Agrégation
ARTICLE
Les quatre misanthropes du programme se font les contempteurs de la société dont ils souhaitent se retirer, si ce n’est déjà fait. Leur critique sociale, fruste lorsqu’elle émane de Cnémon, subtile lorsqu’elle est distillée par Hans Karl, acerbe pour Alceste, rageuse pour Timon, procède toujours d’une dialectique complexe. Stigmatisant la cour, le salon nobiliaire ou la cité, la critique misanthropique n’est pas qu’une plaisante satire mais bien une remise en cause de la mondanité elle-même au sens théologique du terme.
La tabula rasa à l’horizon du discours d’Alceste n’est autre que le « désert » [1] des jansénistes, celui qu’affectionnaient les Solitaires de l’abbaye de Port-Royal et celui auquel se destine le héros de Molière pour sortir du « gouffre où triomphent les vices » [2] de la société mondaine. Plus radicalement, c’est le cosmos dans son entier que condamne Timon, cet univers héraclitéen qui incarne le cauchemar de la mutabilité permanente, un univers qu’il voue à la destruction pour lui substituer un autre cauchemar, celui d’un monde entropique où les vagues effacent tout [3] , jusqu’aux noms des épitaphes. De manière plus ambiguë, Hans Karl rêve d’une transparence du langage qui viendrait mettre un terme à la fuite du temps et du sens. Enfin, Cnémon s’imagine armé de la tête de Méduse comme Persée et nourrit ainsi le fantasme d’une pétrification généralisée.
Bien évidemment, ces déserts fantasmatiques ne sont que la projection des univers intérieurs de ces grands malades, incapables d’élaborer dans leur psychisme l’inéluctable variabilité mondaine : la part de hasard que recèle l’aventure terrestre fait effraction à la manière du traumatisme. Alors, les eaux changeantes de l’inconscient se désertifient et ne montrent plus que des pierres anguleuses ou bien un pur squelette sans « la chair décollée de ses os » [4] . C’est bien d’un monde hermétique que rêvent les misanthropes : seule la pureté minérale du désert peut leur offrir le sentiment d’une clôture à la fois temporelle et spatiale. Ainsi, la stérilité des rapports humains qu’ils stigmatisent partout est avant tout projective : elle est la leur. Leur jugement est faussé tant ils refusent de s’incarner, préférant la pureté cristalline d’idéaux absolus − pour ne pas dire absolutistes − à la vile compromission de la vie sociale. Par contraste, cette vie mondaine prend l’apparence d’une boue dont la macule est tant morale que structurelle. Ce qui est indécent, c’est l’hybridité. Or le désert permet d’évacuer la question de la fragmentation et du mélange, une question qui n’est autre que la question humaine. Inhumain, le misanthrope le devient, lui qui pourfend tous les vices de l’homme.
Un monde corrompu
La pièce la plus ambiguë quant au traitement de la mondanité est sans doute celle de Molière, car les critiques d’Alceste font mouche mais sa voix reste marginale tant il prend soin de s’exclure de la cour et d’y refuser les honneurs qu’on lui promet [5] . Par ailleurs, le ridicule d’Alceste qui partout « donne la comédie » [6] diminue quelque peu l’autorité de ses critiques. En outre, le personnage de Célimène demeure attractif pour le spectateur malgré les doucereuses civilités qu’elle prodigue à Arsinoé, juste après l’avoir vouée aux gémonies. En effet, comme le souligne Alceste, elle a les rieurs de son côté. La persifleuse déploie ses talents de satiriste à deux reprises : une première fois, lorsqu’elle promène avec maestria les comédiens et les spectateurs dans une savoureuse galerie de portraits ; une seconde fois, alors que les petits marquis dévoilent publiquement les moqueries un peu mesquines de la belle coquette. Mais Alceste n’en est pas en reste : en effet, au moment de dénoncer la futilité de son rival Clitandre, le petit marquis apprêté, il le fait avec grand art. Faisant mine de justifier le « trop riant espoir » (v. 471) que Célimène présente à Clitandre, Alceste se met à décrire « l’ongle long, qu’il porte au petit doigt » (v. 479), « sa perruque blonde » (v. 482), « [l]’amas de ses rubans » (v. 484) ou « sa façon de rire, et son ton de fausset » (v. 486). En plus de ce sens aigu de la satire, Alceste dispose d’une autre arme de la conversation mondaine, la répartie qu’il a l’occasion d’exercer avec Célimène :
Célimène : Mais, de tout l’univers, vous devenez jaloux.
