrement de la littérature par le mythe. P. Brunel marque toutefois une distance certaine vis-à-vis du critique canadien, dont les principaux postulats sont une conception « archétypale » de la littérature, le lien posé entre littérature et mythe par le biais du « mythos » et le principe de  l’actualisation du « mythos » dans les genres littéraires.

Northrop Fry pose une distinction entre le "mythos" et le « mythe » (« myth »). Mythos est le nom qu’il donne, en reprenant le terme utilisé par Aristote dans la Poétique, à l’affabulation des œuvres littéraires (« le mot grec mythos […] signifie intrigue ou développement factuel d’une histoire [33]  »). Le mythos se subdivise selon lui en quatre modalités :« Comedy, Romance, Tragedy, Irony and Satire ». Il réserve le nom de « mythe » au « type d’histoire qui concerne généralement un dieu ou toute autre créature divine [34]  ». Pour lui, « les mythes font partie du corpus d’histoires que chaque société possède dans les premières phases de son développement. Ils sont semblables, par leur forme, aux autres histoires parmi lesquelles nous distinguons les légendes et les contes populaires, mais leur contenu comporte un élément d’importance particulière et primordiale [35]  ». Cette importance particulière suscite deux types d’interprétation : l’interprétation allégorique, caractéristique de la tradition judéo-chrétienne, et l’interprétation « archétypale », qui est celle des poètes principalement, dont l’intention première n’est « pas d’interpréter mais de représenter [36]  ». En effet, « alors que l’exégète ou le commentateur du mythe trouve le sens profond du mythe dans sa signification en tant qu’allégorie, le poète, en recréant le mythe trouve son sens profond dans sa structure archétypale [37]  ». Ce que N. Frye entend par archétype est différent de ce que C. G. Jung nomme ainsi, et des « structures anthropologiques de l’imaginaire » de Gilbert Durand. Les archétypes jungiens sont des éléments structuraux mythiques enracinés dans l’inconscient individuel et collectif. Les archétypes selon N. Frye sont des images ou symboles récurrents qui unifient et intègrent l’expérience littéraire, mais en prise directe avec la dimension sociale et conventionnelle de la poésie.

N. Frye postule une évolution chronologique. Au départ sont les mythes, histoires de dieux ; puis « les mythes s’organisent en un canon regroupant toutes ces histoires » ; ce canon est appelé « mythologie » , et « représente l’idée que se fait une société de son contrat social avec les dieux, les ancêtres et l’ordre de la nature [38]  ». Là se situe d’ailleurs selon N. Frye la vraie différence entre mythes et contes : les contes ont « une histoire culturelle nomade » (ils parcourent le monde), tandis que les mythes « grandissent en relation avec une religion enracinée dans une culture ». Suit une nouvelle étape : « lorsqu’elle atteint un certain niveau de développement, une mythologie produit une théogonie [39]  ». Enfin, cette mythologie est soumise à l’interprétation allégorique ou archétypale. Plusieurs années après l’article de la revue Poétique, N. Frye écrit dans La Parole souveraine  que « les mythes auxquels on ne croit plus, qui ne sont plus rattachés au culte et au rituel, deviennent purement littéraires [40] » . Une difficulté, pour le lecteur du critique canadien, est de comprendre comment articuler cette conception historique du devenir des mythes avec son affirmation catégorique de « l’identité entre la littérature et la mythologie [41]  ». L’explication selon N. Frye est dans l’idée de potentialité littéraire contenue dans chaque mythe :

[…] il est indéniable que le corpus du mythe, du conte populaire, de la légende et le reste de ce qui émerge de la tradition orale, est déjà, par l’un de ses aspects de la littérature ; ce n’est pas autre chose qui se transformerait en littérature. C’est seulement par une nécessaire économie de langage que nous parlons d’un mythe, d’un conte populaire ou d’une légende ; aucune de ces entités n’existe réellement si ce n’est par sa forme verbale spécifique, et cette forme verbale est une forme littéraire [42] .

Le mythe est pour lui « une forme littéraire potentielle [43]  » dont nous ignorons tout quant à son origine, mais dont le « sens profond » (l’expression revient souvent sous sa plume) nous est révélée par sa « fortune littéraire ultérieure [44]  ». Mais surtout, la transformation de la mythologie en littérature, explique N. Frye, est inséparable de l’apparition des genres littéraires :

Lorsqu’une mythologie se transforme en littérature, la fonction sociale de cette dernière, de doter la société d’une vision imaginaire de la condition humaine, trouve son origine directe dans son ancêtre mythologique. Par ce processus, les formes typiques du mythe deviennent les conventions et les genres de la littérature, et c’est seulement lorsque les conventions et les genres sont reconnus comme des caractères essentiels de la forme littéraire que le rapport de la littérature au mythe s’impose de lui-même. L’âge d’or mythique devient alors une convention pastorale, les récits mythiques de la condition déchue et irrémédiable de l’homme fournissent les conventions de l’ironie, le sentiment mythique de l’écart entre la puissance divine et l’orgueil humain devient convention tragique, les mythes héroïques fournissent les conventions du romanesque [45] .

On reconnaît là les quatre grands « genres » énoncés plus haut (« Comedy, Romance, Tragedy, Irony and Satire »), et on peut donc déduire que la transformation de la mythologie en littérature s’accompagne d’une transformation du « mythe » en « mythos ». N. Frye associe une conception très proche du structuralisme de Claude Lévi-Strauss, qui considère qu’un mythe est la somme de toutes ses versions, et une affirmation non moins claire de la littérarité des mythes :

[…] un récit ou un thème mythique n’est pas une idée platonicienne dont tous les traitements ultérieurs ne sont que des approximations, mais un principe structural informant de la littérature et plus nous étudions les prolongements littéraires d’un mythe, plus notre connaissance de celui-ci s’approfondit [46] .

N. Frye, enfin, oppose la science d’un côté, qui, « par son appel à la preuve, à la mesure exacte et à la déduction rationnelle est le langage du désengagement », et de l’autre côté le mythe qui est « le langage de l’engagement » (concern). C’est à ce point qu’apparaît le terme « mythopoïétique », en tant qu’adjectif qualifiant cet « engagement » qui structure une société, et dont la littérature est l’un des modes d’expression parmi d’autres :

[…] la littérature n’est qu’une partie, même si c’est une partie centrale, de la structure mythopoïétique d’engagement qui projette dans la religion, la philosophie, la théorie politique et de nombreux aspects de l’histoire, la vision que peut avoir une société de sa condition, son destin, ses idéaux et de la réalité exprimée selon ces facteurs humains [47] .

Malgré un évident point  de rencontre (le postulat de l’existence de deux modes de pensée, l’un rationnel et scientifique, l’autre non), il serait erroné de confondre cette « structure mythopoïétique d’engagement » avec les courants mythopoétiques inspirés de la psychologie jungienne évoqués plus haut. N. Frye choisit plutôt comme référence Freud, tout en gardant vis-à-vis de lui une certaine distance :

Depuis le Romantisme, il est fait de plus en plus cas des aspects involontaires de l’œuvre d’imagination et de la façon, en particulier, dont la faculté spécifiquement mythopoïétique, faculté de création de la forme métaphorique centrale de l’œuvre littéraire, semble être associée aux facultés mentales situées, ou apparemment situées, hors du conscient. Plus l’exploration de l’inconscient progresse, plus les parallèles entre la littérature, d’une part, et le rêve, d’autre part, sont remarquables. Il est certain que depuis Freud nous sommes habitués à voir la création refléter les tensions et les conflits propres à l’âme du poète aussi bien que ceux de la société. Le poème pourrait donc aussi être dans une certaine mesure une allégorie de la vie intérieure du poète et il n’en manque pas pour affirmer que le « sens profond » du poème est ce que le poème révèle inconsciemment. Mais si remarquables que soient les analogies entre la faculté mythopoïétique et l’inconscient, et aussi exact que soit le fait que les poètes révèlent, et dans une certaine manière libèrent, leurs conflits intérieurs dans leur œuvre, il n’en reste pas moins que la faculté mythopoïétique peut difficilement être identique à l’inconscient refoulé freudien. À la différence du rêve, elle recherche la communication et tient compte de son auditoire, c’est pourquoi elle doit se situer bien plus près du conscient. L’art du poète peut s’exercer à un niveau purement conscient, ou il peut opérer à un niveau que nous décrivons vaguement comme instinctif, intuitif, inspiré ou volontaire, lorsque son talent d’écrivain lui dicte le mot juste, et cela, qu’il soit capable d’en donner la raison ou pas [48] .

Clairement, le critique canadien choisit une approche plus sociologique et poéticienne que psychologique, même si bien évidemment la psychanalyse freudienne est l’un des outils efficaces de l’une et de l’autre. La dernière phrase de son article dit que, « si l’étude du mythe est une branche essentielle de la critique littéraire, il est tout aussi essentiel d’étudier la structure de la société [49]  ».

De la théorie de N. Frye, le livre de P. Brunel ne conserve pas tout : P. Brunel refuse la distinction « mythe »/ »mythos » et de manière générale la terminologie de N. Frye [50] . Mais il semble garder la même idée directrice, directement héritée de la Poétique d’Aristote :

Ce que l’on peut appeler critique des mythes en littérature […] n’est pas l’étude de certains genres ou aspects de la littérature, encore moins une méthodologie critique consacrée, mais l’étude des principes structuraux de la littérature elle-même, plus particulièrement de ses conventions, de ses genres, de ses archétypes ou de ses images récurrentes [51] .

Ce qui change est le sens de « mythes » et de « principes structuraux ». Pierre Brunel récuse la quadripartition des genres, et revient à la triade « lyrisme, épopée, drame » de la préface de Cromwell. Ensuite, ce n’est pas dans le « mythos », mais dans « le mythe » grec qu’il va chercher « un point de surgissement des genres ». Ainsi, le lyrisme voit agir les figures d’Hermès et surtout d’Orphée, les Muses, Arion, Dionysos ; l’épopée met en scène des dieux belligérants, et commence avec l’invocation à la Muse ; le chapitre consacré au drame revient sur les mythes tragiques du destin, sur l’opposition nietzschéenne entre Dionysos et Apollon. Les mythes sont à l’œuvre au sein de ces grands genres, ils sont aussi, explique P. Brunel, à leur origine ; car, selon lui, « la définition la plus sûre du mythe est celle qui le présente comme un récit des origines […] celle d’André Jollès, de Mircea Eliade […]. Mais le propre de cette origine est qu’elle échappe, qu’elle se perd dans la nuit des temps, dans une préhistoire que l’histoire ne peut nullement appréhender [52]  ». Sa définition du mythe demeure donc celle qu’il a exposée et développée depuis Mythocritique, en passant par les Dictionnaire des mythes littéraires, Dictionnaire des mythes d’aujourd’hui et Dictionnaire des mythes féminins [53] .

