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ARTICLE
Il s’agira ici de trois ouvrages qui renvoient tous trois à un moment de l’histoire européenne que l’on pourrait appeler la deuxième retraite de Russie. Trois ouvrages qui renvoient donc aussi à trois peuples lancés par leurs dirigeants à la conquête de la Russie soviétique :
– L’Allemand Joachim Fernau, auteur de ce que les éditions Robert Laffont nous présentent comme le Rapport du Capitaine Pax sur ce qu’il y a de grand et de redoutable dans l’homme (1954, le titre français assemblant les deux titres successifs des éditions allemandes, d’abord Rapport sur… puis Capitaine Pax [1] ), qui raconte sans pathos la tentative d’un groupe de prisonniers allemands encerclés pour rejoindre durant l’été 1944 la Prusse orientale. Marchant de nuit, les personnages succombent les uns après les autres : faim, faiblesse généralisée, empoisonnements, trachome, marécages, et harcèlement des arrière-gardes soviétiques.
– Le sergent sous la neige de Mario Rigoni Stern [2] , lui aussi publié à la même époque, en 1953, dans la traduction qui n’est pas sans erreur ou maladresses de Noël Calef (1954) en 10/18, suffisamment connu pour que je n’insiste pas sur cet hiver 1942-1943 lors de la contre-attaque soviétique qui va enfermer des troupes de l’Axe dans une poche que les Alpins cantonnés sur le Don réussiront à un prix terrible à percer (Requiem pour un alpiniste donnera les chiffres historiques : 33 120 chasseurs alpins tués sur un total de 74 000 Italiens morts [3] ).
– enfin l’œuvre du roumain francophone Petru Dumitriu, Incognito (auteur aussi de Bijoux de famille dont a été tiré le film Un été inoubliable), un peu plus tardive que les autres (1962) [4] . Dumitriu, qui a fui la République socialiste de Roumanie après avoir occupé des postes de responsabilité à un moment où elle fascinait par son esprit national-dissident les démocraties occidentales, ne connaîtra le succès ni en France (où de Gaulle ne lui refuse pas le droit d’asile mais ne donne pas non plus de réponse à sa demande), ni en Allemagne où il trouve finalement refuge. Il est l’auteur aussi d’une version roumaine, de fait première, qu’il aurait brûlée en 1975 et qui l’aurait empêché d’obtenir le Goncourt.
On notera que cette œuvre est un roman, à classer plutôt parmi les romans de formation, dont le personnage traverse les aléas de la Roumanie du XXe siècle. Néanmoins, il appartient au genre de l’autobiographie fictive. Genre qu’affectionne l’écrivain qui nous livre une collection de vies avec différents regards sur de mêmes événements. Dans Incognito, trois « je » prendront successivement la parole : l’auteur dans sa préface générale qui livre le sens de sa Collection de biographies, autobiographies et mémoires contemporains, l’éditeur fictif qui de fait semble être la réflexion de l’auteur dans le texte fictif (ou, plutôt, juste à côté de lui) et le narrateur proprement dit de cette autobiographie, Sébastien Ionescu. Ces deux derniers, dans le volume qui nous intéresse, font alterner leur parole. Sébastien, le narrateur premier, raconte sa vie qui devient hagiographie à la lumière de l’exégèse de son éditeur qui nous guide dans la lecture. La retraite de Russie n’est alors qu’un moment du récit qui démontre l’inanité (l’inhumanité) du discours héroïco-nationaliste, comme un second temps soulignera celles du discours communiste.
Le second ouvrage relève, lui, comme le souligne le sous-titre original délaissé par la version française de 1954, du genre des Souvenirs (« Ricordi della ritirata di Russia »). Et dont Rigoni Stern dira que comme pour Primo Levi, l’écriture de ses souvenirs se fit « sans efforts, sans problèmes littéraires : « comme si les faits trouvaient d’eux-mêmes un chemin direct de la mémoire au papier ». L’auteur ne se veut pas littéraire. Il se reconnaît dans Primo Levi qui lui écrit « comme vous, j’ai seulement vu des choses et je les ai décrites [5] ». Comment cependant le littéraire ne s’insinuerait-il pas automatiquement dès qu’il y a mise en écriture ?
Entre les deux se situe l’œuvre allemande, que l’édition française qualifie de roman (mais de roman singulier), qu’un critique allemand qualifie de Novelle (nouvelle), mais vendue comme Erzählung (récit) par la première de couverture de notre édition et qui a été inspirée par des souvenirs d’un capitaine réécrits par le journaliste Fernau et publiés, avant qu’en accord avec le principal intéressé, Fernau ne se mette à écrire cette œuvre qui joue des frontières entre réalité vécue et fiction. Hanté par ce récit, Fernau en tirera même un scénario qui recevra un prix sans donner naissance à un film.