Alceste : C’est que tout l’univers est bien reçu de vous. [7]
Cependant, cet art du persiflage tourne court puisque Alceste refuse la règle fondamentale de cette société du plaisir où la pire faute est d’être ennuyeux. Or, ses éclats bannissent tout plaisir en y introduisant la gravité : il risque à chaque instant de faire basculer la comédie de Molière dans la tragédie. C’est toute la finesse de la pièce de mélanger les mille intrigues de salon à la recherche de la vérité d’Alceste prêt à se sacrifier pour elle comme Œdipe [8] . Pourtant, cette vérité n’a pas vraiment plus de consistance que la vertigineuse vacuité des marquis, tout particulièrement celle d’Acaste [9] dont la langue se nourrit de sa propre fatuité et l’alimente en retour. Selon Alceste, le mensonge vient ruiner une société dont les belles apparences ne sont que des ombres trompeuses. Comme lui, Célimène n’est guère charitable avec les invités de son salon, cependant elle préfère s’amuser des masques grotesques de ses prétendants, en faire un bal où les enjeux de la séduction finissent par confondre mensonge et réalité. Cette duplicité mondaine est un montage odieux à Alceste qui professe ses deux vers programmatiques dès la scène d’exposition :
Je veux qu’on soit sincère, et qu’en homme d’honneur,
On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur. [10]
À l’opposé du credo de la sincérité absolue, presque toutes les paroles de la pièce sont des instruments efficaces faisant du langage une arme ou un divertissement. La tirade d’Acaste mentionnée précédemment pousse loin l’aspect tautologique d’une langue qui n’est plus qu’un simulacre corrompu par cette société de Narcisses. La ligne de fracture entre le langage et le réel − l’hybridité langagière en somme − constitue pour Alceste une « perversité » [11] qu’il faut fuir absolument.
Inversement, dans l’utopie philanthropique de la première partie de Timon d’Athènes le miroitement des apparences constitue un délice suprême qui porte Timon jusqu’au sommet de la jouissance. En effet, les larmes de joie qu’il verse constituent un au-delà du plaisir où le sujet s’absente, ravi de sa propre extase, comme en témoignent ces vers :
Ah ! précieuse satisfaction que d’être ainsi nombreux à jouir en frères de notre fortune aux uns et aux autres ! [12]
Il y a là un mirage mimétique où l’assemblée des frères tous égaux donne l’illusion d’une réciprocité parfaite dans le don et le contre-don. Chacun fait mine de dispenser en mots ce qu’il a reçu en bijoux, au point que des larmes de Timon puisse jaillir un bébé enfanté par la joie, selon l’un des seigneurs présents dans l’acte I, scène 2. Cette naissance parthénogénétique est évidemment mensongère et rien ne naît de la formidable assemblée des frères, bien au contraire il s’agit d’un festin cannibale : les convives dévorent « la libéralité faite homme » [13] , c’est-à-dire Timon. C’est Apémantus, le cynique professionnel qui révèle la barbarie de ce festin, où Timon est mangé tout cru par ceux-là-mêmes qui boivent à sa santé. L’assemblée des convives ressemble beaucoup à la horde des frères de Totem et tabou au moment où ils s’apprêtent à dévorer le père lors du festin totémique, à la différence près qu’il s’agit là d’un frère et non d’un père.
La prodigalité de Timon en fait un éternel fils, un incontinent dispensateur de joyaux qui ne reconnaît pas la castration du réel jusqu’à ce qu’elle se rappelle tragiquement à lui dans la seconde partie de la pièce. Ce déni de la castration, qui d’ailleurs perdure dans la suite grâce à l’opportune découverte d’un trésor enfui, semble corroborer les analyses qui ont fait de la pièce une critique d’inspiration puritaine du règne dispendieux de Jacques Ier, friand de banquets somptueux et enclin à distribuer des bijoux à des hommes jeunes et beaux. Sa prodigalité fait de Timon un magicien, comme si l’avoir phallique ne pouvait jamais tarir, en somme comme si l’angoisse de castration n’existait pas, ce que mettent en scène certains fantasmes notamment homosexuels. Il est intéressant de voir comment l’étourdissement magicien de la première partie suit l’itinéraire de la métaphore liquide, des larmes de joie jusqu’au déluge de la fin. Le basculement de l’utopie à la dystopie, de la prodigalité à la destruction ne constitue pas la traversée du voile des apparences mais substitue un univers de mensonge à l’autre, comme nous le verrons dans la deuxième partie de cet article.
La corruption de la cité est un lieu commun de la « city comedy » dévolue à Thomas Middleton dans cette partition à quatre mains que constitue Timon. Mais la satire de l’argent et de la dette laisse place à une logorrhée anti-démiurgique sans doute rédigée par Shakespeare lui-même. La corruption de la cité est alors à entendre de manière littérale comme un mélange impur : la bonté est entachée de bassesse, la noblesse de perfidie, la beauté de laideur. L’ambivalence des qualités est insupportable et ce sera tout l’objet de sa conversion satanique que de réassigner le monde et ses objets à leur part d’ombre. Les objets sont clivés pour Timon : s’ils ne sont pas parfaitement bons, ils doivent être entièrement mauvais. Et si l’univers entier n’est que mouvement et incertitude, sa destruction apportera enfin une permanence capable de conjurer le vol cosmique si bien illustré par ces vers :
Voleur est le soleil dont la puissance dérobe
L’eau de la vaste mer. La lune au pâle feu
Extorqué au soleil est insigne voleuse.
