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Guerre et mise en crise de l’écriture : Trakl, Ungaretti, Char, Jaccottet

ARTICLE

Comme jamais auparavant, la poésie européenne du XXe siècle doit affronter la guerre, indissociable d’une mise en demeure de la forme, de la légitimité et de la fonction de l’écriture. Pour réfléchir à cette remise en cause réciproque de la guerre par la poésie et de la poésie par la guerre dans l’Europe du XXe siècle, je propose un corpus qui inclut à la fois des poètes confrontés à la Première Guerre mondiale (Trakl et Ungaretti) et des poètes confrontés à la Seconde Guerre mondiale (Char et Jaccottet). La cohérence de ce corpus européen s’impose d’autant plus que les quatre poètes sont tous, dans leur écriture de la guerre, des héritiers de Rimbaud. À l’arrière-fond des poèmes de Trakl, Ungaretti, Char et Jaccottet, dans leur face à face redoutable avec les guerres mondiales de 1914-1918 et de 1939-1945, il y a la mémoire à vif des poèmes de Rimbaud face à la guerre franco-prussienne de 1870. Ce soubassement rimbaldien accroît et la mise en perspective historique et la possibilité d’une réflexion synthétique consacrée à la mise en crise réciproque de la poésie et de la guerre. Il ne faudrait pas cependant en rester à la seule perspective synthétique qui pourrait demeurer trop générale. Il s’agit au contraire de souligner que le choix du poète de courir le risque de la guerre engage le corps organique infinitésimal de chaque poème. C’est le commentaire comparé qui peut prendre le mieux en charge à la fois une vision panoptique des rapports de la poésie et de la guerre et une perception aiguë du bouleversement par la guerre de chaque poème, ébranlé au plus profond de sa matière verbale. Il y va alors ici de la mise à l’épreuve réciproque des poèmes de Trakl, « Humanité [1]  » et « Grodek [2] » (composés en 1914), par le poème « Veillée [3]  » d’Ungaretti (1915), le fragment 178 de Feuillets d’Hypnos de Char [4] (1943-1944), et le Requiem de Jaccottet [5] (1946), par ailleurs aussi traducteur d’Ungaretti.

Ces poèmes de guerre des quatre poètes européens sont sous-tendus par une seule et même question (rappelons que la « question », au sens étymologique du terme, désigne aussi une « torture ») : que peut la poésie face à l’ultimatum que lui lancent les deux guerres mondiales, qui exigent d’elle une remise en cause totale, sans précédent et sans compromis ?

Premier mouvement : Poésie et violence historique, quatre poètes face à la guerre

Le poète autrichien Georg Trakl a été confronté violemment à la Première Guerre Mondiale, mobilisé qu’il a été dans les services sanitaires [6] . Selon le récit de Ludwig von Ficker, Trakl s’est vu confier, lors de la bataille de Grodek (septembre 1914), sans assistance médicale et sans moyens efficaces, le soin d’une centaine de blessés graves entassés dans une grange. La mort de Trakl, le 3 novembre 1914, est fondamentalement liée à l’épreuve insurmontable de la bataille de Grodek, même s’il est impossible de savoir si cette mort relève d’un suicide ou d’un accident (overdose [7] ). Si selon le poète expressionniste Albert Ehrenstein, Trakl fait partie des « frères assassinés [8]  » par la guerre de 1914, ce sont les poèmes « Humanité » et « Grodek [9]  » qui condensent avec le plus d’intensité le face à face de Trakl avec la guerre.

La première partie (les cinq premiers vers) du poème « Humanité » [« Menschheit »] présente une vision apocalyptique de la guerre placée sous le signe du « feu », du « fer » et du « sang » [« Feuerschlünden », « schwarzes Eisen », « Blutnebel »]. Au vers cinq, « l’ombre d’Ève » [« Evas Schatten ], qui vient se projeter sur le tableau de la guerre, est à la fois un rappel biblique de la Chute et une désignation de la pulsion profonde qui est selon Trakl à l’origine de l’apocalypse guerrière : la sexualité démonisée, indissociable dans l’imaginaire trakléen des images maléfiques de la « chasse » [« Jagd »] et de « l’argent rouge » [« rotes Geld »].

Les quatre premiers vers de « Grodek » se placent sous le signe d’un violent mouvement de bascule de la signification historique (« l’automne » trakléen, saison du « déclin », désigne ici l’automne 1914) à la signification apocalyptique (suggérée par l’image du « soleil » « obscur » qui « roule » au-dessus du paysage comme un astre mort qui va s’éteindre). Dans le texte allemand, la préposition « hin » (« Die Sonne / Düstrer hinrollt ») souligne encore la dimension cosmique et apocalyptique de la guerre dans le poème. Le vers majeur de « Grodek » est le vers 10 (« Toute route débouche en pourriture noire » [« Alle Straßen münden in schwarze Verwesung »]), qui constitue l’axe central du poème et de la vision trakléenne de la guerre. De façon abrupte, dans un raccourci saisissant, il désigne la perspective finale : la « pourriture », encore aggravée par la couleur « noire » [« schwarze Verwesung »].

Un an plus tard, le poète italien Giuseppe Ungaretti fait lui aussi face aux atrocités de la guerre de 1914 comme combattant de tranchée. Il décrit plus tard à Jean Amrouche les circonstances éprouvantes de l’écriture de ces poèmes de L’Allegria : « J’écrivais ces poèmes sur des bouts de papier, je ne sais pas, des enveloppes, on n’a pas beaucoup de papier dans les tranchées, j’écrivais ces poèmes sur des cartes postales, sur de la correspondance qui m’arrivait, et puis tous ces poèmes (…) ont été pris par un camarade, Ettore Sera et (…) imprimés à 80 exemplaires [10]  ».

