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Un dialogue à mille et une voix dans La Revue blanche et L'Ermitage, autour de la traduction de J. C. Mardrus

ARTICLE

Après un Master de Littérature Comparée sur les notions de « Jeunesse et Décadence » dans des revues relevant de quatre domaines linguistiques différents (La Jeune Champagne qui deviendra La Revue littéraire de Paris et de Champagne en 1905 [France], Il Convito [Italie], Alma Española [Espagne] et The Pageant [Angleterre]), je poursuis ces recherches sur les revues de la fin du XIXe siècle par une thèse initialement intitulée « Traduction et illustration dans l’Europe des revues (1880-1920) » sous la direction de Mme E. Stead (UVSQ) et de M. J.-L. Haquette (URCA), depuis octobre 2010. Il s’agit de revues de « Jeunes » qui se constituent parfois davantage autour de cette notion que d’un choix esthétique précis. Souvent éclectiques, oscillant entre Symbolisme, Fin-de-siècle et Avant-garde, ces revues littéraires et artistiques permettent de repenser ces esthétiques en termes d’influence et de réseaux. L’accent sera mis sur la circulation des textes, ainsi que sur la circulation des images (illustrations, typographies, etc.) qui passent d’un pays à l’autre, d’une revue à l’autre.

L’occasion m’a été donnée de commencer ce travail de thèse par la co-rédaction d’un article [1] concernant trois revues françaises illustrées de la Belle Époque : La Revue blanche, La Plume et L’Ermitage, en abordant la question des réseaux, des relations entre ces revues et entre les hommes qui y collaborent. L’accent a été mis sur des questions idéologiques et esthétiques, en tenant compte de l’illustration. Suite à ce travail, notre communication analysera un exemple parmi tant d’autres de circulation d’un texte traduit et de dialogue entre périodiques : La Revue blanche et L’Ermitage.

Dans son remarquable travail sur La Revue blanche [2] , Paul-Henri Bourrelier présente deux traductions qui ont fait le succès de la maison d’édition attachée à la revue : celle des Mille Nuits et Une Nuit du Dr Joseph-Charles Mardrus, qui suscite un véritable engouement, et celle de Quo Vadis ? de H. Sienkiewicz dont le succès est plus embarrassant pour les collaborateurs, car il semble en porte-à-faux avec les valeurs libertaires défendues en général dans la revue [3] . Le malaise est réciproque. En témoigne cette remarque de l’auteur, dans une lettre où il précise cependant le rôle moteur d’un des directeurs :

J’ai appris de Godebski que Thadée Natanson, éditeur de la Revue Blanche veut faire une édition de luxe d’une de mes œuvres […] Je choisis évidemment Quo Vadis ? et je m’amuse à l’idée que c’est le sceptique Anatole France qui en parlera. [4]

De fait, un silence relatif entoure cette traduction dans la revue alors que la maison d’édition publie quatre volumes de cet auteur.

En revanche, dans le cas emblématique de la nouvelle traduction des Mille et Une Nuits, outre les problèmes de fragmentation, de sélection et de « fidélité » à un texte source, qui sont inhérents à la traduction, se pose la question de la réception du texte de Mardrus dans le corps hétérogène de la revue. Dans quelle mesure son insertion a-t-elle créé un dialogue à mille et une voix entre les collaborateurs, les critiques et les artistes ? Cette traduction s’inscrit dans un imaginaire fin-de-siècle fécond et dépasse le cadre de La Revue blanche pour, paradoxalement, servir de contre-modèle et définir le programme d’une autre revue contemporaine : L’Ermitage.

Que faire d’un best-seller tel que les Mille et Une Nuits ?

La Revue blanche, d’origine belge, devient parisienne en octobre 1891 quand Alexandre, l’aîné des frères Natanson, en prend la direction financière [5] . La revue est connue pour s’être engagée dans l’Affaire Dreyfus, pour avoir promu les Nabis, et pour avoir recueilli les collaborations prestigieuses de Lucien Muhlfeld (nommé secrétaire de rédaction), de Léon Blum, et du discret Félix Fénéon, de 1896 à 1903. Les textes et les illustrations sont signés Paul Adam, Mallarmé, Gustave Kahn, Alfred Jarry, Romain Coolus, Pierre Bonnard, Félix Vallotton, entre autres. Toulouse-Lautrec signe en 1895 la célèbre affiche représentant Misia Natanson en patineuse et illustre le supplément NIB du 13 janvier 1893 qui comporte aussi des textes de Tristan Bernard [6] . La revue s’appuie sur la maison d’édition de la Revue blanche [7] dont la publication des Mille Nuits et Une Nuit traduites par le Docteur J.-C. Mardrus a assuré la renommée.