L’exploration de ces relations particulières entre mythes et genres littéraires [54] se rencontre parfois chez d’autres critiques au détour d’une théorie plus générale. Je pense, en particulier, à deux théories du picaresque qui illustrent en quelque sorte le passage des conceptions de N. Frye à celles de P. Brunel. Claudio Guillén [55] , d’abord, propose de distinguer « mythe » et « genre » picaresque. Un « mythe » est pour lui un « concentré d’histoire culturelle », qui produit un effet particulier sur le lecteur ou le spectateur : une impression de « déjà-vu », fondée non pas tant sur des préoccupations de genre ou de technique que sur un simple thème narratif ou dramatique, intrigue (plot) ou scénario (story), et sur le plaisir qui dérive du fait de le voir ou de l’entendre une fois de plus. Ce plaisir particulier du « déjà-vu » implique évidemment un lecteur « au courant », averti. Selon Guillén donc, quand on parle du « genre » picaresque, on se situe plutôt du côté de l’écrivain, donc de la poétique, de l’œuvre en train de se faire. Quand on parle de « mythe », on est plutôt du côté du lecteur ou du critique, donc de la réception. Il y a « mythe picaresque » lorsque, devant une œuvre, le lecteur a l’impression de retrouver le scénario défini précédemment. Ulrich Wicks [56] , ensuite, a donné un nom « grec » à ce « mythe picaresque » : celui de Sisyphe. Le picaro, explique-t-il, roule la pierre du damné des Enfers : aussitôt qu’il croit être arrivé au terme d’une mésaventure, il « retombe » et doit à nouveau gravir une montagne de difficultés : le rythme picaresque est un « rythme de Sisyphe ». D’ailleurs, dans le roman de Mateo Aleman, le héros se compare lui-même à Sisyphe. Wicks commence donc son répertoire des fictions picaresques avec l’« archétype » du Trickster et deux mythes grecs, Sisyphe et Hermès, pour aller jusqu’à des films du XXe siècle (Little Big Man, Midnight Cowboy, Zelig). On peut penser aussi à des exemples plus connus, comme celui d’Œdipe devenu paradigme du détective de romans policier.

Dans une perspective métacritique, il est intéressant non seulement de théoriser le rapport entre tel mythe et tel genre, mais aussi de faire l’histoire de ces rapprochements : montrer par exemple le rôle joué par l’illustration mythologique, aux débuts de l’imprimerie, pour classer les livres en fonction de leur genre. Il faut noter aussi l’importance d’un phénomène plus récent mais qui semble prendre une ampleur considérable : celui qui associe le nom d’un mythe, non plus à un genre littéraire, mais à un genre de la critique littéraire. Jean Starobinski a distingué dans la relation critique le regard de Psyché de celui d’Actéon [57] . Daniel-Henri Pageaux a élu Hercule, Amphion, Vertumne et Amalthée pour désigner les aspects de sa démarche comparatiste [58] . Les courants critiques actuels, en effet, prennent volontiers une figure mythique comme emblème soit de leur objet, soit de leur démarche. Arachné est ainsi devenue une figure privilégiée de la critique féministe des textes, Ganymède des « gay and lesbian studies », etc. Anne Tomiche a montré tout récemment l’annexion de Philomèle par la critique féministe et post-colonialiste, qui dégage du récit ovidien une sorte de vulgate constituée d’une série de motifs (femme violée, langue coupée, toile tissée pour dénoncer et venger le viol) servant à lire toutes sortes de textes, même sans allusion explicite à Philomèle [59] .

La démarche théorique de Pierre Brunel dans ce livre sur les genres est résumée à la fin du « prologue », inspiré par Mallarmé :

À l’égard d’un évolutionnisme désuet auquel le XIXe siècle crut passionnément, les contemporains éprouvent une certaine défiance. La démarche mythocritique impose, non pas une révolution copernicienne, mais bien plutôt un retour à Ptolémée. Elle va chercher dans le mythe un point de surgissement du genre. Et le genre même étant susceptible d’évolution, ses modalités seront d’autant plus sensibles qu’on verra la mythologie à l’œuvre [60] .

On voit que le nom de la méthode à l’œuvre ici demeure « mythocritique » : « mythopoétique », dans le titre, ne désigne donc pas la méthode mais l’objet de l’ouvrage. Faire une « mythopoétique des genres », c’est utiliser la mythocritique pour voir et montrer comment les mythes fabriquent les genres littéraires, comment il les travaillent. C’est considérer les mythes comme à l’origine des genres, et également comme « à l’œuvre », au travail au sein d’eux.

Je voudrais proposer ici un glissement, un déplacement supplémentaire du sens et de l’emploi du mot « mythopoétique » ; en faire non seulement un objet d’étude, mais une pratique de lecture. De la mythocritique à la mythopoétique, le regard changerait de point focal. La mythocritique peut s’entendre comme une herméneutique du texte littéraire. P. Brunel la définit comme « un mode d’analyse littéraire », qui examine et discerne la « présence des mythes dans le texte littéraire », selon trois modes : « émergence », « flexibilité » et « irradiation [61]  ». Ce que je propose ici d’appeler mythopoétique, en empruntant donc à mon tour un mot forgé par d’autres, concerne le geste créateur (la poïesis) — à la fois « invention » et « travail »— non seulement des œuvres, mais aussi des mythes eux-mêmes. Du coup, le statut et la définition du « mythe » changent eux aussi. La mythocritique pose les mythes comme une donnée, antérieure et extérieure au texte, que le regard critique aurait pour tâche de reconstituer avant de l’utiliser en tant qu’opérateur dans sa lecture de l’œuvre, comme l’écrit Pierre Brunel dans Mythocritique :

Par le statut même d’antériorité  qui les caractérise,  les mythes se situent en dehors du texte […]. Ils sont des pré-textes, mais aussi des hors-textes [62] .

Une mythopoétique ne postulerait, quant à elle, ni antériorité, ni extériorité des mythes par rapport à la littérature. Elle s’attacherait en revanche à examiner comment les œuvres « font » les mythes et comment les mythes « font » l’œuvre : non seulement de quel « travail » les mythes sont les acteurs, les agents — à l’exemple de ce que Pierre Brunel a justement réalisé dans sa Mythopoétique des genres — mais aussi de quel « travail » ils sont le résultat, le produit, le « fait », ainsi que Pierre Brunel aussi l’a montré, en particulier à propos de la figure d’Électre [63] .

Le refus d’une extériorité du mythe par rapport à la littérature était déjà plus qu’esquissé par Northrop Frye. Son invention d’une distinction entre « mythe » — qui lui permettait de sauver l’idée d’une antériorité du mythique par rapport au littéraire — et «mythos », qui rendait bien compte de l’évidence des textes, était la trace, me semble-t-il d’un malaise ou d’une hésitation. Pierre Brunel, on l’a vu, récuse tout à fait cette distinction, et démontre bien, dans l’ensemble de son œuvre mythocritique et tout particulièrement dans sa Mythopoétique des genres, la  littérarité des mythes. Car, tout en se référant aux définitions d’André Jollès et de Mircea Eliade, Pierre Brunel a utilisé aussi celle du poéticien Henri Morier [64]  qui décrit le mythe comme une « conception collective, fondée sur les admirations et les répulsions d’une société donnée », et en a déduit, sinon un refus de définition, à tout le moins une définition ouverte :

Vous observerez qu’une telle définition large peut englober aussi bien l’« histoire sacrée » de Mircea Eliade que la représentation collective mystificatrice de Roland Barthes. Elle nous permet aussi de passer d’une littérature mythologique, conservatoire ou véhicule d’images et de récits mythiques, à une littérature créatrice de mythes. C’est peut-être retrouver sa vocation première [65] .

La mythopoétique pourrait donc aller surtout dans ce sens : montrer comment la littérature est créatrice de mythes, et, du même coup, prendre acte d’une impossible restriction de la définition du mot mythe. Car il reste indéniable que ce mot fait problème : Suzanne Saïd l’appelle « catégorie poubelle [66]  » ; André Siganos encore tout récemment refuse qu’il fasse office de « concept fourre-tout [67]  ».

La fiction du mythe

Can myth be saved ? »> « Can myth be saved ? », demandait de fait, tout récemment, l’helléniste Gregory Nagy [68] . Dans le vocabulaire contemporain courant, le spectre de significations du mot est des plus larges. Il existe toutefois une spécialisation du mot qui s’est précisée au cours du XXe siècle, et qui le relie directement aux notions de « sacré » et d’« origine ». C’est, essentiellement, la définition de Mircea Eliade, affirmant : « le mythe raconte une histoire sacrée ; il relate un événement qui a eu lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des commencements [69]  ». Sauver le mythe, à mon sens, n’est toutefois pas tenter à toute force de démontrer la validité de ce sens prétendument scientifique du mot. Car, dans les dernières décennies du XXe siècle, les travaux de plusieurs chercheurs, en particulier, en France, autour du centre Louis Gernet, ont convergé vers une certitude : celle que ce « mythe » des historiens des religions et des anthropologues n’existait tout simplement pas. En 1980, Jean-Pierre Vernant écrivait :

Le mythe est un concept que les anthropologues ont emprunté, comme s’il allait de soi, à la tradition intellectuelle de l’Occident : sa portée n’est pas universelle ; il n’a pas de signification univoque ; il ne correspond à aucune réalité spécifique. Au sens strict, le mot mythe ne signifie rien [70] .

La mythologie était au même moment qualifiée d’« invention » par Marcel Détienne. « Genre introuvable, en Grèce comme ailleurs [71]  », « concept impossible [72]  », ce mot qui passe encore aujourd’hui aux yeux de bien des gens pour, à la fois, avoir une valeur universelle, et être issu du vocabulaire philosophique grec, a été forgé, en réalité, à partir d’un mot grec dont le spectre de significations est des plus ouverts, et il n’est rien moins que certain qu’on puisse le tenir pour opérant partout et toujours [73] . Le genre narratif particulier, oral, de caractère religieux, mettant en scène des personnages sacrés, que s’acharnent à définir les continuateurs de Mircea Eliade ne se rencontre jamais en dehors d’une contextualisation. Il est une fiction, une reconstitution, de mythologues, hantés par la question des origines et du sacré pour des raisons philosophiques ou idéologiques qui ont parfaitement et salutairement été déconstruites il y a peu par Daniel Dubuisson [74] .

