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L’arabesque, phénomène migratoire. De l’ornement oriental à l’art total du Romantisme
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L’arabesque correspond à un style d’ornements qui, depuis l’Antiquité, a effectué une série de migrations à la fois génériques et géographiques, à partir des arts « mauresques » ou « arabes ». La notion s’est propagée, par analogie, aux théories de la danse, puis de la littérature et de la musique, pour devenir, à partir du Romantisme allemand, le support d’une réflexion sur le concept d’œuvre d’art totale. En littérature, cette théorie a favorisé une abondante pratique de l’iconotexte jusqu’à la fin de l’époque victorienne. La présente communication s’est donné comme objectif de présenter quelques-unes des modalités les plus marquantes de ces iconotextes qui, tout au long du XIXe siècle, ont témoigné d’une intense circulation entre les arts et entre les aires culturelles.

The arabesque corresponds to a style of ornamentation which, since antiquity, has carried out a series of migrations both generic and geographical, from the Moorish or Arab arts. The notion has spread, by analogy, to the theories of dance, then of literature and music, to become, from the German Romanticism, the support of a reflection on the concept of total work of art. In literature, this theory favored an abundant practice of iconotext until the end of the Victorian era. The purpose of this paper is to present some of the most striking modalities of these iconotexts, which throughout the Nineteenth Century witnessed an intense circulation between the arts and between cultural areas.

ARTICLE

      Forme et concept à la fois, l’arabesque correspond d’abord à un style d’ornements qui, depuis l’Antiquité, a effectué une série de migrations à la fois génériques et géographiques, à partir des arts « mauresques » ou « arabes [1] ». Il s’agira ici de présenter quelques-unes des modalités les plus marquantes de ces mutations génériques qui, tout au long du XIXe siècle, ont témoigné d’une intense circulation entre les arts et les aires culturelles.

De l’Orient vers l’Occident

      Système non figuratif lié à l’art sacré, analogue à un langage ou à une géométrie de l’infini, l’arabesque orientale s’est diffusée dans l’art occidental (l’architecture, le dessin et l’enluminure) pendant tout le Moyen Âge [2] , notamment grâce aux échanges culturels et commerciaux favorisés par ces plaques tournantes entre Orient et Occident que furent l’Espagne mauresque et Venise [3] . Mais c’est surtout à partir du dernier quart du XVe siècle que sont recensés les plus éclatants témoignages de cette appropriation de l’art mauresque par les artistes occidentaux : l’on pense en priorité aux arabesques qui sortirent de l’atelier de Léonard de Vinci entre 1490 et 1500 [4] et inspirèrent à Dürer la série de ses six « nœuds » (1506-1507) [5] .
      C’est sans doute à partir de ce moment que la pratique ornementale de l’arabesque fut rapprochée des principes décoratifs de l’art gothique et de l’enluminure médiévale. Dürer et bien d’autres artistes de son temps déployèrent leurs talents dans les deux domaines, et le fameux livre de Prière de l’empereur Maximilien, réalisé entre 1515 et 1516, est un bon exemple de cette fusion entre arabesque et art gothique (fig. 1). Ce système d’ornementation à grandes volutes rondes sera très imité en Allemagne à l’époque romantique, grâce à l’atelier du graveur Nepomuck Strixner, et sera désigné, alors, par le terme d’arabesque.

Figure 1 : Dürer, Lucas Cranach, Hans Burgkmair l’Ancien, Hans Baldung Grien et alii : dessins marginaux pour le Livre de prière de l’empereur Maximilien, 1514-1515.

      Mais, chronologiquement, c’est au début du XVIIe siècle que le mot entre vraiment dans la terminologie occidentale des beaux-arts. Le décor oriental non figuratif fut alors comparé et associé aux ornements antiques romains découverts à la fin du XVe siècle dans les excavations des riches demeures de Rome, de Pompéi et d’Herculanum. Ces ornements, appelés au départ « grotesques [6]  », furent également très appréciés et souvent reproduits pendant toute la Renaissance et une partie de l’Âge Classique. Le principe de l’entrelacs rassemble les deux manières (orientale et occidentale), tandis que les grotesques-arabesques occidentales conservent, elles, des éléments figuratifs, souvent d’inspiration comique ou fantaisiste.

De la théorie des correspondances

      À partir du Romantisme, se produisit une seconde migration générique, qui eut lieu, cette fois, non plus tant sur le plan géographique que sur le plan conceptuel et métaphorique. Une véritable théorie des correspondances entre les arts se mit en place progressivement et prit l’arabesque pour centre. Une des premières transpositions du terme en dehors des arts visuels semble due aux chorégraphes du xviiie siècle. Le principal théoricien dans ce domaine fut, au début du xixe siècle, le chorégraphe Carlo Blasis qui expliqua, dans son Traité de l’art de la danse (1820), l’origine du rapprochement, en évoquant l’entrelacement des corps en mouvement :

Nos maîtres d’école de danse auront […] introduit dans l’art cette expression, à raison des tableaux ressemblant aux arabesques de la peinture, par les groupes qu’ils ont formé (sic) de danseurs et de danseuses, s’entrelaçant de mille manières, avec des guirlandes, des couronnes, des cerceaux ornés de fleurs, et mélangés quelquefois d’instruments antiques propres à la pastorale ; et ces attitudes […] ont en quelque sorte rendu naturel à notre art le mot arabesque. Je puis me flatter d’avoir été le premier à donner raison de cette expression […] [7] .

Le mouvement ondulatoire commence ainsi à apparaître comme un langage commun aux différentes formes d’art, et le terme connaît alors une réelle inflation culturelle.
      Il est donc assez naturel que, quelque temps plus tard, le théoricien de la musique Eduard Hanslick, dans son traité sur le Beau dans la musique (Vom Musikalisch-Schönen / Du Beau musical, 1854), aille jusqu’à affirmer la dimension également systémique de l’arabesque en musique, en évoquant les enchaînements ondulatoires formé par les sons :

Der Inhalt der Musik sind tönend bewegte Formen.
In welcher Weise uns die Musik schöne Formen ohne den Inhalt eines bestimmten Affektes bringen kann, zeigt uns entfernt bereits ein Zweig der Ornamentik in der bildenden Kunst : die Arabeske. Wir erblicken geschwungene Linien, hier sanft sich neigend, dort kühn emporstreben, sich findend und loslassend, in kleinen und großen Bogen korrespondierend, scheinbar inkommensurabel, doch immer wohlgegliedert. […] Denken wir uns vollends diese lebendige Arabeske als tätige Ausströmung eines kunstlerischen Geistes, der die ganze Fülle seiner Phantasie unablässing in die Andern diese Bewegung ergießt, - wird dieser Eindruck dem musikalischen nicht einigermaßen nahekommend sein ?