En mai 1899, paraît le premier volume des Mille Nuits et Une Nuit (c’est le titre originel) aux Editions de la Revue blanche. Onze volumes sortiront au total jusqu’en 1904, au rythme de trois par an, en tenant compte de la reprise par Eugène Fasquelle pour les cinq derniers volumes. Cette entreprise éditoriale prestigieuse entend se démarquer de la version de Galland au XVIIIe s. (douze volumes, de 1704 à 1717), et insiste alors particulièrement sur le caractère littéral et complet du texte arabe par le Dr J.C. Mardrus, comme en témoigne la « note des éditeurs » [8] :

Pour la première fois en Europe, une traduction complète et fidèle des ALF LAILAH OUA LAILAH (MILLE NUITS ET UNE NUIT) est offerte au public.
Le lecteur y trouvera le mot à mot pur, inflexible ; le texte arabe a simplement changé de caractères : ici il est en caractères français, voilà tout.

Le titre emprunte pourtant à la version anglaise de John Payne. Grâce à une image, la traduction est ici conçue comme une simple « translitération » [9] de caractères, qui met l’accent sur une particularité  typographique et sur une transposition de signes plutôt que sur l’interprétation et le sens.

L’étude de Sylvette Larzul sur les traductions françaises des Mille et Une Nuits [10] montre comment le Dr Mardrus fournit sur ses sources les renseignements les plus contradictoires, en mentionnant « l’édition égyptienne de Boulak » [11] , puis la lecture de « toutes les éditions arabes » contrôlées, un manuscrit possédé personnellement, pour finir par faire allusion à une source orale ! Cette mystification serait une réponse de Mardrus aux attaques des orientalistes. Ainsi, face à la critique de Gaudefroy-Demombyne, il affirme vouloir « fixer définitivement le texte arabe des Nuits en traduisant en arabe [s]a traduction française » [12] . Il n’est pas sûr qu’il s’agisse ici d’une simple ironie : Mardrus se justifie en évoquant un va-et-vient en matière de traduction, dans le rapport entre les sources multiples et le texte d’arrivée, et prétend en retour donner un texte source définitif.

Sa traduction s’adresse donc aux « lettrés et aux artistes » et non aux savants. En témoignent les dédicaces de chaque volume à un écrivain différent, « le Penseur Stéphane Mallarmé » en tête [13] , puis A. France, José-Maria de Heredia, etc. La dédicace finale revient à Félix Fénéon, le secrétaire de rédaction (puis rédacteur en chef) de la revue, le critique, le découvreur de talents, le traducteur des lettres de Poe en 1895, qui a aussi adapté aux normes françaises l’autre grand best-seller de 1900 (Quo Vadis ?) :

A l’ami charmant et silencieux, à l’homme et à l’artiste parfait, notre cher FÉLIX FÉNÉON, qui est plus pour nous que le genni de la cornaline.

Le « mot du traducteur à ses amis » [14] s’ouvre sur un poème à la disposition typographique particulière, pouvant rappeler le verset coranique avec son alignement particulier :

                          J’OFFRE,

toutes nues, vierges

intactes, naïves,

pour mes délices et le

plaisir de mes amis,

CES NUITS ARABES

                  vécues, rêvées et traduites sur

leur terre natale et sur l’eau. 

L’allusion à la biographie du traducteur est assez transparente : né au Caire en 1868, Mardrus fait des études de médecine, et officie, de 1895 à 1899, en tant que médecin au service des Messageries Maritimes quand il commence sa traduction.

La part de fantasme (avec les vierges « rêvées ») soulignée dans cette « traduction » littérale, magnifiée par la personnification, met en valeur l’imaginaire fin-de-siècle d’un Orient érotisé. L’arabe est ainsi capable de rendre tour à tour une « musique », un « chant », un « conte », une « odeur subtile » et « la nudité d’ambre ou de perle d’une solide courtisane onduleuse » [15] . Et c’est cette sensualité qui va charmer les critiques et les lecteurs. [16]

La revue va alors jouer un rôle publicitaire de promotion de l’œuvre publiée par la maison d’édition, notamment à travers les recensions critiques. Mais l’imaginaire des Mille et Une Nuits va également être à l’origine d’une création originale au sein de la revue.

