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ARTICLE
Il s’agira de retracer les expériences croisées de quelques très jeunes poètes-soldats morts ou grièvement blessés, que ce soit dans les combats de la Grande Guerre Patriotique et en particulier du front de Leningrad (août 1941 - juin 1945) ou dans ceux de la campagne de Pologne, du siège de Varsovie (1er - 28 septembre 1939) à l’Insurrection de Varsovie (1er août - 2 octobre 1944). Le parti pris de notre réflexion consistera donc à restreindre le corpus de l’étude à une certaine partie de la jeunesse de la guerre polonaise et russe, celle qui a donné le sens ultime à son engagement, selon le mot d’un poète anonyme de l’Insurrection de Varsovie : « Car celui qui a aimé la liberté plus que tout // Est prêt à tout sacrifice » [« Bo kto nad wszystko wolność umilował / Do każdej zdolny ofiary [1] »].
Cette génération poétique constitue un phénomène unique dans l’histoire littéraire. Tragiquement délimitée dans ses cadres temporels, elle fut baptisée, en Pologne, « la génération des Colombs [2] ». Elle englobe, en effet, les poètes nés dans les années 1920, qui ont débuté durant la guerre et dont plusieurs sont morts dans les combats de l’Insurrection de Varsovie. Ils avaient donc entre vingt et vingt-quatre ans. L’esthétique de cette formation poétique s’inspire de la tradition moderniste de la Seconde Avant-Garde polonaise de l’entre-deux-guerres, dominée par des thèmes catastrophistes et apocalyptiques et dont les prophéties se réalisaient dorénavant, selon le mot de Cz. Miłosz [3] . Les valeurs thématiques et formelles élaborées par la génération des Colombs n’ont pas été poursuivies dans la poésie postérieure [4] . Parmi ces poètes, rappelons : Krzysztof-Kamil Baczyński, tué le 4 août 1944, sur la Place Théâtrale, par la balle d’un tireur posté dans la fenêtre du Grand Théâtre ; Tadeusz Gajcy et Zdzislaw Stroiński, ces deux amis tués ensemble le 16 août 1944, par l’explosion d’un immeuble ; Jozef Andrzej Szczepański, mort le 10 septembre 1944, dans l’opération de l’évacuation d’une division insurrectionnelle [5] .
Or, il pourrait être opportun d’étendre, mutatis mutandis, cette appellation aux jeunes poètes russes du même âge, sous réserve de souligner les différences de contexte idéologique et des traditions esthétiques. La plupart de ces poètes sont nés à l’époque de la Révolution et de la Guerre Civile. Ils commencent à écrire sous la Dictature, après le Premier Congrès des Écrivains Soviétiques de 1934 [6] . La chape idéologique pèse donc et laisse inéluctablement une empreinte dans les esprits. Ces jeunes gens font leurs études à l’Institut Littéraire de Maxime Gorky où ils peuvent découvrir des Futuristes et les Constructivistes des années 1920 et 1930, mais guère de poésie moderniste étrangère [7] . Et ils croient sincèrement, sans calcul, au mot d’ordre de l’époque, « Socialisme dans un seul pays [8] ». Poètes de l’ombre, leurs poèmes ont été dispersés. Ils ont été réunis à titre posthume dans des anthologies, dans les années 1960 seulement. La plus significative de ces anthologies s’intitule Imenà na povérke (« appel des noms, liste d’émargement »). Voici quelques « noms » qui répondent « absent » à « l’appel » : Pavel Kogàn, tué par une balle allemande lors d’une opération militaire à Novorossiïsk (1942) ; Nicolaï Maïorov qui a péri dans la région de Smolensk (1942) ; Sémion Gudzenko, grièvement blessé à Stalingrad (1943), une balle ayant perforé son estomac, ces blessures ne devant causer sa mort qu’en 1953 ; Edouard Asadov, grièvement blessé au visage sous Sebastopol (1944), et aveugle jusqu’à la fin de sa vie (2004) ; Elena Schirman, martyrisée par les Nazis et obligée de creuser elle-même sa tombe (1942 [9] ).
Le parcours comparatiste qui se présente à nous est donc unifié par des convergences manifestes, relatives au destin des poètes, ainsi qu’au contexe de genèse de leurs productions, mais aussi parsemé d’obstacles de nature historique. Mais il sera justement intéressant de se demander si l’on peut surprendre des affinités souterraines, entre les jeunes poètes polonais et russes soviétiques de la Seconde Guerre Mondiale, par-delà les divergences idéologiques et esthétiques qui séparent ces deux formations poétiques. Après avoir inséré la genèse de ces deux corpus poétiques dans leurs contextes historiques respectifs, nous nous attacherons à décrire quelques formes et figures qui dessinent la trame poétique de ce lyrisme de la déchirure, pour tenter de surprendre, enfin, le centre de gravité de l’expérience du poète-soldat.
La genèse des deux corpus poétiques
Divergences de contexte historique et littéraire
Il est, certes, nécessaire de souligner les divergences majeures, relatives à la situation historique concernant la génèse de chacun des deux corpus, mais on peut néanmoins mettre en lumière quelques analogies contextuelles, attribuables à la situation spécifique générée par la guerre.
En effet, si les destinées de nos poètes de vingt ans sont déchirées par l’histoire convulsive de leur époque, ce n’est pas, cependant, la même histoire. D’une part, l’historiographie polonaise peut désormais, depuis 1989, évoquer non pas un mais deux occupants, en ces années 1939-1945. En effet, le 17 septembre 1939, l’Union Soviétique, conformément au Protocole Secret du pacte Ribbentropp-Molotov, envahit les régions orientales de la Pologne [10] . D’autre part, l’offensive du Troisième Reich contre l’URSS, le 22 juin 1941, offensive qui trahit les termes dudit pacte [11] , transforme les ennemis de naguère, les Russes et les Polonais, en frères-ennemis, puisque dorénavant l’URSS rejoint la coalition anti allemande. La situation politique se complexifie devant le drame de l’Insurrection de Varsovie (1er août – 2 octobre 1944), lorsqu’une poignée de combattants de l’Armée Nationale de l’Intérieur, jeunes, héroïques et mal armés, se dresse pour braver la puissance militaire allemande, dans des combats de barricades qui durent deux mois. Cet élan est voué à l’échec, à cause notamment de moyens matériels très insuffisants. Il coûtera la mort de plus de 200 000 habitants et la réduction en centres d’une ville [12] , une « ville fière / comme un lion noir, qui agonise longtemps », comme semble le prophétiser K. Baczyński dès 1943, dans le poème « Varsovie » (« Warszawa [13] »). À la source de ce désastre : une erreur tactique ou peut-être un trop grand idéalisme. L’enjeu qui motive l’Insurrection est, en effet, de « bouleverser la conscience morale du monde », des Alliés occidentaux et de Staline, pour affirmer, par cet acte de bravoure et d’abnégation, la souveraineté de la Pologne, prête à tout pour revendiquer une place indépendante dans l’Europe de l’après-guerre [14] . Cet appel n’ayant pas été entendu, les Insurgés, abandonnés de tous, feront l’expérience de la déréliction dont témoigne le poème de Z. Jasiński, « La conscience du monde » :
Już tylko jedna wiara : wierzyć nie wolno.
I tylko jedna ufność: zaufać umarłym.
I wolność tylko jedna: malowana wolność.
A dla gwarantów słowo także jedno: karły.
Było nam słowom wierzyć, było wiarą krwawić,
Zdobywać mogiłami tę gorycz bezmierną,
Że nikt nam rąk nie podał w samotnej rozprawie,
Że tylko wróg jest wierny, bo tylko śmierć jest wierna.