L’océan est voleur, dont la houle liquide
Dissout la lune en pleurs de sel. Voleuse, la terre
Qu’un fumier dérobé aux excréments de tous
Nourrit et fertilise. En toute chose : le vol. [14]
La mutabilité permanente (« En toute chose le vol ») mais aussi l’idée même de génération constituent pour Timon les preuves irréfutables de la corruption d’un monde dont la liquidité dit la labilité. Hans Karl est beaucoup plus modéré en apparence mais tout aussi pessimiste en réalité. Ce dernier rêve d’une transparence du langage pour pallier la dissolution du sens à l’œuvre dans la conversation de salon. Comme le fait remarquer Hélène :
[…] si un fait au monde doit nous faire horreur, c’est bien qu’il y ait une chose comme la conversation : des paroles qui aplatissent tout ce qui est réel et qui l’engourdissent par le bavardage. [15]
L’aplatissement du sens peut sembler anodin, de même que les récriminations de Hans Karl, qui stigmatise le nivellement des choses intelligentes par les sottises et plus généralement l’altération de toute nuance [16] . En réalité, ce qui pourrait n’être qu’un désagrément parmi tant d’autres, devient pour lui une hantise. Une soirée l’épouvante et l’idée même des quiproquos auxquels elle pourrait donner naissance lui fait horreur. Plus encore que les aléas de la vie sociale, c’est le langage en tant que tel qui semble contaminé, menaçant d’ensevelir Hans Karl dans un marécage de non-sens. Il le dit très clairement un peu avant de faire l’éloge du mariage : la mutabilité permanente de toute chose rend l’instant insaisissable [17] et transforme le monde en un marécage où l’on s’enfonce. Le langage est bien cet élément trompeur que l’on ne peut maîtriser qu’au prix d’une transgression obscène [18] . S’emparer du fétiche de la parole est une expérience des limites pour Hans Karl, qui préfère renoncer à son siège à la chambre des Pairs plutôt que de l’assumer :
Plutôt renoncer à mon siège héréditaire et me cacher, toute ma vie durant, comme un hibou dans sa tanière. Je devrais me remplir la bouche d’un torrent de paroles dont chacune en elle-même me semble résolument indécente ! [19]
La métaphore liquide est ici exploitée de manière beaucoup plus complexe que dans Timon. Il ne s’agit plus du miroitement mensonger des apparences mais de l’absence de limites, confinant à l’informe. Le « torrent de paroles » venant remplir la bouche suscite une horreur délicate à interpréter : on peut entendre ce fantasme de défiguration provoqué par la prise de parole comme l’expression d’une angoisse de morcellement. La peur de l’ensevelissement et la crainte du marécage sont à la fois corrélées aux traumatismes personnels de Hans Karl (la chute dans le lac et l’expérience des tranchées) et aux traumatismes de l’Histoire. La Première Guerre mondiale se termine, laissant l’Europe exsangue et sans repère. L’enfouissement dans le non-sens [20] de la chambre des Pairs aurait alors une signification plus historique, en miroir de ces fantômes de l’aristocratie viennoise qui peinent à garder quelque consistance dans les salons qui les accueillent.
Le désert et son mirage de pureté
À la liquidité corruptrice du monde, les misanthropes préfèrent l’aridité du désert. À commencer par Cnémon qui a choisi de « cultiver des rochers » [21] du côté de Phylé, près de l’antre des Nymphes, situation géographique isolée qui l’expose tout de même à d’intempestives rencontres. Il besogne toute la journée en portant du bois et en cultivant sa terre aride, ce qui finit par le rendre dur et bourru. D’ailleurs, comme Persée armé de la tête de Méduse, il voudrait bien transformer toute l’humanité en blocs de pierre. Ce fantasme de pétrification généralisée reste évidemment lettre morte et ne sera pas développé dans le reste de la pièce contrairement au prodigieux souffle destructeur qui anime Timon. Cependant, Sostrate, qui s’est transformé en paysan de l’Attique pour plaire au vieux bourru, finit par se raidir de bout en bout à force de piocher. On voit comment le mode de vie de Cnémon engendre naturellement une pétrification tant physique que langagière. La violence de toute interaction avec lui est le résultat de cette excessive rigidité. Le moindre échange verbal se voit court-circuité par cette violence, au point que les joyeux compères de revue, Gétas et Sicon, retournent le procédé contre lui dans le renversement carnavalesque des rôles de la scène dernière. Ils feignent de ne pas entendre les réponses de Cnémon, bien obligé de parler sans esclave ni pierre à portée de main. Refusant toute efficacité au langage, Gétas et Sicon le placent dans une situation en miroir de la leur dans l’acte III. Mais cette fois les spectateurs pénètrent dans l’intimité de Cnémon et découvrent son antre grâce à une machinerie théâtrale sophistiquée. Le vieillard finit par céder et accepte d’être transporté au banquet. Il quitte l’espace scénique situé à gauche (le plus loin des hommes) pour aller au centre, dans l’espace de la grotte, lieu sacré de la communauté. Cependant, sa paralysie perdure. Elle est consécutive à la chute dans le puits, une forme de mort symbolique au monde. C’est dire combien le vieillard récalcitrant résiste jusqu’au bout de la pièce. Bien que sa critique sociale reste sommaire (il se contente de refuser les sacrifices traditionnels pour privilégier les offrandes d’encens et de céréales et applique un mode de vie frugal confinant à la sauvagerie), il ne se départ pas d’un mode de vie autarcique que rien ne parvient à vaincre. Même la main de sa fille, c’est Gorgias qui en a la procuration et qui la donne à Sostrate. La victoire de la comédie et de sa vitalité sur la stérilité du vieux bourru se fait au détriment de toute conversion vraisemblable. Le flot dionysiaque emporte sa victime dans une danse violente, sans que Cnémon ait renoncé à son mode de vie autarcique.
