soutenance
Hélène Davoine soutiendra le mercredi 8 décembre 2025 sa thèse de doctorat, préparée au Centre de recherche en Littérature et poétique comparées de l’Université Paris Nanterre, sous la direction de Madame Sylvie Parizet.
La thèse s'intitule « Langage et exil chez Alejandra Pizarnik et Claude Vigée ».
La soutenance se déroulera à partir de 14h30, à l’Université Paris Nanterre, en salle C102A (au premier étage du bâtiment C – Bianka et René Zazzo).
Composition du jury :
Mariana Di Ció, Maîtresse de conférences, Université Paris III-Sorbonne Nouvelle
Anahí Diana Mallol, Professeure des universités, Universidad de la Plata, Argentine
Jean-Yves Masson, Professeur des universités, Paris IV-Sorbonne (rapporteur)
Delphine Rumeau, Professeure des universités, Université Grenoble-Alpes (rapportrice)
Résumé du travail
Dans le sillage de la crise du langage qui, dès le tournant du XXe siècle, entame durablement la confiance dans l’existence d’une correspondance entre les mots et le monde, principe garant d’une histoire du sens, tout autant que d’un sens de l’histoire, l’œuvre de la poétesse argentine Alejandra Pizarnik (1936-1972), ainsi que celle du poète Claude Vigée (1921-2020), d'origine juive alsacienne, prennent en charge une interrogation commune sur les conséquences de la rupture avec l’ordre du Logos qui régissait jusqu’alors la conscience occidentale, et engagent un examen du constat selon lequel le contenu véritable de l’expérience langagière est l’absence du monde.
Cette interrogation essentielle, qui conduit l'un et l'autre poètes à prendre la mesure d’une crise dont George Steiner situe le point d’origine dans le champ poétique français, chez Rimbaud (la déconstruction de l’individuation du locuteur) et chez Mallarmé (la non-équivalence entre le signe linguistique et son référent), à travers l'expérience du tissu défait du langage et de la subjectivité, s'inscrit dans le contexte de l’après-Auschwitz, au sein duquel elle tend à recouvrir une portée inédite : à l’instar de l'oeuvre poétique de Paul Celan, les textes d’Alejandra Pizarnik et de Claude Vigée soulèvent la question des conditions de possibilité du sens, ainsi que du principe transcendant susceptible de les garantir. C'est dans « cette ombre portée de l'époque » évoquée par Philippe Lacoue-Labarthe, c'est au regard de cette rupture historique majeure, par laquelle la parole poétique se trouve soumise à l'épreuve du non-sens, qu'il convient d'appréhender les deux œuvres. Dans le paysage poétique du second XXe siècle, les textes des deux poètes traduisent les évolutions de la conscience moderne, et relaient avec une acuité remarquable, qui tient dans une large mesure à la dimension empirique de conflits langagiers étroitement liés à la prégnance de l'identité juive exilique, les principaux questionnements auxquels la poésie se trouve désormais confrontée, en particulier : une forme de confiance envers le langage est-elle susceptible d'être préservée ? par quels moyens garantir la survie d’une parole vivante ?
Le présent travail se fonde sur la tentative pour restituer dans leur singularité propre les réponses formulées par les textes d’Alejandra Pizarnik et de Claude Vigée, de part et d’autre de l’espace transatlantique, en examinant l’hypothèse selon laquelle deux voies antagonistes coexistent au sein du champ poétique du second XXe siècle. D’une part, une voie majeure, marquée par l’héritage de la révolte nihiliste, dont les maîtres-mots, sur le modèle du Faust valéryen, sont l’absence et le non-être : puisant paradoxalement l’essentiel de ses forces dans l’expression d’une impossibilité, elle ne conçoit guère d’autre éloge que celui du néant (« Loué sois-tu, Personne », pour faire écho au vers de Paul Celan). D’autre part, une voie mineure, qui entend répondre à la révolte par la louange, au rejet du monde par la pleine acceptation de « la réalité rugueuse à étreindre », selon la formule rimbaldienne, et tente d'oeuvrer à la réparation symbolique par l'investissement poétique des composantes sonores et rythmiques de la langue.