Il ne reste plus qu’une foi : il ne faut croire en rien.
Et qu’une confiance, celle qu’on fait aux morts (…)
Il nous a fallu croire aux mots, il nous a fallu saigner de notre foi,
Pour n’obtenir que l’amertume qui fume, sans fin
Vers le vide d’un monde sourd, rassasié de liberté
Pour n’obtenir que ceci :
Seul l’ennemi tint parole à la Varsovie insurgée.
Seule la mort est fidèle [15] .
A fortiori, sur la rive droite de la Vistule, les troupes soviétiques stationnent, immobiles, en laissant l’Insurrection s’éteindre d’elle-même [16] . Frères ou ennemis ? Certains de ces jeunes poètes polonais dont plusieurs sont de sensibilité marxiste [17] attendaient, naïvement peut-être, les renforts de l’Armée révolutionnaire. Les sentiments vis-à-vis de celle-ci étaient des plus ambivalents. Ce fut un mélange de déception, de rage et de révolte, comme en témoigne le poème de J. Szczepański, écrit peu avant sa mort sur les barricades, en août 1944. Le poème s’intitule « Czerwona zaraza » (« La peste rouge ») :
Czekamy ciebie, czerwona zarazo,
Byś wybawiła nas od czarnej śmierci,
Byś kraj nam przedtem rozdarłszy na ćwierci
Była zbawieniem, witamy z odrazą. [...]
My wciąż czekamy, ty zwlekasz i zwlekasz
Ty się nas boisz i my wiemy o tem.
Chcesz, byśmy wszyscy legli tu pokotem,
Naszej zagłady pod Warszawą czekasz.
Nic nam nie zrobisz - masz prawo wybierać.
Możesz nam pomóc, możesz nas wybawić
lub czekać dalej i śmierci zostawić...
Śmierć nie jest straszna, umiemy umierać.
Nous t’attendons - ô peste rouge
Sauve-nous de la mort noire
Toi, ayant dépiécé notre pays,
Sois notre salut,
Nous t’accueillons avec dégoût […]
Nous t’attendons – toi, tu tardes et tu tardes
Tu as peur de nous et nous le savons
Tu veux nous voir tous périr
Tu attends notre extermination aux portes de Varsovie
Tu ne nous feras rien - à toi de choisir
Tu peux nous aider, tu peux nous sauver
Ou bien continuer d’attendre et nous livrer à la mort
La mort n’est pas une horreur : nous savons mourir [18] .
Ce faux dialogue, dialogue de sourds, avec le futur occupant dramatise in expressis verbis un état d’esprit répandu dans la Varsovie insurgée. Mais le fait même que les Insurgés attendent un éventuel soutien des Russes montre bien l’ambivalence de cet amour amer qui donne tout son sens au motif des Frères Ennemis.
Mutatis mutandis, la situation n’est pas moins complexe dans l’URSS elle aussi doublement occupée, quand on considère la colonisation intérieure du pays par le régime stalinien. Il nous faut rectifier ici, en effet, certaines contre-vérités sur la Grande Guerre Patriotique et le prétendu patriotisme révolutionnaire. Si la propagande officielle s’attache à imposer la vision simpliste et falsificatrice d’un peuple soviétique ne formant qu’un seul bloc derrière le parti, contre l’occupant nazi, nous savons aujourd’hui que la population était, de fait, si « maltraitée » par Staline que des millions de Russes accueillent les Allemands comme des « libérateurs [19] ». Mais cette colonisation du pays est tout d’abord intérieure : la chape idéologique écrase les consciences. Il est essentiel de rappeler, en effet, que seuls les poètes dont la formation artistique est antérieure au tournant de 1917 préservent leur entière indépendance intellectuelle [20] . Mais comment nos Colombs soviétiques, nés après ce tournant, pouvaient-ils discerner le carcan idéologique ambiant ? Ils étudiaient tous, à la fin des années 1930, à l’Institut Littéraire Gorky une histoire idéologiquement infléchie. La Mère-Patrie était donc synonyme, à leurs yeux, de l’idéal révolutionnaire [21] . Doués d’un sens aigu du patriotisme, ils seront frappés de plein fouet par l’agression du 22 juin 1941. Mais c’est peut-être justement grâce à l’amour viscéral qu’ils portaient à leur patrie communiste que ces étudiants ont laissé un témoignage poétique poignant où l’engagement littéraire et existentiel ne font qu’un.
Il n’en va pas autrement des jeunes résistants polonais morts sur les barricades de l’Insurrection de Varsovie. Mais ceux-ci poursuivent un idéal bien différent. Ils combattent au sein des Bataillons d’Assauts des Scoots qui regroupent de tout jeunes garçons et filles, souvent des adolescents, portés par la foi quasi mystique dans la valeur rédemptrice de la souffrance imméritée, nourrie des accents les plus sublimes du Romantisme polonais : mourir pour défendre la souveraineté de la patrie est perçu comme un honneur et un bonheur. Tel est leur idéal, un idéal romantique, qui plonge ses racines dans une tradition nationale ancestrale [22] . Qui plus est, la plupart de ces poètes, dont les pères ont conquis la liberté durant la Première Guerre Mondiale, représentent justement la frange nationaliste de la jeunesse polonaise, groupée autour de la revue Sztuka i Naròd (« Art et Nation » : 1942-1944). Mais il ne faut pas préjuger du caractère politisé de cette jeune résistance, car plusieurs, comme K. Baczyński, publient en parallèle leurs poèmes dans la revue gauchisante modérée Droga (« Le Chemin » : 1943-1944) et même dans la revue marxiste Plomienie (« Les Flammes » : 1942-1944 [23] ). Par-delà leurs sympathies idéologiques, ils sont par-dessus tout fédérés par un seul et même idéal patriotique [24] .
Le Patriotisme s’impose donc comme la valeur-clé, en temps de guerre, en primant sur toute considération idéologique ou politique, même si, dans chaque corpus, cette notion a son contenu propre. L’impératif de défendre la Patrie en danger assigne des fonctions fondamentales à l’art et à la littérature, réceptacles de l’identité communautaire. Investie de cette mission majeure, la vie culturelle de cette époque se révèle dynamique et florissante, en venant mettre en échec la devise latine, selon laquelle Inter arma silent musae.
Analogies dans l’organisation de la vie culturelle en temps de guerre
En Pologne, dans la partie occupée du pays, appelée Le Gouvernement Général, dotée d’une apparence d’autonomie, les conditions d’activité artistique sont relativement plus libres que dans les parties incorporées au Troisième Reich et, a fortiori, dans les régions de l’Est occupées par l’Union Soviétique [25] . C’est ici que se concentre donc la vie intellectuelle et artistique, ce milieu n’étant pas, au demeurant, plus épargné que les autres par les arrestations, les exécutions et les déportations [26] . Soulignons à quel point la vie culturelle était florissante en clandestinité : jusqu’à 1500 titres de périodiques ont été recensés de 1939 à 1945, de même que 400 imprimeries en activité, la plupart situées à Varsovie et dont beaucoup éditaient des plaquettes de poésie [27] . Ce grand dynamisme de la culture était un signe visible de l’espoir. On songe à cet éditeur et mécène, Zdzisław Metzner, qui allouait aux poètes des subsides importants sur le compte des droits d’auteurs futurs dans la Pologne libre [28] . Il est significatif que même durant les soixante-trois jours de l’Insurrection, la vie culturelle n’a pas baissé d’intensité, au contraire. On organisait, sous les bombes, de multiples concerts, spectacles, meetings et conférences [29] . Notamment, la poésie faisait partie intégrante de la vie des Insurgés. Les poèmes étaient recopiés à la main sur de petits feuillets, puis diffusés par les agents de liaison qui les transportaient dans les canaux. Bon nombre de ces feuillets ont été retrouvés dans les poches des soldats tués [30] . Non seulement omniprésente dans le feu de ce combat héroïque, la poésie était donc tout juste vitale.