Il serait alors tentant de montrer que la retraite de Russie ressortit à la démonstration chez Dumitriu et donc à la manipulation, quand les auteurs de témoignages plus ou moins directs se contenteraient d’une monstration. De fait, même si la retraite de Russie dans les cas italien et allemand est dépouillée de toute argumentation idéologique, les faits couchés sur le papier le sont en fonction de choix, quand bien même l’auteur italien insiste sur l’écriture irrépressible en dehors de tout choix esthétique. Le fait brut n’existe pas. Cependant, il serait vain de contester qu’une différence considérable existe l’œuvre francophone qui fait de la retraite de Russie un moment d’une vie somme toute exemplaire, une légende, puisque le narrateur second s’est fixé pour tâche de constituer ce qu’on pourrait effectivement appeler une légende dorée, mais une légende du XXe siècle, une légende dépourvue de merveilleux mais qui trace tout de même une vie exemplaire dépassant la retraite de Russie, alors que les deux autres œuvres font de ce même moment l’unique composante de l’œuvre. Comme si c’était vain de dire autre chose que la retraite de Russie, acmé à isoler, minerai brut à exhiber comme tel. Comme si ce moment disait, si ce n’est tout, du moins l’essentiel – ou une limite. Là encore le témoignage de la retraite de Russie doit être lu. On retrouve la légende. Mais une légende qui est d’abord un témoignage et non l’ostension d’une exemplarité.
I Le témoignage
On aurait pu s’intéresser à d’autres œuvres fictionnelles (Les Bienveillantes) ou autobiographiques (les mémoires de Degrelle). On notera toujours cette même préoccupation de témoignages. L’œuvre allemande se veut même Rapport (Bericht) et fait référence en son sein à un autre rapport/Bericht qu’elle prend pour modèle, celui de naufragés [6] . À des degrés divers, les trois se veulent donc témoignages et le signalent. Le procédé, emprunté par Incognito, du manuscrit remis, participe de cette volonté littéraire de renoncer à la prétendue insignifiance du romanesque pour se focaliser sur l’expérience vécue et transmise : hommage du fictif au réel. Depuis la boucherie de la Première guerre mondiale, la crise du roman se nourrit de l’histoire pour témoigner bien plus que pour charmer, pour penser l’objet rétif à la conscience ou pour éveiller les consciences : guerre, révolution, goulag, shoah.
Plus ou moins vive, la récusation de l’entreprise romanesque, qui se lit entre autres par l’expulsion ou la mise à l’écart de la femme, actant romanesque s’il en est dans un monde phallocentrique, focalise l’attention sur la mise en cause de l’humanisme multiséculaire. La femme et le romanesque sont résolument mis à l’écart, avec plus ou moins de bonheur. On notera l’ambiguïté sur ce point du RCP, qui s’ouvre sur l’éloge du monde viril, monde des héros que les femmes ne comprennent pas. Il annonce clairement qu’il parlera de l’homme - vir (Mann) : « Quand un homme dit : telle ou telle chose que j'ai faite, ou telle ou telle chose que j'ai endurée, aucun animal ne l'aurait endurée ; alors c'est le plus grand » [« Wenn ein Mann sagt : Dieses oder jenes, was ich getan habe, oder dieses oder jenes, was ich ertragen habe, das hätte kein Tier ertragen, so ist es das Höchste [7] »]. Il en va de même pour la phrase du titre, qui vise ce qu’il y a de grand et de redoutable chez les hommes (« les femmes ne savaient rien de l’horreur et de la grandeur des hommes » [« die Frauen wissen nichts von der Furchtbarkeit und Grösse der Männer [8] »]). Le lecteur français sait que Schoendoerfer placera un extrait de cette préface à l’orée de La 317e section, roman et film très virils qui parlent aussi d’une retraite, mais cette fois-ci plus tardive et plongée dans la jungle vietnamienne. Pourtant, chez Fernau, au centre de la longue marche, il y a Maya, guide instinctif, au plus près de la nature, qui n’est pas sans évoquer une Béatrice transférée dans l’enfer de la steppe soviétique, motivée par l’amour qu’elle porte à l’adjudant. Et d’ailleurs, dans la préface (qui dans la dernière version allemande perd quelque peu de son aspect préliminaire et fait corps avec le reste de l’œuvre), renvoi est fait à une héroïne de roman. Ce dernier est donc là tout près de dépasser ce qu’il annonce. Derrière le mâle il semble que ce soit l’humain le véritable enjeu.