Le poème « Veillée » (« Veglia ») a été écrit en direct de la guerre, dans les tranchées, à côté d’un « mort ». L’enterrement de ce « mort » est évoqué par Ungaretti dans le même entretien avec Jean Amrouche : « Pour l’enterrer, ça n’a pas été une chose facile. En rampant, on a traîné le pauvre corps en bas, on a fait une fosse et on l’a enterré [11]  ». La « nuit » [« un’intera nottata »] de la « veillée » du corps mort par Ungaretti fait écho à la « nuit » [« Am Abend »] mise en relief au début du premier vers de « Grodek » de Trakl. Si la dimension cosmique de la catastrophe de la guerre était suggérée chez Trakl par le « soleil » « plus obscur » qui « roule », l’insistance sur la dimension cosmique de la « veillée » d’Ungaretti dans les tranchées est évoquée par la présence de la « pleine lune » [« al plenilunio »] qui éclaire le cadavre. La violence de la guerre est soulignée par la violence verbale du vocable « jeté » [« buttato »], qui désigne le poète (« jeté à côté d’un camarade ») et du vocable « massacré » [« massacrato »] qui identifie la guerre à un assassinat. Trakl et Ungaretti sont tous deux hantés par les « bouches » des victimes, comme le suggère la correspondance entre les « bouches cassées » [« zerbrochene Münder »] des guerriers mourants trakléens et la « bouche / grinçante » [« bocca / digriniata »] du camarade mort d’Ungaretti.

Si Ungaretti écrit ses poèmes de guerre dans les tranchées, sur de simples « bouts de papier », René Char suggère, par le titre de son recueil Feuillets d’Hypnos, le souhait de préserver l’état initial de ses poèmes écrits en direct de la Seconde Guerre mondiale : le titre « feuillets » souligne en effet que ces poèmes sont des « notes [12]  », prises entre 1943 et 1944, lorsque Char se battait comme résistant sous le nom de « capitaine Alexandre ».

Le feuillet 178 place en son centre un tableau de Georges de la Tour. Pascal Quignard fait l’éloge de ce même tableau dans son livre La nuit et le silence : Georges de La Tour [13] . L’opposition entre l’interprétation de Quignard et celle de Char permet de mieux comprendre le « feuillet » de Char. Celui-ci découvre de la Tour, jusque-là oublié, grâce à l’exposition Les peintres de la réalité en France au XVIIe siècle au musée de l’Orangerie à Paris, en 1934, et prend connaissance de la toile sous le signe du titre qui lui était attribué alors : Le Prisonnier. Pour sa part Quignard prend acte du nouveau titre donné à  cette toile à partir de 1936 : Job et sa femme ou Job querellé par sa femme. Suivant la logique du titre Le Prisonnier, Char propose une interprétation que lui inspire l’épreuve de la guerre et épingle dans sa cache de résistant une reproduction en couleur de cette toile. Celui qui, pour Quignard et pour l’interprétation communément admise désormais, est le Job de la Bible, représente pour Char un « homme » incarnant le « prisonnier » de guerre et pouvant se lire comme une métaphore de la condition humaine en proie à la souffrance infligée par le nazisme. La couleur noire de La Tour, ce que Quignard appelle « la nuit » en son sens mystique, devient pour Char une métaphore des « ténèbres hitlériennes », que doit affronter « l’homme » à la « maigreur d’ortie sèche ».

La posture de Jaccottet par rapport à la guerre est totalement opposée à celle de Trakl, Ungaretti et Char. Si ces trois poètes sont exposés à la guerre dans leur propre corps et écrivent leurs poèmes dans les tranchées (Trakl et Ungaretti) ou dans la cache de résistant (Char), Jaccottet n’est pas confronté directement aux cadavres des jeunes soldats. C’est seulement par l’intermédiaire de la photographie que Jaccottet a pris conscience de l’horreur de la guerre : « Un ami proche », écrit Jaccottet, « m’avait passé toute une liasse de photographies qui montraient des cadavres de jeunes otages ou de jeunes maquisards du Vercors torturés puis abattus par les Allemands » (R, p. 35). Cette différence de posture de Jaccottet aura des conséquences majeures. Le vocable « souffrance » est la pierre angulaire du Requiem de Jaccottet : « On dirait qu’ils ont mal encore, que la souffrance / est le seul bien qu’ils puissent emporter de la terre, / leur dernier bien peut-être » (R, p. 20), écrit Jaccottet, pour qui la « souffrance » finit par devenir la seule « obole » des « jeunes morts », dans une réécriture du mythe de « l’obole » et de Charon. Pour Jaccottet, le supplice des « jeunes morts » est supplice de l’écorchement, qui se concentre sur les visages : « Enfants écorchés vifs ! / Écorchés, / c’est à dire la peau des joues livrée aux ongles sales, / tirée, puis arrachée » (R, p. 18). Comme Trakl (« zerbrochenen Münder »), comme Ungaretti (« bocca digrignata »), Jaccottet est hanté par la mise à la torture de la « bouche » des soldats morts : « dans la bouche / ces couteaux enfoncés / plantés dans les gencives » (R, p. 18). La métaphore christique de la « couronne d’épines » sous-tend à la fois l’évocation des « yeux » des soldats morts (« couronnes d’épines dans les yeux », R, p. 18) et de leurs « bouches (« la bouche un cri pour chaque baiser d’épines », R, p.18).