La fin du Misanthrope est beaucoup plus ambivalente puisque nul ne sait si Philinte et Éliante parviendront à détourner Alceste de son aspiration au désert. Le mot ne désigne pas un endroit aride mais une retraite en province. A ce sujet, on peut remarquer que les Solitaires de l’abbaye de Port-Royal utilisaient volontiers le terme de « thébaïde ». Le désert constitue l’alpha et l’oméga de la pièce de Molière : Alceste en parle dès l’exposition [22] et semble concrétiser son dessein dans la scène dernière [23] . En réalité, on peut se demander s’il a jamais quitté « le petit coin sombre » [24] d’où il peut à loisir observer et critiquer ses semblables sans leur être exposé. L’ombrageux idéaliste est pourtant bien sur scène et cela pour deux raisons : capturer Célimène et le plaisir de faire des éclats. L’amour étrange qu’Alceste voue à Célimène n’est pas bien mystérieux, il s’agit d’une passion ravageuse qui veut tout avoir. Alceste le répète à loisir, son cœur « veut qu’on soit tout à lui » [25] jusqu’à imaginer Célimène réduite en « un sort misérable » où il pourrait jouir : « De vous voir tenir tout des mains de mon amour ». Plus inquiétant encore est son désir punitif décliné tout au long de la pièce, à commencer par la scène d’exposition où Alceste annonce son dessein de « purger » [26] l’âme de Célimène. Plus tard, il définira le « pur amour » [27] comme intransigeant à la manière dont il exige de chacun une sincérité absolue. Ainsi, sa demande en mariage prendra-t-elle l’allure d’une demande sacrificielle :
Et [pourvu] que, dans mon désert, où j’ai fait vœu de vivre,
Vous soyez, sans tarder, résolue à me suivre. [28]
La proposition n’est guère alléchante lorsqu’on garde en tête le programme qu’Alceste réserve à l’impure Célimène. Il lui faut la purger de ses fautes les plus apparentes, à savoir l’existence de ses prétendants. C’est chose faite puisqu’Alceste est en effet parvenu à transformer le salon de Célimène en un désert (grâce à Clitandre et Acaste, fonctionnant alors comme de paradoxaux adjuvants). Pour autant, la pire des punitions pour la coquette demeure d’être loin de Paris et de son animation, c'est-à-dire d’être en province, ce qui ne peut qu’effrayer « une âme de vingt ans ». Alors seulement, Alceste pourra jouir de la savoir entièrement à lui. L’amour pur d’Alceste s’apparente donc à une entreprise punitive, dont le sadisme est à peine déguisé. La pulsion orale et son avidité trouvent de quoi se repaître dans l’« immortelle haine » [29] qu’Alceste nourrit pour le piètre talent d’Oronte. C’est un point commun avec Timon dont la rage s’exprime par la bouche, dans l’imprécation. C’est d’ailleurs ce que La Bruyère déplora et rectifia en imaginant dans ses Caractères un Timon en tout point civil et cérémonieux, aux antipodes de celui de Shakespeare, mais aussi différent d’Alceste, car ce dernier est incapable d’obéir entièrement aux codes de l’honnêteté, malgré la vertu que lui prête Arsinoé.
