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Géopolitiques comparées des bibliothèques - Orient et Occident ; pays catholiques et pays protestant

ARTICLE

Existe-t-il une science des « bibliothèques comparées » ?

La question qu’on m’a posée est : peut-il y avoir une approche comparatiste des bibliothèques ? Malgré la rareté des études à ce sujet, j’affirme que oui et l’appelle de mes vœux. L’idée de bibliothèque n’est pas universelle. Dans les sociétés dites sans écritures la bibliothèque a été importée soit par l’Islam soit par la Chrétienté, ou très rarement et tardivement, réinventée contre l’une ou l’autre de ces cultures conquérantes : une ethnologie des bibliothèque serait donc à faire comme Jack Goody et d’autres après lui ont fait l’ethnologie de l’écriture.

Le livre dans les cultures extrême-orientales n’a pas la même histoire que chez nous et la bibliothèque du lettré chinois ou coréen n’est pas de même nature que les nôtres. Le mot ‘bibliothèque’ m’a-t-on dit n’existait pas en japonais avant l’ouverture du Japon à l’Occident. En Occident où la culture a été forgée par ce qu’on nomme les religions du Livre, les bibliothèques ont agi comme un antidote à la toute puissance du Livre unique, qu’il s’agisse de la Bible, du Coran ou de la Torah. Peu à peu au Moyen Âge, les bibliothèques ont été les outils de la diversité des opinions et de la critique. La bibliothèque pour nous, c’est le contraire du Livre unique. Les civilisations qui n’ont pas subi cette emprise doctrinale et ce rôle sacré de l’écriture n’ont évidemment pas le même besoin de bibliothèques ni la même idée de leur rôle. Les Japonais ne s’inquiètent pas autant que nous de la mort du livre et le monde des écrans est une délivrance dans un monde d’images et de calligraphies que l’imprimerie typographique a asservi pendant plusieurs siècles.

Les bibliothèques qu’on peut voir aujourd’hui au Japon sont bâties sur le modèle allemand puis américain, à commencer par la Bibliothèque de la Diète qui reprend, au niveau national la formule de la bibliothèque du Congrès. Il y aurait aussi de belles analyses à faire sur la géopolitique des bibliothèques nationales, très différentes les unes des autres. Une bibliothèque nationale n’est pas exactement la même chose qu’une bibliothèque d’Etat ou qu’une bibliothèque parlementaire. La notion de bibliothèque nationale dépend de la conception de la Nation, dont elle épouse l’histoire. Elle ne peut pas être la même dans un pays fédéral et dans un pays centralisé comme la France. Les Québécois, qui viennent d’inaugurer une bibliothèque nationale à Montréal, le savent et les ambitions de cette bibliothèque sont différentes et parfois en concurrence avec celle du Canada à Ottawa. De même pour la bibliothèque nationale de Catalogne à Barcelone, par rapport à celle d’Espagne à Madrid. Il y trois bibliothèques nationales en Grande-Bretagne, deux en Italie, deux en Afrique du Sud et deux maintenant aussi en Allemagne. Les pays de l’Est qui ont récemment recouvré leur indépendance n’ont rien eu de plus pressé que de reconstruire leur bibliothèque nationale, à Tallin ou à Zagreb, comme symbole de leur liberté.

Lorsqu’on étudie l’histoire des bibliothèques, on ne peut qu’être frappé par la différence des conceptions qui transparaît aussi bien dans leur architecture et plus encore dans le choix de leurs missions, de leurs publics et dans la nature de leurs collections. Je crois que la diversité des bibliothèques reste masquée par l’idée que nous nous sommes forgée de leur universalité. Toute bibliothèque, dans notre esprit, tend vers l’œcuménisme, doit constituer un ensemble cohérent qui produit sa propre complétude. Les particularismes passent au second plan.

Les règles que suivent les bibliothèques sont depuis longtemps normalisées, elles forment un réseau très serré et mondialisé depuis plus d’un siècle. Leur objectif est clairement dans leur convergence : elles s’efforcent d’être complémentaires ou de mettre tout en commun. Aussi hésitons nous à considérer chaque bibliothèque comme un objet sui generis, idéologique, tendancieux voire impérialiste. L’idée de bibliothèque est tellement liée à celle de la liberté individuelle et à l’esprit des Lumières, qu’on taxerait d’obscurantiste quiconque y verrait un outil de domination, de rivalité ou de conquête.

On se souciait peu du comparatisme des bibliothèques tant que la culture européenne était à son zénith, la langue française dominante et que toute extension semblait devoir profiter à l’humanité tout entière. Le mondialisme alors ne nous effrayait pas tant que depuis qu’il nous menace. Nous voici, adoptant une attitude défensive qui nous amène à relativiser le pouvoir universel des bibliothèques. Il ne s’agit pas ici de savoir si la bibliothèque est un bien où qu’elle soit et quelle qu’elle soit, mais de prendre conscience que son idée ne va pas de soi, et d’étudier en quoi les formules très variées de bibliothèques dans le monde, traduisent des différences ou des oppositions économiques, sociales, religieuses, culturelles et politiques.