Que contient donc la musique ? Pas autre chose que des formes sonores en mouvement. La manière dont la musique peut nous offrir de belles formes sans avoir pour sujet un sentiment déterminé, trouve une analogie lointaine et une démonstration dans une branche de la sculpture d’ornement, l’arabesque. Nous y voyons des lignes incurvées, qui tantôt s’abaissent doucement, tantôt remontent en bonds audacieux, qui se rejoignent et se séparent, se répondent dans le détail ou dans de grands arcs, apparemment incommensurables et pourtant toujours parfaitement coordonnées. […] Mais allons plus loin, et représentons-nous l’arabesque vivante comme le rayonnement actif d’un esprit d’artiste, qui inlassablement répand son imagination surabondante dans les artères de ce mouvement : l’impression ressentie ne serait-elle pas bien voisine de celle de la musique [8]  ?

Auparavant, le terme avait déjà été utilisé par Schumann (Arabeske, op. 18, 1839), pour désigner une pièce d’inspiration libre, associée à la notion de fantaisie. Puis, à la fin du siècle, Debussy reprendra l’expression pour ses Deux Arabesques pour piano (1888-1891) et utilisera le concept pour défendre « le libre jeu des sonorités » contre l’usage académique des principes d’harmonie et d’accord parfait, imposés de manière dogmatique, selon lui, par le Conservatoire. Pour Debussy, l’arabesque traduit la possibilité qu’a la musique d’inventer des combinaisons infinies, à l’instar de la nature, sans se limiter à un certain nombre de règles et de formules harmoniques :

Le vieux Bach, qui contient toute la musique, se moquait, croyez-le bien, des formules harmoniques. Il leur préférait le libre jeu des sonorités, dont les courbes, parallèles ou contrariées, préparaient l’épanouissement inespéré qui orne d’impérissable beauté le moindre de ses innombrables cahiers.
C’était l’époque où fleurissait « l’adorable arabesque », et la musique participait ainsi à des lois de beauté inscrites dans le mouvement total de la nature [9] .

      En littérature enfin, l’arabesque fut également très tôt convoquée à la fois pour défendre une nouvelle conception de la modernité poétique et pour rendre visibles les correspondances entre les arts. Et elle fut, d’abord, une passion allemande et romantique. C’est en effet à Friedrich Schlegel et à son Entretien sur la poésie (Gespräch über die Poesie), publié en 1800 dans l’Athenäum, que l’on doit ce transfert terminologique [10] . Schlegel effectua en effet un saut épistémologique en associant la fantaisie décorative, issue des grotesques-arabesques picturales, à toutes les formes anti-classiques de littérature, dont les exemples le plus contemporains sont à rechercher, selon lui, dans les romans excentriques en vogue au xviiie siècle, depuis le Tristram Shandy (1759-1767) de Sterne et le Jacques le fataliste de Diderot. Dans le fragment 389 de l’Athenäum, Schlegel proposera également les termes de « fourre-tout bariolé » (« ein buntes Allerlei [11]  ») et de Kunstchaos (que l’on peut traduire par « chaos artistique12 ») comme équivalent des notions d’arabesque et de fantaisie en littérature.

De l’art à la science

      À partir de ces textes fondateurs, l’arabesque va s’imposer dans le vocabulaire conceptuel du groupe d’Iéna, mais aussi dans les autres foyers du Romantisme allemand, à Heidelberg et à Berlin, comme un principe à la fois transgénérique et totalisant. La notion permet alors de penser les analogies entre art et nature [12] , entre production individuelle et production collective, entre fragment et totalité. Pour Novalis, l’arabesque confère une forme artistique et un langage approprié au grand rêve métaphysique de l’unité de la nature, de l’Hen Kai Pan ; elle donne aussi à cet imaginaire une caution scientifique : inspiré par le physicien Chladni qui mit au point une méthode pour visualiser les ondes sonores sur du sable [13] , Novalis associe ces ondes à des arabesques musicales15. Pour Novalis, la volute ou l’arabesque est donc comme un langage originel issu de la Nature, et ce langage traduit aussi bien la structure de l’univers matériel que celle du monde spirituel, confortant de ce fait la conviction d’une universelle analogie.
      On atteint à ce niveau ce que l’on pourrait appeler un troisième stade de migration du concept qui, d’artistique, devient aussi scientifique et métaphysique. On rencontre par exemple chez Hoffmann, inspiré par la philosophie de Schelling, des images et des métaphores qui évoquent l’idée d’une structure arabesque de l’âme du monde [14]  ; Schelling lui-même, dans sa Philosophie de l’art (1802-1803), écrit que « la ligne ondulée [est le symbole] de la vie [15]  » et il postule parallèlement, dans ses textes sur la science, que chaque plante est une « délimitation » ou une « individualisation labyrinthique de l’âme [16] ».
      Cette analogie entre art et nature trouvera encore d’autres échos, bien que plus lointains, jusque dans les années 1830, avec les travaux de Goethe sur la biologie et la morphologie. Goethe s’intéresse en effet particulièrement aux formes spiralées des végétaux, mais il se garde, pour sa part, de parler d’arabesque, et préfère les expressions plus techniques ou plus concrètes de « Vrille » et de Spiraltendenz :

Das Spiralsystem ist das Fortbildende, Vermehrende […]. Diese Spiraltendenz als Grundgesetz des Lebens muβ daher allererst bei der Entwicklung aus den Samen sich hervortun […]. Wenn man die Stiele des Löwenzahns an einem Ende aufschlitzt, die beiden Seiten des Hohlen Röhrchens sachte von einander trennt, so rollt sich jede in sich nach auβen und hänget in Gefold dessen als eine gewundene locke spiralförmig zugespitzt herab, woran sich die Kinder ergötzen und wir dem tiefsten Naturgeheimnis näher treten.

Le système spiral est l’élément qui assure la croissance, la reproduction, la nutrition. […] la tendance spirale, cette loi fondamentale de la vie, se montre en tout premier lieu lorsque la plante se développe à partir de la graine. […] Lorsqu’on fend les tiges du pissenlit à une extrémité, que l’on sépare doucement les deux parois du petit tube creux, chacune s’enroule sur elle-même vers l’extérieur, et par suite forme une boule spiralée qui pend et va s’amenuisant ; elle fait l’amusement des enfants et nous permet d’approcher de plus près un profond secret de la nature [17] .