Parallèlement à cette évolution de l’« école française » des Vernant, Détienne, Vidal-Naquet, Calame etc., le philosophe allemand Hans Blumenberg récusait lui aussi la validité de la question de l’origine dans un texte fondamental, d’abord composé en 1971 dans le cadre du groupe de recherches « Poétique et herméneutique » qu’il avait fondé en 1963 avec Clemens Heselhaus, Wolfgang Iser et Hans Robert Jauss. Ce texte posait les bases de ce qui allait ensuite être développé avec l’exemple de Prométhée dans Arbeit am Mythos :

Une façon de considérer le mythe comme celle que nous proposons ici ne cherche pas à éclaircir, de manière historique ou philologique, ce que « le mythe », originairement ou dans une phase déterminée de notre histoire (éventuellement de notre préhistoire), a pu être ; plutôt le mythe est-il compris ici comme étant toujours passé au stade de sa réception. Croire qu’une telle façon de considérer le mythe est secondaire — et donc d’un intérêt secondaire —, c’est partir d’une distinction entre l’objet et les modalités de sa compréhension que les sciences de la nature ont rendue obligatoire, et pour laquelle tout résultat obtenu concernant un objet refoule les résultats antérieurs en les abandonnant à un intérêt « désormais purement historique ». En tant qu’objet des sciences de l’esprit, les œuvres ayant une efficience historique ne jouissent d’aucune préséance vis-à-vis des résultats de leur action, parce que et pour autant que leur origine n’a aucune dignité particulière — comme ce serait le cas par exemple dans une métaphysique de l’art conçu comme production originaire s’accomplissant avec l’aide des muses, de la magie ou de l’inspiration, grâce au génie même. Production et réception sont équivalentes, pour autant que la réception est en mesure de s’articuler. Il ne s’agit justement pas de « recouvrer le sens perdu » ; ce serait là simplement, pour ce qui concerne notre problème, tomber dans un mythe de la mythologie. L’originaire reste à l’état d’hypothèse, vérifiable uniquement grâce à la réception. Ni Homère, ni Hésiode, ni encore les présocratiques ne nous offrent quelque chose qui relève d’un commencement absolu ; eux-mêmes produisent à partir d’un acte de réception ou, pour l’exprimer autrement, ne nous deviennent compréhensibles que si nous faisons cette supposition. L’antithèse entre originalité créatrice et secondarité herméneutique est inutilisable : même si l’originaire se donnait à saisir, en présentant cette qualité il serait d’un intérêt proprement stupéfiant, mais impossible à articuler. C’est lorsqu’on le comprend comme une hardiesse vis-à-vis de l’ancien et en relation avec lui que l’attrait du nouveau débouche sur la jouissance de la compréhension. Les commencements absolus nous laissent sans voix, nous privent de l’usage même du langage. Cela toutefois, l’homme le supporte le moins du monde et c’est en vue de l’éviter ou de le surmonter qu’il a entrepris la plupart des efforts de son histoire [75] .

« Production et réception sont équivalentes » : la tâche de qui s’intéresse aux mythes n’est donc pas de spéculer sur l’origine « du » mythe ni de la « pensée mythique ». Le mythe n’est pas une essence ni une idée : il existe en tant que phénomène. Il n’y a aucune possibilité d’ontologie du mythe, mais une nécessaire « phénoménologie de la réception du mythe [76]  ».

H. Blumenberg met donc à l’écart la question de l’origine ; il récuse du même coup le lien supposé entre mythe et sacré. Aristote commençait ses leçons de Métaphysique avec une très remarquable déclaration : se poser à soi-même des questions et s’étonner des phénomènes, c’est déjà savoir qu’on les ignore, disait-il, et « c’est pourquoi l’ami des mythes (philomuthos) est en quelque manière ami de la sagesse (philosophos), car le mythe repose sur l’étonnement [77]  » (ou : « est constitué de choses étonnantes » : o gar muthos sugkeitai ek thaumasiôn). Loin de donner, comme on le lit souvent, des réponses aux questions que l’homme se pose sur le monde, les mythes sont donc pour Aristote des questions. Il est tentant de rapprocher de cette proposition les phrases suivantes d’H. Blumenberg dans son texte de 1971, même si pour lui ce n’est pas l’étonnement qui est premier, mais l’effroi, l’horreur :

En ce qui concerne le potentiel d’efficience du mythe, il est essentiel de bien voir ceci : ce n’est pas la force de conviction de réponses anciennes à des énigmes prétendument intemporelles de l’humanité qui fonde la persistance des configurations mythiques, mais plutôt l’existence implicite en elles de questions qui sont découvertes, dégagées et articulées dans leur réception et dans le travail qui s’accomplit sur elles. Que les mythes cosmogoniques possèdent encore un pouvoir de fascination à l’époque des cosmogonies théoriques ne tient pas à la réponse qu’ils formulent à la question théorique sur l’origine du monde, mais plutôt au surgissement de questions aussi puissantes qu’élémentaires qu’une théorie de l’origine du monde laisse sans réponse, et qui sont plutôt du type de la grande question leibnizienne : « cur potius aliquid quam nihil ». Pour nous il est déjà trop évident que la science a appris à ne même pas soulever des questions auxquelles elle ne prévoit pas de pouvoir répondre avec ses propres moyens, pour qu’on ne soit pas frappé par l’inconscience avec laquelle le mythe se place à la lisière de ces questions-abîmes, sans qu’on les lui pose.  L’histoire de Prométhée ne répond à aucune question sur l’homme, mais elle paraît renfermer toutes les questions qu’on se pose à son propos [78] .

Arbeit am Mythos va plus loin encore : « Mythen antworten nicht auf Fragen, sie machen unbefragbar » (« les mythes ne répondent à aucune question, ils rendent inquestionnable ») ; « der Mythos braucht keine Frage zu beantworten ; er erfindet, bevor die Frage akut wird und damit sie nicht akut wird [79]  » (« le mythe n’a pas besoin de répondre à une question ; il invente, avant que la question ne devienne urgente et pour qu’elle ne devienne pas urgente »). Hans Blumenberg est la référence de Hans Robert Jauss dans ses positions, beaucoup plus célèbres en France que celles de son inspirateur, sur la théorie de la réception et de l’herméneutique littéraire :

L’histoire littéraire d’un mythe n’est plus une sorte de monologue, où s’exprime progressivement un sens préexistant dans sa pureté et sa plénitude originelles, mais une sorte de dialogue, qui devient une appropriation croissante d’œuvre en œuvre à travers l’histoire d’une réponse à une grande question qui touche tout à la fois l’homme et le monde; cela étant, avec chaque nouvelle formulation de la question, la réponse peut avoir encore un autre sens. Ce que l’on appelle le « dialogue des auteurs » devient ainsi un « polylogue » entre l’auteur ultérieur, son prédécesseur détenteur de la norme et le mythe qui joue le rôle de tiers absent [80] .

Deux autres conséquences majeures découlent de ces affirmations de H. Blumenberg : d’abord confondre mythe et sacré, mythe et religion ou rituel est une erreur et même un contresens ; ensuite, prendre au sérieux la mythologie est méconnaître précisément son manque de sérieux constitutif. Loin d’être, comme le prétendait M. Eliade, des « histoires sacrées », les mythes selon H. Blumenberg viennent, au contraire, après la terreur qu’inspire « l’absolutisme de la réalité » et sont des instruments pour la surmonter. Le sacré pétrifie, méduse, rend muet ; ouvrir la bouche pour donner des noms aux dieux et raconter des histoires à leur sujet, c’est évidemment avoir dépassé ce stade. S’inspirant du texte de Freud Inhibition, symptôme, angoisse (1924), H. Blumenberg distingue l’angoisse indéterminée et panique d’une part, et la peur spécifique qui en est une première rationalisation d’autre part. Le mythe pour lui procède de la peur en tant que réaction à l’horreur suscitée par « l’absolutisme de la réalité » : il crée des images pour la dominer, pour rendre « l’inquiétant familier et acceptable » (unheimlich heimlich) [81] . Les mythes ne sont pas le décalque de rituels religieux ou d’une quelconque théologie ; il est probable qu’ils viennent après eux. Ils font office d’agents de résistance au dogme théologique : « le mythe ne tend pas vers l’absolu, mais plutôt dans la direction opposée aux catégories qui déterminent la religion et la métaphysique [82]  ».

Il importe donc de prendre garde que les mythes ne sont pas étrangers à la philosophie et à la pensée logique, au contraire. Peut-être n’en finira-t-on jamais tout à fait avec la vieille opposition entre mythos et logos ; mais il faut du moins avoir conscience de sa précarité, que soulignait Pierre Brunel, en 1974, dans le premier chapitre de son Mythe de la métamorphose [83] . Dans un court texte intitulé « Œdipe ou : Le mythe raisonnable [84]  », écrit en 1932 à propos de la représentation de l’Œdipe d’André Gide, Walter Benjamin citait Gide lui-même :

« Comment a-t-on pu croire à cela ? » s’écrie Voltaire. Et pourtant chaque mythe, c’est à la raison d’abord et seulement qu’il s’adresse, et l’on n’a rien compris à ce mythe tant que ne l’admet pas d’abord la raison. La fable grecque est essentiellement raisonnable, et c’est pourquoi l’on peut, sans impiété chrétienne, dire qu’il est plus facile d’y croire qu’à la doctrine de saint Paul, dont le propre est précisément de soumettre, supplanter, « abêtir » et assermenter la raison [85] .

et le commentait ainsi :

l’écrivain ne prétend pas que la raison (ratio) ait tissé la légende grecque, ni qu’en elle seulement se trouve le sens grec du mythe. L’important est plutôt la distance entre le sens actuel et cet ancien sens, et la manière dont la distance par rapport à l’interprétation ancienne est simplement une proximité nouvelle par rapport à la légende elle-même, par elle le nouveau sens s’offrant inépuisablement à de nouvelles découvertes [86] .

Il intéresse grandement l’histoire, celle de la philosophie comme celle de la littérature, de retracer le développement et le poids idéologico-politique de ce concept même de mythe, d’expliquer comment et pourquoi à partir du mot grec on a forgé, fabriqué, travaillé le concept de mythe. Cette histoire commence à être connue pour certaines périodes essentielles, grâce en particulier au chemin tracé par Marcel Détienne [87] . Il reste encore toutefois bien des chapitres à écrire, à commencer par l’histoire des refus et contestations de la mythologie et celle de la concurrence entre mythologie classique et mythologie biblique. C’est l’histoire du mot qu’il faut écrire, comme en avertit Jean-Louis Backès [88] : « mythe » (myth, Mythus, mito…) est « un nouveau venu » dans les langues de l’Europe. Il apparaît en Allemagne dans les dernières années du XVIIIe siècle, en France dans les premières années du XIXe. On ne le rencontre en anglais que vers 1830 ; l’Académie Russe ne l’enregistre qu’en 1847, l’Académie Espagnole en 1884. Mais c’est surtout l’histoire et la pensée de la fascination pour ce mot qui est à construire, dans la lignée des travaux de Daniel Dubuisson : on comprendra mal les phénomènes de mode et de société qui précipitent aujourd’hui le grand public vers l’ésotérisme et les spéculations psychologiques les plus hasardeuses, ce qui fait le succès mondial d’un Da Vinci Code, tant qu’on n’aura pas vraiment démêlé ce que le XIXe siècle cherchait dans l’idée d’« origine », et le XXe dans celle de « sacré [89]  ».

De la fiction au mythe : fictions mythiques

Pour « sauver le mythe », différentes méthodes ont été essayées : celle de N. Frye, qui distingue entre « mythe » et « mythos », celle d’André Siganos, qui distingue entre « mythe », « mythe littéraire » et « mythe littérarisé [90]  », etc. Rien n’y fait, le mot gêne, à juste titre comme on vient de le voir, et cette gêne peut conduire à tenter de l’éliminer du vocabulaire critique : on le remplace alors par son équivalent latin, fabula, ou français classique, fable. On veut éviter ainsi l’anachronisme, en tâchant d’appliquer aux époques étudiées les concepts qu’elles-mêmes légitimaient, et en intériorisant l’historicité de la notion ; c’est une tendance actuelle, et parfaitement justifiée à mon sens, des études portant sur la Renaissance et l’âge classique. On peut aussi mettre à distance les mots « mythe », « mythique », mythologique » par un emploi systématique des guillemets, signe d’une méfiance soulignée ainsi par Jean-Marie Schaeffer : « j’ai quelques réticences à me servir de cette notion, qui me semble être pour une part non négligeable un artefact savant [91]  ».