Le Timon de Shakespeare passe brusquement de la philanthropie à la misanthropie sous les yeux étonnés des spectateurs. Comme le lui déclare Apémantus : « La condition moyenne t’est inconnue : tu n’as jamais été qu’aux deux extrêmes » [30] . Ce coup de théâtre n’atténue pas le côté un peu statique de la structure en diptyque de la pièce, tant les deux volets semblent construits en symétrie inversée. Les imprécations de Timon sont sans limite et peuvent à juste titre être considérées comme une anti-nigredo, une œuvre au noir inversant le processus alchimique de transmutation du plomb en or. Pour illustrer les pouvoirs contraires de l’or, Timon a recours à des cascades d’oxymores : l’or sépare les proches et unit les opposés. Mais c’est surtout la perversion de la couleur blanche qu retient l’attention :
Voici de quoi
Rendre blanc le noir, beau le laid, juste le faux,
Noble le vil, jeune le vieux, vaillant le lâche. [31]
La corruption du blanc est alors généralisée, et les vierges vouées à la prostitution. L’insistance de Timon sur le motif de la prostitution est surdéterminée. En premier lieu, elle est inspirée de l’Apocalypse de Jean et symbolise la corruption généralisée de la cité et de la chair. Par ailleurs, elle permet concrètement la propagation de la syphilis et la destruction de la vie à sa source, puisque les traitements au mercure provoquent l’effritement du nez, c’est-à-dire du pénis symbolique :
Couvrez de lèpre pâle
La flamine qui vitupère le plaisir charnel
Mais n’en croit pas un mot. Adieu le nez ! Rongé
Ras le visage ! Ôtez-moi tout ce cartilage […] [32]
De sa retraite d’ermite dans une grotte près de la mer, Timon appelle de ses vœux l’avènement d’un monde décapé, où les os montrent leur blanche nudité une fois débarrassés de leurs chairs. Quelques vers en amont, il faisait référence [33] à la naissance du monde dans Les Métamorphoses d’Ovide et à la destruction de Python par Phébus, Python qui est né d’une terre souillée par le déluge. Ici la proposition s’inverse et le déluge contamine un monde voué à la stérilité : « Ô notre mère à tous […] Rends stérile ton flanc fertile et prolifique […] » [34] . D’un monde corrompu on passe à un anti-monde de la corruption, d’un ordre on passe à un prodigieux chaos à l’entropie maximale où tout se dégrade de manière accélérée.
Le désert de Timon n’est pas réel mais langagier. En effet, l’or qu’il trouve opportunément transforme sa grotte isolée en un théâtre où vont se succéder tous les personnages allégoriques de la première partie ainsi qu’Alcibiade qui manque de mettre à sac Athènes [35] et Apémantus, le vrai cynique. Bien que la pièce s’inscrive dans la tradition de la Moralité, ce défilé ininterrompu de parasites a quelque chose de proprement tragique, comme si la présence de chacun venait porter un coup supplémentaire à Timon, le confortant dans sa haine et sa résolution au suicide. En aurait-il été autrement s’il avait pu demeurer parfaitement seul dans sa grotte ? La question est cruciale mais insoluble. Les dernières paroles de Timon sont paradoxales puisqu’elles opèrent un retour à sa propre condition de mortel tout en faisant s’équivaloir sa mort et la mort du soleil, ultime conséquence de l’entropie liquide :
Ne revenez jamais. Dites bien à Athènes
Que Timon s’est construit sa demeure éternelle
Sur la plage, en bordure de l’étendue salée,
Où chaque jour verra la houle turbulente
La couvrir de sa bave d’écume. Venez-y.
Que la pierre du tombeau soit pour vous un oracle !
[…]
Soleil, éteins tes feux. Timon a fait son temps. [36]
Il est intéressant de remarquer que cette pièce, la plus mal aimée du théâtre de Shakespeare, semble illustrer la critique intransigeante que Wittgenstein formulait à l’encontre du génie anglais, définissant son art comme une formidable constellation de mots tournant autour d’un trou noir.
Dans L’homme difficile, malgré la présence d’un trou noir, Hans Karl ne se livre à aucune diatribe misanthropique: ce trou noir, c’est le traumatisme de l’ensevelissement dans les tranchées, expérience censurée par la conscience mais affleurant sous les pudiques « là-bas » figurant le dehors absolu ayant fait effraction à l’intérieur du psychisme. « Là-bas », c’est aussi l’envers de la société mondaine, de ses civilités superficielles et de ses bavardages en surface. « Là-bas » creuse une profondeur de champ dans l’univers de Hans Karl, à côté de laquelle tout lui apparaît écrasé et sans relief. En ce sens, le désert de Hans Karl est intérieur : le traumatisme des tranchées a vidé son théâtre intérieur de tous ses personnages ne laissant subsister qu’un moi effrayé par sa propre ombre. Le lieu est bien qualifié de désertique, car en l’absence de transcendance, « […] il n’aurait subsisté nulle vie humaine, mais seulement des bêtes titubantes » [37] . Après l’expérience de l’inhumain, toute parole devient bestiale, c’est-à-dire obscène. La déclaration faite à Hélène ne déroge pas à la règle ; Hans Karl s’en excuse en ces termes :
J’ai été extraordinairement peiné, en repensant à notre conversation, lorsque je me suis retrouvé seul avec moi-même, de voir qu’à mon âge, je me maîtrisais si peu − et je suis revenu pour vous rendre votre entière liberté − pardon, ce mot m’est venu aux lèvres de façon tout à fait déplacée, − votre entière… impartialité. [38]
A la liberté se substitue le terme d’« impartialité », précaution oratoire qui en dit long sur sa conception de la liberté. L’impartialité confine à l’indifférence, voire à l’aboulie. La névrose obsessionnelle de Hans Karl semble ultimement reprendre le dessus : le fantasme de l’imperméabilité demeure indispensable à sa survie psychique. La crainte de la surestimation de soi, corrélative à une culpabilité écrasante, nécessite selon ses propres mots un enfouissement des sentiments « dans le coin le plus reculé de lui-même » [39] . Le doublage névrotique du réel multiplie les instances séparatrices jusqu’à un exil intérieur et une désertification du moi. Seule la conversion dans le mariage sauve Hans Karl, une conversion rendue possible par une nécessité supérieure de nature religieuse, à moins qu’elle ne soit inconsciente.