La « tendance spirale » est donc, dans la conception goethéenne de la nature, un « système », un principe de développement, voire même le grand principe de vie et de croissance des végétaux. Expression artistique née de l’observation de la nature dans l’art oriental, l’arabesque en revient donc, avec la science et la philosophie romantiques, à retrouver indirectement ses origines naturalistes. Et même si la terminologie scientifique reste distincte du langage artistique, une pensée de l’unité du réel apparaît bien sous-jacente aux deux démarches.

Vers le livre-monde

      Ces mutations du sens, produites selon une perspective de plus en plus englobante, auront aussi d’importantes répercussions sur la conception que le Romantisme se fera du livre et de la littérature. L’œuvre littéraire va alors être pensée et pratiquée comme un mélange de toutes les formes corrélées entre elles, et cette idée est mise en pratique, à de nombreuses reprises, parallèlement par Ludwig Tieck, Friedrich Schlegel et Novalis. Dans sa correspondance avec F. Schlegel, Novalis évoque sa grande œuvre romantique, Heinrich von Ofterdingen, qu’il conçoit comme un roman-conte-arabesque :

Es sollte mir lieb sein, wenn Ihr Roman und Märchen in einer glücklichen Mischung zu bemerken glaubtet und der erste Teil Euch eine noch innigere Mischung im zweiten Teile prophezeite. Der Roman soll allmählich in Märchen übergehn [...].
Der 2te Theil [des Roman] wird der Kommentar der Ersten. Die Antipathie gegen Licht und Schatten, die Sehnsucht nach klaren, heiβen, durchdringenden Aether, das Unbekanntheilige, die Vesta in Sophien, die Vermischung des Romantischen aller Zeiten, der petrifizierende und petrifizierte Verstand, Arctur, der Zufall, der Geist des Lebens, einzelne Züge bloβ, als Arabesken – so betrachte nun mein Märchen.

J’aimerais que vous trouviez dans le roman un heureux mélange avec le conte merveilleux, et que la première partie vous fasse pressentir un mélange encore plus profond dans la seconde partie. Le roman doit progressivement se convertir en conte merveilleux […].
La deuxième partie du roman sera le commentaire de la première. Le conflit de l’ombre et de la lumière, la nostalgie de l’éther clair, chaud, pénétrant, le saint inconnu, la Vesta incarnée par Sophie, le mélange du romantisme de tous les temps, la raison qui pétrifie et qui est pétrifiée, Arctus, le hasard, l’esprit de la vie, quelques traits seulement, comme des arabesques, c’est ainsi qu’il faut considérer maintenant mon conte merveilleux [18] .