Les Mille et une voix de la critique : la réception de la traduction dans la revue

La traduction « recueille l’unanimité des suffrages des jeunes écrivains » au sein de La Revue blanche [17] . Le premier commentaire apparaît à partir de la publication du second tome, signé par Léon Blum ; suivront deux chroniques de Marcel Drouin, deux d’André Gide, puis quatre d’Alfred Jarry et une de Romain Coolus.

Dans le premier article du 1er juin 1899, mis en valeur en première page du numéro, Alexandre Ular fait une présentation générale et se penche essentiellement sur la question des sources. Le texte critique est orné d’un portrait du traducteur par Félix Vallotton. Là encore, ce sont le « folklore pleinement conservé » et la « fascination sensuelle » du texte qui sont mis en exergue. Or cet exposé est suivi par une nouvelle d’Eugène Vernon, « La Jarretelle », qui met en scène un dîner chez le vieux professeur Papyrus de la Sorbonne [18] . Comme par un jeu d’écho et de prolongement de la rêverie, la traduction de Mardrus se trouve inscrite dans cette mode de l’Orient à la sensualité fantasmée, puisque le manuscrit à déchiffrer n’est non plus un texte arabe, mais la « jarretelle noire avec des liserés de cramoisi » portant une inscription en latin.

Gide mentionne ensuite la traduction de Mardrus, dans sa chronique [19] , au moment de la publication du quatrième tome. Après avoir comparé la lecture des Mille et Une Nuits, (remarquons le changement de titre), avec celle de la Bible, Gide affirme son plaisir à se plonger « nu » dans la nouvelle traduction, qu’il compare à celle de Galland, « car [elle] devait donc laisser à celle de Mardrus sa fleur, toute son authentique saveur et comme sa virginité ».

L’intérêt se focalise sur la littéralité qui redonne son sens originel aux images et du corps aux contes. La même idée est développée dans l’article de Drouin, le 15 mai 1901, qui mentionne « les saveurs, les senteurs, les ardentes épices ». Nous sommes en fait en pleine mystification, puisque Gide affirme dans une lettre du 11 juillet 1899 à Valéry que Mardrus a tenu compte de ses corrections pour son texte. Ce phénomène de création d’œuvres hybrides, au caractère bien plus littéraire que littéral, relève de ce que P.H Bourrelier, après J.L. Borges, qualifie de « fidélité créative ». [20]

Enfin, Jarry dans une de ses chroniques très imagée, compare chaque tome à un récipient sur le modèle de la lampe du bon Génie : de la « grande caisse », à la « cage étroite » en passant par « la coupe scellée » [21] , il met alors en scène, dans ce pastiche, les personnages et l’univers des Mille et Une Nuits, et insiste sur les qualités de poète de Mardrus. Ce texte assez poétique fait écho à la voix de Schahrazade et brouille la frontière entre discours critique et création littéraire.

La traduction comme source de création

La traduction de Mardrus réactive un imaginaire qui prend forme dans la création à l’intérieur de la revue, et dépasse même son cadre, créant alors une chambre d’écho aux mille et une voix.

Ainsi, en janvier 1902, Arthur Leclère signe de son pseudonyme Tristan Klingsor le poème « Schahrazade » [22] . Son évocation prend place dans le cadre des noces du Prince Camaralzam avec la Princesse Badoure, la fille du roi de Chine. Le « poète pauvre » se met en scène en oriental qui rêve de la conteuse Schahrazade :

[...]  et moi, seul sur mon lit de parade
Ainsi qu’un vizir d’Orient, ce soir
J’écouterai dans mon rêve Schahrazade
En train de raconter sa merveilleuse histoire. [23]

Une atmosphère mélancolique et sensuelle entoure le poète qui rêve de la conteuse devenue chanteuse. Klingsor mêle, non sans humour, les univers : celui de l’Orient avec celui du Quartier Latin, les fables arabes avec la mythologie. Nous assistons aux métamorphoses d’une conteuse qui devient tisseuse arachnéenne et rend presque littéralement fou le poète, puisqu’il a une araignée « sous le chapeau pointu ». Un effet de polyphonie est subtilement produit par un jeu d’adresse à la conteuse : « Schahrazade ! chère araignée dans le plafond de mon rêve » (IV), « Schahrazade, je suis amoureux de toi » (VIII), etc. ; puis le poète semble lui donner la parole dans la strophe V où une jeune fille écoute une flûte enchantée. Le lecteur se laisse alors prendre au piège d’une mise en abyme qui brouille les frontières entre imagination et réalité, et repose sur une transposition dans un monde féérique. Ainsi le poète, devenu mouche dans les vers finaux par le biais d’une métaphore réactualisée en termes typographiques, souligne son choix stylistique (l’hétérométrie) avec cette image de l’écriture :

