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Le roman de la Grande Guerre entre l’ancien et le nouveau

ARTICLE

Il s’agit ici de revenir sur l’émergence d’un nouveau genre (ou sous-genre) romanesque consécutif au premier conflit mondial, bien répertorié aujourd’hui sous la rubrique Roman de guerre, War novel, Kriegsroman et qui participe d’un avènement de plus grande ampleur : la naissance de la littérature de guerre (poésie, témoignages, journaux, mémoires…). Le fait littéraire est, en l’occurrence, lié à l’apparition d’une forme de guerre inédite : mondiale, totale, industrielle, et il survit à ce fait historique. Il bénéficie de surcroît d’une double postérité : d’une part, le genre se nourrit d’événements de même nature dans une continuité malheureusement sans cesse renouvelée par l’actualité [1]  ; d’autre part, il ne cesse de revenir sur l’événement fondateur, dans un fécond mouvement de réécriture observé depuis la fin des années 1980 et qui, plébiscité par le public et encouragé par le monde de la culture et de l’édition se poursuit aujourd’hui (Pierre Lemaître, Au Revoir là-haut, prix Goncourt 2013, déjà traduit dans une trentaine de langues). On peut établir une bibliographie des romans de la Grande Guerre contemporains [2] , parmi lesquels figurent, à titre d’exemples, Regeneration Trilogy de Pat Barker (1991-1995) en Grande-Bretagne, Derrière la colline, de Xavier Hanotte (2000) en Belgique, 14 de Jean Echenoz, 2012. Le sujet trouve dans la forme romanesque son expression la plus accomplie et la plus populaire alors que la poésie, qui fut le genre le plus sollicité pour dire la guerre il y a cent ans, est loin de connaître la même postérité. Certes, il y aura toujours des poèmes de guerre mais la figure du poète-soldat (war-poet) reste attachée au premier conflit mondial et le phénomène de la réécriture concerne peu la poésie.

Il y a donc bien eu un effet 14-18 sur le roman et un effet durable. Pour reprendre la problématique du congrès, nous sommes dans le cas d’une interaction : d’un côté, une écriture romanesque se cherche pour rendre compte d’une réalité radicalement nouvelle et, de l’autre, dans ce processus même, s’affirme « la capacité du monde perçu à modifier […] le devenir du roman». Reste à savoir si le changement porte sur le contenu thématique ou plus profondément sur la conception formelle et sur les modalités techniques de la mise en fiction.

La première guerre mondiale marque le basculement dans un nouvel ordre du monde (bouleversement des équilibres géopolitiques, modification de l’organisation des sociétés, changement des mentalités…). Cette donnée historiographique de la rupture entre l’ancien et le nouveau se vérifie-t-elle pour le roman ?

 

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Notes

  • [1]

    Les actes du colloque organisé en 2012, à Lille, réunissent des analyses portant sur un large panorama de la littérature issue des guerres contemporaines : Écrire la guerre, Écrire le conflit, Fiona Mcintosh-Varjabédian, Toshio Takemoto, Joëlle Prungnaud et Norah Giraldi Dei Cas, éditeurs, Villeneuve d’Ascq, Conseil Scientifique de l’Université Lille 3, coll. UL3 Travaux et recherches, 2016.

  • [2]

    Sur les réécritures contemporaines francophones, voir La Grande Guerre : un siècle de fictions romanesques, éd. Pierre Schoentjes, Griet Theeten, Genève, Droz, 2008. Dans le domaine anglo-saxon : Virginie Renard, The Great War and Post-Modern Memory : the First War in Contemporary British Fiction (1985-2000), Peter Lang, 2013.