Chez Rigoni Stern, la femme est apparemment absente du monde viril des combattants. Elle reste dans la maison, dans l’isba, dont elle est l’âme, autre monde, paradis domestique, a-héroïque, et, comme tout paradis, interdit, monde que le sergent-chef et les siens doivent inlassablement quitter chaque fois qu’ils l’ont retrouvé. Apparemment absente, ai-je dit ? Car, malgré les efforts du traducteur pour les cacher, il y a deux femmes chez les combattants soviétiques, en pantalons et mitrailleuses sous le bras, ce qui provoque l’incompréhension indignée des Alpins de la Vestone. Oscillant entre le statut scandaleux d’alter ego de l’homme ou celui de gardienne du paradis, la femme, avec ses corollaires, l’amour et le romanesque relèvent d’un autre monde. On notera dans le même esprit la présence de la fillette et de ses amies à la fin des souvenirs, gardiennes d’un seuil / sas délicat à franchir dans cette remontée des enfers, dans lequel tout laisse entendre que l’homme n’avait rien à faire. Descendre aux Enfers, y affronter la mort ou l’inhumain, continuerait de relever de l’hybris, mais d’une hybris qui ne va pas de pair avec l’héroïsme traditionnel.
On reste donc dans un domaine d’hommes avec une éthique mais aussi une esthétique viriles, puisqu’on est loin dans les deux cas de la déploration efféminée des Perses. Qu’on songe à la mort de Lombardi qui refuse de se courber devant l’ennemi, mort que j’analyserai plus loin.
La volonté de témoigner se lit dans l’effort d’écriture présent en abyme : effort d’écriture mais non livre mis en abyme. Chez l’Allemand, le carnet dans lequel le capitaine inscrit, jour après jour, le nom des disparus. Ce carnet constitue l’épure d’un récit déjà épuré et matérialise la nécessité ressentie par le personnage éponyme de tenir un journal en faisant en sorte que « le dernier survivant devra s’emparer de ce carnet… s’il faut en arriver là [9] ». Le médecin cite un autre rapport où un groupe de naufragés exterminés dans les mers du Sud laisse trace des événements vécus alors qu’eux-mêmes disparaissent, dévorés. En effet du groupe de 77 soldats évadés, aucun ne parviendra à franchir les lignes ennemies, le capitaine lui-même, dernier rescapé, arrivant dans une tranchée russe qu’il croit allemande et devant repartir pour cinq ans de captivité en Sibérie. Le catalogue constitue la forme la plus pure, quasi poétique, du récit impossible ou anecdotique : les noms seuls mériteraient mémoire.
Chez l’Italien, un jeu s’instaure aussi entre le livre et un écrit difficile évoqué par le livre :
Je me demandais […] aussi quels mots nouveaux (che parole nuove) je pourrais inventer pour la prochaine lettre à ma fiancée (alla ragazza). Les mots nouveaux sont toujours pareils au vieux : baisers, amour, à bientôt. Mais si je lui parlais du chat pour Noël, d’huile pour les armes, de tours de garde, de positions, du lieutenant Moscioni, du caporal Pintossi et des barbelés, elle n’y comprendrait rien (non avrebbe capito niente [10] ).
Or, précisément, c’est ce qu’il nous a écrit, à nous lecteurs. Et que comprenons-nous, de cet état des lieux, de ce catalogue de l’avant-poste sur le Don, « tanière » bienheureuse que le narrateur pressent devoir sous peu abandonner, nous qui n’avons pas l’horizon d’attente de la fiancée ? Si l’on veut bien évacuer la croûte des anciens mots, ceux de la romance ou du roman, qui ne font que masquer la réalité, que saisira l’autre, celui qui, par définition n’a pas eu accès à elle, quelle attention lui accordera-t-il ?
Dans les deux cas intervient avant même la retraite ou à son commencement la question de la nécessité ou de la difficulté de raconter ce qui est et qui fuit les mots habituels. Il faudra un peu de temps et de recul pour que le flot de la parole libératrice surgisse. Et davantage de temps et recul pour que le sens apparaisse derrière les faits.
On a parfois dit que Rigoni Stern aurait été incapable de raconter ce qu’il n’avait pas vécu. Certes, il a lui-même insisté sur la nécessaire transcription de l’expérience. D’où l’appel aux sens dès la première page, sens qui perdront leur acuité (mirages) puis refuseront de se tourner vers le réel (lorsqu’épuisé, il ne regarde plus que le plafond) : il voit là où d’autres déjà ne voient plus / ne vivent plus réellement. Jeux de regards magnifiques et tragiques :
Seul sur la neige se tenait une estafette du commandement de la compagnie. Affalé, le pauvre gars nous regardait passer (ci guardava passare). Il ne nous dit rien. Il était désespéré et nous aussi. […] Bien plus tard, en Italie […] le père de cet Alpin vint demander des nouvelles de son fils aux survivants. Aucun de nous ne pouvait ou ne voulait lui en donner. Il nous regardait durement (ci guardava duramente) …
- La vérité est dure, je lui dis alors, mais puisque vous y tenez, je vous raconterai ce que je sais [11] .
Le je parle parce qu’il a croisé des regards, des regards insupportables, miroir de souffrances plus que d’âmes. Il dit ce qu’il a vu de ses yeux, quand bien même il s’agirait de la Méduse, et cela importe à Rigoni Stern. Il est au centre des regards, ceux du passé comme ceux du présent voire de l’avenir. Pourtant le littéraire et son efficace sont déjà là.