Si les quatre poètes se rejoignent dans leur mise en accusation violente de la guerre, ils se posent aussi tous la question difficile d’une possible recomposition après la décomposition : quelle possibilité de salut pour incertaine qu’elle soit, ou au moins quel secours ?

Deuxième mouvement : Hypothèses de salut ou de secours

La possibilité de salut demeure très ambiguë dans le poème « Humanité » de Trakl. Une possibilité de salut est certes suggérée dans les cinq derniers vers par l’évocation de la Cène biblique [« Das Abendmahl »], indissociable de l’apparition de la « lumière » [« Licht »] et du « doux silence » [« sanftes Schweigen »] qui émanent du « pain et du vin » [« Brot und Wein »] et qui contrastent avec le « bruit et la fureur » de la guerre, dans les cinq premiers vers. Mais cette vision d’un salut est rendue incertaine par l’inquiétude des apôtres au Mont des Oliviers qui « crient dans leur sommeil » [« schrein im Schlaf »] et par l’introduction dans le dernier vers de la figure de Saint Thomas. Il semble qu’il y ait dans ce poème de Trakl à la fois une vision de salut (grâce à la non-violence incarnée par le Christ) et un profond scepticisme (par l’allusion au doute de Saint Thomas). L’interprétation doit prendre en charge cette double postulation et s’interdire de réduire l’ambiguïté qui est le signe distinctif de Trakl.

Dans « Grodek », la religion cesse d’être un secours, même hypothétique. Au Christ de douceur du poème « Humanité » s’oppose le « dieu de colère » [« zürnender Gott »] du poème « Grodek », duquel ne peut venir aucun salut. Si salut il y a, il ne peut advenir que par l’élément féminin : la « nuit » [« Nacht »] et la « sœur » [« Schwester »]. En effet la « nuit » a pour les guerriers mourants le geste de l’étreinte protectrice et miséricordieuse [« umfängt »]. Mais l’apaisement possible vient surtout de la « sœur », l’aimée avec laquelle Trakl a eu une relation incestueuse ; à la fin du poème, prenant la place traditionnellement dévolue à la Vierge Marie, la « sœur » vient saluer les « esprits des héros » qui ont donné leur « tête de sang » [« blutenden Häupter »] en sacrifice sur le champ de bataille. La question majeure est celle-ci : le sacrifice (souligné par l’image des « autels ») peut-il être ici régénérateur, dans la lignée des perspectives explicitées par René Girard (La violence et le sacré [14] ), ou demeure-t-il vain ? On pourrait croire un instant à l’espoir d’une régénération par le sacrifice, grâce au passage du registre du « pourrir » [« Verwesung »] au registre du « nourrir » [« nährt »]. Mais le dernier vers demeure profondément ambigu, comme tous les poèmes du dernier Trakl : La guerre est-elle holocauste vain ou possible régénération sacrificielle ? L’image finale foncièrement ambiguë des « ungebornen Enkel » (les « non-nés » dont on ne sait s’ils désignent les fils inengendrés des soldats morts ou les générations futures [15] ) interdit de trancher et exige du lecteur qu’il assume l’ambiguïté et l’hermétisme trakléens.

Pas de perspective religieuse dans le poème « Veillée » d’Ungaretti. Le poète est seul avec le mort et la « pleine lune ». Si secours il y a chez Ungaretti, il vient d’une exacerbation paradoxale de l’amour de la vie par l’expérience de la mort et de la guerre : « Je n’ai jamais été / plus / attaché à la vie » [« Non sono mai stato / tanto / attaccato alla vita »]. Il n’y a de salut, pour Ungaretti, que par l’expérience intense d’une fraternité avec les autres soldats, comme le suggère un autre poème de guerre dans L’Allegria, le poème justement intitulé « Frères » : « De quel régiment / Frères ? / Frères / mot qui tremble / dans la nuit / (…) / Frères [16]  ». Le mot « frères » [« Fratelli »], pour « tremblant » et fragile qu’il soit (« Parola tremante / nella notte [17]  »), est le seul mot de passe dans la « nuit » physique et métaphysique de la guerre. Le mot « Dieu », encore présent chez Trakl, n’a plus cours.

Pas de perspective religieuse non plus dans le « feuillet 178 » de Char. Le seul secours, pour Char, vient de la peinture. Là encore la différence entre l’interprétation du tableau de La Tour par Quignard et Char permet de prendre la mesure du travail de Char à partir du titre Le Prisonnier. Si Quignard identifie la « femme » du tableau à la femme de Job qui querelle Job et apparaît comme une inquiétante « déesse dominatrice », « une hallucination » dans la nuit, au contraire Char voit dans cette « femme » peinte par de La Tour une figure de salut. C’est la « femme » qui aide l’homme, le « prisonnier » à « la maigreur d’ortie sèche », à combattre. Et Char de réintroduire ici la dimension religieuse en comparant cette « femme » à une « terrestre silhouette d’ange rouge ». Figure sotériologique, la « femme » dans le tableau de La Tour devient une métaphore de la poésie selon Char. Elle incarne la poésie, en « temps de détresse » politique et de guerre : la poésie comme acte de résistance. Ce que dit Char des mots de la « femme » est une définition de la poésie pour lui : « des mots essentiels, des mots qui portent immédiatement secours ». Tout se passe, dans l’interprétation de Char, comme si la femme se métamorphosait, devenait de plus en plus grande, gagnait sur la « nuit » : « Mais la robe gonflée emplit soudain tout le cachot ». Les mots de la femme incarnent la force d’« espoir », de « naissance » et d’« aurore », à la hauteur de laquelle doit savoir se hausser la poésie selon Char. La clausule du fragment est un hommage de Char à la peinture qui « porte secours » à la poésie : « Reconnaissance à Georges de La Tour qui maîtrise les ténèbres hitlériennes avec un dialogue d’êtres humains ». La fin du « feuillet » puise sa force dans le couplage des mots « naissance » et « reconnaissance » : Char répond à la « naissance » offerte par la « femme » (« donne naissance à l’inespéré ») par un acte de « reconnaissance » à la peinture. La fin du « feuillet » repose aussi sur l’assonance « De La Tour » / « secours ». La poésie politique, la poésie en temps de guerre, telle que la conçoit Char, a pour modèle le tableau de La Tour en sa fonction sotériologique, en sa vocation de lutte et de victoire sur les « ténèbres hitlériennes ». Envers et contre tout, le tableau de La Tour maintient la « lumière » dans les « ténèbres » de la guerre, « l’inespéré » dans le plus grand désespoir.