Si l’on retrouve un engouement comparable pour la poésie en URSS, il apparaît comme moins spontané, cependant. Les créateurs soviétiques répondent, certes, présents à l’appel du Parti : « Toutes les forces de la Nation pour vaincre l’ennemi [31] ». Les poètes récitent leurs œuvres à la radio, des rencontres de créateurs avec les ouvriers et les soldats sont organisées. Si la presse nationale réserve une large place aux productions poétiques, celles-ci sont cependant soigneusement sélectionnées selon des critères idéologiques [32] .
Il est donc essentiel de souligner que la poésie s’affirme comme un vrai ciment de l’unité nationale, en jouant un rôle fédérateur fondamental, pour nos deux communautés. Mais les formes et les figures esthétiques adoptées par cette foisonnante production poétique sont spécifiques, dans chaque corpus.
Formes et figures de la poésie de la guerre
Le profil énonciatif
L’organisation énonciative des poèmes de nos deux corpus fait apparaître des analogies significatives. Elle est marquée, tout d’abord, par la prédominance du sujet collectif « nous ». Ce type d’actualisation s’impose dans la poésie russe au point que dans les derniers poèmes de P. Kogàn, par exemple, les formes de la première personne du singulier sont exceptionnelles, le discours se faisant l’expression d’une entité collective qui englobe tous les Révolutionnaires [33] . Cette dimension communautaire ou générationnelle apparaît clairement dans les titres des poèmes de N. Maïorov : « Il ne nous est pas donné de pourrir tranquillement dans la tombe » (« Нам не дано спокойно сгнить в могиле ») ou tout simplement « Nous » (« Mы »). Une telle coalescence entre le Je et la communauté génère, comme le montre M. Chajęcka, un type spécifique de concrétisation littéraire, selon lequel les sentiments nationaux se trouvent individualisés par une voix lyrique [34] Dans les poèmes polonais, on retrouve, mutatis mutandis, cette omniprésence de l’actualisation collective. Dès la première lecture de l’anthologie des poèmes de l’Insurrection de Varsovie, on relève, par exemple, une très nette prédominance quantitative des poèmes présentant un sujet collectif, l’actualisation à la première personne du singulier demeurant exceptionnelle [35] . Ce fait énonciatif conduit même E. Balcerzan à remarquer que le pronom de la première personne « ja » [« je »] fonctionne, au sein de ce corpus poétique, comme une synecdoque pars pro toto du pronom collectif « my » [« nous [36] »].
Corrélativement, les formes d’adresse et d’apostrophe au lecteur sont omniprésentes. La critique soviétique souligne ce fait énonciatif, en le motivant par « l’aspiration des poètes à unir leurs propres émotions avec les expériences de tout un peuple [37] ». K. Hodgson insiste, elle aussi, dans une perspective informée par les données de l’esthétique de la réception, sur ce lien entre les générations, en montrant la communauté d’expériences qui se tisse entre le sujet lyrique et le lecteur implicite [38] . Que ce type énonciatif thématisant l’instance allocutive ne soit nullement un apanage de l’esthétique révolutionnaire, la lecture des poèmes polonais le révèle. Ainsi, le héros prométhéen des drames de K. Baczyński orchestre fréquemment un dialogue dramatisé avec toute la communauté nationale [39] . Dans le même sens, toute la poésie de T. Gajcy a pu être interprétée comme un dialogue-testament avec le futur lecteur [40] .
C’est donc peut-être la situation existentielle de la guerre qui génère ses propres codes énonciatifs et pragmatiques, lesquels transcendent les différences idéologiques. Or, corrélativement, on peut noter des constantes dans l’évolution poétique que traversent les poètes des deux corpus. Cette évolution mène ces derniers de la tradition moderniste vers des formes d’expression venant réactiver l’esthétique romantique.
L’Evolution esthétique du Modernisme vers le Romantisme
Une telle évolution semble résulter, tout d’abord, des tensions esthétiques relatives à la finalité et à la justification du geste poétique. Nos poètes répudient, en effet, l’idéal formel de la poésie moderniste, tant il est vrai que la guerre oblige la parole poétique à questionner ses ultimes ressources et à aller chercher son souffle au fond de l’expérience humaine la plus extrême.
« Nous aurions pu être des Rimbaud », ironise A. Trzebiński, tué en 1943, lors d’une exécution de rue, dans une lettre-épitaphe dédiée à son camarade de plume et d’armes, W. Bojarski [41] . C’est regretter l’anachronisme de la poésie moderniste, dans une époque placée sous le sceau du Mal absolu. Le Romantisme seul peut relever le défi. Le parcours artistique de K. Baczyński est exemplaire de l’évolution du Catastrophisme moderniste vers le Romantisme, sous le patronage des grands « Wieszcze [42] », Slowacki et Mickiewicz, une telle évolution déterminant l’expérience de toute cette génération poétique [43] . Ainsi, la première période de la création du poète, de 1939 à 1941, est dominée par les motifs catastrophistes oniriques et fantastiques [44] . Ceux-ci mettent en jeu l’opposition de deux plans temporels, entre les réminiscences d’une enfance bucolique, vrai paradis terrestre, ressuscitées selon l’esthétique d’un conte de fées, d’une part, et, d’autre part, l’intrusion brutale de la guerre [45] . C’est à partir de 1941 que s’amorce, chez le poète, une évolution vers une écriture venant réactiver le mythe romantique du poète-prophète et guide moral de son peuple [46] .
Cette esthétique visionnaire promeut la poésie en l’interface d’un dialogue entre le Je, personnage prométhéen et titan de l’Esprit, et la Nation, ce dialogue visant à insuffler à la communauté la foi dans l’avenir, autour d’un socle de valeurs éthiques [47] . « Le Dernier poème » (Ostatni wiersz) est exemplaire à cet égard, en offrant une prosopopée saisissante qui donne la parole au « Soldat des siècles », nouvel avatar du « Roi-Esprit » (Krol-Duch) de J. Slowacki, figure allégorique qui incarne le destin tragique de la Pologne [48] : « Moi, soldat des siècles, fusillé mille fois, / Mon cœur est transpercé par la baïonnette du frère » [« Ja: rozstrzelany po tysiąckroć żołnierz stuleci, / z sercem na bagnet brata nakłutym [49] . »]. Le sujet lyrique acquiert, dès lors, une stature prométhéenne, en venant disputer à Dieu l’avenir de la Nation, comme en témoigne, par exemple, le poème « La Prière III » (Modlitwa III) qui lance un défi désespéré au Créateur : si Dieu ne sauve pas les Polonais en tant que nation, qu’il les extermine jusqu’au dernier, qu’il « transforme en argile jusqu’aux enfants qui ne sont pas encore nés [50] ». On retrouve, en outre, chez K. Baczyński, de multiples accents d’un messianisme martyrologique si typique du Romantisme polonais, comme, par exemple, dans la chute du poème « Les Polonais » (« Polacy ») qui brosse un tableau du désastre : « la passion du Christ s’est incarnée dans les gens » [« Jakby się męka boża w ludziach ciałem stała [51] »]. Mais ce messianisme romantique se tourne vers l’avenir, à travers l’idée d’une continuité spirituelle de la nation, nourrie des sacrifices des martyrs venant édifier les générations à venir. Cette idée est dramatisée dans le poème « Miserere » où l’on voit des soldats rescapés enlever les casques ensanglantés des têtes de leurs camarades d’armes tués dans la bataille. Ils désirent accrocher ces casques, comme autant de roses symboliques du martyre national, sur les uniformes des soldats polonais de l’avenir. L’héroïsme des générations sacrifiées devient donc un testament spirituel pour les générations futures. On retrouve cette idée romantique d’héritage spirituel et moral chez T. Gajcy, notamment dans cette adresse au lecteur :
Słuchaj tych głosów, bo po to szczęśliwie
ocalon został w tragicznej potrzebie,
byś chleb powszedni łamał sprawiedliwiej
i żył za tamtych i za siebie lepiej.