II Le littéraire
Le premier point à noter : la prégnance du motif de la retraite de Russie qui est déjà grâce à Stendhal, Balzac ou Tolstoï un thème littéraire et le fait que le témoignage, quel que soit son mode d’expression (littéraire ou pseudo-brut) vient s’appuyer sur un certain commerce avec le mythe napoléonien qui d’ailleurs dépasse la scène littéraire. C’est net surtout chez Rigoni Stern, chez lequel le temps s’efface, l’espace est esquissé à grands traits et les scènes semblent répéter d’autres scènes déjà jouées (hors du recueil comme à l’intérieur de l’œuvre : je pense aux mirages d’isbas plusieurs fois signalées), sans pour autant qu’elles perdent leur pesant de vécu. Tempêtes de neige, hameaux d’isbas qui brûlent, cavaliers errants dans la steppe, harcèlement de la colonne qui se replie vêtue de bric et de broc, chaussée de brodequins en bois ou de chiffons : le calendrier hivernal du retrait des puissances de l’axe rend possible la reviviscence de l’épisode napoléonien. Tolstoï est d’ailleurs cité, mais pour Les Cosaques, avec la figure du sage, le vieil Erochka qui enseigne au personnage qui reflète Tolstoï le sens de la vie. Néanmoins Guerre et Paix et ses leçons que connaît très bien Rigoni n’est pas loin. On sait le caractère didactique du littéraire pour Tolstoï qui affectionne les mots chargés de sens. Même présence en filigrane des cosaques dans RCP ainsi que des marais de la Bérésina (rares sont les indications toponymiques) que traverse le groupe du capitaine et qui va engloutir un certain nombre d’Allemands. Le témoignage, loin de se revendiquer brut, se nourrit de littéraire pour participer à un rayonnement que l’on peut qualifier de mythique au sens où l’entend Pierre Brunel. Il faudrait sans doute s’arrêter aussi sur la résurgence du dormeur du Val dans SNN. L’Odyssée enfin est à l’horizon : dans tous les cas, il s’agit de nostoï, inhumainement dilatés. Fernau explicite le rapprochement [12] ; Riggoni le rend présent par le leitmotiv qui revient comme une ritournelle dans la bouche de Giunanin (« combien de km y a-t-il pour arriver à la maison [13] »).
III L’Héroïsme
En choisissant comme motif principal ou unique la retraite, l’artiste renonce à la vision traditionnelle de la guerre et donc, dans la mesure où la fabrique première du héros est l’affrontement avec la mort ou les enfers, à l’héroïsme militaire traditionnel, mais pas forcément à tout héroïsme. La retraite n’est pas débâcle, ni débandade. Elle peut ne pas être simple défaite. La retraite de Russie n’est d’ailleurs pas une défaite militaire pour les spécialistes de stratégie. Quand certains baissent les bras, d’autres tentent de maintenir l’ordre, de garder le cap (il y a une poche à crever dans les deux cas). La retraite de Russie apparaît alors comme l’une des catabases offertes par le vingtième siècle. L’héroïsme ne disparaît pas, se métamorphose.
Comme le montre bien le cas d’Incognito, la retraite, et qui plus est peut-être, la retraite d’URSS enseigne quelque chose. Dans le cas du protagoniste d’Incognito, elle mène Sébastien, issu de la grande bourgeoisie valaque décadente sur la voie du communisme, voie qui sera plus tard récusée pour aller plus loin dans la recherche de la vérité. La retraite d’URSS fait partie d’un cheminement sensé, comme l’antithèse hégélienne. Dans ce cas, l’intégration du motif de la retraite à un projet, le motif perd de sa force.
Mais les deux autres œuvres font intervenir une temporalité qui n’est pas hégélienne, une temporalité qui se schématiserait dans le dessin du labyrinthe ou la figure du trou noir, avant que le salut, immérité, n’intervienne : elles instaurent une tension entre l’enseignement tiré de la guerre et le refus de toute leçon que l’on lisait par exemple déjà dans Le Journal de Cernojevic de Tsernianski, et qui s’appuie sur une poétique de la folie pour rendre compte d’un monde où le sens s’est absenté. De fait la retraite est parfois proche de la débâcle, et les mots ici importent qui indiquent le moment où la pensée et l’art militaires cèdent définitivement sous la pression incoercible de la nature (de la nature humaine et de la pulsion de survie). Et c’est ce point de déséquilibre que mettent à nu les récits de retraite de Russie. On aura noté que Lombardi, l’homme qui refuse de se courber devant la mort (topos de la littérature de guerre) est le premier mort (annoncé) du chapitre. Encore vivant, sur lui plane la mort. Il incarne aussi le basculement d’un héroïsme encore de l’homme debout vers un héroïsme plus humble, plus horizontal, celui de l’être vivant, qui, inlassablement revient à son but premier quels que soient les obstacles rencontrés : rentrer chez lui. Est-ce encore de l’héroïsme ? Loin de se rapprocher des dieux, l’homme semble plutôt se rapprocher de l’animal : Fernau dans son avant-propos le laisse entendre, contre la phrase de Guillaumet qu’il citera page suivante. Non seulement Dieu est du sexe mâle quand la nature est femme, mais, « comme la bête et aussi solitaire qu’elle, l’homme passe sur la terre sans se fixer ni prendre racine » [« wie ein Tier so einsam zieht der Mann darüber hin, ohne Ort und ohne Erde [14] »]. Il rejoint ainsi un lieu commun définitoire de l’humanité.