L’autre scène [40] : religion et inconscient
La conversion de Hans Karl au mariage obéit à deux lois : en premier lieu, elle est de nature idéologique, puisque seule l’institution du mariage lui apparaît capable de vaincre l’impermanence de toute chose et le règne du hasard [41] . La seconde loi est mystique : le souvenir épiphanique du mariage avec Hélène vient commuer le souvenir traumatique de l’enfouissement dans les tranchées. La jointure entre les deux événements est faite par une « nécessité » qui vient organiser la fragmentation de la vie psychique :
Cela ne fut qu’un moment, cela aura duré trente secondes, mais, vécu de l’intérieur, la mesure en est différente. Pour moi, ce fut la durée d’une vie entière que j’aurais vécue, et dans ce fragment de vie, vous étiez ma femme. [42]
Les mille souvenirs éparpillés de leur vie conjugale déjà advenue sont transcendés par le « Oui » parfaitement clair et pur d’Hélène. Cette nécessité providentielle intervient comme un talisman conjurateur à l’exil intérieur de Hans Karl, un exil que décrit bien Hélène [43] au moment où les époux mystiques sont sur le point de s’abandonner l’un à l’autre. La fébrile et stérile activité névrotique semble prendre fin (ouvrir des tiroirs, chercher une clé perdue) grâce à l’intervention d’un dieu absent et muet, contrairement au dieu Pan du Bourru, dont l’influence est explicite et bavarde.
Timon quant à lui ne se cantonne pas aux eaux tièdes de la névrose mais entre pleinement dans un délire cosmique. Sa nature psychotique se laisse entendre dans le clivage qu’il fait subir à l’objet : de bénéfique et sororale, la cité grecque devient pour lui l’incarnation du mal comme ont pu l’être Rome et Babylone pour Jean de Patmos. La conversion satanique de Timon est totale, à la mesure de son incapacité à concevoir l’ambivalence [44] de la vie sociale, tantôt bonne, tantôt mauvaise. Mais le prodigue imaginaire − pour reprendre le sous-titre de la pièce − ne semble pas avoir été complètement dupe de l’utopie fraternelle de la première partie et avoue quelque connivence cachée avec l’agir du monde :
Tandis que moi
Pour qui le monde entier était confiserie,
J’ai régenté la bouche, la langue, les yeux, le cœur
Des hommes − plus que je ne pouvais en faire usage.
Foule innombrable, à moi attachée, telles des feuilles
Sur le chêne, que le premier assaut de l’hiver
Fit choir de l’arbre, pour me laisser nu, exposé […] [45]
L’appétit de Timon n’était donc pas en reste comparé à celui de ses invités d’antan. C’est presque avec une virtù machiavélienne qu’il a su s’attacher les faveurs de chacun. En somme, son délire cosmique est destiné à prolonger quelque temps un pouvoir qu’il ne peut se résoudre à perdre : Timon fait parade de sa haine et l’on peut dire avec d’autres critiques que la sécession mélancolique est encore un acte de communication. La danse macabre qu’il évoque tantôt [46] nous rappelle que contrairement à Everyman, dans la moralité du même nom, Timon refuse de se préparer à une mort qu’il voudrait cosmique.
