événement
Présence(s) animale(s)
Autour du programme d’agrégation de littérature comparée (2022-2023) « Fictions animales (Apulée, Cervantès, Kafka, Guimarães Rosa) »
Journée d’étude organisée par Camille Delattre, Cécile Huchard, Sophie Milcent- Lawson (Université de Lorraine, Laboratoire LIS, UFR Arts, Lettres et Langues) et Clotilde Thouret (Université Paris-Nanterre, CRLPC, UFR Phillia)
Vendredi 7 octobre 2022
UFR Arts, Lettres et Langues, Campus LSH, 23 boulevard Albert Premier, Nancy
9h-17h- Salle G04
La journée sera enregistrée et mise en ligne.
Matinée
Séance 1 - Propositions sur les œuvres au programme
9h30-9h50 : Carole Boidin (Université Paris-Ouest Nanterre-LPC), « "Rudis locutor": voix animales et feuilletage énonciatif dans L'Âne d'or et quelques-unes de ses reprises européennes ».
9h50-10h10 : Laurence Kohn-Pireaux (Université de Lorraine-LIS), « Quand le chien porte une lanterne : El coloquio de los perros (Cervantès, 1613) ».
10h10-10h30 : Florence Godeau (Université Jean Moulin-Lyon III-CERCC), « En mode furtif. Pragmatique et poétique de l’élusif dans « La Métamorphose » et « Un rapport pour une académie » de Franz Kafka, et dans « Mon oncle le jaguar » de João Guimarães Rosa ».
10h30-11h : Questions et échanges avec les intervenant.e.s
Pause
Séance 2 - Ouvertures et perspectives
11h15-11h35 : Nicolas Corréard (Université de Nantes-LAMO), « Zoopoétiques ou zoosatiriques ? Équivocité des personnages animaux ».
11h35-11h55 : Anne Simon (République des Savoirs, CNRS-ENS-Collège de France/PSL) Entretien autour de la zoopoétique et de l’ouvrage Une Bête entre les lignes. (animé par Sophie Milcent-Lawson).
11h55-12h15 : Questions et échanges avec les intervenant.e.s
12h30 : Déjeuner
Après-midi
Séance 3 - Ouvertures culturelles et diachroniques
13h45-14h05 : Cécile Huchard (Université de Lorraine- LIS), « Anecdotes animales dans les « histoires » et récits brefs du XVIe siècle : questions, (in)certitudes, frontières ».
14h05-14h25 : Camille Delattre (Université de Lorraine-LIS), « Vairvert, Pompée, Toutou, Caquet-Bonbec et autres personnages éponymes. Le « héros » animal au temps de la querelle de l’âme des bêtes ».
14h25-14h45 : Questions et échanges avec les intervenant.e.s
Pause
Séance 4 - Perspectives théoriques
15h-15h20 : Elisabeth Plas (Université Paris III-Sorbonne nouvelle) : « L'anthropomorphisme animal, par-delà l'anthropocentrisme ».
15h20- 15h40 : Sophie Milcent-Lawson (Université de Lorraine-LIS) « Représentations d’un point de vue animal dans la fiction française contemporaine : enjeux et perspectives ».