En réalité, le mythe n’a pas besoin d’être « sauvé », au contraire : il existe, on parle tellement de lui ! Il n’existe même que trop, sous diverses formes, dans un  très large spectre de définitions. Il est donc sans doute vain de s’acharner à légiférer sur l’emploi du mot, de tenter de lui découper un territoire d’usages légitimés par une autorité scientifique ; car les pétitions de principe n’empêcheront jamais l’usage d’exister et de se développer. Il faut au contraire prendre acte de la labilité de la définition, et partir justement des usages du mot pour construire l’étude de ce que ce mot désigne [92] . Je citerai une fois encore Marcel Détienne :

L’illusion mythique triomphe de faire croire aux inventeurs modernes de la mythologie que rien n’est plus concret, plus réel, plus évident que le mythe. Dans l’enquête sociologique menée au pays du mûthos par un sage indigène, le mythe, au contraire, récite sa diversité, si complète qu’il fait, à vrai dire, flèche de tout bois. N’est-il pas dispersé entre le nom propre et l’épopée, le proverbe et la théogonie, la fable et la généalogie ? La mythologie, habitée par le mûthos, est un territoire ouvert où tout ce qui se dit dans les différents registres de la parole se trouve à la merci de la répétition qui transmute en mémorable ce qu’elle a sélectionné. Et le mythe, loin de conférer à la mythologie l’identité qu’il semble lui devoir, révèle en allant d’un sens à l’autre qu’il est un signifiant disponible [93] .

C’est précisément sur ce très large spectre d’usages du « signifiant disponible » qu’une critique littéraire peut « travailler », car il permet de rencontrer d’autres très larges spectres de sens, ceux de deux autres mots qui intéressent directement un questionnement sur la poétique, c’est-à-dire les mots « fiction » et « écriture » :

La voix fugitive et la parole vive font partie des inventions de la mythologie, de ses leurres, des mirages toujours renaissants qu’elle se plaît à susciter, en s’inventant au long d’une histoire dont il fallait reconnaître le parcours, fût-ce de façon provisoire. Car la mythologie, au sens grec — à la fois fondateur et toujours assumé —, se construit à travers des pratiques scripturales, dans la mouvance impérieuse de l’écriture. Une histoire de l’intérieur, rivée à la sémantique de mûthos, oppose un démenti formel à l’affirmation d’usage que la mythologie ne connaît ni lieu, ni date de naissance, qu’elle n’a pas d’inventeur, de même que les mythes ne connaissent pas leur auteur. L’enquête généalogique exhibe son état civil : le « mythe » est né illusion. Non pas une de ces fictions produites inconsciemment par les premiers locuteurs, une de ces ombres que le langage primordial jette sur la pensée, mais un fictif consciemment délimité, délibérément privatif [94] .

Aristote use du même mot « mythos » dans le passage de la Métaphysique cité plus haut, et lorsqu’il le définit, dans la Poétique, comme « le principe et si l’on peut dire l’âme de la tragédie [95]  », c’est-à-dire la « représentation de l’action » ou « le système des faits [96]  ». Roselyne Dupont-Roc et Jean Lallot signalent la coexistence aussi à l’intérieur même de la Poétique de deux sens du mot, l’un qu’ils traduisent dans leur Index des notions par « histoire » (le « mythos » de Frye, que les poéticiens à partir de la Renaissance appellent « fable »), l’autre par « histoires traditionnelles, transmises » (au sein desquelles on peut compter les « mythes » de Frye, « histoires de dieux »). La seule différence posée explicitement par Aristote est dans la notion d’héritage : on peut, dit-il, composer une tragédie sur un sujet hérité, traditionnel (mais il faudra de toute façon en faire une « histoire », un « mythos », un « système des faits »). On peut aussi inventer une « histoire » nouvelle :

[…] il ne faut pas vouloir à tout prix s’en tenir aux histoires traditionnelles (tôn paradedomenôn muthôn) qui forment le sujet de nos tragédies ; c’est même une exigence ridicule puisque aussi bien ce qui est connu ne l’est que d’une minorité, mais il n’empêche que cela plaît à tout le monde.

Il ressort clairement de tout cela que le poète doit être poète d’histoires (poiêtên […] tôn muthôn) plutôt que de mètres, puisque c’est en raison de la représentation qu’il est poète, et que ce qu’il représente, ce sont des actions ; à supposer même qu’il compose un poème sur des événements réellement arrivés, il n’en est pas moins poète ; car rien n’empêche que certains événements réels ne soient de ceux qui pourraient arriver dans l’ordre du vraisemblable et du possible, moyennant quoi il en est le poète [97] .

« Mythos » est dans tous les cas le scénario de l’histoire racontée, jouée ou citée tel que le poète à chaque fois l’invente. Mais il existe des « mythoï » hérités, transmis par une mémoire collective, et des « mythoï » inventés, nouveaux. C’est donc à la poétique proprement dite de s’interroger, comme elle le fait fort bien [98] , sur l’invention des mondes fictifs et sur le fonctionnement de la fiction, c’est-à-dire sur le « mythos » aristotélicien dans son ensemble. La tâche d’une mythopoétique comparatiste est plus particulière : examiner comment certaines fictions deviennent des mythes, à la faveur d’un processus de réception et de réécriture, de mémorisation et de déformation. Ou, pour parler en termes aristotéliciens, examiner comment et pourquoi certains « mythoï » deviennent des « mythoï hérités ».

Un récent article de Marielle Macé, sous le beau titre de « fables pensives », étudie la présence de la fiction dans quelques essais de Roger Caillois : le récit fictif d’un épisode de la vie de Dürer, la fable du preneur de rats de Hameln, un conte musulman, et un épisode de l’épopée japonaise ; elle les confronte à une méditation de Paul Valéry sur « l’homme à la coquille ». En s’inspirant des catégories posées par Gérard Genette dans Fiction et diction, M. Macé pose et vérifie dans cet article une hypothèse : celle que « le discours réflexif se laisse volontiers transformer, glisser vers la fiction, que c’est même une de ses pentes privilégiées, mais qu’il cherche à maîtriser pragmatiquement ce glissement […], fait en sorte par exemple que le lecteur rétablisse derrière chaque mouvement vers la fable une intention de type allégorique, une fonctionnalité argumentative ». Et, ajoute-t-elle, « le lecteur d’essai, à son tour, cherche la fable [99]  ». Si l’on admet de la sorte que tout texte connaît la tentation — conjurée ou non — de la fiction, on peut aussi, je crois, postuler que cette fiction, selon la fortune qu’elle connaît, est un mythe en puissance. Certes, cela semble contredire, à la lettre, les propositions de Thomas Pavel qui soutient au contraire dans Univers de la fiction :

[…] avec le temps, l’adhésion de la société à la vérité des mythes décroît graduellement : ce long processus finit par miner le statut privilégié des territoires mythiques. Mais, ces territoires ne disparaissent pas pour autant : ils forment un réseau trop complexe et trop habilement agencé pour que la société l’abandonne. Les mythes, du moins une partie d’entre eux, se transforment en fiction. Les territoires restent inaccessibles, mais pour des raisons différentes. La distance aux mythes nous sépare des espaces sacrés, ouverts peut-être à des genres particuliers de voyages (l’initiation, les rituels, la mort) ; la nouvelle distance fictive est imperméable aux techniques religieuses traditionnelles [100] .

Mais c’est que Thomas Pavel, ici, restreint l’emploi du mot « mythe » à des récits qu’il qualifie lui-même de « religieux » et « sacrés ». Il fait référence à des « mythes » compris comme des histoires mettant en scène des dieux et liés à des croyances. L’idée est la même que celle de N. Frye citée plus haut (« les mythes auxquels on ne croit plus, qui ne sont plus rattachés au culte et au rituel, deviennent purement littéraires [101]  ; seulement, le mot « fiction » a désormais remplacé l’adjectif « littéraires ». C’est ce même sens que mobilise aussi Jean-Marie Schaeffer lorsqu’il récuse, quant à lui, l’assimilation des « mythes » (avec des guillemets) à la fiction. Réservant le mot « fiction » à la désignation d’une « feintise ludique partagée », il refuse, en bonne logique, qu’on l’utilise pour les « croyances auxquelles les hommes qui les tiennent pour vraies adhèrent [102]  ». C’est d’ailleurs sur l’analyse de Thomas Pavel qu’il s’appuie alors, rappelant que selon celui-ci « tandis que la croyance aux mythes de la communauté est obligatoire, l’adhésion à la fiction est libre et clairement limitée du point de vue spatial et temporel [103]  ». Il peut alors envisager le cas des « mythes » qui sont sortis de leur régime initial de croyance tenue pour vraie, soit pour des raisons historiques (affaiblissement de la religion de référence), soit pour des raisons géographiques (parce que ces « mythes » sont lus par d’autres civilisations [104] ) :

Dire que Gilgamesh est une fiction, c’est émettre une contre-vérité. En revanche, il est sans doute vrai que dans notre culture il fonctionne comme une fiction : dans la mesure où nous vivons dans une société dans laquelle ce récit ne trouve pas de point d’accrochage avec les croyances que nous tenons généralement pour vraies ou fausses, nous avons spontanément tendance à le lire sur le mode fictionnel. Pour les croyants appartenant à l’une ou l’autre des religions ayant actuellement cours, Gilgamesh ne saurait plus concurrencer les récits auxquels ils adhèrent, puisqu’il fait partie d’une religion qui a disparu. Pour les non-croyants, il ne saurait plus constituer une fausse croyance, puisqu’il n’y a plus personne pour y croire. Il n’en reste pas moins que, ce faisant, l’usage actuel impose le cadre pragmatique de la fiction à un ensemble de représentations qui n’en relevaient pas dans leur contexte intentionnel d’origine [105] .

Pour J.-M. Schaeffer, il s’agit dans ce chapitre de son livre de distinguer la « feintise ludique partagée » qu’est la fiction des « croyances fausses ou illusions [106]  ».  C’est donc très clairement du statut religieux des mythes qu’il s’agit, non du « mythos » aristotélicien, bien au contraire. D’ailleurs, après avoir d’emblée, au début de son livre, exprimé sa méfiance devant l’emploi du mot « mythe [107]  » et renvoyé à ce propos aux travaux de Marcel Détienne, J.-M. Schaeffer précise dans ce même chapitre les raison de cette méfiance : « les ‘mythes’, écrit-il, ne sont évidemment jamais que les croyances des autres [108]  ». Son refus d’intégrer les « mythes » à la fiction est donc la conséquence de l’usage particulier du mot « mythe », ou plutôt des deux usages, qu’il a choisis : l’usage dit « ethno-religieux », renvoyant à la définition du mythe comme « histoire sacrée », et l’usage dérivé, hérité des condamnations judéo-chrétiennes et rationalistes de la mythologie païenne, qui voit dans les « mythes » des superstitions ou des croyances fausses. Et il est bien évident que son raisonnement, dans cette mesure, ne saurait être mis en cause.