Le petit livre de M. Jeanneney et ce qu’on peut appeler ‘l’affaire Google’, nous offrent une entrée en matière idéale, d’abord parce que ce sujet délicat y est traité une grande maîtrise et une grande franchise. M. Jeanneney, nous lui en savons gré, n’a pas cherché à esquiver cette question. Il la pose clairement et la traite à fond. En même temps, il nous montre que cette question de la différence de conception des bibliothèques a des racines lointaines – et je vais parler de ce qui différencie les bibliothèques américaines des bibliothèques françaises – mais aussi des implications actuelles, significatives, y compris dans le monde des bibliothèques dites virtuelles.

Vous connaissez l’affaire Google : cette entreprise commerciale qui indexe des milliards de pages mises sur Internet, donne accès gratuitement à ces références en une fraction de secondes et parvient à faire des profits considérables en offrant, en marge de ces références, des espaces publicitaires comme le fait un journal ou même l’annuaire du téléphone. Google a d’ailleurs le statut d’une entreprise de presse. Or Google annonce qu’il va numériser quinze millions de livres pour les ajouter à son répertoire et y donner accès gratuitement à travers ses services. Je n’entre pas dans les détails, il faut lire le livre de M. Jeanneney (Quand Google défie l’Europe. Plaidoyer pour un sursaut, éd. Mille et une nuits, 2005) pour en comprendre les tenants et les aboutissants.

Voyant venir les risque de l’impérialisme américain, globalement américanophone et régulé non pas par l’idée de service public mais par l’offre du marché, l’abondance des clients déterminant le tarif des publicités adjacentes, un peu comme l’audimat de la télévision, M. Jeanneney réclame fortement un contrepoids européens et ceci pour deux raisons. La première est de préserver les publications non anglophones et ne pas les marginaliser comme elles le sont déjà dans les bases de données et les indicateurs d’impact, qui sont devenus les principaux outils d’évaluation de travaux scientifiques mondialisés. La seconde est que l’accessibilité à ces références ne soit pas hiérarchisée selon un palmarès établi automatiquement, selon une savante formule gardée secrète par Google en fonction du nombre de liens attachés à ces références.

On ne peut qu’approuver la réaction de M. Jeanneney. Mais, chose curieuse, l’entreprise Google elle-même s’en félicite et je ne crois pas que cela soit une simple habileté diplomatique. D’abord, en bonne entreprise capitaliste, Google ne peut s’opposer à la concurrence. Ensuite, elle se défend, d’avoir une quelconque préférence linguistique a priori, sans doute avec une bonne foi que M. Jeanneney lui reconnaît mais sans se leurrer sur le poids objectif qui fera de cet outil un outil anglophone. Enfin, comme tout bon commerçant, tout ce qui viendra abonder son répertoire, quelle qu’en soit l’origine et le contenu, abondera son chiffre d’affaire. Elle espère sans doute, grâce à sa supériorité technique actuelle et sa notoriété mondiale que c’est encore en passant par Google qu’on aura le plus de chances d’accéder aux autres bibliothèques virtuelles. Cette approbation, même si elle est de pure tactique, nous montre que la contre-proposition de M. Jeanneney ne se situe pas sur le même terrain que celui sur lequel joue Google. Pour l’un il s’agit de vendre des accès et des temps de communication, pour l’autre, un contenu. Ce décalage est parfaitement significatif de ce qui oppose depuis toujours les bibliothèques américaines ou plus largement ‘anglo-saxonnes’ aux bibliothèques françaises et plus largement ‘latines’.

Google n’a aucun souci du contenu des bibliothèques qu’elle indexe, du moment qu’elles ne contreviennent pas à la loi. Elle n’a pas de message à diffuser, de mission culturelle à remplir. Son message se situe au niveau du médium, confirmant ainsi l’axiome de Mc Luhan : le message c’est le médium. M. Jeanneney a bien compris ce décalage. Aussi la proposition qu’il fait est double : la première demande à l’Europe de construire un moteur de recherche aussi puissant et aussi habile que celui de Google. Il se place là sur le terrain de Google, que celui-ci ne peut contester. M. Jeanneney soutient avec raison que cette suprématie n’est pas inéluctable et cite les exemples d’Airbus et d’Ariane pour montrer que la technologie européenne n’a pas à avoir de complexes d’infériorité.

