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Du « berceau de mon père » (G. Ungaretti) à la Palestine comme métaphore (M. Darwich), la guerre : poésie des frontières et appropriation du monde

ARTICLE

C’est au bord de l’Isonzo, fleuve célèbre pour ses combats meurtriers entre 1915 et 1917, que le poète Giuseppe Ungaretti, débarqué d’Égypte dans les tranchées du Carso et prêt à mourir pour sa patrie, se découvre « fibre docile de l’univers [1]  », formule qui dit bien le lien entre la blessure inaugurale de la guerre et l’enjeu cosmique de sa poésie. Cette double révélation, comme la violence avec laquelle elle advient, semble également portée par l’œuvre du poète palestinien Mahmoud Darwich qui prend racine elle aussi dans une expérience de guerre. Malgré la distance entre les chemins parcourus par ces deux poètes et l’écart qui sépare leur histoire et leurs guerres (la « grande guerre » vécue par un Italien, les guerres israélo-arabes depuis 1948 avec leur lot de destructions et d’exils), la poésie d’Ungaretti et celle de Darwich ont en commun cette tension entre l’ancrage du sujet dans une terre constamment revendiquée et la dimension métaphysique de son questionnement. Dans des contextes politiques et littéraires difficilement comparables, si ce n’est à travers le rôle de « figure » poétique ou politique que chacun d’eux assuma, ils témoignent de cette capacité du poète à saisir, depuis la tranchée ou sur la route de l’exil, « l’essence cosmique des choses [2]  ».

 

L’épreuve de la guerre est pour chacun d’eux le point de départ de toute l’aventure poétique : chez Darwich, né en 1942 à Birwa en Galilée, elle prend la forme d’un premier exil (1948), puis d’une série presque ininterrompue de « grands départs [3] », jusqu’au dernier, sa mort en 2008. Ungaretti, né à Alexandrie d’Égypte en 1888, la quitte en 1912 ; trois ans plus tard, voulant se battre pour une Italie où il n’a alors jamais vécu, il rejoint son régiment au nord de Trieste : Le Port enseveli (Il Porto sepolto), son premier recueil, paraîtra l’année suivante à Udine.

La confrontation directe avec les combats et la mort est évidemment présente dans leurs textes. Ungaretti adopte dans ces premiers poèmes la perspective à ras de terre du soldat : les poèmes du Port enseveli (1916), et, dans une certaine mesure ceux de L’Allégresse (L’Allegria, 1919) sont écrits dans la tranchée, en hâte, ce qui explique aussi, au-delà de choix esthétiques propres à l’hermétisme, leur extrême brièveté et leur nudité. L’évocation stylisée des horreurs de la guerre traverse un grand nombre de ces textes : soldat « jeté à côté / d’un camarade / massacré » à la « bouche / grinçante », aux « mains / congestionnées » [« Buttato vicino / a un compagno / massacrato / con la sua bocca / digrignata / […] / con la congestione / delle sue mani [4] »] ; « aux aguets /dans ces boyaux/ de gravois » où il « traîn[e]/ [s]a carcasse/ usée par la boue » [« In agguato / in queste budella / di macerie / ore e ore / ho trascinato / la mia carcassa / usata dal fango [5] »]. À ce spectacle morbide qu’esquisse l’écriture de la tranchée répondra, des années plus tard, une tout autre vision : l’empathie de l’homme mûr pour une humanité souffrante que déploient les images du recueil La Douleur (Il Dolore, 1946) inspiré de la seconde guerre. Chez Darwich, les images nées de cette confrontation avec la guerre sont moins stylisées et leur teneur tragique rappelle que la guerre est d’abord un massacre : celui de « cinquante victimes » dont le sang change l’oliveraie en un « bassin rouge [6]  », celui des « martyrs » dont la « chair […] disparaît dans la tourbe [7]  », et d’autres, dont les visions traversent ses textes.

Mais au-delà de ces images qui témoignent de la blessure que creuse la guerre pour chacun de ces poètes, au-delà de cette proximité avec la mort qui marque l’origine de leur poésie, la guerre semble être le point de non retour de l’écriture poétique. Elle l’est au sens propre dans l’œuvre de Darwich, où le premier départ fait naître l’obsession du retour. La revendication d’un « droit au retour » traverse toute sa poésie, sous la forme d’une promesse, le plus souvent d’une interrogation. Elle va jusqu’à faire l’objet d’une mise en scène dans le poème « Je n’en finis pas de parler » où le poète se représente dans son rôle de porte-parole, se rendant de congrès en congrès pour poser cette question « la terre des hommes est-elle pour tous les hommes, comme vous le prétendez ? ». Cette mise en scène dit bien, en même temps que l’obsession du lieu (« Où est mon humble logis ? Où suis-je ? »), le caractère vain de cette éphémère rhétorique, et de la revendication qu’elle porte :

فتصفق لي قاعة المؤتمر

ثلاث دقائق أخري ,ثلاث دقائق حرية واعترافا

فقد وافق المؤتمر

علي حقنا في الرجوع ككل الدجاج وكل الخيول

إلي حلم من حجر

أصافحهم واحدا واحدا ,ثم أحني لهم قامتي ...وأواصل هذا السفر

إلي بلد آخر ,كي أقول كلاما عن الفرق بين السراب وبين المطر

وأسال يا سيداتي وسادتي الطيبين:

أأرض البشر لكل البشر؟

La salle du congrès m’applaudit

trois autres minutes. Trois minutes, de liberté et de reconnaissance...

Le congrès a approuvé

notre droit au retour, comme tous les poulets, comme tous les chevaux, à

un rêve de pierre.

Je leur serre la main, un par un, puis je leur fais une courbette…

et je poursuis ce voyage

vers un autre pays, où je discourrai sur la différence entre mirage et pluie.

Et je demande : Mesdames et messieurs aux cœurs bons,

La terre des hommes est-elle pour tous les hommes [8] ?