J.-M. Schaeffer soulève en outre deux questions importantes au détour de cette analyse. La première est celle de ce que Gérard Genette appelle l’« état involontaire de fiction [109]  », état qui est celui des récits religieux  (il dit « mythes ») auxquelles on ne croit plus. J.-M. Schaeffer accorde que, dans ce cadre, « leur fictionnalisation permet de […] recycler [les « mythes »] en supports de satisfaction esthétique, et donc de continuer à en tirer un profit en termes cognitifs et affectifs [110]  ». Dans notre culture contemporaine, me semble-t-il, ces questions de croyance et de fictionnalisation se posent avec plus d’acuité pour les mythes bibliques que pour les mythes gréco-romains [111] . La seconde question apparaît lorsque J.-M. Schaeffer poursuit dans sa critique du mot « mythe », en reprochant aux « mythologues qui ne veulent pas disqualifier les croyances des sociétés qu’ils étudient » d’être aveugles « au fait, pourtant fort intéressant, que les séances narratives à partir desquelles ils reconstituent les prétendus ‘mythes’ peuvent fort bien combiner des séquences ‘tenues pour vraies’ par le conteur et son auditoire (par exemple les récits généalogiques) avec des séquences clairement posées comme fictives [112]  ». J.-M. Schaeffer a glissé de l’exemple de Gilgamesh, vaste et antique épopée que nous avons reçue dans une forme écrite, à celui de récits oraux tels que les collectent et les transcrivent ethnologues et anthropologues. Or, me semble-t-il, la très sérieuse et très justifiée critique qu’il formule [113] ne vaut pas seulement pour le second exemple : on peut envisager que différents régimes de croyance et de vérité soient mêlés ou se succèdent, qu’« imagination fictive et croyance sérieuse » coexistent au sein des « bricolages pragmatiques » que peuvent être tous les « prétendus récits mythiques [114]  », oraux ou écrits, anciens ou modernes. Dans cette mesure, peut-être faudrait-il réévaluer l’idée que « dire que Gilgamesh est une fiction » soit « émettre une contre-vérité ». Car sans doute y avait-il dans Gilgamesh beaucoup de « croyances sérieuses » pour ceux qui le récitaient et pour ceux qui l’entendaient ; mais il n’y avait peut-être pas moins aussi d’« imagination fictive ». La question de la croyance et de la vérité se pose à propos de celui qui invente le mythe, de celui qui le raconte, de celui qui l’entend ou le lit, et du critique qui en propose une théorie. La voie à suivre pour réfléchir à ces problèmes essentiels a été ouverte par Paul Veyne, qui affronte l’interrogation trop souvent éludée « les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? », et y répond en mettant en évidence l’existence d’une pluralité de « mondes de vérité » et de « régimes de croyance [115]  ». La réflexion de J.-M. Schaeffer sur la fiction porte précisément aussi sur cette question-là, qui ouvre un vaste et passionnant domaine de recherche. L’enjeu n’est pas seulement le sens à donner au mot « mythe », mais aussi celui du mot « fiction », son rapport au jeu, à l’imagination, à la réalité et à la vérité.

Lorsque je pose l’hypothèse que des fictions deviennent mythes, ou, pour le dire autrement, qu’il existe des fictions mythiques, il ne s’agit donc pas pour moi de construire une généalogie, ni même de renverser la construction généalogique selon laquelle les mythes auxquels on ne croirait plus deviendraient fictions. Il me semble bien, en effet, qu’il n’y a pas autre chose dans ce postulat que l’idée de sécularisation. Mais il ne peut y avoir de sécularisation que s’il y a eu d’abord du religieux ou du sacré. Or, je l’ai dit, on a intérêt à donner un sens large au mot mythe, englobant certes des récits relevant de religions, mais excédant très largement ce sens. Et même les « mythes »-histoires de dieux ne sont pas réductibles au religieux ni au sacré, soutient Hans Blumenberg, c’est précisément pourquoi ils participent de la fiction, au moins en tant que jeu [116] de l’imagination :

C’est seulement lorsqu’on comprend le mythe comme distance vis-à-vis de ce qu’il a laissé derrière lui — ce que l’on peut appeler effroi, dépendance absolue, rigueur du rituel et de la prescription sociale ou comme l’on voudra — que l’on peut concevoir l’espace de jeu de l’imagination comme le principe de sa logique immanente, d’où proviennent les formes fondamentales de la sinuosité et des moyens détournés, de la répétition et de l’intégration, de l’antithèse et du parallèle [117] .

Pour revenir à des termes empruntés à J.-M. Schaeffer, je me demande si des éléments relevant de l’« imagination fictive » et d’autres relevant de la « croyance sérieuse » ne peuvent pas être mêlés, dans des proportions variables, au sein de toute fiction (« mythos » ou « mythos hérité »). Et je propose donc l’hypothèse que le critère de la croyance est efficace seulement dans certains cas pour distinguer entre mythes et fictions. Dans la plupart des autres cas, c’est de familiarité ou de culture qu’il s’agit. Si certains « mythes » (certaines fictions mythiques) deviennent ou redeviennent de simples « fictions », c’est quand plus personne ne reconnaît en eux un héritage ancien faute de familiarité avec la culture dont ils sont issus, ou quand on les entend raconter pour la première fois sans référence à une mémoire collective.

Mémoire et scandale

Comment et pourquoi, en effet, des fictions deviennent-elles mythiques ? Là est toute la question, et il serait bien présomptueux de prétendre y répondre. Je proposerai simplement, à titre expérimental, deux critères déduits de L’Invention de la mythologie de Marcel Détienne : celui de la mémoire et celui du scandale. Le critère de la mémoire peut être déjà déduit de la Poétique d’Aristote. Une fiction devient mythe, au sens le plus général et le plus courant du mot, quand elle est répétée, mémorisée, quand elle s’intègre au patrimoine culturel d’un groupe donné (une société dans son ensemble ou, au sein d’une société, une tribu restreinte) : quand elle entre dans une mémoire commune. Mais la répétition n’est pas littérale. La mémoire construit des mythes quand les fictions sont reconnues au sein de variations inventives ; on retrouvera le concept de « flexibilité » défini par Pierre Brunel. Brecht en en 1933 proposait des « Rectificatifs à de vieux mythes [118]  »; H. Blumenberg s’en inspire pour parler de « champ de familiarité [119]  » et de modèle mythique :

Le mythe n’est pas un contexte, mais un cadre, dans lequel on peut effectuer des interpolations ; de là vient sa capacité d’intégration, sa fonction de « modèle » [« Muster »] qui se borne à esquisser les grandes lignes, fonction qu’il possède encore en tant que reste familier qu’on ne fait plus qu’entr’apercevoir [120] .

Si les mythes intègrent des interpolations, ils peuvent aussi faire l’objet de « reprises », ou donner lieu à des phénomènes d’engendrement par « bouturage » — par métonymie si l’on préfère. On retrouvera donc aussi le concept d’hypertextualité défini par Gérard Genette dans Palimpsestes [121] . Je pense, en particulier, à un exemple donné par Plutarque dans son traité sur l’herméneutique et la réception de la littérature, intitulé littéralement, « Comment il faut entendre [akouein] les poèmes [poïêmatôn] [122]  ». La condamnation de la poésie au nom du mensonge qui la constitue, telle que la formule Platon dans la République, y est renversée en éloge de la poésie en raison précisément du mensonge qui la constitue, car, explique Plutarque, c’est du mensonge poétique que naît le plaisir du lecteur :

Il n’y a ni mètre, ni figure de style, ni ampleur d’expression, ni convenance des images, ni composition harmonieuse, qui présente autant d’attraits et de charme qu’un récit fabuleux à la trame habilement ourdie [eu peplegmenê diathesis mythologias] : de même que dans les peintures la couleur produit plus d’effet que le dessin parce qu’elle crée la ressemblance et l’illusion de la réalité, de même en poésie une œuvre qui mêle le mensonge à la vraisemblance [en poièmasi memigmenon pithanotêti pseudos] fait plus d’impression et agrée plus qu’un ouvrage qui n’ajoute ni fable ni fiction [ amuthou kai aplastou] à la qualité des mètres et du style. […] Car nous connaissons bien des sacrifices sans chœurs ni flûtes, mais nous ne connaissons pas de poésie sans fable ni mensonge [amuthon oude apseudê poesin]. (16 b-c)

On trouve là — notons-le au passage — les fondements de l’idée de fictionnalité [123] comme critère du littéraire. Or parmi les exemples de fiction poétique, Plutarque donne celui d’un passage de l’Iliade où Homère disait de Zeus :

Cette fois le Père des dieux déploie sa balance d’or ; il y place les deux déesses du trépas douloureux, celle d’Achille, celle d’Hector, le dompteur de cavales ; puis, la prenant par le milieu, il la soulève, et c’est le jour fatal d’Hector qui, par son poids, l’emporte et disparaît dans l’Hadès. Alors Phœbos Apollon l’abandonne [124] .

« Autour de cette fable, écrit Plutarque, Eschyle a construit toute une tragédie, intitulée La Pesée des âmes, où il plaçait auprès de la balance de Zeus d’un côté Thétis et de l’autre l’Aurore priant le dieu pour leur fils au combat. Cet épisode apparaît clairement à tout le monde comme un mythe imaginé par le poète, une fiction destinée à charmer ou frapper l’auditeur (muthopoïêma kai plasma pros êdonên ê ekplêxin akroatou) [125]  ». La psychostasie est une allégorie homérique, qui donne naissance à une tragédie d’Eschyle (perdue pour nous), puis qui chemine dans la littérature et l’art chrétiens, en rencontrant des images similaires issues de différentes traditions.

Le critère de la mémoire collective nous fait retrouver ce que Claude Lévi-Strauss appelle « mythisme », quand, à la fin de ses Mythologiques, il admet : « les œuvres individuelles sont toutes des mythes en puissance, mais c’est leur adoption sur le mode collectif qui actualise, le cas échéant, leur mythisme [126]  ». Marcel Détienne a salué cette « ouverture théorique » qui, pour lui, ménage in extremis une issue au structuralisme :

[…] reconnaître dans le mythisme un des phénomènes majeurs de la mémorabilité dans une culture de la parole, c’est commencer à mettre entre parenthèses le mythe comme un genre littéraire ou comme un type de récit déterminé ; c’est découvrir la diversité des productions mémoriales : proverbes, contes, généalogies, cosmogonies, épopées, chants de guerre ou d’amour. Et peu importe que chaque société distribue les dits de la tradition selon un ordre propre d’intuitions ou d’effets choisis. Toutes ont en commun, en se livrant au travail de la variation dans la répétition, de subir l’épreuve de la même décantation : les paroles transmises et les récits connus de tous sont fondés sur l’écoute partagée ; ils ne retiennent, ils ne peuvent retenir que des pensées essentielles, ironiques ou graves, mais toujours façonnées par l’attention prolongée d’un groupe humain, rendu homogène et comme présent à soi-même par la mémoire de générations confondues [127] .

Ce commentaire de M. Détienne nous invite, en outre, à élargir le concept de fiction comme celui de mythe: à passer à ceux de « fictionnel » et de« mythique ». Car on trouvera du « fictionnel » et du« mythique » au sein de toute une pléiade de formes et de genres. Et,du coup, le critère de la mémoire ne sera pas suffisant ; il faudra luiadjoindre celui du scandale.