IV L’humain et ses limites
Quel enseignement tirer de l’homme quand ces récits s’obstinent à ne rien livrer de l’intimité des hommes, à les regarder de l’extérieur. Fernau était fasciné par Hemingway, comme le signale la référence inaugurale au vieil homme de Cuba, et sa technique d’écriture, sobre, efficace. Mais il faut souligner l’aspect quasi phénoménologique du récit qui ne donne même pas les noms de ses personnages, sauf pour Macha, réduits à leurs grades donnés par leurs uniformes.
Chez Rigoni, rares sont les intrusions dans la vie intérieure de ceux qu’il rencontre. Une fois, il salue la maîtrise de soi d’un soldat : « j’en suis sûr, au-dedans de lui, il tremblait comme une feuille de bouleau [15] ». Sinon, il s’obstine à donner des faits, refusant de les subsumer trop rapidement sous une qualification qui deviendrait jugement voire condamnation. On pense par exemple à certaines attitudes de son capitaine, incohérentes. Qu’elles paraissent justes ou injustes au lecteur, elles ne sont pas commentées : dans tous les cas, si la retraite de Russie, peut être le point de départ d’une remise en question d’une Weltanschauung, elle ne donne pas naissance à des considérations politiques. En laissant la parole aux autres même pour des jurons ou une inlassable question quasi-enfantine : quand rentrera-t-on à la maison (Giuanin) ?
Les deux œuvres parlent de l’homme quand le roman de Dumitru parle de la vérité. Même chez J. Fernau, nous l’avons vu, malgré l’extrême virilité de l’ouverture (« chez tous les peuples de la terre, Dieu est du sexe mâle ») plus que de l’homme vir, c’est de l’homme –homo que parle texte allemand.
On remarquera qu’une référence est commune aux deux récits, nouvel emprunt à la littérature, à ce mixte entre expérience vécue et romanesque, je veux parler de Saint-Exupéry. L’auteur français est convoqué par la préface / premier chapitre. Il est de ceux qui peuvent aider le narrateur à « tendre [bander] l’arc d’Ulysse [16] ». Chez Rigoni, la référence est plus discrète, mais facile à saisir. Juste avant que le narrateur ne parle de ses difficultés à écrire à sa fiancée, il avait été question d’un cadeau du lieutenant Cenci (paquet de cigarettes) et d’un prêt, celui d’« un livre où il était question d’un aviateur qui survolait l’Océan, les Andes et le désert [17] ». On se souvient de l’épreuve vécue par Guillaumet et relatée par Saint-Exupéry dans Terre des hommes. La retraite de Russie est ainsi accrochée à une série de récits mythiques (Ulysse), ou témoignages, médiatisés ou non par le romanesque, mais qui parlent de l’homme, de son inépuisable force qui lui permet d’affronter l’adversité, et de son animalité éventuelle. On se rappelle la phrase de Guillaumet « Ce que j’ai fait, je te le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait ».
Deux faces dans l’humanité : l’attention à l’autre reconnu comme autre moi (et c’est ce qui caractériserait le soldat italien) et la capacité à souffrir (incarnée par le soldat russe), mais à subir en vue d’un but fixé (Guillaumet aurait été motivé par la rente de son assurance-vie qui ne devait être versée en cas d’absence du cadavre que quatre ans après sa disparition).
En quelque sorte la retraite voit évoluer des êtres mixtes, entre hommes et guerriers. La retraite pourrait-on dire tend vers la démilitarisation : elle échappe, mais en partie seulement, à la chose militaire pour rejoindre d’autres expériences extrêmes, quand bien même elle a lieu sous le feu ennemi. Sous l’uniforme il y a l’homme. Rigoni n’est pas un pacifiste : il ne récuse jamais l’uniforme et ses obligations. Et la guerre, devenue totalement déséquilibrée, ressemble alors à la chasse comme le montrent un certain nombre de comparaisons ou de métaphores qui renvoient à un ordre naturel, qui n’est pas sans rappeler Tolstoï. On observe la même réduction de la guerre à la traque chez Fernau [18] .
Une chasse cependant n’a pas lieu entre alter ego (toute chasse à l’homme repose sur un présupposé de la bestialité de l’autre, comme le montre bien Le Troisième homme). C’est pourtant ce vers quoi tendrait le texte, mais auquel le narrateur n’est pas prêt : grâce surtout à deux scènes clefs il nous impose de voir malgré tout dans le Russe un semblable (le Russe blessé qui crie maman et le fameux repas, absolument invraisemblable, pris avec les Russes, suspension du temps historique et entrée dans un temps quasi-utopique, qui bien sûr, a cours dans l’isba).