Écoute ces voix, car si, heureusement,
Tu fus sauvé face à la nécessité tragique
C’est pour que tu partages avec plus d’équité le pain quotidien
Et pour que tu vives mieux, pour toi et pour eux [52] .
Cette inspiration romantique de la poésie des Colombs s’inscrit, en réalité, dans une historiosophie pessimiste et tragique, fondée sur l’idée selon laquelle l’Histoire n’est qu’une succession de crimes et que les générations consécutives des Polonais, porteuses d’un idéal éthique et humaniste, sont vouées à la défaite. Les motifs martyrologiques atteignent, en effet, dans les derniers poèmes de Baczyński, une densité qu’on qualifierait, avec Z. Lisowski, d’« apocalyptique [53] ». D’ailleurs, D. Chauvin étudie magistralement l’imaginaire apocalyptique dans la poésie polonaise de 1939 [54] . Il est essentiel de noter que cette symbolique apocalyptique délimite un espace syncrétique où se rencontrent les inspirations romantique et moderniste, tant sont sensibles ici des échos du catastrophisme de J. Czechowicz et de Witkacy [55] .
Or, on perçoit un syncrétisme analogue entre la tradition moderniste et la veine romantique chez P. Kogan, avec cette différence notable toutefois que le romantisme koganien est d’inspiration révolutionnaire. Le modernisme de P. Kogan, marqué par son souci des expérimentations formelles, sonores et métriques, par des images violentes et expressionnistes, ou encore par de multiples synesthésies est clairement perceptible dans le premier recueil du poète, « Orage » (Grozà : 1936-1939). Le poème liminaire de ce recueil, à valeur de manifeste, « Grozà », thématise ainsi le postulat koganien d’une « poésie angulaire », celle qui recherche la difficulté formelle : « Dès l’enfance, je n’ai jamais aimé l’ovale. // Dès l’enfance, j’ai dessiné l’angle » [« « Я с детства не любил овал! Я с детства угол рисовал [56] ! »]. Mais dès les premiers poèmes, cette veine moderniste est concurrencée par les thèmes et les formes du romantisme révolutionnaire, courant dominant depuis 1917. Dès 1936, dans « Mais comment le dire ? » (« Ну, как же это мне сказать ? »), le poète se fait le chantre de l’effort collectif de la jeunesse communiste, il exalte le « romantisme endurci » des travaux agricoles [« черствая романтика работ [57] »]. Ce Romantisme n’a rien de pouchkinien : Kogàn proclame même la fin du Romantisme taxé de sentimentalisme : « quand se termine ton art // étoile filante (tombante) du Romantisme » [« Когда кончается твое искусство, // Романтики падучая звезда [58] »]. En parallèle, la facture métrique des poèmes évolue vers le traditionnel vers syllabo-tonique au mètre régulier [59] . Dans une perspective plus globale, P. Vyhodtsev montre que l’ensemble de la poésie russe de la Seconde Guerre Mondiale s’éloigne du modernisme, pour revenir à un lyrisme oratoire, avec ses tropes : les hyperboles, les anaphores, les parallélismes syntaxiques, les questions rhétoriques, les exclamations [60] .
Mutatis mutandis, on observe donc, dans nos deux contextes de référence, un retour aux codes romantiques. Mais cette distanciation progressive et plus ou moins marquée des poètes vis-à-vis des traditions modernistes s’explique naturellement par le fait que la poésie de la guerre ne saurait être qu’une poésie militante, une poésie de l’action, de l’appel au combat. Il s’agit donc ici indubitablement d’une poésie épique qui tend à activer la volonté de combattre, en chantant les héros militaires et leurs exploits. Or, nous sommes ici en présence d’un épique renouvelé qui célèbre de préférence la bravoure du soldat anonyme.
La célébration épique du soldat anonyme
Dans « Une lettre » (Pismo : XII 1940), P. Kogàn s’adresse au Krasnoarmenets, simple soldat quidam de l’Armée Rouge [61] . Jamais, dans sa poésie, le sacrifice ne porte le nom d’exploit :
Упасть лицом на высохшие травы.
И уж не встать, и не попàсть в анналы,
И даже близким славы не сыскать
Tomber sur le visage contre les herbes sèches
Et ne plus se lever, mais sans se trouver ensuite dans les chroniques
Et, bien que si près, ne jamais rencontrer la gloire [62]
Or, le même procédé de valorisation de l’héroïsme anonyme apparaît dans l’anthologie des poèmes consacrés à l’Insurrection de Varsovie [63] . Ceux-ci célèbrent telle division, tel bataillon, tel quartier, bref toujours une entité collective : « Chant de Czerniakow », « Marche de Mokotov », « Marche de Zolibóż [64] ». Les héros, rarement individualisés, forment une masse anonyme. L’exaltation du fait guerrier collectif passe parfois par la transposition métonymique, quand l’armée des combattants se trouve assimilée à la ville personnifiée qui devient l’objet d’apostrophes et d’invocations épiques : « Aux barricades, ô Varsovie ! / Il te faut vaincre dans les combats quotidiens / Tes décombres sont ta gloire / Ta grandeur est dans tes cendres. » [« Na barykady, Warszawo, / Zwyciężaj w codziennych bojach ! / Twe zgliszcza są twoją sławą, / W twych gruzach jest wielkość twoja [65] . »]; « Et elle combat encore, la fière capitale / Enveloppée dans la fumée des incendies (…) » [« I znów walczy dzielna stolica, / Znów spowiły ją łuny i dym / I na krwią zbroczonych ulicach / Znów wolności rozlega się hymn [66] ! »]. Le destin de la communauté des combattants tend ainsi à se fondre avec celui de la ville en flammes, les deux fusionnant dans une configuration symbolique de l’héroïsme collectif : « Car la Varsovie en lutte, c’est nous » [« Bo my - walcząca Warszawa [67] »]. L’héroïsme collectif, démultiplié par son poids démographique, joue donc un rôle symbolique majeur, en venant irriguer et vivifier la résistance morale d'un Peuple.
Mais ce jeu qui tend à déplacer les codes de l’épique va plus loin. Il atteint sa force performative optimale dans le déplacement du centre de gravité du poème vers le questionnement de la situation émotionnelle du poète-soldat. Et ce n’est pas la victoire, mais la mort qui est au centre de cette expérience personnelle : une mort donnée, ressentie, reçue. Pour conceptualiser cette expérience du plongeon dans la mort, la critique polonaise a forgé l’expression « frappés par la mort » [« porażeni śmiercią [68] »].
L’atteinte de la mort
Le sujet lyrique, dans chacun de ces poèmes de guerre, vit une expérience chtonienne s’il en est de descente aux enfers. Mais cette expérience se lit d’abord, surtout dans la poésie polonaise, comme une expérience morale.