La mémoire, dit Marcel Détienne dans cette phrase, retient « des pensées essentielles, ironiques ou graves ». Il ajoute plus loin que « nulle civilisation ne peut s’accomplir sans avoir éprouvé, ressenti le caractère scandaleux du discours mythique [128]  ». Absurdes ou obscènes, des fictions deviendront plus facilement mythiques si quelque chose en elles gêne l’interprétation, choque la morale, accroche la pensée, appelle l’exégèse. Les philosophes [129] , on le sait bien, sont parmi les premiers commentateurs, et même parmi les premiers auteurs de mythes [130] , cela en dépit de l’effort des Lumières pour se débarrasser d’eux, précisément en raison de leur caractère scandaleux. Est-il utile de rappeler le rôle joué par les mythes dans la pensée de Nietzsche et de Freud [131]  ? H. Blumenberg revient à l’un et à l’autre dans sonl « travail » sur Prométhée, Arbeit am Mythos. Je pense aussi au livre de Georges Steiner sur Antigone [132] . On peut citer encore celui de Miriam Leonard, Athens in Paris [133]  : elle y examine la constitution d’Œdipe en sujet philosophique et politique dans la France de l’après-guerre et de mai 1968 par Vernant et Deleuze, le balancement d’Antigone entre éthique et politique de Hegel à Lacan et à Derrida. Or ce caractère scandaleux peut rendre mémorables toutes sortes d’objet littéraires et d’images — les « proverbes, contes, généalogies, cosmogonies, épopées, chants de guerre ou d’amour » énumérés par M. Détienne, et d’autres encore.

H. Blumenberg traite de manière analogue le « mythe » de Prométhée (Arbeit am Mythos) et, dans ses petits écrits « métaphorologiques » (Le Rire de la servante de Thrace [134]  ou Naufrage avec spectateur [135] ) un apologue et une métaphore filée. C’est que pour lui le rapport entre les mythes et les métaphores est des plus étroits, la différence entre eux étant que la métaphore se présente plus ouvertement comme fiction [136] . Récusant le conceptualisme d’un Berkeley (a metaphoris autem abstinendus philosophus), Blumenberg présente la métaphorologie comme une discipline, en voie de constitution, offrant un cadre pour comprendre les structures philosophiques et scientifiques, et cherchant « à approcher l’infra-structure de la pensée, le bouillon de culture des cristallisations systématiques [137] ». De même qu’il y un « travail » du mythe qui est œuvre de logos parce qu’il aide à la fois à « passer outre les embarras du manque de sens », mais aussi à condenser des « pseudo-évidences infondées », et que donc il limite le sur-pouvoir de la réalité, son absolutisme, de même « la métaphore n’est pas, de son côté, une régression intolérable du logos au mythe, mais le cadre ’tropique’  de référence de la pensée. Même les formes les plus abstraites de connaissance trouvent leur racine dans le « pré-catégorial », à partir duquel elles prescrivent un « projet », un champ de projections possibles [138] .

La métaphore de la navigatio vitae, avec sa variante lucrétienne du « naufrage avec spectateur », est un excellent exemple, sans doute, de cette « métaphorologie ». Mais on peut aussi en prendre bien d’autres. Deux métaphores mythiques, en particulier, parcourent la littérature occidentale pour désigner précisément la création littéraire : celle du tissu et celle de l’écho. Cette dernière a pu prendre appui sur deux mythes, celui que raconte Ovide dans les Métamorphoses (l’histoire de Narcisse et Écho) et celui que raconte Longus dans les Pastorales (l’histoire de Pan et Écho). À ces deux histoires différentes se rattachent deux conceptions de la création littéraire : celle de l’imitatio comme chaîne d’échos reliant les poètes entre eux, et celle du poète écho des voix du monde [139] . La métaphore du tissu, elle, se décline en plusieurs toiles mythiques : celle des Parques, qui rattache le fil du récit au fil de la vie [140]  ; celle de Philomèle, qui vient suppléer la langue coupée pour dénoncer le viol [141]  ; celle de Pénélope qui lutte contre le temps ; celle d’Arachné, en qui Jean-Michel Maulpoix reconnaît la figure du « poète perplexe », tirant de sa propre substance son œuvre et se tenant dans l’entrelacs de ses fils [142] .

La navigation, le tissu, l’écho, pourraient être de simples thèmes. De même qu’entre mythe et métaphore, de même entre mythe et thème la question de la différence se pose. Pierre Brunel l’a déjà clairement formulée [143] , en rappelant que les études de mythes sont apparues assez tardivement en littérature comparée, et qu’elles ont d’abord été appelées études de thèmes : ainsi entre 1954 et 1959 Le Thème de Faust dans la littérature européenne par Charles Dédéyan, en 1964 Le Thème de Prométhée dans la littérature européenne par Raymond Trousson. Le même Raymond Trousson a tenté par deux fois, en 1965 [144] et en 1981 [145] , une clarification. Pierre Brunel y est revenu en proposant d’établir deux principes simples et efficaces. Le premier est qu’un mythe est « un ensemble, qui ne saurait se réduire ni à une situation simple […] ni à un type », le type étant « un avatar du héros mythique ». Le second est que le thème s’en distingue par « son caractère général », voire « abstrait ». Ainsi par exemple, l’histoire de Prométhée est un mythe, la révolte est un thème, Prométhée, si l’on souligne certains traits de son mythe, est le type du révolté.

Dans Le Rire de la servante de Thrace, H. Blumenberg  traite non d’une métaphore, mais d’un apologue pris dans le recueil des fables d’Ésope : celui de l’astronome tombé dans un puits, dont se moque le passant qu’il appelle au secours. Le livre suit les avatars de cette fable et de ses interprétations philosophiques, à partir du Théétète de Platon, où l’astronome devient Thalès de Milet, et le passant une servante de Thrace, jusqu’aux commentaires de Nietzsche et d’Heidegger. On peut penser aussi à un autre célèbre apologue : celui de Prodicos (rapporté par Xénophon et repris par Cicéron),qui montre Hercule à la croisée des chemins, et dont la postérité littéraire et philosophique est également immense. Nicholas Mann a montré, par exemple, le rôle qu’il joue dans l’œuvre de Pétrarque, sous la forme dédoublée du bivium pythagoricum et de la porte étroite (évangile selon saint Matthieu, 7, 13-14) [146] . Françoise Lavocat s’est intéressée, elle, à l’allégorie des Silènes d’Alcibiade, et à la façon dont elle a pu susciter un mythe du Satyre à partir de la Renaissance [147] . Avec de tels exemples, c’est la mince frontière entre mythe, allégorie et lieu commun qui est en cause. Les voies à explorer ont été ouvertes par Ernst Robert Curtius [148]   dans son inventaire de la topique médiévale et de ses ramifications dans les littératures modernes. Les indispensables travaux de Jean Pépin, d’un autre côté, ont retracé l’histoire des interprétations allégoriques de la mythologie gréco-romaine et leurs fondements philosophiques. Il reste donc à étudier de manière plus systématique le processus inverse : celui qui transforme des allégories en mythes [149] . On retrouvera toujours, me semble-t-il, la greffe de la mémoire sur le scandale : ce sur quoi l’esprit s’arrête, l’imagination brode, la raison construit des hypothèses.

***

Il n’est pas question ici de conclure, mais au contraire de laisser ouverte la prospection dans ce très large champ des territoires mythiques, d’engager à chercher les frontières qui les séparent des autres espèces de la fiction ou des genres non-fictionnels, et surtout d’inviter à observer le moment où ces limites sont dépassées. Car si le comparatiste est un homo viator, c’est parce qu’il aime franchir les frontières : l’histoire des mythes lui donne l’exemple de ces transgressions créatrices.

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Notes

  • [1]

    Deutsche Gesellschaft für Allgemeine und Vergleichende Literaturwissenschaft. Les actes en ont été publiés par Monika Schmitz-Emans et Uwe Lindemann : Komparatistik als Arbeit am Mythos, Hermeia, Band 6, 2003.

  • [2]

    Hans Blumenberg, Arbeit am Mythos, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1979 (réédition en 1986). Traduit en anglais par Robert M. Wallace sous le titre Work on myth, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1985. Traduit en italien par B. Argenton sous le titre Elaborazione del mito, Bologna, Il Mulino,1991.

  • [3]

    Hans Blumenberg est étonnamment absent de la bibliographie des articles qui constituent les Questions de mythocritique, sous la direction de Danièle Chauvin, André Siganos et Philippe Walter, Paris, Éditions Imago, 2005.

  • [4]

    Dans « Pourquoi le mythe ? » très clair et stimulant bilan des théories du mythe, donné en introduction au numéro de la revue Anthropologie et sociétés ( vol. 29, n°2, 2005) qu’il a coordonné : Le Mythe aujourd’hui.

  • [5]

    Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, Paris, Seuil, 1999.

  • [6]

    Dans Les Mythes de l’amour, Paris, Albin Michel, 1961 (rééd. Gallimard, coll. « Idées », 1972, p. 25.

  • [7]

    Gilbert Durand, « Le voyage et la chambre dans l’œuvre de Xavier de Maistre. Contribution à la mythocritique», Romantisme, 1972, n°4 ; Figures mythiques et visages de l’œuvre : de la mythocritique à la mythanalyse, Paris, Berg international, 1979, rééd. Paris, Dunod, 1992. Le terme a été repris en des sens divers : par exemple, dans la lignée de Gilbert Durand, par Marie Miguet-Ollagnier, Mythanalyses, Paris, les Belles lettres, 1992 ; dans le domaine de la psychologie jungienne par Pierre Solié, La Femme essentielle : mythanalyse de la Grande-Mère et de ses Fils-Amants (préface de Pierre Emmanuel), Paris, Seghers, 1980. Il est depuis 1994 le nom d’une collection : Collection Mythanalyse, London, Psycho-physics academy-press ; Paris, diff. Dauphin ; Genève, diff. Éd. D3.

  • [8]

    Mythocritique. Théorie et parcours, Paris, PUF, « Littérature », 1992, p. 46-47.

  • [9]

    Principalement dans Mythocritique, op. cit., et Apollinaire entre deux mondes. Le contrepoint mythique dans « Alcools » (Mythocritique II), Paris, PUF, « Écrivains », 1996.

  • [10]

    Questions de mythocritique. Dictionnaireop. cit.

  • [11]

    La mythocritique existe ailleurs qu’en France. Voir par exemple, en référence à Pierre Brunel : Carlos Garcia Gual, « Mitocrítica, temática, imagología », Revista de Filología Francesa, 7. (Servicio de Publicaciones. ljniv. Complutense), Madrid,1995, p. 187-192 ; B. van den Bossche, « Myth as Literature, Literature as Myth. Some Remarks on Myth and Interpretation of Literary Texts », Methods for the Study of Literature as Cultural Memory, éd. Raymond Vervliet, Amsterdam, Rodopi, 2000, p. 227-239. Quant à la référence à Gilbert Durand, voir par exemple Joselia Neves, « Reflexões sobre a Ciência do Imaginário e as contribuições de Durand : um olhar iniciante », Revista Eletrônica do Centro de Estudos do Imaginário (Universidade Federal de Rondônia), 2000 (http://www.unir.br/~cei/artigo23.html).

  • [12]

    Paris, PUF, « Écriture », 2003.

  • [13]

    Mythopoétique des genres, op. cit., p. 14.

  • [14]

    Mythopoétique, op. cit., p. 293.

  • [15]

    Platon, Rép. 377 a-c, dans Œuvres complètes, tome VI, édition et traduction par Émile Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 1965.