De la même manière, on peut entendre derrière les justes protestations de sincérité d’Alceste l’avidité et la mégalomanie. Il avoue lui-même vouloir être « distingué » [47] de ses semblables, mais surtout derrière l’humeur chagrine de l’homme aux rubans verts, Célimène perce « un esprit contrariant » [48] enclin à se faire remarquer en toute occasion, quand bien même il enfreindrait son credo de la sincérité absolue. Par ailleurs, même le flegmatique Philinte, que de mauvaises langues appelleraient complaisant, ne ménage pas sa verve pour dénoncer la voracité d’Alceste dès la scène d’exposition :
Et mon esprit, enfin, n’est pas plus offensé,
De voir un homme fourbe, injuste, intéressé,
Que de voir des vautours affamés de carnage,
Des singes malfaisants, et des loups pleins de rage. [49]
Ces figures des « loups plein de rage » et des « vautours affamés de carnage » contrastent avec la vertu et le mérite que lui accorderait la cour selon Arsinoé. L’avidité d’Alceste n’est pas proprement scénique, puisqu’il ne monopolise pas entièrement la parole dans d’interminables diatribes comme Timon et ne rompt pas non plus les échanges à tout propos comme Cnémon. C’est tout le génie de Molière d’avoir su donner une ambiguïté à un personnage qui se veut d’un seul tenant et absolument ennemi du genre humain. L’amour contradictoire qu’il porte à Célimène et sa soif de vérité l’érigent en personnage tant de tragédie que de comédie bien loin des caractères de l’Antiquité. Comme Dom Juan, la question que pose Alceste est adressée au ciel : peut-on vivre sous la pleine lumière de la vérité sans transformer le monde en un désert ?
* * *
En conclusion, nous pouvons remarquer que derrière l’apparente tristesse de ces grands mélancoliques se cache une volonté d’emprise sans pareille. Alceste brûle de faire des éclats, Timon voudrait avaler l’univers entier, Cnémon rêve de pétrifier son entourage et Hans Karl lui-même, qui répugne tant aux discours, nourrit de manière toute névrotique le fantasme inconscient d’être « follement amoureux de soi-même » [50] et peut-être de se gargariser d’obscènes paroles. La parole misanthropique est marquée par une oralité dévorante : elle est avide parce qu’elle veut soumettre l’altérité et transcender l’impermanence. Si les misanthropes sont tentés par le désert, c’est qu’il leur offre le mirage d’une pureté hermétique, seule capable de rédimer un monde corrompu. Il apparaît clair que le désert figure pour ces misanthropes l’image projective d’un Moi majestueux, régnant seul sur les pierres arides de son cœur sous la lumière aveuglante d’un narcissisme mortifère. A moins que le misanthrope ne se fasse anachorète du désert dans une quête infinie de la vérité, mais dans ce cas, il ne serait pas devenu ce formidable personnage de théâtre, dont l’énergie toute spectaculaire tient à son existence paradoxale au sein de la communauté.
Notes
- [1]
Les éditions citées sont celles du concours. Molière, Le Misanthrope, v. 143-4 : « Et, parfois, il me prend des mouvements soudains,/ De fuir, dans un désert, l’approche des humains. ».
- [2]
Ibid., v. 1804-1806 : « Je vais sortir d’un gouffre où triomphent les vices ;/ Et chercher sur la terre un endroit écarté,/ Où d’être homme d’honneur, on ait la liberté. ».
- [3]
Se reporter à l’article très éclairant de François Laroque, « Entropie et misanthropie dans Timon d’Athènes », revue Méthode, n°13, 2008, p. 353 : « Et, à l’inverse de Lear, Timon ne reviendra ni ne pardonnera, allant jusqu’au bout de sa haine du monde, aussi extrême qu’inexpiable, pour disparaître à jamais et faire en sorte que sa voix se confonde désormais avec celle de l’océan. ».
- [4]
Shakespeare, Timon d’Athènes, V, 1, v. 509-10, p. 349 : « Hais-les, maudis-les tous : ne sois pas charitable ;/ Tant qu’il n’a pas la chair décollée de ses os […] ».
- [5]
Il refuse les avances d’Arsinoé qui lui promet l’aide de sa cabale aux vers 1083-4 : « Le Ciel ne m’a point fait, en me donnant le jour,/ Une âme compatible avec l’air de la cour ».
- [6]
Le Misanthrope, v. 105-6 : « Je vous dirai tout franc que cette maladie,/ Partout où vous allez, donne la comédie, / Et qu’un si grand courroux contre les mœurs du temps,/ Vous tourne en ridicule auprès de bien des gens. ».
- [7]
Ibid., v. 495-6.
- [8]
Alceste serait alors « extra-vaguant » au sens littéral du terme.
- [9]
Ibid. v. 781-804.
- [10]
- [11]
Le Misanthrope, v. 1485-6 : « Trop de perversité règne au siècle où nous sommes,/ Et je veux me tirer du commerce des hommes. ».
- [12]
Timon, I, 2, p. 267.
- [13]
Ibid., I, 2, p. 273 : « Oh ! c’est la libéralité faite homme ! ».
- [14]
- [15]
Hugo von Hofmannsthal, L’homme difficile, II, 1, p. 68.
- [16]
Ibid., I, 13, p. 50 : « Mais il y a des gens dans la bouche desquels toutes les nuances s’altèrent, sans qu’ils le veuillent. ».
- [17]
Ibid., II, 10, p. 89 : « L’instant n’est pas coupable, c’est seulement de vouloir le retenir qui n’est pas permis. ».