Dans le Requiem de Jaccottet, le seul recours face à l’horreur de la guerre est la « compassion », vocable central des « Remarques » par lesquelles le poète accompagne son livre dans la republication de 1990 (R, p. 45). Cette « compassion », qui seule « porte secours » en temps de guerre, prend dans le Requiem de Jaccottet la forme d’un admirable portrait du poète en « mère » : « Nous sommes tous les mères de ces morts. / Tu es leur mère, et moi leur mère, ensemble » (R, p. 20). C’est sous le signe de ce portrait du poète en « mère » que le Requiem de Jaccottet peut faire don du « repos » (« quies ») promis par le titre. Double repos - des « jeunes morts » et de la conscience poétique : « Repose-toi, souris sans remords : / ceux-là n’ont plus besoin qu’on les veille ; tout est bien. / Il faut dormir » (R, p. 27). C’est à la fin du second mouvement du Requiem que le portrait du poète en « mère » de tous les morts de la guerre atteint son acmé : « Il faut laisser aller ces morts / comme une mère son enfant devenu grand » (R, p. 27). Dans les « Remarques » de 1990, Jaccottet approfondit encore cette poétique de la « compassion », seule réponse à la guerre : « Ces morts aussi, comme nos quelques morts proches, on voudrait, à défaut d’avoir pu les garder vivants, au moins les ensevelir dans quelque chose qui les apaise ou qui les sauve » (R, p. 45). Et Jaccottet de revenir encore sur le portrait du poète en mère à vocation sotériologique, véritable nouveau Stabat Mater :

Il y a eu jadis, il y a encore, en quelques lieux, des chants, ou ne fût-ce qu’une sourde rumeur, pour envelopper les morts comme d’une tendresse amoureuse, maternelle. On essaie encore d’en retrouver les accents, le pouvoir, avec l’ombre de foi et de compassion qui vous reste (…) Il me semble pratiquer, ce faisant, un travail de réparation, à tous les sens du mot. Comme si le chant pouvait recoudre, quand même le tissu ne cesserait de se déchirer ici, et ici, et là. (R, p. 46).

Face à la guerre, la poésie trouve dans la « compassion », seul salut, sa plus haute fonction.

Certes la poésie peut définir des voies de salut face à la guerre, que ce salut vienne de la religion ou de la « sœur » (Trakl), de la fraternité (Ungaretti), de la peinture d’un de La Tour (Char) ou de la « compassion » à visage de Mater dolorosa (Jaccottet). Mais la guerre exige surtout de la poésie qu’elle se remette totalement en question. La guerre somme la poésie de se redéfinir radicalement : forme, légitimité, fonction.

Troisième mouvement : remise en question de l’écriture poétique par la guerre

Face à la tabula rasa que leur impose la guerre, les quatre poètes ont un seul et même repère dans leur entreprise de redéfinition de la poésie : Rimbaud et plus précisément les poèmes de Rimbaud consacrés à la guerre de 1870, « Le Dormeur du Val » et « Le Mal [18]  ». Notons que Trakl est un grand lecteur de Rimbaud et en particulier de ses premiers poèmes, traduits en allemand par Ammer. De même, Ungaretti est un lecteur fervent de la poésie française du XIXe siècle. Que Trakl, Ungaretti, Char et Jaccottet soient des lecteurs de Rimbaud accrédite le parti-pris des commentaires comparés. C’est ainsi que la convergence entre « Grodek » de Trakl et « Le Mal » de Rimbaud est frappante. On retrouve dans « Grodek » les images rimbaldiennes (« le feu » et le « rouge ») et jusqu’au travail du « a » noir de Rimbaud : « alle Straßen münden in schwarze Verwesung ». Un rapide commentaire comparé entre « Le dormeur du Val » de Rimbaud et « Veillée » d’Ungaretti est convaincant, dans la mesure où il révèle les affinités (le face à face avec un guerrier mort) et les contrastes entre les deux poèmes : à la posture de Rimbaud qui reste à distance de la guerre et du mort, Ungaretti oppose une immersion totale beaucoup plus violente dans la guerre et une présence du cadavre à l’intérieur du poète lui-même (« ses mains congestionnées / entrées / dans mon silence ») ; si le poème de Rimbaud commence par l’évocation de la vie et se termine par la révélation différée de la mort (« il a deux trous rouges au côté droit »), de façon symétrique mais à l’inverse le poème d’Ungaretti commence par l’évocation brutale du mort et se termine par un hommage à la vie. On peut ajouter, au nombre des poètes qui ont réécrit librement « Le Dormeur du Val » de Rimbaud, le poète Georg Heym qui, dans son poème « Le Dormeur dans la forêt » (« Der Schläfer im Walde »), propose une réécriture expressionniste du texte de Rimbaud, dont se souvient aussi le peintre contemporain Anselm Kiefer dans sa propre toile intitulée Le Dormeur du Val. Le choix du fragment par Char, consubstantiel à la notion de « feuillet », renvoie pour une part à une filiation rimbaldienne issue d’Une saison en enfer (« je vous détache ces quelques hideux feuillets de mon carnet de damné [19] ») et des Illuminations (en particulier le poème « Guerre » des Illuminations [20] ). De même l’intertextualité entre Requiem de Jaccottet et « Le dormeur du Val » est suggérée par la présence irradiante du mot « val » dans le texte jaccottéen : « Qu’ils [les jeunes morts] se reposent dans la paix, / au fil des tristes vals » (R, p. 27). Fait majeur, les quatre poètes trouvent par la référence à Rimbaud une force dans l’entreprise de redéfinition de l’écriture poétique. Ils pourraient tous dire de Rimbaud ce que Nerval dit de Rousseau : « Tu nous avais donné le lait des forts [21]  ».