Les destinées chtoniennes
L’évocation de la mort, mort appréhendée, attendue, vue mais jamais apprivoisée, creuse l’énonciation lyrique, inscrite au centre des isotopies thématiques. Sémion Gudzenko traduit bien, dans son poème « Avant l’attaque » (Перед атакой [69] ), cette contiguïté de la mort que le soldat côtoie quotidiennement. Le poème, dominé par l’élément réaliste, campe le tableau de la bataille. Il est marqué par un glissement tonal qui nous fait passer d’une vision épique du combat, sensible à l’attaque qui célèbre l’héroïsme et l’abnégation de l’Armée Rouge (« Quand ils vont vers la mort - ils chantent » [« Когда на смерть идут – поют »]), à une vision réaliste qui aligne les aperçus de la mort, telle la mort d’un ami-soldat, déchiré par une bombe [70] . Le poème est ponctué par le retour, en chute de plusieurs quatrains, du vers « La mort passe tout près. » [« Cмерть проходит мимо »] qui semble traduire, comme un funeste refrain, l’étonnement du sujet de ne pas être mort, comme tant d’autres. Le dernier quatrain est centré sur le Je que l’on voit, après la bataille ou peut-être après la guerre, devant un verre de mauvais alcool : « Avec un couteau j’enlevais le sang d’autrui resté sous mes ongles » [« (…) и выковыривал ножом // из-под ногтей я кровь чужую. »]. L’efficacité du poème réside dans la grande écononomie de moyens qui permet de montrer comment le sujet fait l’expérience de la mort, avec tous ses sens et presque par tous les pores de sa peau [71] .
Cette thématique de l’atteinte viscérale par la guerre et par la mort trouve une résonance toute particulière chez K. Bacziński qui évoque, dans le poème « La génération » (Pokolenie), un rêve où il voit un frère d’armes, à qui « on avait crevé les yeux de son vivant », à qui « on avait cassé les os avec un baton » [« Po nocach śni się brat, który zginął, //któremu oczy żywcem wykłuto, // Któremu kości kijem złamano (...) [72] »]. Mais on passe, sans crier gare, de ce tableau des tortures vers l’évocation de l’état psychologique du sujet lyrique, sans rupture d’isotopie, puisque cet état est suggéré métaphoriquement à travers le même champ sémantique de la souffrance corporelle : « Et le ciseau douloureux creuse durement // Le sang gonfle les yeux, comme des abscès » [« (…) i drąży ciężko bolesne dłuto, // nadyma oczy jak bąble – krew (...) [73] »].
L’expérience de la mort creuse donc l’énonciation poétique, comme elle creuse la destinée du Je. Celle-ci est comme emprisonnée dans les serres de la mort. Le poème d’Elena Shirman, « Les derniers vers » (Последние стихи : 1941 [74] ), affiche cet emprisonnement dans et par sa composition même. Ce poème d’amour dit les sentiments de la locutrice, non partagés par celui qu’elle aime. Mais la tension principale réside dans le jeu entre l’amour malheureux et la situation de guerre qui place la locutrice en danger de mort imminente. Celle-ci est évoquée uniquement en attaque et dans la chute du poème. Son bien-aimé se refuse à elle ; ce n’est qu’au moment ultime, après avoir été atteinte par la balle mortifère, qu’elle peut l’approcher, l’embrasser en rêve qui est agonie. Ne s’agit-il pas du baiser de la mort elle-même ? Ce poème d’amour, tissé d’images assez conventionnelles du lyrisme amoureux, se révèle donc enfermé dans une boucle mortifère.
Mais la vérité de cette poésie qui vient déplacer les enjeux de l’épique s’avère encore plus troublante. Le sujet lyrique est non seulement assailli par la Mort au sens premier du terme. La mort qui guette est, en effet, essentiellement une mort morale.
Atteint par le Mal comme par une balle
Car notre corpus poétique exprime les tensions et les contradictions qui traversent le psychisme d’un sujet lyrique confronté aux affres de la Guerre, quand il se transforme en soldat, procurateur de la mort. Le caractère oxymorique de cette appelation « poète-soldat » se trouve surtout thématisé dans la poésie polonaise. Le poème de K. Baczyński « L’Elégie… d’un garçon polonais » (« Elegia o … chłopcu polskim » : III 1944) est révélateur à cet égard :
Oddzielili cie, syneczku, od snów, co jak motyl drżą,
haftowali ci, syneczku, smutne oczy rudą krwią,
malowali krajobrazy w żółte ściegi pożóg,
wyszywali wisielcami drzew płynące morze.
Wyuczyli cię, syneczku, ziemi twej na pamięć,
gdyś jej ścieżki powycinał żelaznymi łzami.
Odchowali cię w ciemności, odkarmili bochnem trwóg,
przemierzyłeś po omacku najwstydliwsze z ludzkich dróg.
I wyszedłeś, jasny synku, z czarną bronią w noc,
i poczułeś, jak się jeży w dźwięku minut - zło.
Zanim padłeś, jeszcze ziemię przeżegnałeś ręką.
Ils t’ont séparé, mon petit, de tes rêves, papillons frémissants
Ils ont brodé, mot petit, tes yeux tristes d’un sang roux
Ils ont peint des paysages avec des ourlets jaunes d’incendies
Ils ont épinglé des pendus sur la mer d’arbres ondulant
Ils t’ont appris, mon petit, ton pays par cœur,
Quand tu as creusé ses sentiers avec des larmes en acier
Ils t’ont élevé dans le noir, ils t’ont nourri d’un pain d’angoisses
Quand tu arpentais à tâtons les plus honteux des chemins humains
Et tu es sorti, mon petit de lumière, avec une arme noire, dans la nuit,
Et tu as senti le Mal hérissé dans la résonance des minutes
Avant de mourir, tu as béni la terre d’un signe de croix
Était-ce une balle, mon petit, ou juste ton cœur brisé [75] ?
L’immense charge pathétique et tragique qui se condense dans ce poème réside, tout d’abord, dans l’apostrophe poignante qui donne la parole à la mère, peut-être la Patrie personnifiée. Elle s’adresse à son fils mort, désigné par l’appellatif affectif « mon petit » [« mòj synku »]. Il avait été soldat et fut tué à la guerre. Mais il reste un petit garçon. Une antithèse se dessine entre la fragilité de l’enfant et la brutalité de la guerre mortifère, pour générer l’image d’une enfance brisée, comme le suggère la métaphore filée de la couture qui parcourt le poème (nous la signalons). La guerre s’affirme donc ici comme une expérience de la déchirure qui vient creuser une béance au centre de l’existence de l’enfant. L’enfant-soldat, désemparé, devient le jouet des forces mutilantes de l’Histoire, figurées par les « Ils » indéterminés et offensifs, en attaque des vers.
Mais le drame du jeune soldat est ailleurs. En effet, dans la chute du dernier quatrain, le moment de la mort est évoqué de façon ambivalente. On ignore notamment si le personnage est mort de la balle ou d’une crise cardiaque. Ceci ouvre de nouvelles perspectives sémantiques, puisqu’on peut se demander si la mort vient de l’extérieur ou s’il s’agit d’une mort intérieure ou morale. Ce qui milite en faveur de cette seconde hypothèse, c’est le fait que le personnage lui-même soit habité par une antithèse. Ce « garçon de lumière » au regard clair porte, en effet, une « arme noire », métaphore de la haine imposée par l’ennemi. De plus, il s’enfonce dans la « nuit ». Le « Mal hérissé » figure-t-il la division de l’ennemi qui, comme un fauve, raidit son dos avant de bondir ? Ou bien renvoie-t-il aux démons intérieurs du Je ?