      Au-delà même du livre polygénérique, mais individuel, à la manière de Heinrich von Ofterdingen, l’arabesque romantique va aussi devenir l’emblème de l’œuvre collective, fruit du génie des peuples. Dans les Ideen, F. Schlegel évoque cette idée de livre-monde ou de « livre infini [19]  ». À une époque où la redécouverte du folklore correspond à un tournant culturel majeur, cette argumentation théorique ne restera pas lettre morte. Il est frappant de constater à quel point elle entre en résonance avec le travail poétique de ceux qui vont se consacrer à la patrimonialisation du folklore, notamment dans l’entourage des Grimm : les concepts de « poésie de nature » (Naturpoesie) développés par Herder et les frères Grimm donnent tout son sens à l’idée de totalité organique du folklore [20] . L’artiste, qui est en même temps un collecteur, cherche à donner forme et visibilité à ce patrimoine : son travail consiste à transformer en livres une tradition orale ou écrite collective, mais dispersée et volatile. Un tel projet se retrouve constamment dans les échanges et les pratiques qui réunirent le peintre Philipp Otto Runge, Achim von Arnim, Clemens Brentano et les Grimm (y compris Ludwig Emil Grimm, le jeune frère, peintre et graveur, de Jacob et Wilhelm) [21] . Et sur le concept de Naturpoesie, vient se greffer celui, plus implicite, d’arabesque, qui lui servira à la fois d’emblème visuel et de principe de composition ou de style.
      Dans ce cadre, Philipp Otto Runge a certainement joué un rôle déclencheur, dans la mesure où il fut l’un des premiers à pratiquer l’arabesque comme principe esthétique transférable de la peinture à la littérature et au folklore, et à penser, à travers elle, la notion d’art total. En janvier 1803, dans sa correspondance, il qualifie en effet de « grandes arabesques [22]  » les deux dessins préparatoires qu’il avait réalisés pour son projet polygénérique des Heures du jour (Die Tageszeiten), conçu comme une symphonie. Dans le même temps, il s’intéressa aux contes traditionnels, et participa aux travaux de collecte engagés par Arnim, Brentano et les frères Grimm. Là encore, comme l’a montré Heinz Rölleke, l’arabesque semble gouverner, quoique de manière plus souterraine, une pratique de l’écriture [23] . Les deux contes d’origine orale qu’il transposa à l’écrit en 1806, et qui furent envoyés à Arnim et Brentano puis aux Grimm, Le Conte du pêcheur (Von dem Fischer und Syner Fru) et Le Conte du genévrier (Von dem Machandelboom), témoignent en effet d’un style que l’on peut qualifier d’arabesque, même si le peintre n’a pas explicitement formulé le rapprochement. Car nous retrouvons, dans les micro-structures des deux contes, l’arabesque littéraire telle qu’elle est pratiquée par F. Schlegel, Ludwig Tieck et Novalis.
      Plusieurs principes de composition autorisent ce rapprochement : le motif répété des métamorphoses merveilleuses et qui semblent pouvoir se reproduire à l’infini, la structure en boucle du récit, enfin et surtout les refrains et effets d’entrelacements narratifs. Dans Le Conte du genévrier, l’histoire rassemble toute une matière mythique, associée à l’idée de renaissance divine d’un enfant transformé en oiseau. Cet enfant, tué par une marâtre, puis mangé, cannibalisé involontairement par son père, renaît néanmoins sous la forme d’un oiseau chanteur et psychopompe. La structure en boucle fait du conte un récit-monde, un microcosme reflétant le macrocosme et condensant des enjeux universels. Les effets d’entrelacements entre les éléments narratifs et les éléments discursifs reposent sur la présence du chant de l’enfant-oiseau, refrain magique qui scande le récit et le structure comme une arabesque de mots. Enfin, les répétitions avec variations forment des broderies de motifs qui semblent s’engendrer mutuellement comme des volutes graphiques [24] .
      Arnim et Brentano admiraient beaucoup le travail à la fois littéraire et pictural de Runge, et cette influence, conjuguée à celle des écrits de F. Schlegel, explique sans doute que ce style arabesque se retrouve encore plus nettement dans les recueils de chants traditionnels et de contes que les deux amis vont élaborer, en conjuguant compilation et réécriture artiste.
      Dans ce cadre, il faudrait évoquer d’abord la grande œuvre collective en trois volumes qui fut le fruit d’une étroite collaboration entre Arnim et Brentano, Des Knaben Wunderhorn (Le Cor enchanté de l’enfant), publié de 1805 à 1808 [25] . Ce vaste ensemble de chants nationaux réécrits selon divers principes stylistiques, tantôt archaïques et tantôt plus modernes, donne progressivement à voir cette notion d’arabesque littéraire. Sur le plan textuel, l’arabesque reste implicite, le concept n’intervenant ni dans la préface ni dans l’essai (Von Volkslieder) qui accompagne le recueil ; mais elle correspond cependant à la variété formelle volontairement entretenue dans l’ouvrage, qui rassemble une matière très hétérogène [26] . En tant qu’iconotexte, en revanche, Des Knaben Wunderhorn répond directement à la notion d’arabesque. Le sens originel, plastique ou visuel, fait retour pour accompagner l’œuvre poétique, et devenir en quelque sorte son miroir de concentration. Dans le deuxième volume en particulier [27] , le frontispice, réalisé d’après un dessin d’Arnim et de Brentano, se présente comme une arabesque de style gothique. Le titre du recueil, en lettres gothiques entourées de volutes, suit la courbe formée par l’encadrement végétal. Ce cadre de pampres contient de plus une autre grande courbe, celle du cor enchanté qui prend la forme d’un monument de style gothique, aux tours élancées et ciselées ; à l’arrière-plan enfin, apparaît un paysage urbain médiéval destiné à évoquer un patrimoine national. La gravure rassemble ainsi trois dimensions essentielles de l’arabesque et crée bien l’idée d’une totalité organique, en reliant la Nature au langage et aux mots, et enfin à l’imagination créatrice et au génie collectif des hommes [28] .
      Quelque temps après, au cours des années 1810, Brentano voulut aussi restaurer les contes populaires comme il avait restauré les Lieder [29] , en créant, sur des canevas issus du folklore, ses propres contes allégoriques, destinés à devenir des modulations romantiques et personnelles de la tradition orale. Ces contes ont été composés dans le cadre d’un projet resté inachevé : Brentano mit en chantier l’élaboration de deux recueils, les Italienische Märchen (Contes italiens) [30] et les Mährchen vom Rhein (Contes du Rhin) [31] , qu’il ne publia pas intégralement. Parmi ces textes, Gockel, Hinkel et Gackeleia est le conte qui illustre le mieux ce rapport entre arabesque littéraire et œuvre d’art totale. Appartenant au groupe des Contes italiens, il est inspiré de La preta de lo gallo (« La Pierre du coq ») du napolitain Giambattista Basile [32] . Tandis que la forme brève, propre au genre du conte de tradition orale, est respectée par l’auteur napolitain, Brentano, au contraire, s’emploie à composer un texte de plus en plus long et protéiforme, qui dépasse les quatre-vingt dix pages dans sa première version et atteint quatre cents pages dans la seconde. Brentano a élaboré, de ce fait, une œuvre expérimentale très touffue, reposant sur le tressage d’innombrables variations de genres, de styles, et de motifs différents. Le conte accumule les chansons et les poèmes enchâssés (pas moins d’une quarantaine dès la première version, presque une centaine dans la seconde). Il contient aussi des récits dans le récit, des passages oniriques, des énumérations proliférantes, des jeux de mots et de sonorités autour du motif du coq (Gockel). Le titre en lui-même, Gockel, Hunkel und Gakeleia, peut d’ailleurs évoquer une arabesque de style, par l’entrelacement des sonorités et le déploiement witzig – humoristique des onomatopées. Les trois protagonistes portent en effet des noms qui rappellent le coq : Gockel est à la fois une onomatopée et le nom populaire du coq, Gackeleia est tiré de gackeln ou gackern (caqueter) et Hinkel ou Hünkel (diminutif de Huhn) désigne une jeune poule.
[A]Mais la virtuosité humoristique et la broderie savante ne sont pas les seuls buts du conte. La première version s’achève sur une dimension utopique qui révèle la portée de l’histoire comme allégorie de l’esprit d’enfance, lui-même emblème du Romantisme :

 Ach, sagte Gackeleia, Alles ist so herrlich und so glücklich, was bleibt zu wünschen übrig, als das wir alle Kinder wären und die ganze Geschichte ein Mährchen und Alecktryo [sic] erzählte uns die Geschichte und wir wären ganz glücklich drüber und patschten in die Hände vor Freude.
Kaum hatte sie dies gesagt <al>s Alecktryo, der in der Mitte des Tisches saß mit dem S<chn>ab<el> nach dem Ring zuckte und ihn verschluckte, und in demselben Augenblick waren alle Anwsende in lauter schöne fröhliche Kinder verwandelt, die auf einer grünen Wiese um den Hahn herumsaßen, der ihnen die Geschichte erzählte, worüber sie dermaßen in die Hände patschten, daß mir meine Hände noch ganz brennen, denn ich war auch dabei, sonst hätte ich die Geschichte neimals erfahren

Ah, dit Gackeleia, tout est si magnifique, notre bonheur est si grand. Que reste-il à souhaiter, sinon que nous soyons tous enfants, et que cette histoire soit un conte, et qu’Alektryo nous raconte l’histoire, et que nous soyons ravis de l’écouter, et que dans notre joie nous applaudissions !
A peine eut-elle dit cela qu’Alektryo, qui était au milieu de la table, étendit le bec vers la bague, l’avala, et au même instant tous les assistants furent changés en autant d’enfants joyeux et beaux, assis sur une verte pelouse, autour du coq qui leur racontait l’histoire ; et ils l’applaudissaient si fort que les mains m’en font mal encore ; car j’étais là, moi aussi, autrement, comment aurais-je su cette histoire35 ?