Les moyens par lesquels Trakl met violemment en crise l’écriture poétique dans « Humanité » et dans « Grodek » sont denses et âpres : parataxe et succession abrupte de notations asyntaxiques ; sonorités dures (« Verzweiflung, Nacht in traurigen Gehirnen ») ; rythmes syncopés ; emploi impertinent de la couleur (« le “rouge” de l’argent » qui souligne le lien entre « l’argent » [« Geld »] et le « sang » [« Blut »]). Il y va d’un expressionnisme poétique, par lequel la langue se retourne contre elle-même à force de « Verzerrung » (déchirure et torsion verbales). À cet égard, Trakl est le frère des peintres expressionnistes. Les poèmes « Humanité » et « Grodek » peuvent être rapprochés des œuvres consacrées à la guerre de Grosz : par exemple Explosion de 1917 [22] , souvenir du combat et allégorie en rouge et noir de la destruction par la guerre, dans un style où coexistent l’expressionnisme et le cubo-futurisme. « Humanité » et « Grodek » peuvent surtout être comparés aux œuvres de guerre d’Otto Dix : en particulier, les cinquante gravures du Portfolio Der Krieg (1924), où Otto Dix, se référant à Jacques Callot et à Francisco Goya, transcrit sur le vif la vie qu’il partage des soldats au front [23]  ; mais aussi le gigantesque triptyque d’Otto Dix, Der Krieg (1929-32) [24] , consacré aux désastres de la guerre, dans lequel le panneau gauche représente les soldats qui partent au front, le panneau central l’horreur de la guerre, le panneau de droite le retour des soldats blessés, et la prédelle le repos ou la mort. La langue de Trakl, violemment remise en cause, ne subsiste qu’au bord du mutisme, dont la hantise est suggérée à la fois par l’image du « bois muet » [« schweigenden Hain »] et par la focalisation sur les « bouches cassées » ([« zerbrochenen Münder »] du poème « Grodek »). Sans doute faut-il faire soi-même l’épreuve de la traduction des poèmes de Trakl (comme je l’ai faite moi-même pour « Grodek » dans Trakl in fremden Sprachen) pour comprendre que la mise en demeure de la poésie se joue ici dans chaque vocable, voire dans chaque syllabe et chaque atome de son.

Le travail de remise en cause de l’écriture par la guerre dans le poème « Veillée » d’Ungaretti se situe aux antipodes du travail trakléen : là où Trakl privilégie la charge distordue du trait expressionniste, Ungaretti œuvre à une mise en crise de l’écriture par l’épure la plus totale possible. L’arme par laquelle l’écriture se retourne contre elle-même est, chez Ungaretti, le laconisme, dont voici les clés majeures : art de l’ellipse et du non-dit dans un poème en vers libres, libéré de tout carcan classique et sans ponctuation ; présence de ce que j’aimerais appeler des mots-cris (en accord avec la définition du poète par Ungaretti : « Je suis un poète / un unanime cri [25]  » [« Sono un poeta / un grido unanime [26]  »] ; mise en relief de ces mots-cris par leur isolement, seul sur un vers (« massacré » [« massacrato »], « grinçante » [« digrignata »]). Mais si l’expressionnisme de Trakl s’oppose au laconisme soustractif d’Ungaretti, les deux poètes se rejoignent dans la proximité de leur écriture poétique avec le mutisme : allégorisé chez Trakl par l’image du « bois muet », le mutisme affleure dans le poème d’Ungaretti par la présence du mot silence (« silenzio ») et par l’ascendant du blanc typographique sur la lettre. La mise en crise de l’écriture par la guerre trouve ainsi, chez Trakl et Ungaretti, dans la menace grandissante du mutisme, une de ses formes les plus extrêmes.

La remise en cause de la poésie par la guerre et l’ascendant du « silence » trouvent aussi dans Les Feuillets d’Hypnos de Char une forme radicale : Char écrit en temps de guerre mais refuse de publier son recueil tant que la guerre dure. Les Feuillets d’Hypnos ne paraissent qu’après la guerre. Le silence de Char est l’acte par lequel le poète se retourne le plus violemment contre la légitimité même de l’écriture poétique et de la publication. Qui plus est, dans Les Feuillets d’Hypnos, Char refuse la forme du vers et du poème. Ce refus, qui se traduit par un parti-pris de la « note », cerclée de blanc typographique et de silence, radicalise encore la mise en crise de la poésie par Char en temps de guerre. Ce qui définit le mieux la « note » selon Char dans Les Feuillets d’Hypnos me semble être la définition du « fragment » selon Ungaretti : « une alarme entre deux catastrophes [27]  ». Cette « alarme » s’exerce avant tout contre la poésie elle-même.