  • [16]

    www.mythsoc.org

  • [17]

    The Hero with a thousand Faces, New York, Pantheon Books 1949 ; plusieurs fois réédité, en particulier avec une introduction de Clarissa Pinkola Estés (Princeton University Press, Joseph Campbell 100th anniversary edition, 2004); traduit en français par H. Crès sous le titre  Le Héros aux mille et un visages , Paris,  R. Laffont, 1977, puis sous le titre Les Héros sont éternels, Paris, Seghers, 1987.

  • [18]

    Robert Bly, Iron John : a book about men, Reading (Mass.), Addison-Wesley, 1990 ; traduit en français par Christian Cler et Maxime Loiseau : L’homme sauvage et l’enfant : l’avenir du genre masculin, Paris, Seuil, 1992.

  • [19]

    Clarissa Pinkola Estés, Women Who Run With the Wolves : Myths and Stories of the Wild Woman Archetype, New York, Ballantine Books, 1992 et 1996 ; traduit en français par Marie-France Girod : Femmes qui courent avec les loups : histoire et mythes de l’archétype de la femme sauvage, Paris, Grasset, 1996 ; Paris, Librairie générale française (« Le livre de poche »), 2001 ; Paris, le Grand livre du mois, 2004.

  • [20]

    En s’inspirant en particulier des exégètes jungiens James Hillman et Marie-Louise Von Franz.

  • [21]

    Voir Edward Read Barton, Mythopoetic Perspectives of Men’s Healing Work: An anthology for therapists and others, New York, Bergin and Garvey, 2000.

  • [22]

    par Karl Jurgen Skrodzki, Bonn, Bouvier (Bonner Arbeiten zur deutschen Literatur Bd. 44), 1986.

  • [23]

    Par Jurij Murasov, München, Fink, 1999.

  • [24]

    Par Jochen Schubert, Bonn, Univ., Diss., 1994.

  • [25]

    Article de Detlev Kremer, dans Hans Günther (Hrsg.): Gesamtkunstwerk. Zwischen Synästhesie und Mythos. Bielefeld, Aisthesis Verlag,1994.

  • [26]

    Joan Ramon Resina (éd.), Mythopoesis : Literatura, totalidad, ideologia, Barcelona, Anthropos, 1992.

  • [27]

    Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p. 26.

  • [28]

    Jacques Derrida, « La structure, le signe et le jeu dans le discours des sciences humaines », Conférence prononcée au Colloque international de l’Université Johns Hopkins (Baltimore) sur Les langages critiques et les sciences de l’homme, le 21 octobre 1966 (http://personales.ciudad.com.ar/Derrida/frances/structure.htm).

  • [29]

    Marcel Détienne, L’Invention de la mythologie, Paris, Gallimard, 1981, p. 228.

  • [30]

    « Principes d’une imagination mytho-poïétique », dans Pierre Cazier (éd.), Mythe et création, Presses Universitaires de Lille, 1994, p. 33-52.

  • [31]

    Anatomy of criticism : four essays, Princeton University Press, 1957, 1971 ; rééd. London, Penguin Books, 1990 ; trad. française par Guy Durand, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des sciences humaines », 1969.

  • [32]

    « Littérature et mythe », Poétique, 1971, p. 489-514 (traduit de l’anglais par Jacques Ponthoreau).

  • [33]

    Ibid., p. 496.

  • [34]

    « Littérature et mythe », art. cit. , p. 489.

  • [35]

    Ibid., p. 495-496.

  • [36]

    Ibid., p. 497.

  • [37]

    Ibid., p.498.

  • [38]

    Ibid., p. 490.

  • [39]

    Ibid., p. 493.

  • [40]

    N. Frye, La Parole souveraine, Paris, Seuil, 1994, p. 54.

  • [41]

    Ibid., p. 502.

  • [42]

    Ibid., p. 495.

  • [43]

    Ibid., p. 500.

  • [44]

    Ibid., p. 500.

  • [45]

    Ibid., p. 497.

  • [46]

    Ibid., p. 500.

  • [47]

    Ibid., p. 502.

  • [48]

    Ibid., p. 501-502.

  • [49]

    Ibid., p. 503.

  • [50]

    Mythopoétique des genres, op. cit., p. 14.

  • [51]

    « Littérature et mythe », art. cit., p. 502.

  • [52]

    Mythopoétique des genres, op. cit., p. 182-183.

  • [53]

    Tous trois publiés aux Éditions du Rocher (Monaco).

  • [54]

    Je me permets de renvoyer à une première esquisse de bilan : V. Gély-Ghedira, « Mythes et genres littéraires : de la poétique à l’esthétique des genres », Le Comparatisme aujourd’hui, éd. S. Ballestra-Puech et J.-M. Moura, Lille, Édition du Conseil Scientifique de l’Université Charles-de-Gaulle-Lille3, 1999, p. 35-47.

  • [55]

    « Toward a Definition of the Picaresque », article écrit en 1961, publié d’abord en 1962, puis repris dans Literature as a system, Priceton University Press, 1971, p. 71-106.

  • [56]

    Ulrich Wicks, Picaresque Narrative, Picaresque Fictions. A Theory and Research Guide, Wesport (Conn.), Greenwood Press, 1989.

  • [57]

    Jean Starobinski, « Psychanalyse et connaissance littéraire », dans L’Œil vivant II. La relation critique, Paris, Gallimard 1970, p. 257–285.

  • [58]

    Daniel-Henri Pageaux, Le Bûcher d’Hercule. Histoire, critique et théorie littéraires, Paris, Champion, 1996 ; La Lyre d’Amphion. Pour une poétique sans frontières, Presses universitaires de la Sorbonne, 2001 ; Sous le signe de Vertumne. Expérience poétique et création littéraire, Paris, éd. Jean Maisonneuve, 2003 ; Trente essais de littérature générale et comparée ou La corne d’Amalthée, Paris, L’Harmattan, 2003.

  • [59]

    Je renvoie sur ce point à l’étude d’Anne Tomiche, « Philomèle dans le discours de la critique littéraire contemporaine », dans Philomèle. Figures du rossignol dans la littérature et dans les arts, éd. V. Gély, J.-L. Haquette, A. Tomiche, Clermont Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2006.

  • [60]

    Mythopoétique des genres, op. cit., p. 25.

  • [61]

    Mythocritique, op. cit., p. 72.

  • [62]

    Ibid., p.59.

  • [63]

    Pierre Brunel, Le Mythe d’Électre, 1971 ; Pour Électre, Paris, A. Colin, 1982 ; Le Mythe d’Électre, Paris, Champion, 1995.

  • [64]

    Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Paris, P.U.F., 1961, p. 264-271.

  • [65]

    Pierre Brunel (éd.), Mythes et littérature, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1994, « Présentation »,  p. 10.

  • [66]

    Suzanne Saïd, Approches de la mythologie grecque, Paris, Nathan, 1993, p. 7.

  • [67]

    André Siganos, « Définitions du mythe », Questions de mythocritique, op. cit., p. 85-100, p. 93.

  • [68]

    C’est le titre de sa conclusion au récent volume Myth : A New Symposium (éd. Gregory Schrempp et William Hansen, Bloomington, Indiana University Press, 2002), qui se présente comme une réponse, après un demi siècle, au volume Myth : a Symposium (éd. Thomas A. Sebeok, American Folklore Society, 1955) qui exposait les thèses de Claude Lévi-Strauss.

  • [69]

    Aspects du mythe, Paris, Gallimard, 1963, p. 15.

  • [70]

    Jean-Pierre Vernant, « Le mythe au réfléchi », Le Temps de la réflexion, n°1, 1980, p. 22.

  • [71]

    Marcel Détienne, L’Invention de la mythologie, Paris, Gallimard, 1981, p. 162.

  • [72]

    « L’erreur, […] c’est de s’entêter à vouloir parler du mythe quand on se trouve en face de la multiplicité des mythes, d’aller à la recherche d’un concept impossible quand les figures nous environnent et nous envahissent », dans P. Brunel (éd.), Mythes et littérature, op. cit., p. 10.

  • [73]

    Voir l’article cité de John Leavitt. Voir aussi Claude Calame, Poétique des mythes dans la Grèce ancienne, Paris, Hachette « Supérieur », 2000 ; Charles Delattre, Manuel de mythologie grecque, Paris, Bréal, 2005.

  • [74]

    Daniel Dubuisson, Mythologies du XXe siècle (Dumezil, Levi-Strauss, Eliade), Lille, PUL, 1993.

  • [75]

    Hans Blumenberg, La Raison du mythe, trad. Stéphane Dirschauer, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de philosophie », 2005, p. 52-53. [titre original : « Wirklichkeitsbegriff und Wirkungspotential des Mythos » (« Concept de réalité et potentiel d’efficacité du mythe »), publié d’abord dans Manfred Fuhrmann (hrsg.), Terror und Spiel, München, 1971 (Poetik und Hermeneutik, 4), p. 11-66, repris dans Hans Blumenberg, Ästhetische und metaphorologische Schriften, Frankfurt am Main, Suhrkamp Verlag, 2001].

  • [76]

    Ibid., p. 131.

  • [77]

    Aristote, Métaphysique, I, 982 b 19-20.

  • [78]

    La Raison du mythe, op. cit., p. 69-70.

  • [79]

    Arbeit am Mythos, op. cit. (édition de 1986), p. 142 et p. 219.

  • [80]

    Hans Robert Jauss, Pour une herméneutique littéraire, traduit de l’allemand par Maurice Jacob, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des idées », 1988, p. 219.

  • [81]

    Ibid., p. 50. Voir Remo Bodei, « Navigation vitae. Métaphore et concept dans l’œuvre de Hans Blumenberg », Archives de philosophie, tome 67, cahier 2, été 2004, p. 211-225, p.216.

  • [82]

    La Raison du mythe, op. cit., p. 40.

  • [83]

    Paris, Armand Colin, p. 24-25 (réédité par José Corti, 2003).

  • [84]

    Walter Benjamin, « Œdipe ou : le mythe raisonnable » (« Oedipus oder Der vernünftige Mythos »), dans Œuvres II, trad. M. de Gandillac, R. Rochlitz et P. Rusch, Paris, Gallimard, « Folio essais », 2000, p. 333-339.

  • [85]

    André Gide, « Considérations sur la mythologie grecque », Incidences, Paris, Éditions de la Nouvelle Revue Française, 1924, p. 126.

  • [86]

    W. Benjamin, op. cit., p. 336.

  • [87]

    Voir, par exemple, sur le classicisme français, Aurélia Gaillard, Fables, mythes, contes. L’esthétique de la Fable et du fabuleux (1660-1724), Paris, Champion, 1996 ; Julie Boch, Les Dieux désenchantés. La Fable dans la pensée française, de Huet à Voltaire (1680-1760), Paris, Champion, 2002. Sur Vico, Yossi Mali, The Rehabilitation of Myth. Vico’s « New Science », Cambridge (U.K.), The Cambridge University Press, 1992. Sur le romantisme allemand, Heinz Gockel, Mythos und Poesie : zum Mythosbegriff in Aufklärung und Frühromantik, Frankfurt am Main, Klostermann, 1981 ; Jochen Fried, Die Symbolik des Realen : über alte und neue Mythologie in der Frühromantik, München, Finck, 1985 ; l’article cité plus haut de Detlev Kremer, « Ästhetische Konzepte der “Mythopoetik” um 1800 ». Voir aussi Robert Ackerman, Myth and Ritual School. J.G. Frazer and the Cambridge Ritualists, New York, Routledge, 2002 ; et les travaux de Daniel Dubuisson déjà évoqués.