      L’arabesque littéraire coïncide donc bien, dès la première version du conte, avec une ambition totalisante, rassemblant monde ancien, monde moderne et utopie d’un monde futur qui aurait retrouvé un état d’innocence. La seconde version (publiée séparément en 1838), va encore plus loin, dans la mesure où elle est considérablement amplifiée par l’adjonction d’un récit adventice, au chronotope médiéval, Le Journal de l’aïeul (Aus dem Tagebuch der Ahnfrau). Dans cette seconde version, comme dans Des Knaben Wunderhorn, la notion d’arabesque prend une forme plus complète, en conjuguant déclinaisons iconiques explicites et déclinaisons textuelles implicites. Brentano élabora en effet les croquis des quinze gravures destinées à illustrer le conte et, parmi celles-ci, deux grandes arabesques (fig. 2 et 3) prennent une fonction prépondérante en encadrant en quelque sorte le texte : l’arabesque du frontispice fait écho à la tonalité héroï-comique du récit animalier, tandis que la dernière illustration repose sur des motifs symboliques d’inspiration religieuse qui rappellent très nettement l’organisation générale et la tonalité mystique des Heures du jour d’Otto Runge. Brentano transforme ainsi l’historiette humoristique de la « preta de lo gallo » en une vaste allégorie religieuse, existentielle et esthétique, qui offre une synthèse du parcours spirituel de l’artiste romantique : par ses tours et détours, le conte-arabesque traduit une quête de la rédemption, la fusion des contraires, le désir de retrouver un esprit poétique qui conjuguerait Humour et Amour, candeur et complexité, littérature et acte de foi. Le conte se termine alors sur la reprise du leitmotiv qui crée l’effet d’arabesque verbale au sein du Journal de l’aïeule, un poème qui est comme un chant de grâce célébrant la Création et la fusion mystique des contraires :

O Stern und Blume, Geist und Kleid
Lieb, Leid und Zeit und Ewigkeit !

O étoile et fleur, esprit et incarnation !
Amour, souffrance, temps et éternité [33] !


Figures 2 et 3 : Clemens Brentano
 : illustrations en arabesques pour le conte de Gockel, Hinkel und Gackeleia (1838), in Sämtliche Werke und Briefe, Band 18, 3, Italienische Märchen II, Ulrike Landfester (éd.), Stuttgart, Kohlammer, 2014. Gravures réalisées par Maximiliane Pernelle, puis sous la direction de Ludwig Emil Grimm.

« Manière allemande » et « manière orientale » en Europe

      Si l’arabesque littéraire et iconique fut une véritable passion allemande, elle fut aussi, très largement, une passion romantique qui se diffusa tout au long du XIXe siècle dans plusieurs foyers européens. La traduction, d’abord en français, des Mille et Une Nuits (par Antoine Galland en 1704), puis le développement de l’orientalisme romantique, redonnèrent de surcroît en Europe un regain d’actualité à l’arabesque orientale, qui se combina alors à nouveau avec les pratiques occidentales. Des formes orientales ou mixtes furent choisies aussi bien pour les frontispices des traductions des Mille et Une Nuits que pour les productions orientalisantes des romantiques eux-mêmes. Dans le frontispice et la page de titre de la première édition du West-österlicher Divan (Le Divan occidental-oriental) de Goethe (Stuttgart, 1819), sont ainsi placés en regard entrelacs orientaux et fines volutes entourant les lettres gothiques (fig. 4) :


Figure 4. Goethe
, West-österlicher Divan, Stuttgart, 1819.

      En France, l’engouement pour le lexique de l’arabesque, également très visible (par exemple chez Gautier), est d’abord à rapporter à la postérité du récit excentrique sternien et au succès de la fantaisie hoffmannienne. Mais l’art oriental joua aussi un rôle important : dans ce cadre, les arts décoratifs sont ardemment défendus par Gautier en ce qu’ils offrent un excellent moyen de dépasser l’opposition entre le Beau et l’Utile, en faisant entrer l’art et la fantaisie dans la vie quotidienne. Contre l’appauvrissement des formes et des couleurs du style classique, Gautier fait l’éloge de l’arabesque, emblème d’harmonie et de variété, et capable d’unir le sensoriel et le spirituel, l’Orient et l’Occident. Les descriptions artistes de Fortunio, d’Arria Marcella et d’Avatar abondent en évocations d’arabesques gothiques ou orientales. De plus, sur le plan théorique, Gautier a consacré plusieurs articles à l’art ornemental, dans lesquels il renverse ou abolit les hiérarchies traditionnelles des genres en mettant en valeur la fonction éminemment spirituelle de l’ornement [34] .
      Dans la tradition française du livre illustré (d’inspiration profane du moins), c’est plutôt le principe de la vignette qui l’emporte, comme le montre l’ouvrage de Champfleury sur le sujet, publié en 1883 [35] . Le terme de vignette renvoie certes, à l’origine, à la « petite vigne » et à ses vrilles mais, dans les faits, la pratique romantique de la vignette ne conserve plus avec l’arabesque qu’un lien très ténu, lié aux fines volutes qui effectuent souvent une transition entre l’image et le texte. L’on pourrait signaler cependant un exemple d’iconotexte qui témoigne tout de même d’un transfert assez sensible du Romantisme allemand vers la culture française. Il s’agit d’une œuvre collective sur l’opéra, à l’élaboration de laquelle participèrent Théophile Gautier, Jules Janin et Philarète Chasles, tous trois étant, comme l’on sait, d’assez fins connaisseurs de la culture allemande. Le livre, Les Beautés de l’opéra ou chefs d’œuvre lyriques illustrés par les premiers artistes de Paris et de Londres, est publié en 1845 sous la direction du graveur Giraldon. Il s’agit d’un des rares exemples français d’ouvrages polygénériques, dans lequel on pressent que le concept d’arabesque aurait pu faire système, en s’exprimant d’une part dans le langage visuel de l’ornementation (puisque chaque page est ornée d’un cadre arabesque), et d’autre part dans le discours théorique tenu sur la danse, le ballet, les textes et les décors d’opéra :

A l’Italie splendide et sensuelle du quinzième et du seizième siècle, il était réservé de suivre les traces de la Grèce et de créer l’opéra moderne. […] On vit naître, sous le règne de Médicis, un spectacle opulent et singulier, où toutes les féeries se donnèrent rendez-vous ; […] les cristaux des lustres, les miroirs de Venise à mille facettes, répétaient les arabesques curieuses et les membres nus des statues [36] .