Chez Philippe Jaccottet la mise en crise de la poésie s’exerce de façon plus catégorique encore. En effet le Requiem de Jaccottet a été écrit en 1946, publié en 1947, puis longtemps renié par l’auteur [28] , qui a durant une longue période refusé sa republication, avant de l’accepter à nouveau en 1991. Fait majeur, la republication en 1991 est accompagnée d’un texte terminal intitulé Remarques (1990), qui est une radicale autocritique de Jaccottet mettant en perspective le Requiem de 1946. Pourquoi cette mise en demeure par Jaccottet de ce livre ? Ce que Jaccottet se reproche avec tant de violence, c’est d’avoir écrit son Requiem en ayant découvert des photographies de la guerre, sans avoir été lui-même confronté directement aux cadavres des jeunes soldats morts. Ce qu’il remet en cause, c’est d’avoir écrit son livre « à l’abri ». Le vocable « à l’abri » est le fer de lance de l’autocritique, qui mène au reniement du livre : « Requiem est né d’une violente réaction d’horreur et de révolte devant ces documents, ces scènes que nous autres, à l’abri de nos frontières, n’avions pu jusqu’alors, tout au plus, qu’imaginer » (R, p. 36). La posture d’exposition directe à la guerre, celle justement de Trakl, Ungaretti et Char, paraît à Jaccottet la seule acceptable pour un écrivain, sous peine d’imposture. L’autocritique jaccottéenne est sévère : son Requiem, écrit « à l’abri », lui apparaît « prétentieux » (R, p. 36), voire « grandiloquent » (R, p.37). L’autocritique jaccottéenne n’épargne pas les trop nombreuses intertextualités dont son Requiem est grevé, comme si les excessives références littéraires dénoncées (Rilke, Eliot, Rimbaud, Jouve, Saint Jean de la Croix, Roud, Baudelaire et Dante) étaient une façon de plus de se tenir « à l’abri ». Il y a là « quelque ridicule et quelque tricherie », n’hésite-t-il pas à noter dans ses Remarques, allant jusqu’à s’accuser d’avoir écrit sur la guerre « en quelque sorte “trop bien” », « en forçant la voix » (R, p.44). Mise en demeure radicale de son propre livre, mais aussi de la poésie elle-même, pour ainsi dire trop protégée par ses figures de style, trop belle pour être capable de prendre en charge la douleur individuelle et historique de la guerre.

 

Force est pour finir de reprendre les trois premiers vers du chant XXVIII de L’Enfer de Dante, que Jaccottet avait cités en exergue de la version originale du Requiem de 1946 : « Qui pourrait (…) dire tout le sang et les plaies que je vis alors ? ». Cette question posée par Dante, dans L’Enfer, les quatre poètes se la posent à leur tour et y répondent par une mise en accusation de la poésie, qui prend la forme d’une poétique expressionniste de la « Verzerrung » chez Trakl, d’une éthique du laconisme et de l’ellipse chez Ungaretti, d’un souci de différer l’acte de publication et de substituer les « notes » aux vers chez Char, et d’une interdiction de la republication suivie plus tard par une republication avec des « Remarques » violemment autocritiques chez Jaccottet. La poésie serait-elle vouée désormais, aux antipodes de l’art pour l’art, à n’être plus que poésie contre la poésie, seule réponse responsable face à la violence historique et à la guerre ?

C’est le texte prononcé par Octavio Paz, lors de la remise du Prix Nobel, qui peut donner le mot de la fin de cette étude. Dans son Discours de Stockholm, Paz approfondit son questionnement de la « séparation » comme signe distinctif de la modernité : « La conscience de la séparation est un trait constant de notre histoire spirituelle [29]  ». Si Paz peut décrire sa propre enfance comme un oasis de paix, encore épargné par la « séparation » et gravitant autour de la « vieille maison » natale à Mexico et de son « jardin » qui était le « centre du monde [30]  », le poète mexicain identifie exactement le moment où il a basculé dans ce qu’il appelle la « séparation ». Celle-ci coïncide pour lui avec l’intrusion dans sa vie, alors qu’il avait six ans, de « photographies de la guerre [31]  » : « j’ai senti que le monde se scindait », écrit-il [32] . L’expérience de Paz vaut aussi pour Trakl, Ungaretti, Char et Jaccottet, qui ont vécu l’épreuve de la guerre en termes d’épreuve de la « séparation ». Si Paz affirme que « la guérison de la scission ne s’achève jamais [33]  », c’est aussi à « l’ère de la scission [34]  » que sont une fois pour toutes confrontés les poètes qui ont affronté la guerre. Fait majeur, cette « scission » passe désormais à l’intérieur de chaque œuvre poétique, qui ne peut exister sans se contester profondément et sans retourner sans cesse la violence de la guerre contre elle-même.

Ainsi l’année 1914, et plus radicalement encore l’année 1939, peuvent être lues comme des dates de naissance non pas d’une anti-poésie (car la poésie subsiste, certes pas dans la mélodie qui est sapée mais dans le rythme) mais d’une contre-poésie, au diapason de laquelle l’écriture poétique en Europe devra désormais se mesurer. « Plus de poésie après » les deux guerres mondiales ? Au contraire, plus que jamais de la poésie, mais une poésie qui sera contre-poésie ou ne sera pas.

 

Annexes

Trakl

Menschheit

Menschheit vor Feuerschlünden aufgestellt,

Ein Trommelwirbel, dunkler Krieger Stirnen,

Schritte durch Blutnebel ; schwarzes Eisen schallt,

Verzweiflung, Nacht in traurigen Gehirnen :

Hier Evas Schatten, Jagd und rotes Geld.