Ensuite M. Jeanneney souhaite constituer un corpus, qui, contrairement à celui de Google, dans lequel aucune sélection n’est faite selon des critères qualitatifs, serait limité et sélectionné par un comité d’experts, sur des critères scientifiques sur le modèle de Gallica. Nous ne sommes plus là dans la logique Google, mais pas dans l’opposition non plus, puisque Google, dans sa logique commerciale, n’intervient pas dans les choix, et ne voit sans doute que des avantages à laisser ce choix à des spécialistes. La seule différence est que, une fois référencées par Google, ces choix seront noyés dans la masse. Nous avons là un superbe exemple de l’opposition entre bibliothèques anglo-saxonnes et bibliothèques latines.

Les imprimeurs protestants qui se sont largement emparés du nouveau médium de l’imprimerie, ne dédaignaient pas d’imprimer des catéchismes catholiques, laissant à la libre conscience de chacun le soin de faire son propre tri. Il est vrai qu’on peut se demander ce que serait devenue l’édition imprimée, première industrie culturelle, si l’on en avait limité la production à un corpus sélectionné par une commission d’experts. Il se serait produit sans doute ce qui s’est produit en Chine et en Corée qui, ayant inventé les caractères mobiles trois quart de siècles avant Gutenberg, ne l’utilisèrent que pour les besoins de quelques moines. C’est bien le capitalisme autant que l’esprit de la Réforme qui ont assuré l’essor de l’imprimerie. Aussi dirais-je à M. Jeanneney que si j’approuve sans réserve sa première proposition, la seconde, si elle ne devait reposer que sur un corpus sélectif, me rappelle trop les vieux démons de la bibliothèque latine, désireuse avant tout de guider le lecteur, par un choix préalable, craignant de voir le lecteur se perdre dans des océans de livres inutiles. Je souhaiterais que ce corpus, même si son noyau dur est celui de la commission d’experts, soit ouvert et utilisable par d’autres, comme un catalogue de bibliothèque qui fonctionne en réseau. Au fond le scénario qui me plairait serait celui dont la France donna l’exemple en 1839 lorsqu’elle acquit le brevet de la photographie pour en faire don à l’humanité.

Le bibliothécaire anglo-saxon n’a pas peur de ce que les informaticiens appellent le « bruit ». Il laisse le lecteur libre de ses choix, même si ces choix sont puissamment orientés par le médium. Le débat n’est pas nouveau. En 1857, Prosper Mérimée, chargé de réformer la Bibliothèque impériale, s’enthousiasme de la nouvelle Bibliothèque britannique. Il y découvre l’accès libre aux volumes et ne s’inquiète pas de l’offre surabondante : « J’ai vu un lecteur recevoir 250 volumes », écrit-il, mais surtout 250 000 livres sont en libre accès : « Cette faculté de prendre soi-même un livre sur les rayons est l’innovation qui paraîtra peut-être fort étrange dans notre pays ». On sait le combat perpétuel qu’il faut mener en France pour imposer le libre accès, combat qui est loin d’être gagné. Mais plus significatif encore est la campagne que Mérimée mena contre le catalogue français. Le catalogue de la Bibliothèque impériale devait être méthodique, les livres classés selon leur sujet, et dont le Catalogue de l’histoire de France est une survivance. Les anglais cataloguaient les ouvrages au nom de l’auteur, pratique que les Français jugeaient inepte, car cela n’aboutissait qu’à un désordre dans lequel le lecteur ne pouvait pas s’orienter. Il fallut cinquante ans pour convenir que le désordre pragmatique avait parfois plus d’avantages que l’ordre théorique.

Autre exemple de mon expérience : lorsque je suis arrivé à la BPI, dix bibliothécaires indexaient les livres selon des thesaurus complexes. Le thésaurus était celui de la Bibliothèque du Congrès, traduit en français par les Québécois de l’Université Laval. Constatant que les lecteurs n’utilisaient guère ce thesaurus qui nous semblait à nous bibliothécaires, indispensable, nous allâmes avec les Québécois voir ce que faisait la Bibliothèque du Congrès, responsable d’un catalogage repris dans le monde entier. A ma grande surprise, sept bibliothécaires seulement y étaient affectés et l’on ne croyait guère à ce thesaurus, persuadés que les lecteurs accédaient d’abord au sujet des livres par les mots du titre. Ce choix avait des conséquences considérables sur le travail des bibliothécaires d’une part mais aussi sur la conception des logiciels de catalogage, la plupart américains. L’accès par mot du titre était jugé peu sérieux par mes collègues. Il est vrai qu’en interrogeant « économie » on trouvait ‘L’Economie libidinale’ de J.-F. Lyotard, que nos bibliothécaires français plus avisés avaient classé en philosophie.