    [...] je m’applique
à tracer sur mon papier blanc de Perse
les mystérieuses pattes de mouche obliques
de ces lignes de longueurs diverses. [24]

Klingsor inscrit en outre le rôle de la traduction et du traducteur dans le poème même avec une allusion aux « chansons tristes ou légères » du Docteur Mardrus : « certain docteur d’Occident / les a mises en langue étrangère » [25] . Il se moque alors du vieux Galland à la traduction trop pudique,  amoureux de la conteuse et « rougissant » !

Ce poème à l’esprit fin-de-siècle, avec ses évocations à la lune et ses miroirs, fourmille de grimaces grotesques, de sang, de chair et de tête coupée. La superposition spatio-temporelle entre l’Orient et l’Occident, via le monde du rêve, du conte et de la poésie, dit assez la fascination qu’a exercée la traduction de Mardrus sur les collaborateurs de La Revue blanche. Dans « L’Epoque Ravel », Klingsor revient sur cette période et prend le contrepied de la polémique savante :

Cependant j’avais commencé une suite de poèmes sur Schéhérazade. […] L’Orient était dans l’air. […] Perse de fantaisie, bien entendu. Il suffit d’un mot bien choisi, d’une heureuse résonnance, d’une touche de couleur. Jamais je ne m’embarrassai du moindre document. Ai-je même parcouru quelques pages d’anthologie ? [26]

Klingsor revendique l’entrée dans un monde imaginaire et fantaisiste, ainsi que son humour particulier et met en lumière la circulation des artistes d’une revue à l’autre :

En tout cas, mes poèmes paraissaient peu à peu dans les revues du temps, à la Plume, au Mercure, à la Revue blanche, ailleurs, concurremment avec mes premières Humoresques, dans lesquelles je m’appliquais au contraire à peindre en souriant le monde contemporain.

L’hommage à Ravel s’explique par le désir du compositeur de prolonger l’écho des poèmes de son ami (lui-même musicien). En effet, après sa propre Ouverture de féerie Schéhérazade, orchestrée en 1898, Ravel composera en 1903, sur trois poèmes de Klingsor, Schéhérazade, dirigée par Cortot en 1904.

Il ne s’agit pas ici de passer en revue toutes les références aux Mille et Une Nuits. Le processus de création lié à cet imaginaire fécond dépasse évidemment le cadre de la maison d’édition et de la revue. Aussi, la revue L’Ermitage, fondée en avril 1890 par les frères Mazel, puis dirigée en 1896 par Édouard Ducoté, offre-t-elle un cas remarquable de relation complémentaire et concurrente entres les revues, qui va se cristalliser justement autour du succès de la traduction de Mardrus.

Une mille et deuxième… revue

L’Ermitage, comme son nom l’indique, revendique un certain isolement de l’artiste, une forme d’élitisme, qui culmine en  janvier 1899 avec l’annonce de la constitution d’un « comité de rédaction restreint » et ce discours de la Rédaction :

Plusieurs écrivains, de talents divers mais unis par des soucis d’art très voisins, ont pensé qu’un recueil d’intérêt plus circonscrit pouvait prendre place, pour un temps, à côté de notre substantiel Mercure mensuel et de la bi-mensuelle Revue blanche ; ce recueil pouvant particulièrement intéresser une élite plus exclusivement éprise des choses de la pensée. [27]

Cherchant à se démarquer des autres revues, le comité fait appel à des lecteurs qui « recherchent plus avidement les jouissances de l’intelligence et de l’art ». Cette critique pourrait s’appliquer aux publications de La Revue blanche et particulièrement à la traduction de Mardrus, si l’on se souvient du caractère sensuel de son mot aux lecteurs.