On songera alors à trois vers d’un poème écrit par Primo Levi (« A Mario et Nuto » id est à Mario Rigoni et Benvenutto Revelli) :
Et ils ont écrit des livres qui ne sont pas inutiles
Comme moi ils ont affronté la vue
De la Méduse qui ne les a pas pétrifiés (15).
Comme Primo Levi, Mario Rigoni Stern a affronté le monstre qui n’est rien d’autre que l’inhumanité de l’homme. Le monstre, das Unmensch, est désormais à chercher dans le Mensch. Mais comment cela est-il dit ?
V Enseignement
Il y a dans l’enseignement la présence d’une statue, nous dit l’étymologie. Est-ce la chose enseignée, ou celui qui reçoit l’enseignement qui seraient statufiés ? Car signum, c’est le signe, mais aussi la statue. Le livre de Joachim Fernau n’est pas sans grandiloquence, sans volonté de démonstration. Mais si chez Dumitriu le signe est clair (même si l’enseignement se fait par bobot [19] ) et que la statue parle, les récits allemand et italien posent problème car le narrateur semble laisser les personnages débattre et se débattre. Que doivent-ils faire ? Qu’auraient-ils dû faire ? Le lecteur du RCP comme du SDN n’est pas renseigné sur ce point. Désireux de vivre, les hommes tentent de se dépasser. Ils présentent les mêmes dilemmes : l’homme doit-il tuer pour survivre ? Chez Fernau, le groupe décide de laisser repartir, malgré les conseils de Maya, le vieillard russe qui les a découverts pendant leur repos diurne. La pitié pour le vieillard implorant coûtera 27 morts dont celle de Maya qui souhaitait qu’on l’abatte, puisqu’ils sont très vite encerclés par les Russes. L’aporie n’est pas résolue. Le lieutenant reprend juste la Genèse avec ironie : « Et Dieu contempla ce qu’il avait fait et il vit que cela était très bien [20] ».
Il en va de même chez Rigoni : le fait est décrit, mais la qualification, quand bien même elle semble aller de soi, s’absente. Comme s’il appartenait au lecteur seul de méditer sur les faits. Les Allemands éloignent des prisonniers russes et on entend le crépitement des armes automatiques pendant que la neige tombe ; un Alpino lâche se tire une balle dans le pied : « maintenant [sous peu] cet Alpin vivra tranquillement dans son patelin et touchera une pension [21] » ; un capitaine donne des ordres incohérents. Et que signifie réellement l’hospitalité de certaines isbas ? La question est sous-jacente, mais n’est jamais posée. Ce n’est pas cela qui intéresse. Lui-même n’a pas obéi à l’injonction de rester uni et solidaire qu’il lance régulièrement à sa section. À la fin, il est obsédé par sa seule survie. S’intéresser aux faits n’est pas cependant renoncer à l’émotion. Comme il l’explique au sujet du texte d’un officier des Alpins, les faits sont eux-mêmes porteurs des émotions les plus hautes : « Lamberti ne relate que des faits et seuls les faits provoquent les fortes émotions du lecteur ». Et ce témoignage du capitaine Lamberti doit être lu par les jeunes [22] . Ils sont aussi en soi une leçon. Tout comme Primo Levi doit être lu [23] .
VI Tombeau
J’ai déjà relevé le choix de Fernau de désigner ses personnages, sauf Maya et Pax, par leurs seuls grades. Rigoni lui-même semble se désigner comme un autre en intitulant ses souvenirs Le sergent sous la neige. Portant l’uniforme, obéissant aux ordres (sauf à ceux manifestement fous), Rigoni n’est pas complètement lui-même. Il est une infime partie, quand bien même, au bord de l’effondrement, il déclare ne plus se battre que pour lui-même, de cette colonne qui avance ou plutôt se retire. Il est homme et homme sous uniforme dans une tension qu’il refuse de simplifier. L’homme en uniforme est pris au piège des volontés étatiques. Et pourtant, jamais les textes n’évoquent cette question, ou très légèrement. Il le fera de façon bien plus prononcée dans d’autres textes, comme celui où il prend la défense de son ancien capitaine, dernier commandant du Monte Cervino, bataillon d’élite, qui à son retour de captivité a mis en cause l’idéologie fasciste toujours en vigueur selon lui dans l’armée italienne et pour ce fait dégradé [24] .