Gewölk, das Licht durchbricht, das Abendmahl.

Es wohnt in Brot und Wein ein sanftes Schweigen

Und jene sind versammelt zwölf an Zahl.

Nachts schrein im Schlaf sie unter Ölbaumzweigen ;

Sankt Thomas taucht die Hand ins Wundenmal [35] .

 

Humanité

Exposée à des gouffres de feu, l’humanité,

Roulement de tambour, fronts de sombres guerriers,

Des pas dans un brouillard de sang ; métal noir qui résonne,

Désespérance et nuit dans la tristesse des cerveaux :

L’ombre d’Ève, ici, la chasse, le rouge de l’argent.

Nuée transpercée de lumière, la Cène.

Dans le pain et le vin habite un doux silence

Et eux sont rassemblés au nombre de douze.

Ils crient la nuit dans leur sommeil sous l’olivier ;

Saint Thomas plonge la main dans la blessure [36] .

 

Trakl

Grodek

Am Abend tönen die herbstlichen Wälder

Von tödlichen Waffen, die goldnen Ebenen

Und blauen Seen, darüber die Sonne

Düstrer hinrollt ; umfängt die Nacht

Sterbende Krieger, die wilde Klage

Ihrer zerbrochenen Münder.

Doch stille sammelt im Weidengrund

Rotes Gewölk, darin ein zürnender Gott wohnt

Das vergoßne Blut sich, mondne Kühle ;

Alle Straßen münden in schwarze Verwesung.

Unter goldnem Gezweig der Nacht und Sternen

Es schwankt der Schwester Schatten durch den schweigenden Hain,

Zu grüßen die Geister der Helden, die blutenden Häupter ;

Und leise tönen im Rohr die dunkeln Flöten des Herbstes.

O stolzere Trauer ! ihr ehernen Altäre

Die heiße Flamme des Geistes nährt heute einen gewaltigen Schmerz

Die ungeborenen Enkel [37] .

 

Grodek

Les forêts d’automne résonnent dans le soir

D’armes de mort, les plaines d’or,

Les lacs bleus, et au-dessus plus obscur

Le soleil roule ; la nuit étreint

Des guerriers qui meurent, la plainte crue

De leurs bouches cassées.

Cependant s’amasse sans bruit au fond des saules,

Rouge nuée où le dieu de colère habite,

Le sang versé, froid lunaire ;

Toute route débouche en pourriture noire.

Sous les ramures d’or de la nuit et des astres

Elle, l’ombre de la sœur, chancelle dans le bois muet,

Pour saluer l’esprit des héros, les têtes de sang,

Et doucement résonnent aux roseaux les sombres flûtes d’automne.

O deuil si fier ! Autels d’airain,

La flamme brûlante de l’esprit, aujourd’hui la nourrit une douleur atroce,

Eux qui ne sont pas nés [38] .

 

Ungaretti

Veglia

Un’intera nottata

buttato vicino

a un compagno

massacrato

con la sua bocca

digrignata

volta al plenilunio

con la congestione

delle sue mani

penetrata

nel mio silenzio

ho scritto

lettere piene d’amore

 

Non sono mai stato

tanto

attaccato alla vita

Cima Quattro il 23 dicembre 1915 [39]

 

Veillée

Une nuit entière

jeté à côté

d’un camarade

massacré

sa bouche

grinçante

tournée à la pleine lune

ses mains congestionnées

entrées

dans mon silence

j’ai écrit

des lettres pleines d’amour

 

Je n’ai jamais été

plus

attaché à la vie

 

Cima Quattro, 23 décembre 1915 [40]

 

Char

Feuillets d’Hypnos, fragment 178

La reproduction en couleur du Prisonnier de Georges de La Tour que j’ai piquée sur le mur de chaux de la pièce où je travaille, semble, avec le temps, réfléchir son sens dans notre condition. Elle serre le cœur mais combien désaltère ! Depuis deux ans, pas un réfractaire qui n’ait, passant la porte, brûlé ses yeux aux preuves de cette chandelle. La femme explique, l’emmuré écoute. Les mots qui tombent de cette terrestre silhouette d’ange rouge sont des mots essentiels, des mots qui portent immédiatement secours. Au fond du cachot, les minutes de suif de la clarté tirent et diluent les traits de l’homme assis. Sa maigreur d’ortie sèche, je ne vois pas un souvenir pour la faire frissonner. L’écuelle est une ruine. Mais la robe gonflée emplit soudain tout le cachot. Le Verbe de la femme donne naissance à l’inespéré mieux que n’importe quelle aurore.

Reconnaissance à Georges de La Tour qui maîtrisa les ténèbres hitlériennes avec un dialogue d’êtres humains [41] .

Notes

  • [1]

    Georg Trakl, « Humanité », Poèmes II, traduction de Jacques Legrand, GF, 2001, p. 107. Abrégé : H. et Georg Trakl « Menschheit », op. cit., p. 106. Abrégé : M

  • [2]

    Georg Trakl, « Grodek », traduction de Michèle Finck, in Trakl in fremden Sprachen, Otto Müller Verlag, Salzburg, 1991, p. 141. Abrégé : G.

  • [3]

    Giuseppe Ungaretti, « Veillée », L’Allégresse, Vie d’un homme, traduction de Jean Lescure, Poésie/Gallimard, 1981, p. 38. Abrégé : V. Et Giuseppe Ungaretti, « Veglia », L’Allegria, Vita d’un uomo, Milan, Mondadori, 1988, p. 30. Abrégé : Veg.