- [18]
Ibid., II, 14, p. 101 : « Les discours se fondent sur une surestimation indécente de soi-même ».
- [19]
Ibid., III, 13, p. 148.
- [20]
Selon le titre d’un ouvrage de Pascal Dethurens, Thomas Mann et le crépuscule du sens, éd. Georg, 2003.
- [21]
Pan le souligne dans le prologue ainsi que Gétas dans l’acte II, scène 8, mentionnant que sur les rochers de Cnémon ne poussent que le thym et la sauge.
- [22]
Le Misanthrope, v. 143-4 : « Et, parfois, il me prend des mouvements soudains,/ De fuir, dans un désert, l’approche des humains. ».
- [23]
Ibid., v. 1804-1806 : « Je vais sortir d’un gouffre où triomphent les vices ;/ Et chercher sur la terre un endroit écarté,/ Où d’être homme d’honneur, on ait la liberté. ».
- [24]
Au début de l’acte V, Alceste déclare :« Allez-vous en la voir, et me laissez, enfin/ Dans ce petit coin sombre, avec mon noir chagrin. » (v. 1583-1584).
- [25]
Ibid., v. 240 : « C’est qu’un cœur bien atteint veut qu’on soit tout à lui ».
- [26]
Ibid., v. 233-4 : « Sa grâce est la plus forte, et, sans doute, ma flamme/ De ces vices du temps pourra purger son âme ».
- [27]
Ibid., v. 702 : « À ne rien pardonner le pur amour éclate ».
- [28]
Ibid., v. 1763-4.
- [29]
Ibid., v. 1548-1550 : « Mais, pour vingt mille francs, j’aurai droit de pester/ Contre l’iniquité de la nature humaine,/ Et de nourrir, pour elle, une immortelle haine. ».
- [30]
- [31]
- [32]
Ibid., IV, 3, v. 155-158, p. 331.
- [33]
- [34]
- [35]
C’est la principale différence avec une œuvre comme La Ville de Claudel, drame de la conversion, où la cité est effectivement détruite pour être refondée de manière idéale. À ce sujet, Pierre Brunel remarque : « Le misanthrope, Avare, est plus proche de Timon que d’Arnolphe, même si par son nom, il s’oppose radicalement au prodigue athénien. Car s’il souhaite la solitude et se retire finalement loin de ses semblables, il entend surtout créer son propre désert et faire le vide autour de lui. Timon encourageait Alcibiade à détruire Athènes ; Avare attend le moment où « les villes, pleines d’âmes, flamberont ». Il voudrait les « éventrer […] comme des fourmilières. », Pierre Brunel, Claudel et Shakespeare, Librairie Armand Colin, Paris, 1971, p. 69.
- [36]
Ibid., V, 2, v. 99-108, p. 361.
- [37]
- [38]
- [39]
Ibid., III, 13, p. 148 : « Pour vivre certaines choses sans se trouver indécent, il faut être si follement amoureux de soi-même et avoir un tel degré d’aveuglement que, peut-être, un homme adulte peut les éprouver dans le coin le plus reculé de lui-même, mais qu’il ne peut jamais se l’avouer. ».
- [40]
Le titre fait référence à un ouvrage d’Octave Mannoni, Clefs pour l’Imaginaire ou l’Autre Scène, Le Seuil, 1969.
- [41]
L’homme difficile, p. 89 : « Tout ce qui arrive est le fait du hasard ».
- [42]
- [43]
Ibid., III, 8, p. 136 : « Ce qui vous a chassé d’ici, c’était votre méfiance, votre peur de vous-même, de votre propre moi. ».
- [44]
Le terme d’ambivalence souvent rapporté à la pulsion a été l’un des concepts fondateurs de la psychanalyse avec Freud puis avec Mélanie Klein qui définit la « position schizo-paranoïde » comme l’état précédant l’acceptation de l’ambivalence. Le sujet clive alors l’objet alternativement tout bon et tout mauvais.
- [45]
- [46]
La rime epitaph et laugh (IV, 3, 366-7, p. 340) évoque la danse macabre, ce qu’explicite l’épitaphe de Timon, v. 367 : « Qu’à travers moi la mort, des vivants puisse rire ! ».
- [47]
Le Misanthrope, v. 63-4 : « Je veux qu’on me distingue, et pour le trancher net,/ L’ami du genre humain n’est point du tout mon fait. ».
- [48]
Ibid., v. 679-80 : « Et ses vrais sentiments sont combattus par lui,/ Aussitôt qu’il les voit dans la bouche d’autrui. ».
- [49]
- [50]
L’homme difficile, III, 13, p. 148 : « Pour vivre certaines choses sans se trouver indécent, il faut être si follement amoureux de soi-même et avoir un tel degré d’aveuglement que, peut-être, un homme adulte peut les éprouver dans le coin le plus reculé de lui-même, mais qu’il ne peut jamais se l’avouer. ».