  • [88]

    « De la fable au mythe », Le Mythe en littérature. Essais en hommage à Pierre Brunel, éd. Yves Chevrel et Camille Dumoulié, Paris, P.U.F., 2000, p. 43-55.

  • [89]

    Voir Michel Carrier, Penser le sacré. Les sciences humaines et l’invention du sacré, Montréal, Liber, 2005.

  • [90]

    Voir l’article cité.

  • [91]

    Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, op. cit., p. 47, note 23.

  • [92]

    Je rejoins ici, comme je l’ai déjà dit, la position de Pierre Brunel. Charles Delattre va dans le même sens en écrivant : « peut-être est-ce en intégrant le caractère polymorphe du mythe, ses variations et ses ambiguïtés, que la mythologie peut espérer produire un discours valide. Autrement dit, plutôt que de se construire en marge de l’usage courant, plutôt que de revendiquer l’autonomie du mythe comme objet, la mythologie pourrait assumer son échec à éliminer l’usage courant du mot « mythe », et intégrer dans son analyse les constantes revendications à faire du mythe autre chose que ce qu’il est. (op. cit., p. 13-14).

  • [93]

    Marcel Détienne, op. cit., p. 236.

  • [94]

    Marcel Détienne, op. cit , p. 232-233.

  • [95]

    Aristote, Poétique (50a38), texte, traduction, notes par Roselyne Dupont-Roc et Jean Lallot, Paris, Seuil, 1980, p. 57.

  • [96]

    Ibid. (50a4-5), p. 55.

  • [97]

    Ibid. (51b23-33), p. 67.

  • [98]

    J’ai déjà cité plus haut Jean-Marie Schaeffer ; je renvoie évidemment aussi aux ouvrages fondateurs de Thomas Pavel, Univers de la fiction, Paris, Seuil, 1986 ; de Gérard Genette, Fiction et diction, Paris, Seuil, 1991 et Métalepse, de la figure à la fiction, Paris, Seuil, 2004 ; et aux ateliers du groupe « Fabula » (www.fabula.org).

  • [99]

    Marielle Macé, « Fables pensives. Les effets de fiction dans quelques essais méditatifs », Frontières de la fiction, éd. Alexandre Gefen et René Audet, Presses Universitaires de Bordeaux et Éditions Nota Bene (Québec), 2001, p. 317-337, p. 320. Voir aussi, dans le même volume, René Audet, « La fiction à l’essai », p. 133-157.

  • [100]

    Thomas Pavel, op. cit., p. 104.

  • [101]

    Voir supra, note n°40.

  • [102]

    Jean-Marie Schaeffer, op. cit., p. 149.

  • [103]

    Thomas Pavel, Univers de la fiction, op. cit., p. 81.

  • [104]

    C’est ce processus qui a été envisagé dans le colloque de Reims sur Les Littératures européennes et les mythologies lointaines, édité par Véronique Gély, Jean-Marc Moura, Joëlle Prungnaud et Évanghelia Stead, Lille, Édition du Conseil Scientifique de l’Université Charles-de-Gaulle-Lille3, sous presse.

  • [105]

    Jean-Marie Schaeffer, op. cit.,  p. 150.

  • [106]

    Ibid., p. 153.

  • [107]

    Voir supra, note 91.

  • [108]

    Ibid., p. 151.

  • [109]

    Gérard Genette, Fiction et diction, op. cit., p. 60.

  • [110]

    On est très proche, ici, du concept de « mythe littérarisé » proposé par André Siganos (art. cit.).

  • [111]

    Faute de traiter plus en détail cette question, je renvoie à Northrop Frye, The Great Code. The Bible and literature, New York ; London, Harcourt Brace Jovanovich, 1982 ; trad. par Catherine Malamoud, préf. de Tzvetan Todorov : Le Grand Code. La Bible et la littérature, Paris, Seuil, 1984. Lire aussi Danièle Chauvin, « Bible et mythocritique », Questions de mythocritique, op. cit., p. 41-50.

  • [112]

    J.-M. Schaeffer, op. cit., p. 152.

  • [113]

    Et qui est au fondement même de la critique du mythe réalisée par J.-P. Vernant, Cl. Calame, M. Détienne etc. (voir supra).

  • [114]

    Jean-Marie Schaeffer, op. cit., p. 152.

  • [115]

    Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, Paris, Seuil, « Des travaux », 1983.

  • [116]

    La notion de jeu permet de prendre en compte aussi le rire. Voir Dominique Bertrand et Véronique Gély (éd.), Rire des dieux, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2000.

  • [117]

    Ibid., p. 110.

  • [118]

    Bertold Brecht, « Rectificatifs à de vieux mythes », dans La Vieille dame indigne et autres histoires. 1928-1948, trad. B. Lortholary, R. Ballangé et M. Regnault, Paris, L’Arche, 1988.

  • [119]

    Hans Blumenberg, La Raison du mythe, op. cit., p. 112.

  • [120]

    Ibid., p. 113.

  • [121]

    Gérard Genette, Palimpsestes, Paris, Seuil, 1982.

  • [122]

    Dans la traduction française d’André Philippon, « Comment lire les poètes », Œuvres morales, tome I, 1ère partie, Paris, Les Belles Lettres, 1987.

  • [123]

    Plutarque décline cette fictionnalité en trois termes : mythe (muthos), mensonge (pseudos) et fiction (plasma), qui recoupent en partie les célèbres catégories définies par Sextus Empiricus (Contre les professeurs, éd. dir. par P. Pellegrin, trad. C. Dalimier, D. et J. Delattre, B. Perez, Paris, Seuil, « Points », 2002) : histoire (historia), mythe (mythos), fiction (plasma).

  • [124]

    Iliade, XXII, 210-213 ; trad. Paul Mazon, Paris, Les Belles Lettres, 2002.

  • [125]

    Plutarque, op. cit., 17A, p. 95-96.

  • [126]

    Claude Lévi-Strauss, L’Homme nu, Paris, Plon, 1971, p. 560.

  • [127]

    M. Détienne, op. cit., p. 86.

  • [128]

    Ibid., p. 89.

  • [129]

    On retrouve évidemment ici la porosité de la frontière entre littérature et philosophie signalée par Camille Dumoulié. C’est la tâche d’une critique comparatiste d’étudier l’émergence du philosophique dans le texte littéraire, et du littéraire dans le texte philosophique, donc aussi de faire l’histoire des mythes et métaphores philosophiques. Voir Littérature et philosophie. Le gai savoir de la littérature, coll. « U », Armand Colin, 2002, et Don Juan ou l’héroïsme du désir, PUF, 1993.

  • [130]

    Qu’on reprenne seulement l’exemple de Platon : voir Jean-François Mattéi, Platon et le miroir du mythe, Paris, P.U.F., 1996 et 2002 (coll. « Quadrige ») ; Chantal Foucrier, Le Mythe littéraire de l’Atlantide (1800-1939) : l’origine et la fin, Grenoble, ELLUG, 2004, et le beau livre récent de Pierre Vidal-Naquet, L’Atlantide. Petite histoire d’un mythe platonicien, Les Belles Lettres, 2005,

  • [131]

    Voir Paola Traverso, Psiche è una parola greca : forme et funzioni della cultura classica nell’opera di Freud, Genova, Compagna dei librai, 2000.

  • [132]

    Georges Steiner, Les Antigones, trad. Ph. Blanchard, Paris, Gallimard, 1986 ; rééd. « Folio essais », 1992.

  • [133]

    Miriam Leonard, Athens in Paris. Ancient Greece and the Political in Post-War French Thought, Oxford University Press, 2005.

  • [134]

    Hans Blumenberg, Das Lachen der Trakerin, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1987, traduit en français par Laurent Cassagneau, le Rire de la servante de Thrace. Une histoire des origines de la théorie, Paris, L’Arche, 2000.

  • [135]

    Id., Schiffbruch mit Zuschauer. Paradigma einer Daseinsmetapher, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1993 ; traduit en français par Laurent Cassagneau, Naufrage avec spectateur. Paradigme d’une métaphore de l’existence.   Paris,  L’Arche, 1994.

  • [136]

    Voir Hans Blumenberg, Paradigmen zu einer Metaphorologie, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1999, p. 84-85.

  • [137]

    Paradigmen zu einer Metaphorologie (op. cit.), p. 9. Cité et traduit ici par Remo Bodei, « Navigation vitae. Métaphore et concept dans l’œuvre de Hans Blumenberg », art. cit., p. 214.

  • [138]

    Remo Bodei, art. cit., p. 216-217.

  • [139]

    Je renvoie à mon livre La Nostalgie du moi. Écho dans la littérature européenne, Paris, P.U.F., 2000.

  • [140]

    Voir Sylvie Ballestra-Puech, Les Parques. Essai sur les figures féminines du destin dans la littérature occidentale, Toulouse, Éditions Universitaires du Sud, 1999.

  • [141]

    Voir Véronique Gély, Jean-Louis Haquette, Anne Tomiche (éd.), Philomèle. Figures du rossignol dans la tradition littéraire et artistique, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2006.

  • [142]

    Jean-Michel Maulpoix, « Portrait du poète en araignée », dans Le Poète perplexe, Paris, José Corti, 2002, p.155-169.

  • [143]

    Mythocritique, op. cit , p. 27-31.

  • [144]

    Un problème de littérature comparée : les études de thèmes, Paris, Minard, 1965.

  • [145]

    Thèmes et mythes : questions de méthode, Bruxelles, éditions de l’université de Bruxelles, 1981.

  • [146]

    Nicholas Mann, Pétrarque : les voyages de l’esprit, Grenoble, Million, 2004, p. 7-12.

  • [147]

    Françoise Lavocat, La Syrinx au bûcher. Pan et les satyres à la Renaissance et à l’âge baroque, Genève, Droz, 2005.

  • [148]

    Ernst Robert Curtius, Europäische Literatur und lateinisches Mittelalter, Bern, A. Francke, 1948 ; Bern, Francke-Verlag, 1954. ; Tübingen/Basel, Francke, 1993 ; trad. Jean Bréjoux : La Littérature européenne et le Moyen Âge latin, préface d’Alain Michel, Paris, P.U.F., 1956 et 1986 ; Paris, Presses Pocket, coll. « Agora » en 1991.

  • [149]

    J’ai essayé de le faire à propos de Psyché : Véronique Gély, L’Invention d’un mythe : Psyché. Allégorie et fiction, du siècle de Platon au temps de Louis XIV, préface de Pierre Brunel, Paris, Champion, « Lumière classique », 2006.

Pour citer cet article

Véronique Gély, «Pour une mythopoétique : quelques propositions sur les rapports entre mythe et fiction», Bibliothèque comparatiste, n. 2, 2006.  , URL : https://sflgc.org/bibliotheque/gely-veronique-pour-une-mythopoetique-quelques-propositions-sur-les-rapports-entre-mythe-et-fiction/, page consultée le 19 Avril 2024.

Biographie de l'auteur

GÉLY, Véronique