Or quelques pages plus loin, Édouard Ducoté va explicitement concurrencer La Revue blanche et Les Mille et Une Nuits en présentant une suite aux aventures de Sindbad après son septième [et dernier, selon Mardrus] voyage [28] . Ce conte n’est pas une traduction, mais une réécriture à valeur de manifeste pour L’Ermitage. En effet, après avoir écouté les aventures de Sindbad, le porteur Hindbad ne trouve plus la paix et va finir par retourner voir l’ancien marin:

LE HUITEME VOYAGE DE SINDBAD LE MARIN, PAR ÉDOUARD DUCOTÉ
Sindbad, ayant achevé le récit de son septième voyage, annonça aux convives qu’ils connaissaient toutes ses aventures. Il leur donna congé […] [29]

L’homme le plus simple, mais fidèle et curieux, va ainsi devenir « le seul ami, le plus cher » du sage Sindbad. Les termes employés ici font écho à ceux du discours de la Rédaction qui redéfinit la ligne éditoriale de la revue. Le directeur-conteur lance un avis au lecteur désintéressé, qui ne se contenterait pas de ce que l’on donne à la « foule » :

[Sindbad parle] Tu te souviens de ce peuple d’auditeurs qui se pressait ici. […] Aucun d’eux n’a deviné ce que tu as compris sans effort. […] Ils se sont tous contentés du récit de mes sept voyages et ils ne sont pas revenus. [30]

Ce voyage, qui est aussi celui d’une amitié choisie, consiste à faire simplement le tour du jardin :

Et le jour où le hasard m’inspira de le visiter j’ai senti l’inanité de mon ancienne existence. Ce fut mon huitième voyage, celui que chaque jour je recommence et qui toujours  m’apporte des surprises.

Et ensemble, ils vont découvrir que « tout en ce monde est merveille », loin de l’« agitation stérile » de la mode orientale, au cœur d’une sorte d’ermitage !  Cette habile mise en scène perpétue le caractère « infini » de cette quête, source de sagesse pour les happy few. Édouard Ducoté cherche à se positionner par rapport à d’autres périodiques, dans le sillage d’un succès éditorial plein de merveilles qu’il transforme en fait en illustration des nouvelles « bonnes raisons » de la Rédaction. L’écho des contes prend la forme d’un métadiscours. Aux antipodes de l’engouement de la réception de la traduction de Mardrus dans La Revue blanche, la référence à cette revue (à l’esprit festif) sert à mieux affirmer la différence de L’Ermitage, qui  rejette tout l’imaginaire qui a fait le succès des Mille et Une Nuits.

Notes

  • [1]

    E. Stead et E. Grilli, « Between Symbolism and Avant-garde Poetics : La Plume (1889-1905), L’Ermitage (1890-1906) and La Revue blanche (1890-1905) », Chapter 1 (PARIS) in Modernist Magazines : A Critical and Cultural History, Volume 3 : Europe, 1880-1950s, Peter Brooker & Andrew Thacker eds., Oxford, Oxford University Press (en anglais, à paraître en 2012).

  • [2]

    P. H. Bourrelier, “La Revue blanche” : une génération dans l’engagement, 1880-1905, Paris, Fayard, 2007.

  • [3]

    Voir la Partie IV « Pistes pour le XXe siècle » (1905-2005), Chap. 12 : « Mille et Un Orients », p. 1015–1029 et Chap. 13 : « Quo vadis ? – les littératures occidentales », p. 1030-1041.

  • [4]

    Voir la lettre du 19 mai 1895 à Wodzinski, citée par Bourrelier, ibid., p. 1030.

  • [5]

    Voir A. B. Jackson, La Revue blanche (1889-1903), Origine, influence, bibliographie, Paris, Minard, 1960, p. 11-21 ; Georges Bernier, La Revue blanche, ses amis, ses artistes, Paris, Hazan, 1991, p. 9-17 ; pour un exemple de discours de la revue sur elle-même, voir  Lucien Muhlfeld, « Au lecteur », in La Revue blanche, décembre 1893, tome V, p. 353.

  • [6]

    Voir P. H. Bourrelier, op.cit., Partie I, chap. « Arrêt sur images », p. 221 ; Georges Bernier, op. cit., chap. « Suppléments et satellites », p. 280.

  • [7]

    Ibid., Partie III, chap. 13 « Une maison d’édition et le roman français », p. 770.

  • [8]

    Ibid., Partie IV, chap. 12 « Mille et Un Orients », p. 1018 et p. 1027. Nous avons consulté l’édition suivante : Le livre des MILLE NUITS et UNE NUIT, traduction littérale et complète du texte arabe par le Dr J. C. Mardrus, édition complète en six volumes, Bruxelles, Ed. La Boétie, 1947, Tome I, p. I-IV.