Les divergences de ce type sont beaucoup plus évidentes encore dans les bibliothèques de lecture publique. La public library est une institution anglo-américaine, de pays où les services administratifs sont moins présents, le poids de l’Education nationale moins fort. Jules Ferry regretta un peu tard de ne pas avoir imposé la bibliothèque municipale comme il a imposé l’école communale. Cette obligation légale existait en Angleterre. On touche là du doigt deux modèles de société. La  public library est le lieu indispensable au héros américain qu’est le self made man. Pour le comprendre il faut lire Martin Eden de Jack London, dont le héros autodidacte devient écrivain en partie grâce à la public library.

Les bibliothèques publiques anglo-saxonnes mettent en avant la littérature populaire et n’hésitent à avoir des présentoirs de livres policiers ou de romans Harlequin, littérature rejetée par les bibliothécaires français sous le nom de ‘littérature de gare’. Sur ce point, je reste farouchement français et prétends que ces livres peuvent être achetés dans les librairies. J’ai conscience de me ranger parmi les ‘prescripteurs’, défenseurs d’une culture de classe. Je me console en pensant qu’il y a en France un réseau unique de librairies populaires parfois plus proche du bureau de tabac que de la librairie.

Le fait le plus frappant et le plus significatif sur le plan politique est le traitement dans les bibliothèques du communautarisme. Dans les pays anglo-saxons, chaque communauté trouvera dans la bibliothèque publique sa propre bibliothèque, turque en Allemagne, pakistanaise en Angleterre, cosmopolite aux Etats-Unis, dont chaque communauté assure d’ailleurs la responsabilité, y compris financière. Il n’est pas rare qu’une public library soit composée de plusieurs dizaines de bibliothèques communautaires, quarante à San Francisco, incluant la bibliothèque des homosexuels. Un tel phénomène est rarissime en France et peu débattu dans les milieux professionnels tant nous sommes aguerris à l’unité nationale et au rejet des communautarismes.

Le modèle anglo-saxon des bibliothèques s’est aujourd’hui imposé dans le monde, y compris en France. L’exemple de la Bibliothèque britannique en partie suivi à la fin du XIXe siècle et le modèle américain a été importé avec la Première Guerre mondiale. Des Américains fondèrent la première école de bibliothécaires en France, importèrent la formule des bibliothèques roulantes, financèrent la construction des bibliothèques modèles de Clamart ou de Reims. Jean-Pierre Seguin, créateur de la BPI a découvert le complet accès libre à la bibliothèque et aux ouvrages, à Berlin, dans la Bibliothèque publique du souvenir que les Américains y ont construite sur leur propre modèle.

Je ne me risquerai pas à l’exercice qui oppose l’esprit des bibliothèques anglo-saxonnes au protestantisme et l’esprit latin au catholicisme. La logique est presque trop évidente pour ne pas susciter des réserves ou des nuances de la part des spécialistes. Mais je dois dire qu’en lisant Tocqueville qui a beaucoup parlé de la conception américaine de la lecture, ou Max Weber, qui n’en parle pas mais qui explique tout dans son célèbre ouvrage sur l’esprit du capitalisme, un bibliothécaire ne peut pas ne pas faire des équations qui semblent tomber juste.

Je suis toujours émerveillé lorsque je travaille dans une bibliothèque universitaire américaine par l’esprit de liberté qui y règne, même si la recherche en rayon devient terriblement empirique et heurte nos esprits systématiques. Mais devant cette incontestable supériorité, il ne faut surtout pas demeurer béats. L’expérience m’a aussi appris que les bibliothécaires français ont beaucoup à apprendre aux Américains.

Le débat sur Google nous apprend que l’on ne bâtit pas une bibliothèque même virtuelle sur un terrain vierge. La bibliothèque d’Alexandrie est sans doute la plus belle bibliothèque du monde, mais elle a peu de lecteurs et peu de collections. Le mondialisme ne peut faire l’économie d’une analyse des cultures et des territoires sur lesquelles se bâtissent les bibliothèques, car la notion de bibliothèque n’est ni consensuelle ni universelle.

Quant à l’affaire Google je répondrai ce que m’a répondu un jour Philippe Sauvageau qui venait de construire la superbe bibliothèque publique de Québec. J’admirai son travail avec d’autant plus d’enthousiasme que je dirigeai alors la BPI. « La BPI m’a complètement inspiré, me dit-il, je l’ai visitée des centaines de fois, j’ai tout observé, et, ici, à Québec, j’ai fait mieux. » Je souhaite que le même esprit nous anime.

Biographie de l'auteur

Michel MELOT

Ancien directeur du Département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale, ancien directeur de la Bibliothèque publique d’Information de Beaubourg et président du Conseil supérieur des Bibliothèques. Il est l’auteur, en particulier, de L’Image dans les bibliothèques (1995) et Nouvelles Alexandries. Les grands chantiers de bibliothèques dans le monde (1996) aux éditions du Cercle de la librairie et de La Sagesse du Bibliothécaire (L’œil neuf, 2004).