  • [4]

    René Char, Fureur et mystère, Feuillets d’Hypnos, fragment 178, Poésie/Gallimard, 2004, p. 128. Abrégé : F.

  • [5]

    Philippe Jaccottet, Requiem (1946) suivi de Remarques (1990), Montpellier, Fata Morgana, 1991. Abrégé : R.

  • [6]

    Pour Trakl et la guerre, voir Adrien Finck, Georg Trakl. Essai d’interprétation, service de reproduction des thèses, Université de Lille, 1974, p. 141 et ss.

  • [7]

    Pour la mort de Trakl, voir Adrien Finck, op. cit., p. 147 et ss.

  • [8]

    Cité par Adrien Finck, op. cit., p. 150.

  • [9]

    Pour l’analyse de « Humanité » et « Grodek », voir Adrien Finck, op. cit., p. 416 et ss et p. 188 et ss.

  • [10]

    Giuseppe Ungaretti et Jean Amrouche, Propos improvisés, texte mis au point par Philippe Jaccottet, Gallimard, 1972, p. 69.

  • [11]

    Ibid, p. 70.

  • [12]

    Expression de Char citée par Yves Berger dans sa préface à Char, Fureur et mystère, o.c., p.7. Voir aussi p. 8.

  • [13]

    Pascal Quignard, La nuit et le silence : Georges de la Tour, Flohic, 1997. Voir pour cette toile les pages 63-65.

  • [14]

    René Girard, La Violence et le sacré, Grasset, Pluriel, 1972. Girard souligne la vision du sacrifice comme « trompe-violence ».

  • [15]

    Adrien Finck suggère à quel point l’ambiguïté tient aussi ici à une ambiguïté syntaxique du dernier vers, selon que « die ungebornen Enkel » soit à l’accusatif (possibilité de régénération) ou au nominatif (impossibilité de régénération). Voir Adrien Finck, op. cit., p. 616-617.

  • [16]

    Giuseppe Ungaretti, « Frères », L’Allegria, op. cit., p. 54.

  • [17]

    Giuseppe Ungaretti, « Fratelli », L’Allegria, op. cit., p. 34.

  • [18]

    Arthur Rimbaud, Poésies, Poésie / Gallimard, 2005, p. 70 et 56.

  • [19]

    Arthur Rimbaud, Une saison en enfer, Poésies, op. cit., p. 178.

  • [20]

    Arthur Rimbaud, Illuminations, Poésies, op. cit., p. 235.

  • [21]

    Gérard de Nerval, Les Filles du feu, Le Livre de Poche, 1961, p. 145.

  • [22]

    Georg Grosz, Explosion, 1917, Museum of Modern Art, New York.

  • [23]

    Otto Dix, Der Krieg (1924). Voir Otto Dix, catalogue de l’exposition de la Maison de la Culture de Namur, Pandora, Anvers, 2013

  • [24]

    Otto Dix, Der Krieg (1929-32), tempera sur bois, Galerie Neue Meister, Dresde.

  • [25]

    Giuseppe Ungaretti, « Italie », L’Allegria, op. cit., p. 73.

  • [26]

    Giuseppe Ungaretti, « Italia », L’Allegria, op. cit., p. 48.

  • [27]

    Giuseppe Ungaretti, Innocence et mémoire, Gallimard, 1969, p. 314.

  • [28]

    Sur ce point, voir Jean-Claude Mathieu, Philippe Jaccottet. L’évidence du simple et l’éclat de l’obscur, José Corti, 2003, p. 160 : « Jaccottet longtemps a fait commencer son œuvre à L’Effraie, avant de se persuader que Requiem pouvait tracer une frontière initiale acceptable ».

  • [29]

    Octavio Paz, La quête du présent, Discours de Stockholm, Gallimard, 1991, p. 15.

  • [30]

    Ibid, p. 17.

  • [31]

    Ibid, p. 18.

  • [32]

    Ibid, p. 16.

  • [33]

    Ibid, p. 16.

  • [34]

    Octavio Paz, Itinéraire, Gallimard, 1996, p. 49.

  • [35]

    Georg Trakl, « Menschheit » Poèmes II, opus cit..

  • [36]

    Georg Trakl, « Humanité », Poèmes II, traduction de Jacques Legrand, GF, 2001, p. 107.

  • [37]

    Georg Trakl, « Grodek », Poèmes II, opus cit., p. 318.

  • [38]

    Georg Trakl, « Grodek », traduction de Michèle Finck in Trakl in fremden Sprachen, Otto Müller Verlag, Salzburg, 1991, p. 141.

  • [39]

    Giuseppe Ungaretti, « Veglia », L’Allegria, in Vita d’un uomo, Milan, Mondadori, 1988, p. 30.

  • [40]

    Giuseppe Ungaretti, « Veillée », L’Allégresse, in Vie d’un homme, traduction de Jean Lescure, Poésie / Gallimard, 1981, p. 38.

  • [41]

    René Char, Fureur et Mystère, Feuillets d’Hypnos, fragment 178, Poésie / Gallimard, 2004, p. 128.

Pour citer cet article

Michèle Finck, "Guerre et mise en crise de l’écriture : Trakl, Ungaretti, Char, Jaccottet", in M. Finck, T. Victoroff, E. Zanin, P. Dethurens, G. Ducrey, Y.-M. Ergal, P. Werly (éd.), Littérature et expériences croisées de la guerre, apports comparatistes. Actes du XXXIXe Congrès de la SFLGC, URL : https://sflgc.org/acte/michele-finck-guerre-et-mise-en-crise-de-lecriture-trakl-ungaretti-char-jaccottet/, page consultée le 19 Avril 2024.