Point de non-retour, la guerre l’est aussi dans le parcours d’Ungaretti où tout procède d’un changement de lieu qui fait advenir le poète-soldat. Avec lui naît une forme particulière de patriotisme, ce « nationalisme d’émigré humilié » dont parlera François Livi pour décrire ce qu’il nomme aussi le « fascisme instinctif [9]  » d’Ungaretti. Les occasions n’ont pas manqué au poète de revenir sur ce moment fondateur que fut pour lui la guerre, comme il le fait dans une série d’essais rassemblés en français, dans la traduction de Philippe Jaccottet, sous le titre Innocence et mémoire (1969). Ainsi dans Une aspiration indéfinissable, Ungaretti parle au nom d’une génération de poètes pour rappeler le lien entre le traumatisme de la guerre et la radicalité des choix poétiques de l’hermétisme, qu’il décrit comme une forme d’écriture imposée par la guerre. En effet, c’est bien à « l’expérience de la guerre, la vie affrontée à l’énorme souffrance de la guerre », à « ces retours à l’élémentaire : immédiateté nue du sentiment, épouvante devant la nature et fraternité redevenue instinctive », à l’« identification spontanée et inquiète à l’essence cosmique des choses », en somme, à « cet état de lucidité et de passion extrêmes » que le poète attribuera rétrospectivement la nécessité d’une « parole […] nue », autrement dit de « la révolution que la poésie […] semblait devoir promouvoir dans les circonstances historiques [10]  ».

À côté de ses textes théoriques qui éclairent de manière profonde l’œuvre poétique d’Ungaretti, l’écriture poétique manifeste elle aussi le rôle fondamental de cette expérience, par la manière dont elle évoque le déracinement originel avec lequel la guerre se confond. Cette identification est d’autant plus frappante qu’elle est en partie fictionnelle, comme le montre l’un des poèmes autobiographiques, « 1914-1915 », que son titre relie explicitement à la guerre. Ungaretti y retrace les étapes d’une traversée mi réelle mi imaginaire entre l’Égypte et l’Italie. La vision d’Alexandrie « friable sur [s]es bases fantomales » et « se changeant […] en souvenir », la rupture avec l’Égypte natale, quittée et reniée, font place à la découverte d’une « claire Italie » ouvrant ses bras au « fils d’émigrants » et devenant, par là même, la « fructueuse patrie […] digne que l’on meure de [l]’aimer [11]  ». Le poème superpose donc deux moments en réalité séparés par plusieurs années : car si Ungaretti quitta l’Égypte en 1912, il ne s’engagea qu’en 1915, après un long séjour à Paris. Cette distorsion de la réalité à travers le filtre de la guerre témoigne bien de la nouvelle identité que celle-ci confère au sujet poétique. Fiction poétique plus que poème autobiographique, le texte réinvente l’histoire d’un départ ; la rupture avec la fausse patrie égyptienne devient projection dans un fantasme patriotique que dessinent avec lyrisme les dernières strophes adressées à la patrie italienne.

Expérience originelle de déracinement ou de déplacement, la guerre fait donc surgir la question du lieu d’appartenance qui scande les textes d’Ungaretti comme ceux de Darwich. Chez ce dernier, l’obsession du lieu, dont témoignent avant tout les titres des poèmes et des recueils, s’exprime à travers une forme interrogative lancinante qui traduit à la fois la permanence de ces questions (« où irons-nous après les dernières frontières ? », « te souviens-tu des frontières de ma terre [12] ? ») et l’impossibilité d’y répondre. Ce trait interrogatif, devenu une marque distinctive de l’écriture darwichienne faisant de lui le « fou de la terre » (majnûnat-turâb [13] ) de la Palestine, se retrouve, en quelque sorte poussé à l’extrême, dans la question-titre d’un poème de 1999, « Qui suis-je sans exil [14]  ? ».

À l’inverse, le questionnement qui prend place dans les vers d’Ungaretti ne porte pas sur les frontières mais sur son propre éparpillement géographique. La place du poète dans l’espace, devenue ce leitmotiv qui, à travers une forme de fiction ou de figement du poème dans l’obsession du déracinement, dépasse toute référence à un temps ou à un territoire pour devenir une pure condition d’existence, est à la fois le point de rencontre et le point de rupture entre leurs œuvres. Car si l’expérience de la guerre instaure chez chacun d’eux un nouveau rapport à l’espace et au territoire, celui-ci rend aussi manifeste l’écart entre la dimension politique du questionnement chez Darwich et l’interrogation métaphysique du sujet ungarettien. Dès lors, la question de l’appartenance se cristallise autour de motifs et de figures propres à leurs trajectoires respectives.

 

À travers la première période de l’œuvre de Darwich, on voit donc se dessiner un motif, l’état civil, devenu également lieu commun de sa réception littéraire et politique. Ce motif, qui participe à la fois d’une poétique des check point et d’une réflexion plus vaste sur le nom et l’identité, scande certains poèmes de cette période devenus des symboles de la résistance palestinienne – on pense notamment à « Carte d’identité » (1964) et « Passeport » (1970). Ces textes rendent manifeste la capacité de la poésie à prendre en charge la dimension administrative de l’existence, et à exprimer la nécessaire inscription de l’individu dans un registre, un formulaire, destiné à recevoir le cachet officiel. Celui-ci est incarné par différents signes ou figures qui traversent cette poésie. Le pronom pluriel d’un vers devenu célèbre : « ils ne m’ont pas reconnu dans les ombres qui absorbent mon teint sur le passeport [15]  » ; la présence des douaniers dans l’aéroport d’Athènes [16] , ou encore le soldat à qui le poète adresse la célèbre injonction « Inscris ! Je suis arabe [17] ». Mais ce poème, en même temps qu’il s’empare de ce langage administratif (« Numéro de la carte […] Nombre d’enfants […] Couleur des yeux […] Couleur des cheveux […] Signe particulier »), dit la possibilité de son dépassement. En effet, le récit singulier du poète et les images qui l’étayent semblent déborder les cases du formulaire, menaçant ainsi le cadre administratif et allant jusqu’à renverser la relation d’autorité, puisque le poète finit par dicter au soldat ce qu’il doit inscrire « en haut de la première page ».