Donc si le cœur du garçon bat trop fort, jusqu’à se rompre, c’est parce que ce dernier est trop sensible et qu’il n’a pas su accepter le sentiment de haine imposé par la situation de guerre. L’obligation de donner la Mort est, en effet, éprouvée comme une vraie maladie. C’est là un questionnement récurrent chez K. Baczyński. Dans un autre poème, « Le regard » (« Spojrzenie »), il décrit sa situation comme celle d’un « malade de la mort [76] ».
En effet, le paradoxe du poète-soldat semble poser à l’auteur un insurmontable problème d’ordre moral. D’ailleurs, ce fut un soldat médiocre, au point d’être relégué du bataillon « Zośka » juste avant l’Insurrection, pour être enrôlé dans un autre bataillon de Scoots, « Parasol ». À ce propos, Jan Bloński écrit, dans son essai sur K. Baczyński qui porte le beau titre « À la mémoire d’un ange », que le jeune poète avait plus peur de tuer que d’être tué [77] . Dans « L’Élégie… d’un garçon polonais », ce questionnement moral est empreint d’une grande solennité, à travers notamment la stylisation homérique du poème [78] .
Mais cette vibration épique s’accompagne de l’intensité émotionnelle propre à l’élégie. Celle-ci met l’accent sur les conflits d’ordre moral qui surgissent face à l’obligation de tuer, celle-ci étant érigée en norme en temps de guerre. Tout comme K. Baczyński, T. Gajcy fait œuvre de moraliste, quand il questionne, fréquemment, l’empreinte psychique que laisse, chez le jeune poète, la guerre :
Nie wiedziałeś, że dłoń, którą uczyłeś śpiewać
potrafi nienawidzić i pięścią grubieć pełną
gniewu (…)
Tu ne savais pas que la main à qui tu avais appris à chanter
Est capable de haïr et de s’arrondir en un poing plein,
De porter la torche de la colère [79]
Le poète ne cesse de questionner sa propre identité et ne parvient pas à trouver la réponse à la question : « Qui suis-je ? ». Ces questionnements identitaires se posent, en effet, devant un sujet qui ne parvient pas à habiter le monde chtonien qui se referme sur lui.
Or, cette expérience aliénante de l’apprentissage de la haine s’avère être celle de toute une génération, comme le souligne la saisie personnelle plurielle, dans le poème « Génération » (« Pokolenie ») de K. Baczyński :
Nas nauczono. Nie ma litości. (...)
Nas nauczono. Nie ma sumienia. (...)
Nas nauczono. Nie ma miłości.
On nous a appris. Il n’y a pas de pitié. […]
On nous a appris. Il n’y a pas de conscience. […]
On nous a appris. Il n’y a pas d’amour [80] .
Le martèlement des anaphores rappelle que cet apprentissage de la haine n’a rien de naturel. Il est imposé, au contraire, et réellement laborieux, comme le note le poète à l’attaque d’un poème au titre évocateur « Les jours de haine » (« Dni nienawiści ») : « Il nous a fallu marcher longtemps vers la haine [81] ». Il rencontre de multiples résistances, chez le sujet qui répugne à voir son cœur « endurci [82] ». Une si forte thématisation de la dimension éthique laisse résonner ici des résonances norvidiennes, signalées par Z. Lisowski [83] . C’est ici que s’accomplit en profondeur la vérité du corpus polonais qui s’érige ainsi en autobiographie spirituelle et morale d’une génération pétrie de références romantiques et ipso facto nourrie de l’Esprit chrétien. C’est probablement l’une des différences cruciales au regard du corpus russe où l’on ne note pas un tel degré d’intériorisation du conflit éthique.
La poésie de K. Baczyński dramatise ainsi avec une singulière acuité l’idée de la culpabilité collective d’une communauté de martyrs de l’Histoire, idée cruciale du messianisme romantique polonais. Mais cette communauté sera rédimée par le repentir, par l’expiation pour les fautes commises et non commises. Ainsi, le poème « Quand j’enlèverai de ma main l’arme qui fume » (« Gdy broń dymiącą z dłoni wyjmę ») est bâti sur une tension entre, d’une part, la pulsation de la haine dans les veines et, d’autre part, une force plus puissante encore, celle de l’amour, portée par le souvenir du paradis perdu de l’enfance [84] . On retrouve le même conflit dans le poème « Prière à Notre Dame » (« Modlitwa do Bogarodzicy ») où la psychomachie conduit, dans le dernier vers, à la certitude que l’amour triomphera de la mort : « nous commencerons à combattre avec l’Amour » [« (…) gdy zaczniemy walczyć miłością [85] »].
En définitive, il apparaît donc que s’il est possible de dégager de cette confrontation comparatiste une forme de modèle esthétique conjonctif de la poésie polonaise et russe de la Seconde Guerre Mondiale, ce modèle sera instable, tant il s’avère soumis aux variations déterminées par des divergences idéologiques et esthétiques. Mais là n’est pas l’essentiel. Ce rapprochement n’a d’autre finalité, au contraire, que de demeurer une expérience croisée de lecture, ouvrant sur la puissance d’un témoignage poétique et existentiel à nul autre pareil.
Notes
- [1]
In « Notre sacrifice » (« Nasza ofiara »), auteur anonyme, in Poezja powstańczej Warszawy. Antologia, dir. Izabella Klemińska, Warszawa, Wydawnictwo Retro-Art, 1994, p. 32.
- [2]
Cette dénomination s’applique spécifiquement à la poésie polonaise. Les jeunes poètes, nés au début des années 1920, sont, en effet, métaphoriquement des Colombs qui se sont embarqués dans un voyage de tous les périls vers la terre de la Liberté et dont beaucoup ne sont pas revenus. Les valeurs thématiques et formelles élaborées par la génération des Colombs n’ont pas été poursuivies dans la poésie postérieure. Voir Zbigniew Jarosiński, « Pokolenia literackie », in Słownik literatury polskiej XX wieku, coll. « Vademecum polonisty », Wrocław, Zakład Narodowy im. Ossolińskich, 1992, p. 830. Voir Jerzy Święch, Literatura polska w latach Drugiej Wojny Światowej, Warszawa, Wydawnictwo Naukowe PWN, 2002, p. 142 sq.
- [3]
Czesław Miłosz, Histoire de la littérature polonaise, trad. André Kozimor, Paris, Fayard, 1983, p. 604.
- [4]
Zbigniew Jarosiński, « Pokolenia literackie», in Słownik literatury polskiej XX wieku, op. cit., p. 830. Voir Jerzy Święch, Literatura polska w latach Drugiej Wojny Światowej, op. cit., p. 147 sq.
- [5]
Les poèmes de ce corpus, soigneusement conservés, ont été réédités de nombreuses fois, en Pologne, dans des recueils ou anthologies. Nos citations proviennent essentiellement des éditions suivantes : Poezja powstańczej Warszawy. Antologia, dir. Izabella Klemińska, Warszawa, Wydawnictwo Retro-Art, 1994, 174 p. ; Krzysztof Kamil Bacziński, Utwory wybrane, Krakòw-Wrocław, Wydawnictwo Literackie, 1986, 271 p. ; Tadeusz Gajcy, Kto ja ? Tadeusz Gajcy, Warszawa, Oficyna Wydawnicza Rytm, 2010, 126 p.
- [6]
Emmanuel Waegemans, Histoire de la littérature russe, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2003, 391 p., p. 227 sq.