Car le texte de Rigoni a pour tâche d’invoquer tous ceux avec qui il a vécu ce drame, rejoignant les pensées de Bobbio [25] qu’on retrouve en Russie chez un Fiodorov. Derrière les grades, il met un nom. Rares sont ceux qui ne sont pas nommés : deux et l’on comprend pourquoi l’Alpin qui s’est mutilé pour rejoindre les embusqués, le lieutenant fou. Le texte prend une formidable couleur humaine grâce à la multitude des noms liés à une activité le plus souvent ordinaire, et, en particulier, celle de la préparation et de la consommation des repas partagés, ultime refuge de l’humanité. Le nom retrouve ainsi sa fonction archaïque, comme dans la litanie religieuse. Il invoque, convoque fait surgir une silhouette. En quelque sorte, en permettant à ses compatriotes de vivre au sein du récit, il leur offre un Tombeau et rend leur existence visible-lisible. C’est pourquoi la nomination importe. C’est pourquoi il s’abstient d’en nommer certains.
Leur est-il redevable ? Lui aussi a connu la culpabilité du survivant [26] . On notera que les deux, Pax et Rigoni (qui fait fonction de lieutenant, et donc d’officier) ont charge d’hommes. L’écriture a pour but de les faire voir et de les faire parler… tant qu’il y aura des lecteurs. Il témoigne pour eux, ceux qui ne peuvent plus écrire, mais aussi ceux qui ne pouvaient déjà plus voir/marcher (tel l’Alpin hagard), malgré les défaillances des sens qui n’ont plus l’acuité du Don. On retrouvera le même esprit dans « Requiem pour l’Alpiniste à la guerre » consacré à Sepp Innerkofler (mort en 1915). L’écriture des faits – et non le témoignage direct qui, finalement, n’importe pas tant que ça – vaut messe de requiem. C’est en lisant et relisant les faits que nous prolongeons leur existence. Cette métamorphose du littéraire en Tombeau ne se retrouve paradoxalement pas chez Fernau. Pax est le seul à survivre : mais le livre, incluant la liste jamais explicitée de tous ceux qui ont échoué dans leur quête offre un substitut à toutes ces tombes anonymes caractéristiques des deux derniers conflits mondiaux, qui désindividualise la guerre. Derrière RCP, il y a tous ceux qui ont tenté de survivre, en vain.
Il est donc plusieurs possibilités d’appréhension de cette période : ou bien elle entre dans un cheminement intellectuel où une instance narrative a déjà saisi son sens, ou bien elle est là de façon brute, comme tout témoignage immédiat de guerre. Celui-ci est automatiquement cruel, dans tous les sens du terme. Le sang versé, celui de l’ennemi, est accepté, car le militaire acculé se trouve dans une alternative qui le place dans l’ordre de la nature. Il tue ou il est tué, par celui dont l’uniforme l’empêche d’être vu comme un semblable. Cruel, il l’est parce que pour survivre il récuse la civilisation, comme l’expliquait Rigoni à P. Levi. Dans l’œuvre allemande Pax sait qu’il ne tirera pas sur le cheval, que ses hommes découpent vif, pour le manger, quand bien même il meurt de faim : mais une fois mort, tout le monde le dévore cru.
La retraite et son acmé, la retraite de Russie, sont la métaphore de toute guerre dès lors que plongé dans les combats, tout ce qui relève du sens disparaît. La tempête de neige, fameux motif littéraire russe, y trouve toute sa force. Elle fait perdre au soldat toute orientation et abolit même la certitude de la verticalité. La retraite est monotone : l’unité de ton prévaut, longue tension où la mort peut surgir à tout moment. Domine le hasard, dans un monde mal cartographié où les officiers eux-mêmes sont en plein désarroi : on pensera à ces scènes des officiers supérieurs chez Rigoni ou à l’aveu du capitaine Pax qu’il n’avait pas compris dans les marécages qu’ils étaient revenus à leur bivouac de la veille et qu’ils avaient donc tourné en rond. On regardera avec attention les choix poétiques à partir des steppes russes qui l’expriment parfaitement : le roman allemand suit la longue marche vers l’Ouest… qui aboutira à la tranchée russe, ironie tragique qui annihile les sacrifices cruels effectués par le capitaine et les siens. Longue marche lancinante, très stylisée, épurée, aux aspects presque beckettiens. Alors que les souvenirs italiens commençaient par l’avant-poste du Don, première partie qui apparaît très vite comme un foyer dérisoire mais apprécié rétrospectivement dès que perdu. Là, la guerre avait visage humain et l’homme pouvait sourire, voire rire. Les fêtes de Noël font basculer la guerre « humaine » en enfer, en longue marche où les hommes se perdent jusqu’à ce que les steppes disparaissent progressivement pour laisser place à l’Ukraine. Ces deux temps ne seraient-ils pas plutôt les deux faces de la guerre ou le passage de la guerre à l’essence de la guerre ? Fernau l’explicite : « L’homme dont l’heure d’épreuve et de grandeur fait l’objet de ce rapport est le capitaine Pax. Il s’agit de faire de ce rapport celui de toute la guerre, de faire de cette guerre la litanie de toutes les guerres du monde [« Es handelt sich darum, seinen Bericht zum Bericht des ganzen Krieg und diesen Krieg zur Litanei aller Kriege der Welt zu machen [27] »].