Dans « Passeport », popularisé par sa mise en chanson par le musicien libanais Marcel Khalifé, on assiste à un procédé comparable. Le texte construit, parallèlement à l’obstacle du contrôle d’identité, un réseau de signes et d’éléments (arbres, oiseaux, champs de blé et tombes blanches) qui donnent un sens réel, vivant, à l’identité du poète, et lui confèrent la reconnaissance que semble lui refuser le contrôle du passeport. À l’effacement des traits et des couleurs sur la photo du passeport, qui matérialisent cette menace d’invisibilité administrative, répond le cortège – foisonnement d’images, jaillissement de lumière – qui accompagne le poète jusqu’à l’aéroport. Plus qu’un simple motif structurant dans l’œuvre de Darwich, la mention de l’état civil permet de mettre en place l’idée d’une concurrence entre deux formes d’identité. Cette concurrence est rendue explicite par le geste du poète, qui, à la fin du poème, se dépouille symboliquement de son passeport. Le poème réalise donc pleinement la scission entre ses deux nationalités, scission que marque aussi le refrain, devenu un slogan de l’identité arabe, qui martèle le poème « Carte d’identité » :

أنا إسم بلا لقب

Je suis un prénom sans nom [18]

Parallèlement à cette réflexion sur l’identité officielle, qui en souligne à la fois l’inanité et la douloureuse nécessité, l’œuvre de Darwich est marquée par l’image récurrente, devenant presque fantasme, d’une inscription du nom. Or cette dimension de sa poésie est elle aussi chargée d’ambivalence, car en même temps qu’il suggère la possibilité, pour le langage, de fixer l’appartenance, le poète dit aussi toute la souffrance de celui dont la tâche est d’incarner une parole officielle. Sa lassitude, qui s’exprime à travers la supplique de Job dans les vers du poème « Passeport », « Ne faites pas de moi un exemple [19]  ! », se comprend à la lumière de sa phobie d’un possible figement politique de son œuvre. Cette hantise de Darwich s’exprime admirablement dans la prophétie imaginaire du poème « J’ai vu le dernier adieu », où le poète assiste à ses propres funérailles, ce « dernier adieu » fait à son corps et à sa voix :

رأيت الوداع الأخير : سأودع قافية من خشب
سأرفع فوق أكف الرجال ، سأرفع فوق عيون النساء
سأرزم في علم ، ثم يحفظ صوتي في علب الأشرطه
ستغفر كل خطاياي في ساعة ، ثم يشتمني الشعراء .
سيذكر أكثر من قارئ أنني كنت أسهر في بيته كل ليلة .
ستأتي فتاة وتزعم أني تزوجتها منذ عشرين عاما .. وأكثر .
ستروى أساطير عني ، وعن صدف كنت أجمعه من بحار بعيدة.
ستبحث صاحبتي عن عشيق جديد تخبئه في ثياب الحداد .
سأبصر خط الجنازة ، والمارة المتعبين من الانتظار .
ولكنني لا أرى القبر بعد . ألا قبر لي بعد هذا التعب ؟

J'ai vu le dernier adieu : je serai mis dans une rime de bois,

Soulevé par des mains d'hommes, soulevé par des yeux de femmes,

Je serai enveloppé dans un drapeau et ma voix sera conservée dans des cassettes.

On me pardonnera en une heure tous mes péchés, puis les poètes m'insulteront.

Plus d'un lecteur se rappellera que je veillais chaque nuit dans sa maison.

Une fille viendra et prétendra que je l'ai épousée il y a vingt ans... et quelques.

On tissera des légendes autour de moi, autour des coquillages

que je recueillais au bord des mers lointaines.

Mon amie se mettra en quête d'un nouvel amant qu'elle dissimulera

dans ses habits de deuil.

J'apercevrai la file du cortège funèbre et les passants las d'attendre.

Mais je ne vois pas encore la tombe. N'ai-je pas droit à une tombe après toute cette peine ?

Le symbole semble bien menacer le poète autant lors de son passage sur terre (songeons à la mise en scène ironique de son propre discours politique, ou encore à cet homme qui a « appris » et « défait » « tout le langage » dans « Je suis de là-bas [20]  ») qu’après sa mort : le drapeau se change en linceul, et la parole repose désormais, scellée, dans une « rime de bois ». Mais en dépit des allusions fréquentes à cette menace de figement, les poèmes de Darwich sont aussi traversés par la représentation idéalisée d’une parole officielle et solennelle : ainsi l’hymne national que le poète appellera de ses vœux dans un de ses derniers recueils, un hymne vierge et blanc comme la couleur des fleurs d’amandiers :

لا وطن ولا منفى هي الكلمات،
بل ولع البياض بوصف زهر اللوز
[…]
لو نجح المؤلف في كتابة مقطع ٍ
في وصف زهر اللوز، لانحسر الضباب
عن التلال، وقال شعب كامل:
هذا هوَ
هذا كلام نشيدنا الوطني!

Ni patrie ni exil que les mots

Mais la passion du blanc

Pour la description des fleurs d’amandiers.

[…]

Si quelqu’un parvenait

à une brève description des fleurs d’amandiers,

la brume se rétracterait des collines

et un peuple dirait à l’unisson :

Les voici,

Les paroles de notre hymne national [21]  !

Cette dialectique de l’inscription et de l’effacement marque aussi la représentation du nom, sujet sur lequel Mahmoud Darwich s’est longuement entretenu, notamment dans les entretiens regroupés sous le titre La Palestine comme métaphore [22] . Le statut ambivalent et toujours mis en question du nom se retrouve à différentes époques de son œuvre poétique, depuis l’injonction « Inscris ! Je suis arabe » jusqu’à l’idée d’une trace évanescente (« Nous écrirons nos noms avec la vapeur / teintée de carmin [23] »), ou encore l’ambition d’un poème mural, où les cinq lettres du nom Darwich, en arabe, apparaissent gravées dans la matière de la page.