Mais les analyses restent, il faut bien le dire, en deçà d’une véritable théorie des correspondances, et ce type d’ouvrages semble de plus assez rare dans le domaine français. Globalement, il faudra surtout attendre les échos du wagnérisme pour que la France se mette à penser de façon plus précise la notion d’art total, souvent indépendamment, d’ailleurs, de la question de l’arabesque.
      En réalité, le véritable héritage de l’iconotexte en arabesque semble surtout avoir été florissant dans la tradition victorienne. À partir de 1830-1840 en effet, l’illustration anglaise va s’inspirer de ce que l’on appelle la « manière allemande ». Un artiste tel que John Franklin (vers 1806-vers 1881/ 91) développe cette manière dans les frontispices et pages de titre des recueils de ballades anglaises, tel The Ancien Ballad of Chevy Chase (1836) ou The Book of British Ballads (1842, rééd. 1860). Les grands romans de Dickens, livres-mondes par leur contenu, bénéficient également de frontispices en arabesques. Parallèlement, les œuvres romantiques allemandes se diffusent en Angleterre, à cette époque, grâce à des traductions plus nombreuses qu’en France [37] . Certains contes de Brentano, par exemple, seront traduits en anglais et illustrés avec vignettes, bandeaux et lettrines en arabesques [38] .

Arabesque et utopie politique : un dernier foyer de migration?

      En Angleterre de surcroît, à la fin des années 1850, une nouvelle impulsion est donnée aux arts décoratifs grâce à l’ouvrage encyclopédique d’Owen Jones, The Grammar or Ornament, publié en 1856 [39] , qui révèle la quasi universalité des systèmes d’ornements à volutes, en Orient et en Occident. Dans ce contexte, il reviendra à William Morris, artiste polyvalent, grand ornementiste et artisan du renouveau gothique, d’intégrer cette passion de l’ornement dans le cadre du mouvement Arts and Crafts, qu’il co-dirigea avec Walter Crane. Propagateur d’un style fondé sur l’utilisation d’entrelacs végétaux dans de nombreux types de décors (tissus, tapisseries, livres illustrés), William Morris fut un intellectuel très engagé dans la revalorisation de l’artisanat, et un représentant actif du socialisme utopique. Sur le plan du livre illustré, il a prolongé les apports théoriques de Ruskin sur le livre médiéval et l’enluminure, en créant une variété d’iconotextes qui concrétise parfaitement l’idée de livre-monde ou de livre-arabesque.
      Une de ses œuvres les plus significatives reste, sur ce plan, la fiction politique qu’il créa et publia en 1892, News from Nowhere (Nouvelles de nulle part [40] ), roman pour lequel il réalisa toute l’ornementation en arabesques (fig. 5) :


Figure 5. William Morris
, Frontispice de l’édition Kelmscott Press de News from Nowhere (1892)

Un tel iconotexte conjugue le genre de l’utopie politique futuriste et l’arabesque visuelle de style médiéval, en évoquant, à travers le principe d’harmonie et de totalité que suggère l’entrelacs végétal, l’avenir d’une société dont l’économie serait fondée sur le développement de l’agriculture et de l’artisanat, et non de l’industrie. Chaque ouvrier, chaque artisan serait alors un véritable artiste, dont le travail s’inscrirait dans un projet collectif susceptible de transformer l’enfer industriel victorien en une sorte de nouveau jardin d’éden, profane et libertaire. Le livre-arabesque réinventé par Morris devient alors un livre réflexif, à la fois fictionnel et théorique, qui fait de l’ornementation florale le symbole de cette utopie, d’une nouvelle conception de l’existence au sein de laquelle travail, art et artisanat ne feraient plus qu’un. William Morris opéra ainsi ce qui fut sans doute une des dernières grandes mutations conceptuelles de l’arabesque romantique, en faisant de ses entrelacs végétaux une expression renouvelée de la Naturpoesie romantique, associée à une volonté politique de démocratisation de la culture et de transformation de la société.

      Il conviendrait de souligner, pour conclure, que, avec les livres illustrés par Lucien Pissaro, étroitement inspirés du travail de William Morris (fig. 5) [41] , le premier XXe siècle se souviendra encore de cette ambition et de cette utopie romantiques, même si l’arabesque moderniste continuera ses métamorphoses, en s’orientant vers des expressions souvent plus abstraites, toujours à la croisée des arts cependant. Tandis que les livres de Camille Pissaro, comme ceux de William Morris, reposent sur une ornementation foisonnante, mimétique de la natura naturans, chez Paul Valéry au contraire, l’arabesque s’engagera dans des voies nettement plus épurées, au sein desquelles le symbolique et le spirituel prendront le pas sur le matériel et le visuel [42] . L’arabesque s’apparentera alors à nouveau, comme dans l’art sacré oriental, à un principe non figuratif, à l’intersection du concret et de l’abstrait ; elle redeviendra avant tout le signe du spirituel, érigé en absolu [43] .


Figure 6.
Lucien Pissaro, illustration pour La Belle au bois dormant de Charles Perrault, Londres, Eragny Press, 1899.

Bibliographie

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  • TUNNER, Érika, Clemens Brentano (1778-1842), Paris, Champion, 1977, 2 vol.

Notes

  • [1]

    Voir Oleg Grabar, La Formation de l’art islamique, Paris, Flammarion, 2000 ; et L’ornement. Forme et fonctions dans l’art islamique, Paris, Flammarion, 1994, coll. « Champs », 2013.

  • [2]

    Sur cette fascination pour l’art islamique pendant tout le Moyen Âge occidental et sa diffusion dans l’art roman, voir Jurgis Baltrusaitis, Le Moyen Âge fantastique. Antiquités et exotismes dans l’art gothique, Paris, Flammarion, 1981.

  • [3]

    Voir Arabesques. Panneaux décoratifs de la Renaissance, Paris, Les Éditions du Carrousel, 1995.

  • [4]

    Léonard de Vinci, Nœuds, in Arabesques. Panneaux décoratifs de la Renaissance, op. cit., p. 38.

  • [5]

    Albrecht Dürer, Six Nœuds, ibid., p. 38.

  • [6]

    Pour le rapport entre grotesque et arabesque, voir André Chastel, La Grottesque. Essai sur l’ « ornement sans nom », Paris, Éditions Quai Voltaire, 1988 ; et Philippe Morel, Les Grotesques. Les figures de l’imaginaire dans la peinture italienne de la fin de la Renaissance, Paris, Flammarion, Coll. « Idées et recherches », 1997. Pour les transferts en littérature, voir Alain Muzelle, L’Arabesque. La théorie romantique de Friedrich Schlegel dans L’Athenäum, Paris, Presses de l’Université Paris Sorbonne, 2006 ; et Dominique Peyrache-Leborgne, Grotesques et arabesques dans le récit romantique, de Jean-Paul à Victor Hugo, Paris, Champion, 2012.