- [7]
Cette partie de l’histoire littéraire russe est restée très peu connue, jusqu’aux tout récents ouvrages de Katherine Hodgson (1996) ou de Rina Lapidus (2014). Voir Katherine Hodgson, Written With the Bayonet. Soviet Russian Poetry of World War Two, Liverpool, Liverpool University Language, Arts and Disciplines Press, 1996, 328 p. ; Rina Lapidus, Young Jewish Poets Who Fell as Soviet Soldiers in the Second World War, London, Routledge, 2014, 280 p.. Voir Emmanuel Waegemans, Histoire de la littérature russe, idem.
- [8]
Emmanuel Waegemans, Histoire de la littérature russe, ibid., p. 253 sq.
- [9]
Tous les poèmes de ce corpus ont été numérisés et sont accessibles en ligne : http://rupoem.ru/all.aspx.
- [10]
Les Polonais qui y vivent sont considérés comme les ennemis de l’URSS, soumis à des déportations et des exécutions massives. Voir Norman Davies, L’Histoire de la Pologne, trad. Denise Meunier, Paris, Fayard, 1984, 542 p., p. 95-102.
- [11]
Ibid., p. 86.
- [12]
Ibid., p. 100 sq.
- [13]
K. Bacziński, « Warszawa » (VII 1943), in Utwory wybrane, op. cit., p. 116.
- [14]
Norman Davies, Histoire de la Pologne, op. cit., p. 98-99 sq.
- [15]
In Zbigniew Jasiński, « Sumienie świata », poème écrit durant l’Insurrection et qui ne sera publié qu’en 1989, à Melbourne. Voir Poezja powstańczej Warszawy, op. cit., p. 153
- [16]
Norman Davies, Histoire de la Pologne, op. cit., p. 100 sq.
- [17]
Jerzy Święch, Literatura polska w latach Drugiej Wojny Światowej, op. cit., p. 95-101.
- [18]
Voir J. Szczepański, « Czerwona zaraza », in Poezja powstańczej Warszawy, op. cit., p.153.
- [19]
La réalité sur l’état d’esprit réel de la population, dans l’Union Soviétique écrasée par la botte stalinienne, put être démystifiée à la faveur de la Perestroïka. Par exemple, on découvrit alors l’existence de l’armée dissidente d’Andreï Vlàsov (1942-1945), réunissant un million de déserteurs de l’Armée Rouge contre Staline. Voir E Waegemans, Histoire de la littérature russe, op. cit., p. 254. Voir Филатов В. И. Власовщина, РОА : белые пятна., Ϻockвa, М. Эксмо – Алгоритм, 2005. 448 с.
- [20]
On sait le prix de cette indépendance dans le cas d’une Anna Akhmatova, d’un Ossip Mandelstam, ou encore d’un Boris Pasternak. Voir Рoмaн Тименчик, « Moё пoкoлeньe мaлo мeду вкуcилo », in Aннa Aхмaтoвa в 1960-e гoды, Mockвa, Boдoлeй Пуб, 2005, 784 p., p. 351 sq.
- [21]
K. Hodgson montre même, à propos de P. Kogàn et de M. Kultchitski, que la poésie de la guerre est pour eux essentiellement une occasion de célébrer la Révolution, leur but le plus cher. Katherine Hodgson, Written with the bayonet. Soviet Russian Poetry of World War Two, op. cit., p.36 sq.
- [22]
Depuis le XVIIIe siècle, la Pologne n’existe en tant que nation que grâce à sa culture, et dans la conscience des Polonais, car le pays a été radié des cartes depuis le premier partage en 1795. Les vingt années de l’Entre-Deux-Guerres marquent un intermède où le pays redevient un état souverain, mais c’est un intermède éphémère, interrompu en 1939 par le Pacte Ribbentropp-Molotov qui décide un nouveau partage de la Pologne. L’impératif de défendre la souveraineté nationale relève donc, chez les Polonais, d’un atavisme ancestral. Voir Norman Davies, Histoire de la Pologne, op.cit., p. 183-305. Voir Zbigniew Lisowski, Tragizm wojny i okupacji w poezji Krzysztofa Kamila Baczyńskiego, Tadeusza Ròżewicza i Zbigniewa Herberta, Warszawa, Wyd. Semper, 2008, 119 p., p. 9 sq.
- [23]
Jerzy Święch, Literatura polska w latach Drugiej Wojny Światowej, op.cit., p. 79, p. 89-99.
- [24]
Ibid, p. 147-157 sq.
- [25]
Ibid., p. 25-38, p. 65-67 sq.
- [26]
Les intellectuels qui avaient été mobilisés en 1939 se retrouvèrent dans des camps allemands de prisonniers de guerre. En parallèle, la terreur nazie, dirigée contre les populations civiles, frappa également les élites. L’action de représailles « Inteligencja » apporta ainsi une moisson de plus de 100 000 victimes, intellectuels polonais et leurs familles. On se souvient notamment de l’arrestation des deux cents professeurs de l’Université Jagellonne de Cracovie, déportés à Sachsenhausen (1939), ou des quarante-trois professeurs de l’Université de Lwòw, sauvagement assassinés par la Gestapo (1941). Symétriquement, sur les territroires de l’Est, annexés à l’URSS (1939), une ample politique de répression et de terreur a conduit à la déportation dans des républiques sibériennes et dans des goulags de plus de 1 200 000 citoyens polonais. Des exécutions de masse, comme celle de Katyń (1940), demeurent l’exemple éloquent du génocide perpétré. Voir Norman Davies, Histoire de la Pologne, op. cit., p. 85-95 ; voir Jerzy Święch, Literatura polska w latach Drugiej Wojny Światowej, op. cit., p. 25-29 sq.
- [27]
Il s’agissait, le plus souvent, d’éditions à petit tirage. Par exemple, Les Poésies choisies de K. Bacziński parurent en 1942 à 100 exemplaires seulement. Voir Jerzy Święch, ibid., p. 33-38.
- [28]
Ibid., p. 30.
- [29]
Idem.
- [30]
In Poezja powstańczej Warszawy, dir. Izabella Klemińska, op. cit., p. 6.
- [31]
История русской, советской литературы, dir. Петр Выходев, traduction polonaise Histoiria Rosyjskiej Literatury Radzieckiej, Warszawa, PWN, 993 p., p. 646-548.
- [32]
Emmanuel Waegemans, Histoire de la littérature russe, op. cit., p. 253 sq.
- [33]
Maria Chajęcka, Rosyjska poezja zadziecka lat 1941-1945, Warszawa, Ossolineum, 1981, 178 p., p. 26.
- [34]
Ibid., p. 28.
- [35]
Voir Poezja powstańczej Warszawy, dir. Izabella Klemińska, op. cit.
- [36]
Edward Balcerzan, Poezja polska w latach 1939-1965, Warszawa, Wydawnictwa Szkolne i Pedagogiczne, 1982, 259 p., p. 50.
- [37]
Voir История русской, советской литературы, dir. Петр Выходев, op. cit., p. 558. Voir M. Chajęcka, Rosyjska poezja zadziecka lat 1941-1945, op. cit., p. 25.
- [38]
Katharine Hodgson, Written with the Bayonet: Soviet Russian Poetry of World War Two, op. cit., p. 190 sq.
- [39]
Jerzy Święch, Literatura polska w latach Drugiej Wojny Światowej, op. cit., p. 150.
- [40]
Hanna Zofia Etemadi, « Taki był » : « Préface » au recueil des poèmes de T. Gajcy, Kto ja ? Tadeusz Gajcy, op. cit, p. 11.