Cette inscription du nom dans le corps du poème se rencontre précisément dans l’un des poèmes de guerre d’Ungaretti, dont les quatre syllabes du nom forment l’un des vers.

Ungaretti

Uomo di pena [24]

Ungaretti

homme de peine

En italien, l’isométrie appuie le caractère performatif de cette mention du nom, qui tente de faire exister le soldat parmi la « boue » et les « boyaux / de gravois » évoqués à la première strophe.

Ce fantasme d’inscription qui traverse également les premiers recueils du poète italien appartient à un registre explicitement patriotique. Les dernières strophes de « 1914-1915 », qui tiennent à la fois de l’hymne et de l’allégorie, convoquent aussi l’image du monument aux morts, ces morts pour la patrie dont le poète anticipe rétrospectivement – le poème date de 1932 – le sacrifice. Cette esthétique de l’épitaphe, qui rappelle qu’Ungaretti était lecteur et traducteur de Mallarmé, si elle éclaire les poèmes de guerre marqués par l’exaltation d’une fraternité de combat, se retrouve aussi dans d’autres textes qui font resurgir en négatif la question de la patrie. « In memoriam », le célèbre poème à l’ami Mohamed Sceab, « suicide / parce qu’il n’avait / plus de patrie » [« suicida / perché non aveva più / Patria [25] »] est à part entière une oraison funèbre. Là encore, l’idée d’inscription, qu’elle renvoie au registre administratif ou à la pierre tombale, rappelle la nécessité pour chacun de « délivrer / la chanson / de son abandon » [« scogliere / il canto / del suo abbandono [26]  »], autrement dit de trouver les mots pour dire son identité, aussi éparpillée fût-elle. Loin d’être anecdotique, ce poème peut se lire comme la mise en forme poétique d’une amère réflexion sur la tentation suicidaire des déracinés dont la correspondance d’Ungaretti porte la trace [27] .

Les poèmes écrits à la guerre sont toutefois marqués eux aussi par une forme de tiraillement entre la revendication d’un nom et d’une appartenance et le désir de s’affranchir de tout ancrage défini. L’écriture d’une même séquence oscille ainsi entre une figure d’éparpillement, celle d’un sujet qui « en aucune partie du monde » ne « peut s’établir » [« In nessuna / parte / di terra / mi posso / accasare [28]  »], figure à la fois douloureuse et revendiquée comme une marque d’identité, et la fierté de revêtir l’uniforme. La répétition de ce mot d’un poème à l’autre, de la mention de l’uniforme des soldats italiens (« Italie »), à l’emploi adjectival présent dans d’autres poèmes, qu’on pense à l’injonction au jeune soldat, « tu seras un homme / uniforme » [« Eccovi un uomo / uniforme [29]  »] ou à son propre rêve d’« égare[r] son ombre » « dans l’heure uniforme » [« […] nell’ora uniforme / smarrisce / la sua ombra tra l’altre [30] »] crée un effet d’écho qui traduit, il semble, cette représentation idéalisée d’une uniformité dans la guerre seule capable de consoler le poète de son déchirement intérieur.

 

Pour comprendre la spécificité de certaines des images que le déracinement de la guerre insuffle à la poésie d’Ungaretti, il faut prendre la mesure des deux espaces qui structurent toute l’écriture de cette première période : d’un côté, le trou de la tranchée, de l’autre, le paysage de l’Égypte et du désert qui surgit du lieu de guerre et se construit à partir de lui. La périphrase qui donne son nom au premier recueil paru en 1916 ainsi qu’à l’un de ses poèmes, « Le port enseveli », revêt en plus de son mystère une richesse sémantique indéniable. Car ce « port enseveli », en même temps qu’il renvoie à l’Égypte à travers cette désignation de l’ancien port, mythique, d’Alexandrie – lieu nourrissant à son tour un autre mythe pour le jeune poète [31] – convoque aussi l’idée d’ensevelissement dont le rapport avec la sépulture est plus évident encore en italien (sepolto). Il renvoie donc aussi à la tranchée autant qu’aux morts de la guerre que l’on enterre, et semble ainsi rassembler les deux lieux entre lesquels se construit toute la tension du recueil.

C’est en tout cas à la présence de ces deux espaces que se rapporte le motif de la greffe largement exploité par Ungaretti. Il s’agit d’un déracinement inversé, du traumatisme de l’homme transplanté d’une terre étrangère vers sa terre d’origine : en ce sens, l’image fait naître la rêverie sur les origines qui imprègne la poésie d’Ungaretti.

Elle est l’image qui permet de dire l’identité du poète, dans le cri que fait entendre le poème « Italie » :

Sono un poeta

un grido unanime

sono un grumo di sogni

Sono un frutto

d’innumerevoli contrasti d’innesti

maturato in una serra [32]

Je suis un poète

un unanime cri

je suis un grumeau de songe

Je suis un fruit

d’innombrables greffes contraires

mûri dans une serre

Avec ce mot de « greffe », c’est d’abord tout un réseau de motifs végétaux imprégnant ces poèmes de guerre qui resurgit à notre esprit, depuis la « feuille à peine née [33]  » du poème « Frères » sur la fraternité des soldats italiens jusqu’aux paysages antinomiques convoqués dans « 1914-1915 » : d’un côté l’Égypte aride et stérile, cette « serre » où a mûri le poète, de l’autre, la campagne italienne fertile dont la peinture bucolique donne toute sa force à l’image de la mère-patrie développée dans ce poème.

Toutefois, dans « Italie », l’image de la greffe va bien au-delà de cette isotopie végétale : l’hymne à la patrie se dit à travers le rêve du jeune soldat immigré : prendre racine dans cette terre et s’envelopper, pour trouver le repos, dans l’uniforme italien. A la vision terrifiante du cadavre enroulé dans un drapeau, dans le poème d’outre-tombe de Darwich, répond ce rêve d’un retour organique à la terre italienne, ce fantasme de « se repose[r] » dans l’uniforme, comme dans le « berceau d[u] père ».