Dès lors les nombreux Avanti lancés par le capitaine ou le sergent-chef Rigoni sont à mettre effectivement en écho, comme le signalent les deux auteurs, avec le Guillaumet de Saint-Exupéry. Ils peuvent épisodiquement mais superficiellement renvoyer à la geste glorieuse. Ils renvoient surtout à un mouvement quasi mécanique, entre volonté et inconscience. Mouvement qui est celui de la survie à tout prix, y compris à celui d’une cruauté qui est lucidité et non cynisme (les compagnons qu’on abandonne parce qu’on ne peut rien faire pour eux et qui vont hanter les nuits des survivants).
Ce mouvement d’avancée, car pour sa survie, le soldat ne peut s’en abstraire, pourra par la suite être suivi d’un mouvement de recul. Ce recul réinvestit la retraite d’un sens : chez Fernau, c’est le texte liminaire, commentaire viril, qui dirige la lecture. Chez Rigoni, le lecteur approfondira la réflexion dans un article postérieur : et l’on voit l’ancien Alpin revivre dans l’alcool l’action héroïque qui a rouvert la route à la colonne bloquée. L’homme glorieux est profondément détruit. La statue a bien profondément disparu.
Désormais l’homme est couché au plus près de la terre, loin de la statuaire fasciste, nazie ou stalinienne, rampant. Rigoni lui aussi a failli lâcher prise et s’allonger dans la neige. C’est un lieutenant qui l’a obligé à se relever. La symbolique est presque grossière, mais Rigoni, chasseur alpin qui désirait tant être officier, a renoncé à la verticalité hiératique dans les steppes russes. Converti à un monde tolstoïen ou l’homo véritable, plongé dans le grand cercle de la nature, est à peine erectus.
Notes
- [1]
Joachim Fernau, Rapport du capitaine Pax sur ce qu’il y a de grand et de redoutable dans l’homme, traduit de l’allemand par Imogen et Guy Bechtel, Paris, Robert Laffont, 2001 (désormais abrégé en RCP). Joachim Fernau, Hauptmann Pax, mit Illustrationen von Ralph Oertel und einem Nachwort, Schnellroda, Edition Nordost, 2013 (désormais abrégé en HP).
- [2]
Mario Rigoni Stern, Le Sergent dans la neige, traduction de N. Caleff, Paris, Denoël, 10/18, 1995 (SDN). Mario Rigoni Stern, Il Sergentea nelle neve, Einaudi, 2014 (SNN).
- [3]
Mario Rigoni Stern, Requiem pour un alpiniste, traduction de Marie-Hélène Angelini, Lyon, La fosse aux ours, 1907.
- [4]
Petru Dumitriu, Incognito, Le Seuil, Points-Seuil, 1983.
- [5]
Mario Rigoni Stern, Pour Primo Levi, traduction et postface de F. Maspero, La Fosse aux ours, Lyon, 2012, p. 21, 25.
- [6]
RCP, p. 28 / HP, p. 17.
- [7]
HP, p. 5.
- [8]
HP, p. 7.
- [9]
RCP, p. 29.
- [10]
SDN, 21.
- [11]
SDN75/SNV, p. 62.
- [12]
RCP, p. 9.
- [13]
SDN, p. 29, 36, 41, 92. Voir aussi p. 22,27, 28, 36, 43, 94, 142.
- [14]
RCP, p. 7/ HP, p. 5.
- [15]
SDN, p. 40.
- [16]
RCP, p. 8-9.
- [17]
SDN, p. 21.
- [18]
RCP, p. 13, 107.
- [19]
In bobot en roumain, c’est une expression qui signifie « au hasard », « sans réfléchir », « à tort et à travers ». On peut parler (a vorbi), aller (a umbla) în bobot. Cette nécessité de l’apparente absence de sens, qui est en fait discours à double entente, est liée au régime policier.
- [20]
RCP, P. 90.
- [21]
SDN, p. 38.
- [22]
Requiem…, op.cit., p. 154, 156.
- [23]
Pour Primo Levi, op.cit., p. 24.
- [24]
Requiem…, op. cit..
- [25]
Pour Primo Levi, op.cit., p. 32.
- [26]
Pour Primo Levi, op.cit., p. 39.
- [27]
RCP, p. 11/ HP, p. 9.
Pour citer cet article
Pierre-Yves BOISSAU, "La Légende de la retraite de Russie (soviétique)", in M. Finck, T. Victoroff, E. Zanin, P. Dethurens, G. Ducrey, Y.-M. Ergal, P. Werly (éd.), Littérature et expériences croisées de la guerre, apports comparatistes. Actes du XXXIXe Congrès de la SFLGC, URL : https://sflgc.org/acte/pierre-yves-boissau-la-legende-de-la-retraite-de-russie-sovietique/, page consultée le 26 Décembre 2024.