15h40 -16h : Questions et échanges avec les intervenant.e.s
16h-16h30 : Conclusion des travaux de la journée
« L’ordre visible auquel nous sommes habitués n’est pas le seul possible : il coexiste avec d’autres ordres. Les contes de fées, d’elfes ou d’ogres ont marqué l’effort des êtres humains pour accepter l’idée de cette coexistence. [...] Les chiens avec leurs pattes rapides, leur odorat pénétrant et leur mémoire développée des sons, sont des animaux frontaliers, spécialistes naturels de ces interstices. Leurs yeux, dont le message nous déroute souvent par son urgence muette, sont accordés tout à la fois à l’ordre humain et d’autres ordres du monde visible. »
John Berger, « Ouvrir une barrière », 2001
Le programme d’agrégation de littérature comparée pour les sessions 2022 et 2023 rassemble cinq fictions de métamorphoses qui articulent animalité et humanité selon des modalités et des devenirs variés : L’Âne d’or d’Apulée, « Le colloque des chiens » de Cervantès, La Métamorphose et « Rapport pour une académie » de Kafka et Mon oncle le jaguar de l’auteur brésilien Guimarães Rosa. L’hybridation permet une expérience de l’animalité ouvrant sur des explorations fictionnelles diverses (exploration du monde, du langage, d’une autre sensibilité, d’une autre subjectivité, etc.). Aussi, outre sa reprise de perspectives classiques comme le mythe de la métamorphose, la tradition de la satire et le conte fantastique, ce programme s’inscrit également dans un champ de recherche en plein développement : la zoopoétique qui se donne comme tâche critique de voir comment le langage humain – littéraire – peut expérimenter l’irréductible du vivant (Anne Simon, Une bête entre les lignes, Wilproject, 2021). Les incursions imaginaires dans les expériences animales suscitent en effet un décentrement cognitif, éthique et esthétique, offrent un tiers- lieu où penser, où figurer notre rapport au monde et aux autres espèces.
Nous proposons d’organiser la réflexion de cette journée à partir de la notion de présence animale, à travers ses formes et ses enjeux, dans les textes du programme et au-delà, afin de ménager des perspectives plus larges. On s’intéressera ainsi à la spécificité et à la nature de la présence animale dans les récits, aux rencontres avec d’autres animaux et d’autres règnes, à la présence à soi de l’animal, aux implications et aux perceptions de sa présence.
Si cette journée s’inscrit dans le cadre du programme de littérature comparée de l’agrégation de Lettres modernes, et s’adresse donc d’abord, placée en début d’année universitaire 2022-2023, aux préparateurs et aux agrégatifs, elle se veut aussi l’occasion de contribuer à l’essor actuel en SHS d’une dynamique de recherche autour des questions animales. Il s’agira donc d’enrichir la réflexion autour d’une problématique commune – celle des fictions animales – en invitant des chercheurs et des chercheuses issus de spécialités diverses à présenter leurs approches et méthodologies, afin d’ouvrir des perspectives culturelles et académiques suscitées par ce corpus et de répondre aux attentes d’un public plus large
Récurrente dans les analyses, centrale dans les textes, la notion de présence animale, si elle a fait l’objet d’études, reste encore largement à explorer. Elle peut s’appuyer sur des pensées puissantes et pionnières : celle de Jacques Derrida, suscitée par la présence de son chat (L’Animal que donc je suis, 2006) ; celle de John Berger, qui est habitée de part en part par les animaux, notamment à travers le motif de l’échange de regards, qui convoque notre commun et notre différence avec eux, ou encore à travers leurs présences qui ouvrent sur d’autres ordres du visible (Pourquoi regarder les animaux ?, 2009) ; celle Jean-Christophe Bailly, qui explore la façon dont les animaux habitent un territoire et dont leur présence nous déplace (Le Versant animal, 2007, et Le Parti pris des animaux, 2013) ou encore celle que développe l’historien Éric Baratay (Biographies animales. Des vies retrouvées, Seuil, 2017).
La réflexion cherchera à cartographier les diverses modalités fictionnelles, narratives et stylistiques de cette présence à travers ses formes littéraires. On peut d’ores et déjà décliner plusieurs lignes possibles de réflexion :
– Comment les fictions animales décrivent-elles l’ouverture à d’autres ordres du visible, à d’autres mondes ? Comment donnent-elles ou non accès à un point de vue animal ou à une subjectivité animale ?
– En quoi le travail d’écriture permet-il de nous rendre l’animal présent ? Quels dispositifs énonciatifs et quels choix stylistiques participent à incarner linguistiquement au cœur du texte cette présence animale ?
– L’animal est souvent invisible, il se glisse dans un terrier ou dans ses cachettes. Dès lors, qu’en est-il de sa présence à soi et de sa présence aux autres ? On se demandera comment cette singularité trouve à s’inscrire dans les récits. On interrogera aussi la manière dont se traduit une certaine qualité sensorielle qui le caractérise et comment le texte littéraire traduit ou représente cette « adhérence à soi et au monde », cette « immédiateté du vivant à lui- même » (Bailly).