E in questa uniforme

di tuo soldato

mi riposo

come fosse la culla

di moi padre [34]

Et dans cet uniforme

de ton soldat

je me repose

comme s’il était le berceau

de mon père

En effet le berceau n’est pas seulement celui de ce soldat redevenu enfant, il est surtout celui du père : le dernier vers du poème donne donc un autre sens à la ligne descendante du texte, le fantasme d’enfouissement devenant rêverie sur la descendance, la lignée, et son propre lien avec cette terre. On peut être frappé par la manière dont la référence virgilienne presque constante dans les poèmes patriotiques d’Ungaretti s’apparente à un sous-texte engendrant un réseau d’images qui résonnent à travers toute la poétique ungarettienne.

L’expérience de la guerre provoque donc, à travers la projection du sujet dans une image d’hybridité ou de greffe, la révélation des racines. Là encore, la vision rétrospective de « 1914-1915 » (écrit en 1932), rappellera l’importance de la figure d’Énée pour le jeune homme qui s’éprend d’une nature italienne perçue comme « familière des yeux, des rêveries / de tous ses morts [35]  ». Ungaretti exprimera à maintes reprises, y compris avec la plus grande simplicité, la force de cette découverte : « Je me sens vraiment né / des gens de cette terre [36] ».

Cette simplicité du lien terrestre est aussi ce qui donne sa valeur et son rôle à la rêverie sur les origines : celle-ci relie constamment les deux pôles de la méditation du sujet, d’un côté, les racines, de l’autre, la voûte céleste au-dessus de sa tête appelée aussi à propos de Pétrarque « l’universelle rotation des astres [37]  » : la dimension cosmique du monde. Or c’est justement dans l’un des seuls longs poèmes de guerre que se met en place ce mouvement entre la revendication d’un ancrage terrestre et familial et la projection du sujet poétique dans la « limpide / stupeur / de l’immensité [38]  ». Moment de trêve solitaire et silencieuse arrachée au mouvement de la guerre, « Les Fleuves » prend la forme d’une rêverie sur les origines. Dans un paysage à « la langueur d’un cirque / avant ou après le spectacle », le poète, étendu « dans l’urne de l’eau » et dépouillé de ses « habits / sales de guerre [39]  », déploie en une longue méditation l’image des fleuves de sa vie que l’on retrouvera, ramassée et fulgurante, dans le poème « Nuit » :

Il ragazzo

che nelle vene ha i fiumi

di tante umanità diverse

è scappato

dalle cornici dove

adornava

il suo dolce tempo perduto

e nell’ora uniforme

smarrisce

la sua ombra tra l’altre [40] .

Le jeune homme

qui a les fleuves dans ses veines

de tant d’humanités diverses

s’est échappé

des cadres où

il ornait

son doux temps perdu

et dans l’heure uniforme

il égare

son ombre parmi les autres.

À l’inverse, dans « Les Fleuves », le poète énumère, avec la langueur du paysage – « le passage paisible des nuages sur la lune », l’Isonzo qui « en coulant [l]e polissait comme un de ses galets » – chacun de ses propres fleuves :

[…]

Ho ripassato
le epoche

della mia vita

Questi sono
i miei fiumi

Questo è il Serchio
al quale hanno attinto
duemil’anni forse
di gente mia campagnola
e mio padre e mia madre.

Questo è il Nilo
che mi ha visto
nascere e crescere
e ardere d’inconsapevolezza
nelle distese pianure

Questa è la Senna
e in quel suo torbido
mi sono rimescolato
e mi sono conosciuto

Questi sono i miei fiumi
contati nell’Isonzo

Questa è la mia nostalgia
che in ognuno
mi traspare
ora ch’è notte
che la mia vita mi pare
una corolla
di tenebre

[…]

J’ai repassé

les époques de ma vie

Voici mes fleuves

Celui-ci est le Serchio

c’est à lui qu’ont puisé

deux mille années peut-être

de mon peuple campagnard

et mon père et ma mère

 

Celui-ci c’est le Nil

qui m’a vu naître et grandir

et brûler d’ingénuité

dans l’étendue de ses plaines

 

Celle-là est la Seine

dans ses eaux troubles

s’est refait mon mélange

et je me suis connu

 

Ceux-là sont mes fleuves

comptés dans l’Isonzo

 

Et c’est là ma nostalgie

qui dans chaque être m’apparaît

à cette heure qu’il fait nuit

que ma vie me paraît

une corolle de ténèbres

Cette méditation de l’homme aux fleuves mélangés prend place dans un moment de plénitude, où les retrouvailles avec les éléments invitent à une plongée en soi-même. Mais son enjeu dépasse cet inventaire des origines à travers l’analogie des fleuves. En effet, il s’agit pour le poète de se reconnaître « fibre docile de l’univers », ce que réexprimera la vision nocturne de la dernière strophe. De l’image végétale, il ne demeure ici que ce métonyme fragile, la fibre, et cette fragilité devient aussi ouverture du sujet au monde cosmique et harmonie du sujet avec l’univers. Or la longueur du poème permet de saisir le mouvement qui rend explicite la logique de cette révélation métaphysique. Ici, la vulnérabilité du sujet, inscrite dans les premiers vers – l’arbre est « mutilé », le poète, « abandonné », a « ramassé [s]es os » et s’est « accroupi » – se révèle être une nouvelle disposition au monde ; la prosternation devient inclinaison, jusqu’à la pure docilité à l’univers qui s’exprime au centre du poème. En ce sens, « Les Fleuves » rend manifeste le lien entre la révélation existentielle engendrée par la guerre et la position du sujet.