- [41]
Natalia Budzyńska, « Mogliśmy być Rimbaudami? », in Przewodnik Katolicki, N°45, 2014 (en ligne) : https://www.przewodnik-katolicki.pl.
- [42]
Le terme de « Wieszcz » s’applique exclusivement aux quatre grands poètes romantiques, Adam Mickiewicz, Juliusz Słowacki, Zbigniew Krasiński et Cyprian Kamil Norwid dont la poésie à caractère patriotique, messianiste et visionnaire joua un rôle fondamental pour la préservation de l’identité nationale et culturelle polonaise, à l’époque des partages. Le terme lui-même présente une connotation archaïque, en désignant, dans le polonais médiéval, le barde et le prophète. Voir Słownik terminòw literackich, dir. Aleksandra Okopień-Sławińska,Warszawa, Ossolineum, éd. 2, 1988, 706 p., p. 399.
- [43]
K. Wyka souligne, en effet, l’évolution de K. Baczyński du Catastrophisme moderniste vers le Romantisme. Le Catastrophisme est un mouvement moderniste qui se développe en Pologne avant la guerre, autour de Jòzef Czechowicz et de Witkacy. Voir Kazimierz Wyka, Baczyński i Ròżewicz, Krakòw, Wydawnictwo Literackie, 1994, 241 pp, p. 37.
- [44]
Jerzy Święch, Literatura polska w latach Drugiej Wojny Światowej, op. cit., p. 147-150.
- [45]
Ibid, p. 150.
- [46]
Idem.
- [47]
Czesław Miłosz, Histoire de la littérature polonaise, op. cit, p. 300 sq.
- [48]
Ibid., p. 332.
- [49]
Voir K. Bacziński, « Warszawa » (II 1943), in Utwory wybrane, op. cit, p. 116.
- [50]
Voir Zbigniew Lisowski, Tragizm wojny i okupacji w poezji Krzysztofa Kamila Baczyńskiego, Tadeusza Ròżewicza i Zbigniewa Herberta, op. cit., p. 29.
- [51]
Voir K. Bacziński, « Polacy » (VII 1942), in Utwory wybrane, op. cit., p. 111.
- [52]
Tadeusz Gajcy, « Śpiew murów », in Kto, ja Gajcy, op. cit., p. 49.
- [53]
Zbigniew Lisowski, Tragizm wojny i okupacji w poezji Krzysztofa Kamila Baczyńskiego, Tadeusza Ròżewicza i Zbigniewa Herberta, op. cit., p. 26-27.
- [54]
Danièle Chauvin, « Septembre 39 dans la poésie polonaise : l’histoire et le mythe biblique. » in 1939 dans les lettres et les arts, textes réunis et présentés par P. Brunel et D. Chauvin, Paris, PUF (Écriture), 2002.
- [55]
Jerzy Święch, Literatura polska w latach Drugiej Wojny Światowej, op. cit., p. 133 sq.
- [56]
Voir http://rupoem.ru/ all.aspx.
- [57]
Katharine Hodgson, Written with the Bayonet: Soviet Russian Poetry of World War Two, op.cit., p. 172 sq. Voir История русской, советской литературы, dir. Петр Выходев, op. cit., p. 646-648.
- [58]
Voir http://rupoem.ru/ all.aspx.
- [59]
Voir Maria Chajęcka, Rosyjska poezja radziecka lat 1941-1945, op. cit., p. 21 sq.
- [60]
История русской, советской литературы, dir. Петр Выходев, op. cit., p. 591.
- [61]
P. Kogan, « Pismo » (déc. 1940). Voir http://rupoem.ru/kogan/all.aspx.
- [62]
Avril 1941, in Павел Коган, Стихи. Воспоминания o поэте. Письма. Изд-во Цк Влксм « Молодая гвардия », 1966, p. 21.
- [63]
In Poezja powstańczej Warszawy. Antologia, dir. Izabella Klemińska, op. cit..
- [64]
Ibid., p. 49 sq.
- [65]
Ibid., p. 28.
- [66]
Ibid., p. 43.
- [67]
Idem.
- [68]
Zbigniew Lisowski, Tragizm wojny i okupacji w poezji Krzysztofa Kamila Baczyńskiego, Tadeusza Ròżewicza i Zbigniewa Herberta, op. cit., p. 26 sq.
- [69]
Voir http://rupoem.ru/ all.aspx.
- [70]
Idem.
- [71]
K. Hodgson rapporte, dans cette optique, ce commentaire de S. Gudzenko : « Je ne prends pas part à la guerre. Elle prend part en moi. » In Katharine Hodgson, Written with the Bayonet: Soviet Russian Poetry of World War Two, op. cit., p. 294.
- [72]
in K. Bacziński, « Pokolenie » (VII 1943). In Utwory wybrane, op. cit., p. 125.
- [73]
Idem.
- [74]
In Elena Shirman, « Les Derniers vers » (Последние стихи) : 1941. Voir http://rupoem.ru/ all.aspx.
- [75]
Czy to była kula, synku, czy to serce pekło? In K. Bacziński, « Elegia o … chłopcu polskim » (III 1944), in Utwory wybrane, op. cit., p. 141.
- [76]
K. Bacziński, « Spojrzenie » (X 1943). Ibid., p. 74.
- [77]
In Poezja polska wobec wojny i okupacji, dir. M. Glowiński et J. Slawiński, Wroclaw, 1976, p. 88.
- [78]
Z. Lisowski fait très bien ressortir cette stylisation homérique, à travers une étude métrique montrant la conjonction des deux mètres propres à l’épopée, le pentamètre et l’hexamètre, renforcée par une organisation accentuelle reposant sur l’alternance des séquences iambiques et trochéiques. In Zbigniew Lisowski, Tragizm wojny i okupacji w poezji Krzysztofa Kamila Baczyńskiego, Tadeusza Ròżewicza i Zbigniewa Herberta, op. cit., p. 28 sq.
- [79]
In Tadeusz Gajcy, Kto, ja. Op. cit, p.18.
- [80]
In K. Bacziński, « Pokolenie », juillet 1943, in Utwory wybrane, op. cit, p. 125-126.
- [81]
K. Bacziński, « Trzeba nam było długo iść w nienawiść ». Ibid., p. 269.
- [82]
Idem.
- [83]
Cyprian Kamil Norwid est un Romantique-moraliste qui projette les grandes questions éthiques dans la perspective évangélique. Voir Zbigniew Lisowski, Tragizm wojny i okupacji w poezji Krzysztofa Kamila Baczyńskiego, Tadeusza Ròżewicza i Zbigniewa Herberta, op. cit, p. 21.
- [84]
K. Bacziński, « Gdy broń dymiącą z dłoni wyjmę » (III 1944), in Utwory wybrane, op. cit, p. 139.
- [85]
In K. Bacziński, « Modlitwa do Bogarodzicy » (III 1944). Ibid., p. 141.
Pour citer cet article
Justyna GAMBERT, "Avoir vingt ans en 1944 : les jeunes poètes de la Seconde Guerre Mondiale en Pologne et en URSS", in M. Finck, T. Victoroff, E. Zanin, P. Dethurens, G. Ducrey, Y.-M. Ergal, P. Werly (éd.), Littérature et expériences croisées de la guerre, apports comparatistes. Actes du XXXIXe Congrès de la SFLGC, URL : https://sflgc.org/acte/justyna-gambert-avoir-vingt-ans-en-1944-les-jeunes-poetes-de-la-seconde-guerre-mondiale-en-pologne-et-en-urss/, page consultée le 03 Novembre 2024.