  • [7]

    Traité de l’art de la danse, texte établi par Flavia Pappacena, Rome, Gremese, Petite Bibliothèque des Arts, 2007, p. 87.

  • [8]

    Vom Musikalisch-Schönen [1854], Leipzig, Breitkopf & Hartel, 1922, p.59-60 ; Du Beau dans la musique, trad. Charles Nannelier, revue et complétée par Georges Pucher, Paris, Christian Bourgois, 1986, p. 94.

  • [9]

    Claude Debussy, Lettre au Journal Musica [octobre 1902], in Correspondance (1878-1918), François Lesure et Denis Herlin (éd.), Paris, Gallimard, 2005, p. 690.

  • [10]

    Voir l’ouvrage d’Alain Muzelle, L’Arabesque. La théorie romantique de Friedrich Schlegel dans L’Athenäum, Paris, Presses de l’Université Paris Sorbonne, 2006.

  • [11]

    Friedrich Schlegel, KFSA II (Kritische Friedrich-Schlegel-Ausgabe), E. Behler et alii (éd.), München, Paderborn, 1959, p. 329 ; trad. fr. Entretien sur la poésie in L’Absolu littéraire. Théorie de la littérature du romantisme allemand, présenté par Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy, avec la collaboration d’Anne-Marie Lang, Paris, Seuil, 1978, p. 322.

  • [12]

    KFSA, II, p. 238 ; trad. fr. in L’Absolu Littéraire, op. cit., p. 163.

  • [13]

    Dans les Fragments posthumes de F. Schlegel, on trouve par exemple cette affirmation : « Die eigentl[iche] witzige Ansicht der Natur zu d[en] Arabesken. (« La vision humoristique fondamentale de la nature [est] en rapport avec les arabesques. ») KFSA, XVI, section VIII, n° 206, p. 249.

  • [14]

    Voir Julie Ramos, Nostalgie de l’unité, paysage et musique dans la peinture de P.O. Runge et C. D. Friedrich, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 164.

  • [15]

    « Die eigentliche sichtbare Musik sind die Arabesken, Muster, Ornamente usw. » («Les arabesques, exemples, ornements, etc. constituent la musique visible à proprement parler»). Die Enzyklopädie VI, in Novalis, Werke : Briefe. Dokumente, Ewald Wasmuth (éd.), Heidelberg, Verlag Lambert Schneider, Bd. 2 (Fragmente I), 1957, p. 354. L’Encyclopédie, 1325, V-32, trad. Maurice de Gandillac, Paris, Éditions de Minuit, 1966, p. 300 ; une traduction existe également dans Novalis, Oeuvres complètes, éd. et trad. Armel Guerne, Paris, Gallimard, 1975, vol. 2, p. 398.

  • [16]

    Voir surtout Meister Floh, in Späte Werke, Sämtliche Werke in 5 Bänden, München, Winckler Verlag, 1969, p. 749 ; Maître Puce, trad. fr. Madeleine Laval, Paris, Verso Phébus, 1980, p. 109.

  • [17]

    Philosophie de l’art, trad. fr. Caroline Sulzer et Alain Pernet, éd. Caroline Sulzer, Paris, Éditions Jérôme Millon, 1999, p. 210.

  • [18]

    Schelling, Idealismus der Wissenschaftslehre / Essai sur l’idéalisme de la théorie des sciences (1796-1797), in Sämtliche Werke, Stuttgart, Cotta, I, 1, p. 386 : « […] und jede Pflanze ist, so zu sagen, der verschlungene Zug der Seele. » Sur cette utilisation de termes rappelant l’arabesque (sinuosité, entrelacement, forme labyrinthique, ligne ondulée) chez Schelling, voir Jason M. Wirth, The Conspiracy of Life. Meditations on Schelling and His Time, New York, State University of New York Press, 2003, p. 71 ; et Viola Hildebrand-Schat (« die Arabeske als Sitz der Weltseele »), in Kunst verbucht : Handschriften und frühe Drucke als Quellen der Inspiration für das Künstlerbuch, Taschenbuch, Bachmann, 2015, p. 201. Sur la philosophie de la Nature chez Schelling, voir De L’Âme du monde. Une hypothèse de la physique supérieure pour l’explication de l’organisme général [1798], trad. et éd. Stéphane Schmitt, Paris, Éditions de la Rue d’Ulm, 2007.

  • [19]

    Goethe, Zur Spiraltendenz der Vegetation, in Schriften zur Morphologie, Frankfort am Main, Deutsche Klassiker Verlag, 1987, p. 785-808 ; trad. fr. De la tendance spirale, in La Métamorphose des plantes et autres écrits botaniques, trad. Henriette Bideau, Laboissière en Thelle, Triades, 2013, p. 280-296. Sur la morphologie de Goethe, voir Jean Lacoste, Goethe. Science et Philosophie, Paris, P.U.F., 1997 ; et Stéphane Schmitt, « Type et métamorphose dans la morphologie de Goethe, entre classicisme et romantisme », Revue d’Histoire des Sciences, 2001, tome 54, n° 4, p. 495-521.

  • [20]

    Lettres (5 avril et 18 juin 1800), in Novalis, Werke / Briefe und Dokumente, Heidelberg, Verlag Lambert Schneider, 1954, p. 536 et p. 553-54. Notre traduction.

  • [21]

    Ideen, KFSA II, p. 265 ; trad. fr. Fragment 95, Idées, in L’Absolu littéraire, op. cit., p. 216.

  • [22]

    Voir, pour Herder, Briefwechsel über Ossian und die Lieder alter Völker (1773). Et pour les frères Grimm, les préfaces aux éditions successives des Kinder- und Hausmärchen (notamment la préface de 1819).

  • [23]

    Voir Verwandlung der Welt. Die romantische Arabeske, Werner Busch et Petra Maisak (éd.), Petersberg, Imhof, 2013.

  • [24]

    « Ich habe nun zwey von meine großen Arabesken fertig. » Lettre à Daniel du 16 janvier 1803, Hinterlassene Schriften hg. von dessen ältestem Bruder [Daniel Runge], [Hamburg, 1840], Göttingen, 1965, 2 vol., I, p. 195.

  • [25]

    Voir ses développements sur Ph. Otto Runge, in Verwandlung der Welt. Die romantische Arabeske, op. cit., p. 152-154.