 

Chez Darwich, un mouvement similaire semble s’opérer et relier logiquement la vulnérabilité du poète – solitaire, exilé ou meurtri – et la disposition cosmique qui le caractérise. Ce mouvement se confond d’abord avec celui de la marche qui donne à certains des poèmes leur cadence ininterrompue, à l’image de ce poète guide traversant les frontières de l’espace et du temps : « Je parcourrai cette longue route, cette si longue route jusqu’au bout, […] nous parcourrons ce long chemin […] [41]  » ; « Nous marchons vers un pays qui n’est pas de notre chair […] ». La litanie du voyage permet au poète de mêler son destin singulier à celui de l’humanité entière (« Nous voyageons comme tout le monde »), à travers un rythme qui donne à son texte la force de l’épopée : « Nous avons enterré nos aimés dans l’ombre des nuages […] / et avons dit à nos épouses : enfantez de nous pour des centaines d’années, que nous puissions achever ce périple […] [42]  ». Mais le pluriel épique, en même temps qu’il confère à l’écriture une dimension mythique, poussant plus loin ses frontières spatio-temporelles, met en relief le singulier qui s’inclut dans ce « nous » : le poète est à la fois le guide de ce peuple en marche et le témoin d’un autre temps. La référence fréquente au Christ, très étudiée à propos de Darwich, en même temps qu’elle nourrit le syncrétisme de son œuvre poétique, se donne pour modèle de cette figure de martyr et témoin dont la souffrance se mue en un rapport transcendant avec le monde. Autant que la veine épique, cette intertextualité biblique constante mériterait d’ailleurs que l’on confronte plus longuement, et sur ces points, l’œuvre de Darwich – nourrie d’images nomades et de paysages du désert – et celle d’Ungaretti chez qui ces références, au delà-même du recueil La terre promise, abondent.

Mais ce qui importe est de comprendre, dans l’optique du rapport à la terre ou au territoire choisi pour cette étude, la manière dont Darwich se réapproprie la figure du témoin selon son rapport particulier avec l’idée de frontière. Au-delà des prophéties de ces poèmes dont la voix témoigne avoir « vu le dernier adieu » ou savoir « discerner l’invisible », le poète apparaît doué d’un pouvoir surnaturel : on songe à la vision qui occupe la dernière strophe de « Passeport »,

من جبهتي ينشق سيف الضياء

و من يدي ينبع ماء النهر

Le glaive de lumière se détache de mon front

Et de mes mains jaillit l’eau du fleuve [43]

ou à ce lien intime avec les éléments dont témoigne l’énumération des possessions dans « Je suis de là-bas » :

ولي موجةٌ خطفتها النوارس. لي مشهدي الخاص. لي عشبةٌ زائدة

ولي قمرٌ في أقاصي الكلام، ورزقُ الطيور، وزيتونةٌ خالدة

مررتُ على الأرض قبل مرور السيوف على جسدٍ حوّلوه إلى مائدة.

أنا من هناك. أعيد السماء إلى أمها حين تبكي السماء على أمها،

وأبكي لتعرفني غيمةٌ عائدة.

J’ai une vague dérobée par les mouettes, mon paysage favori, l’herbe folle

Une lune aux confins de la parole, l’obole des oiseaux et un olivier immortel

Je suis passé sur terre avant le passage des épées sur un corps autour duquel ils se sont attablés

Je suis de là-bas. Je restitue le ciel à sa mère quand il pleure sa mère

Et je pleure pour que me reconnaisse le nuage à son retour [44] .

Capable de dompter la vague ou l’herbe folle comme d’apostropher le nuage, le poète semble revendiquer une connivence avec le monde naturel et céleste qu’il traverse. Mais cette extension dans l’espace des limites de son propre corps, telle une réponse à la question répétée « Où commence mon corps [45]  ? », se fait aussi dépassement des bornes de la finitude du sujet. La figure christique, convoquée par la mystérieuse image du « passage des épées sur un corps autour duquel ils se sont attablés », rend manifeste le lien entre ce témoin « passé sur terre avant » d’autres passages et le sujet poétique surplombant le monde. Celui-ci devient lui-même une partie de cet univers céleste qu’il sait transfigurer à sa guise :

غريب على ضفة النهر، كالنهر ... يربطني

باسمك الماء. لا شيء يرجعني من بعيدي

إلى نخلتي : لا السلام ولا الحرب . لا

 شيء يدخلني في كتاب الأناجيل .

 [...] ماذا

 سأفعل من دون منفى، وليل طويل

 يحدق في الماء؟

[...] صرنا خفيفين مثل منازلنا

في الرياح البعيدة. صرنا صديقين للكائنات

 الغريبة بين الغيوم... وصرنا طليقين من

 جاذبية ارض الهوية . ماذا سنفعل .... ماذا

 سنفعل من دون منفى، وليلٍ طويل

 يحدق في الماء ؟

[...]

Étranger comme le fleuve au bord du fleuve… L’eau

m’attache à ton nom. Rien ne me ramène de mon

lointain

À mon palmier : ni la paix ni la guerre. Rien

Ne m’incorpore aux Évangiles.

[…] Que

Faire sans exil et sans une longue nuit

Qui scrute l’eau ?

[…] Nous voici légers comme nos demeures

Dans les vents lointains. Nous voici amis des créatures

Merveilleuses entre les nuages… et soustraits

À la pesanteur de la terre identitaire. Que ferons-

Nous… Que ferons-nous

Sans exil et sans une longue nuit qui scrute l’eau ?

[...] [46]

Cette projection du sujet dans une forme d’apesanteur rappelle avec précision un moment d’osmose cosmique évoqué par Ungaretti dans « La nuit belle », où le poète-enfant apparaît à la dernière strophe, non plus lové dans le berceau du père mais tétant, tel le sein maternel, la voie lactée :

[…]

Ora mordo

come un bambino la mamella

lo spazio

Ora sono ubriaco

d’universo [47]

[…]

À cette heure je mords

l’espace

comme un enfant la mamelle

À cette heure je suis saoul

d’univers

Cette porosité du sujet à l’espace, cette harmonie avec les dimensions infinies de l’univers, qui s’inscrit chez Ungaretti dans une grammaire cosmique du sujet [48] , est indissociable chez Darwich de la figure du témoin omniprésente dans sa poésie. Car le pouvoir de vision et de transfiguration dont le poète est doté prend la forme d’une transgression des frontières du temps comme de l’espace. En même temps que, tel « l’Adam des deux Eden », il peut témoigner d’un autre âge de l’humanité, ou qu’il « discerne l’invisible », le poète, devenu « étranger comme le fleuve au bord du fleuve » est bien « soustrait à la pesanteur de la terre de l’identité ».