  • [9]

    Voir la définition du Webster New Collegiate Dictionary (to translate : « to transfer or turn from one set of symbols into another »), mentionnée par Umberto Eco dans Dire presque la même chose, Expériences de traduction, Paris, Grasset et Flasquelle, 2006 [traduction française], p. 28.

  • [10]

    Larzul, Sylvette, Les Traductions françaises des Mille et Une Nuits, étude des versions de Galland, Trébutien et Mardrus, précédée de Traditions, traductions, trahisons par Claude Bremond, Paris, L’Harmattan, 1996.

  • [11]

    Voir la « note des éditeurs de la première édition », « cette traduction », p. III. On y insiste sur les « expressions de pur terroir arabe » et la concision.

  • [12]

    Voir Revue critique d’histoire et de littérature, Tome XLI, n°26, juin 1900, p. 514-516.

  • [13]

    Le livre des MILLE NUITS et UNE NUIT, op. cit., dédicace [Janvier 1899].

  • [14]

    Ibid., p. V.

  • [15]

    Ibid., p. VII.

  • [16]

    Voir Dominique Jullien, Les Amoureux de Schéhérazade : variations modernes sur les Mille et Une Nuits, Paris, Droz, 2009, chap. II « Une lecture esthétique des Nuits », p. 71-120 : « Toute une société s’enchante d’une œuvre qui lui renvoie ses désirs, ses fantasmes […] ».

  • [17]

    P.H. Bourrelierre place cette parution dans le contexte de la mode orientale de l’époque, op. cit., p. 1015–1029 [citation p. 1020].

  • [18]

    Voir Eugène Vernon, « La Jarretelle » in La Revue blanche, juin 1899, p. 161-174. Citation suivante, p. 177.

  • [19]

    André Gide, « Les Livres : J. C. Mardrus : Les Mille Nuits et Une Nuit », in La Revue blanche, 15 mars 1900, p. 473.

  • [20]

    Lettre citée par P. H. Bourrelier, op. cit., p. 1022 : « La merveilleuse phrase […] est de moi ».

  • [21]

    Alfred Jarry,  « Les livres : le tome V de la traduction Mardrus des Mille Nuits et Une Nuit » in La Revue blanche, 1er juillet 1900, p. 391.

  • [22]

    Tristan Klingsor, « Schahrazade » in La Revue blanche, 1er janvier 1902, p. 32-36. Sur le choix du pseudonyme, voir l’explication recueillie par Pierre Menanteau in Tristan Klingsor, bibliographie, portraits, fac-similés, Paris, Ed. Seghers, 1965, p. 20 : Le jeune poète veut se faire remarquer pour un concours de sonnets de La Plume : « Il me fallait un nom bien ronflant. […] Tristan Klingsor, ça sonnait, ça brillait. »

  • [23]

    T. Klingsor, « Schahrazade », ibid., p. 32. Signalons que les strophes de ce poème seront reprises, étoffées et redistribuées dans le recueil Shéhérazade, Amiens, E. Malfère, [Bibliothèque du Hérisson], 1926 ; cette première strophe deviendra « L’histoire merveilleuse » (Livre IV, p. 131).

  • [24]

    Tristan Klingsor, « Schahrazade », p. 36. Dans le recueil Shéhérazade, op. cit., « Soir familier » (Livre II, p. 47).

  • [25]

    Tristan Klingsor, « Schahrazade », p. 32. Dans le recueil Shéhérazade, op. cit., cette strophe apparaît dans le « Deuxième livre de Schéhérazade », dédié « Au docteur J. C. Mardrus », (« XXI : Schéhérazade », p. 45), avec un vers omis dans la version de la revue, après le quatrième vers de la strophe : « et pourtant mon rêve n’est fleuri que de toi ».

  • [26]

    Tristan Klingsor, « l’Epoque Ravel » in Maurice Ravel par quelques-uns de ses familiers, Paris, Ed. du Tambourinaire, 1939 ; cité par Pierre Menanteau, op. cit., p. 34-35. Idem pour la citation suivante.

  • [27]

    L’Ermitage, « Bonnes Raisons », L’Ermitage, 1er janvier 1899, 10e année, Vol. I, p. 5-7.

  • [28]

    Publication dans La Revue blanche des cinq premiers voyages du 15 septembre au 15 octobre 1900.

  • [29]

    Édouard Ducoté, « Le Huitième voyage de Sindbad le marin »,  L’Ermitage, 1er janvier 1899, p. 25.

  • [30]

    Ibid., p. 28 et citation suivante, p. 31.