  • [26]

    On trouvera également une traduction française de ce conte dans Ph. Otto Runge, Peintures et écrits, op. cit., p. 248-249.

  • [27]

    Alte deutsche Lieder, gesammelt von Achim von Arnim und Clemens Brentano, Heinz Rölleke (éd.), Stuttgart, Reclam, 3 vol., 1987.

  • [28]

    Une traduction de certains de ces Lieder est proposée par J. A. Bizet dans La Poésie populaire en Allemagne, Paris, Montaigne, 1959.

  • [29]

    Publié en 1808.

  • [30]

    La gravure offre, semble-t-il, une vue de la vallée du Neckar.

  • [31]

    Voir Érika Tunner, Clemens Brentano (1778-1842), t. II, Paris, Champion, 1977, p. 583 : « Jusqu’en 1812, date à laquelle paraît le premier volume des Contes des frères Grimm, Brentano collectionne des contes, travaille à leur adaptation, en invente lui-même. »

  • [32]

    Le recueil comprend dix contes, avec une ouverture à la manière de Basile (en reprenant le motif du « conte des contes ») : « Das Märchen von den Märchen oder Liebseelschen ». Italienische Märchen, Mannheim, Albatros Verlag, 2010.

  • [33]

    Mährchen vom Rhein, Brigitte Schillbach (éd.), in Clemens Brentano,Sämtliche Werke und Briefe, Historische-Kritische Augabe, Jürgen Behrens, Wolfgang Frühwald, Detlev Lüders (éd.), Bd 17, Stuttgart, Berlin, W. Kohlhammer Verlag, 1983. Ce groupe comprend quatre contes, « Das Märchen vom Rhein », « Radlof erzählt seine Reiße », « Märchen vom Murmelthier », « Märchen vom Schneider Siebentodt auf einen Schlag ».

  • [34]

    « La preta de lo gallo » (« La pierre du coq ») figure au sein du recueil Lo Cunto de li Cunti (1634-1637) qui prit aussi le titre de Pentamerone en 1674.

  • [35]

    Gockel, Hinkel und Gackeleia (Erste Fassung), in Sämtliche Werke und Briefe, Band 18, 3, Italienische Märchen II, Ulrike Landfester (éd.), Stuttgart, Kohlammer, 2014, p. 103 ; trad. fr. in Romantiques allemands II, introd. Érika Tunner, notices et notes Jean-Claude Schneider, trad. Henri Thomas, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la pléiade, 1973, p. 399.

  • [36]

    Sämtliche Werke und Briefe, Band 18, 3, Italienische Märchen II, op. cit., p. 501 (notre traduction).

  • [37]

    Notamment l’article « Beaux-arts. De la peinture sur verre » paru dans La Presse du 24 janvier 1837 ; voir Barbara Bohac, « La ‘plastique de la civilisation’ chez Gautier critique », in Gautier. Comme il vous plaira, Cynthia Harvey (dir.), Études Littéraires, Université de Laval, automne 2011, p. 33-48.

  • [38]

    Jules François Félix Husson, dit Champfleury, Les Vignettes romantiques. Histoire de la littérature et de l’art, 1825-1840, Paris, E. Dentu, 1883.

  • [39]

    « Histoire de l’opéra », par Philarète Chasles, dans Les Beautés de l’opéra ou chefs d’œuvre lyriques illustrés par les premiers artistes de Paris et de Londres, Paris, Soulié, 1845, p. 5.

  • [40]

    Voir David Blamires, Telling Tales. The Impact of Germany on English Children’s Books 1780-1918, OpenBooks Publishers, Cambridge, 2009.

  • [41]

    Voir Fairy Tales from Brentano, trad. Kate Freiligrath Kroeker, ill. Carruthers Gould, London, T. Fisher Unwin, 1885.

  • [42]

    Trad. fr. La Grammaire de l’ornement, Préface de Jean-Paul Midant, Lyon, L’Aventurine, 2006.

  • [43]

    Voir l’édition bilingue du texte, News from Nowhere / Nouvelles de nulle part, trad. et éd. V. Dupont, Paris, Aubier-Montaigne, 1976.

  • [44]

    Fils aîné de Camille Pissaro, Lucien Pissaro partit s’installer à Londres en 1890. Il se consacra à l’édition de livres illustrés, à la manière Arts and Crafts. Voir Lucien Pissaro in England, The Eragny Press, 1895-1914, Oxford, Ashmolean Museum, 2011.

  • [45]

    Paul Valéry, Orientem Versus (1938) : « [l’arabesque] élimine de l’art tout ce qui n’est pas pur, qui n’est point l’acte générateur développant ses ressources intrinsèques, […] visant à édifier un système de formes uniquement déduit de la nécessité et de la liberté réelles des fonctions qu’il met en œuvre. » in Œuvres, II, éd. Jean Hytier, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la pléiade », 1957-1960, p. 1044. Voir aussi Thomas Vercruysse, « L’arabesque chez Valéry : de Léonard à Mandelbrot », in L’Arabesque, le plus spiritualiste des dessins, op. cit., p. 167-184.

  • [46]

    Mallarmé évoquait sa quête d’une « totale arabesque » en disant vouloir fixer, à travers elle, les « sinueuses et mobiles variations de l’Idée ». La Musique et les Lettres, in Igitur. Divagations. Un coup de dés, préface d’Yves Bonnefoy, Paris, Gallimard, coll. « Poésie-Gallimard », 1976, p. 357-358.

Pour citer cet article

Dominique Peyrache-Leborgne, « L’arabesque, phénomène migratoire. De l’ornement oriental à l’art total du Romantisme », SFLGC, bibliothèque comparatiste, publié le .../.../2019., URL : https://sflgc.org/acte/peyrache-leborgne-dominique-larabesque-phenomene-migratoire-de-lornement-oriental-a-lart-total-du-romantisme/, page consultée le 15 Octobre 2024.

Biographie de l'auteur

PEYRACHE-LEBORGNE Dominique

Dominique Peyrache-Leborgne est professeure de Littérature Comparée à l’Université de Nantes. Spécialiste du Romantisme, elle a publié plusieurs ouvrages sur la question, dont Poétique du sublime de la fin des Lumières au Romantisme, 1997 ; Victor Hugo ou les frontières effacées (dir.), 2002 ; Grotesques et arabesques dans le récit romantique, de Jean Paul à Victor Hugo, 2012 ; Théories esthétiques du Romantisme à l’étranger (dir.), 2014 ; Vies et métamorphoses des contes de Grimm (dir.), 2017.