Or c’est ce rapport étroit entre son obsession de la terre et son pouvoir de transposition, voire de résurrection, qui donne tout son sens à une des images les plus structurantes de la poétique darwichienne, l’analogie entre l’Andalousie et la Palestine, nouvelle Andalousie [49] . Traversant le temps, le poète incarne successivement toutes ces figures de l’exil : le Palestinien, l’Adam des deux Éden, l’Arabe chassé d’Andalousie, ou encore l’Indien rouge dont Darwich imaginera en 1992 le « discours [50] ». La continuité reliant l’Éden à l’Andalousie, l’exode palestinien à « l’épilogue andalou » et enfin l’Andalousie à l’Amérique à travers la date symbolique de 1492 est rendue possible par cette position transcendante du sujet poétique qui fait parler, à travers ces épisodes, un même drame de l’exil.

C’est peut-être là, dans cette position cosmique, que réside la seule rêverie possible du poète devant l’obstacle de la frontière et la condamnation au voyage perpétuel : non plus fixer son être dans un nom et dans une terre mais « égarer son ombre », pour reprendre la formule d’Ungaretti, dans les dimensions infinies de l’univers.

Notes

  • [1]

    Una docile fibra / dell’universo, « I Fiumi » (16 août 1916) dans Giuseppe Ungaretti, Vita d’un uomo, Milan, Mondadori, coll. Grandi Classici, 1992 [désormais abrégé VU], p. 43-45.

  • [2]

    Giuseppe Ungaretti, Une aspiration indéfinissable dans Innocence et mémoire, trad. Ph. Jaccottet, Paris, Gallimard, 1969, p. 294.

  • [3]

    Voir Mahmoud Darwich, « Dans le grand départ je t’aime plus encore » (Onze astres, 1992) dans Anthologie 1992-2005, trad E. Sanbar, Actes sud, coll. Babel, 1994, p. 49.

  • [4]

    « Veglia » (23 décembre 1915), VU, p. 25 (« Veillée », trad. Ph. Jaccottet, Vie d’un homme, coll. Poésie Gallimard, 1973 [désormais abrégé VH], p. 38).

  • [5]

    « Pellegrinaggio » (16 août 1916), VU, p. 46 (« Pèlerinage », trad. J. Lescure, VH, p. 61).

  • [6]

    « Les oiseaux meurent en Galilée » (العصافير تموت في الجليل), 1969, dans Mahmoud Darwich, La terre nous est étroite et autres poèmes, trad. E. Sanbar, Paris, Gallimard, coll. Poésie Gallimard, 2000, p. 32. Pour des raisons de typographie, le texte arabe ne sera donné en langue originale dans les notes de bas de page que pour les titres de poèmes.

  • [7]

    « Fresque sur le mur » (لوحة على الجدار), 1969, ibid., p. 49.

  • [8]

    « Je n’en finis pas de parler » (أقول كلاما كثيرا), 1986, dans Mahmoud Darwich, Plus rares sont les roses, trad. A. Laâbi (légèrement modifiée ici) Paris, Minuit, 1989, p. 19.

  • [9]

    François Livi, « Ungaretti » dans Dictionnaire des auteurs, Laffont Bompiani, 4 vol., Paris, Robert Laffont Bouquins.

  • [10]

    Giuseppe Ungaretti, Une aspiration indéfinissable, op. cit., p. 295-295.

  • [11]

    Ti vidi, Alessandria / friabile sulle tue basi spettrali / Diventarmi ricordo[…] / Chiara Italia, parlasti finalmente / Al figlio d’emigranti […] Patria fruttuosa […] / Degna che uno per te muoia d’amore, « 1914-1915 » (1932), VU, p. 161-162 (« 1914-1915 », trad. Ph. Jaccottet, VH, p. 171-172).

  • [12]

    « La terre ne nous contient plus » (تضيق بنا الارض) dans Mahmoud Darwich, Plus rares sont les roses, op. cit., p. 15.

  • [13]

    Il s’agit du titre d’une monographie consacrée à Darwich par le critique palestinien S. Al-Nablusi (1987), en référence au surnom du poète fou de Layla, Majnûn Layla.

  • [14]

    « Qui suis-je sans exil ? » (من أنا، دون منفى؟), 1999, dans Mahmoud Darwich, Anthologie 1992-2005, op. cit., p. 162-167.

  • [15]

    « Passeport », traduit aussi « Permis de voyage » (جواز سفر), dans Ma bien-aimée sort de son sommeil (1970), je traduis.

  • [16]

    « L’aéroport d’Athènes » (مطار اتينا) dans Mahmoud Darwich, Plus rares sont les roses, op. cit., p. 18.

  • [17]

    « Carte d’identité » (بطاقة هوية), dans Feuilles d’olivier (1964), je traduis.

  • [18]

    Ibid.

  • [19]

    « Passeport », op. cit.

  • [20]

    Je suis de là-bas » (أنا من هناك), 1986, dans Mahmoud Darwich, Plus rares sont les roses, op. cit., p. 15.

  • [21]

    « Pour décrire les fleurs d’amandier » (لوصف زهر اللوز), 2005 dans Mahmoud Darwich, Anthologie 1992-2005, op. cit., p. 259.

  • [22]

    Mahmoud Darwich, La Palestine comme métaphore (cinq entretiens réalisés entre 1993 et 1996), trad. E. Sanbar et S. Bitton, Arles, Actes sud, 1997.

  • [23]

    « La terre ne nous contient plus » (تضيق بنا الارض), 1986 dans Mahmoud Darwich, Plus rares sont les roses, op. cit., p. 15.

  • [24]

    « Pellegrinaggio », VU, p. 46 (« Pèlerinage », trad. J. Lescure, VH, p. 61)

  • [25]

    « In memoria » (30 septembre 1916), VU, p. 21 (« In memoriam », trad. J. Lescure, VH, p. 33).

  • [26]

    Ibid.

  • [27]

    « D’autres furent poussés au suicide par le désespoir de celui qui, né à l’étranger, se sent déraciné de sa terre […] » [« Altri furono suicidi per quella disperazione di chi, nato all’Estero, si senta sradicato dalla sua terra […] »], cité par L. Piccioni, VU, p. xxvi-xxvii, je traduis.

  • [28]

    « Girovago » (mai 1918), VU, p. 85 (« Vagabond », trad. J. Lescure, VH, p. 99).

  • [29]

    « Distacco » (24 septembre 1916), VU, p. 53 (« Détachement », trad. Ph. Jaccottet, VH, p. 69).

  • [30]

    « Notte » dans Giuseppe Ungaretti, Poésies dispersées (Poesie disperse, 1945), trad. F. Magne, Paris, La Délirante, 1984 (édition bilingue), p. 38-39.

  • [31]

    Sur l’image du port enseveli dans la mythologie personnelle d’Ungaretti, voir Luca Pietromarchi, « La ville antérieure. Il porto sepolto de Giuseppe Ungaretti et Alexandrie » dans Alexandria ad Europam, Études alexandrines n°14, dir. J.-Y. Empereur et S. Basch, Le Caire, IFAO, 2007, p. 139-146.

  • [32]

    « Italia » (1er octobre 1916), VU, p. 57 (« Italie », trad  J. Lescure, VH, p. 73).

  • [33]

    Foglia appena nata, « Fratelli » (15 juillet 1916), VU, p. 39 (« Frères », trad. J. Lescure, VH, p. 54).

  • [34]

    Ibid.

  • [35]

    Consueti agli ochi e ai sogni / Di tutti i suoi defunti (« 1914-1915 »), VU, p. 162 (« 1914-1915 », trad. Ph. Jaccottet, VH, p. 172), je souligne.

  • [36]

    Ben nato mi sento / Di gente di terra, « Trasfigurazione » (16 février 1917), VU, p. 69 (« Transfiguration », trad. J. Lescure, VH, p. 84).

  • [37]

    Giuseppe Ungaretti, Pétrarque, poète de l’oubli dans Innocence et mémoire, op. cit., p. 41.

  • [38]

    illimipido / stupore / dell’immensità, « Vanità » (19 août 1917), VU, p. 78 (« Vanité », trad. J. Lescure, VH, p. 94).

  • [39]

    Mi tengo a quest’albero mutilato / abbandonato in questa dolina / che ha il langore / di un circo / prima o dopo lo spettacolo / e guardo / il passaggio quieto / delle nuvole sulla luna

    Stamani mi sono disteso / in un’urna d’acqua / e come una reliquia / ho riposato

    L’Isonzo scorrendo / mi levigava / come un suosasso

    Ho tirato su / le mie quattr’ossa / e me ne sono andato / come un acrobata / sull’acqua

    Mi sono accoccolato / vicino ai miei panni / sudici di guerra / e come un beduino / mi sono chinato a ricevere / il sole, « I fiumi », VU, p. 43-45 (« Les Fleuves », trad. J. Lescure, VH, p. 58).

  • [40]

    « Notte » / « Nuit » dans Giuseppe Ungaretti, Poésies dispersées, op. cit., p. 38-39.

  • [41]

    « Je parcourrai cette route », « Nous voyageons comme tout le monde » dans Mahmoud Darwich, Plus rares sont les roses, op. cit., p. 9 et p. 17.

  • [42]

    « Nous marchons vers un pays » (VO, 1986), ibid., p. 16.

  • [43]

    « Passeport », op. cit.

  • [44]

    « Je suis de là-bas », op. cit.

  • [45]

    « Nuit qui déborde du corps » (ليل يفيض من الجسد),1995 dans Mahmoud Darwich Anthologie 1992-2005, op. cit.,p. 133.

  • [46]

    « Qui suis-je sans exil ? » (من أنا، دون منفى؟), 1999, ibid., p. 163.

  • [47]

    « La notte bella » (24 août 1916), VU, p. 48 (« La nuit belle »), trad. J. Lescure, VH, p. 64).

  • [48]

    Sur la grammaire cosmique d’Ungaretti, voir È. de Dampierre-Noiray, « Tradurre la grammatica poetica di Ungaretti : Una lingua aperta al cosmo » dans Donna R. Miller et Enrico Monti (dir), Tradurre figure / Translating Figurative Language, Bologne, Bononia University Press, 2014.

  • [49]

    Pour reprendre la formule de François Xavier, Mahmoud Darwich et la nouvelle Andalousie, IDLivre, coll. Esquilles, 2002.

  • [50]

    Il s’agit d’un des poèmes de Onze astres (1992) inspiré à Darwich par le génocide des Indiens, à l’occasion du cinquième centenaire de la découverte de Christophe Colomb (voir, sur ce rapprochement, F. Mardam Bey, avant-propos à l’Anthologie 1992-2005, op. cit., p. 8-9.)

Pour citer cet article

Ève DE DAMPIERRE-NOIRAY, "Du « berceau de mon père » (G. Ungaretti) à la Palestine comme métaphore (M. Darwich), la guerre : poésie des frontières et appropriation du monde", in M. Finck, T. Victoroff, E. Zanin, P. Dethurens, G. Ducrey, Y.-M. Ergal, P. Werly (éd.), Littérature et expériences croisées de la guerre, apports comparatistes. Actes du XXXIXe Congrès de la SFLGC, URL : https://sflgc.org/acte/eve-de-dampierre-noiray-du-berceau-de-mon-pere-g-ungaretti-a-la-palestine-comme-metaphore-m-darwich-la-guerre-poesie-des-frontieres-et-appropriation-du-monde/, page consultée le 20 Avril 2024.