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L’écriture littéraire de l’orientalisme intérieur (XIXe et XXIe siècles)
Date de l'échéance : 30/09/2023
Lieu de l'événement : Université du Littoral Côte d'Opale (Boulogne-sur-Mer)
Nom de l'organisateur : BRUGIER Julie; BRUN Marion; TILLIETTE Marie-Agathe
Email de l'organisateur : juliebrugier@gmail.com
Adresse postale : Université du Littoral Côte d'Opale
21 Rue Saint-Louis, 62200 Boulogne-sur-Mer
21 Rue Saint-Louis, 62200 Boulogne-sur-Mer
Site web de référence : https://www.fabula.org/actualites/114729/l-ecriture-litteraire-de-l-orientalisme-interieur-xixe-xxie-siecles.html
Journée d’études
L’écriture littéraire de l’orientalisme intérieur (XIXe-XXIe siècles)
Boulogne-sur-Mer, 15 février 2024
Université du Littoral Côte d’Opale (UR 4030 HLLI, Unité de Recherche sur l’Histoire, les Langues, les Littératures et l’Interculturel)
Cette journée d’études vise à étudier l’écriture littéraire de l’ « orientalisme intérieur », soit la manière dont la littérature représente les dominations territoriales au sein d’un espace national, en tant qu’elles peuvent être pensées à partir du modèle de l’orientalisme proposé par Edward Saïd, alors étendu à d’autres contextes et discours. Comment certaines régions se sont- elles vues assigner à une altérité au sein de la nation ? Comment la littérature participe-t-elle à la construction d’une hégémonie culturelle et politique interne ?
Dans L’Orientalisme, l’Orient créé par l’Occident, Edward Saïd montre que l’Orient n’est pas un fait de nature inerte, mais une entité géographique et culturelle produite par des discours. Chez Edward Saïd, l’idée de la production de l’Orient comme espace imaginaire émerge de façon relationnelle, dans son rapport à l’Occident. La cohérence de l’Orient est donc une fabrication discursive, liée à l’hégémonie complexe de l’Occident.
Il ne s’agirait pas, au cours de cette journée d’études, de débusquer de nouveaux « orients » dans chaque région étudiée ni de verser dans une forme d’essentialisation culturelle, mais de recourir au concept de façon analogique et métaphorique pour réfléchir à la manière dont il permet ou non de penser la construction des identités régionales et nationales, sans perdre de vue les différences entre des discours orientalistes historiquement et géographiquement situés, les logiques de domination coloniale et les situations nationales ou infranationales étudiées. L’idée d’un « orientalisme intérieur » permet d’appréhender les phénomènes de folklorisation, de provincialisation, d’exotisation d’un point de vue critique, comme émanant d’une forme d’impérialisme politique. La journée d’études interrogera la portée heuristique du concept au sein des études littéraires, en réfléchissant à sa fécondité mais aussi aux éventuelles impasses suscitées par son extension. En effet, comme le note Emmanuel Szurek, si le concept d’orientalisme intérieur est en vogue « pour décrire tant de théâtres de violence symbolique et politique », on peut légitimement se demander s’il n’en dit « davantage sur l’air du temps et sur notre propre épistémè que sur les dispositifs que l’on aspire à objectiver » (Szurek, 2011, 59).
Les propositions de communication en études littéraires françaises, européennes et extra-européennes pourront s’inscrire dans les axes suivants :
- Réflexions théoriques autour du concept d’orientalisme intérieur et de sa pertinence
Les communications qui s’inscriront dans cet axe pourront interroger la pertinence de l’extension de ce concept, revenir sur les distinctions proposées par Emmanuel Szurek entre
orientalismes transculturel, métaphorique et postcolonial, analyser la façon dont le concept permet ou non de renouveler les études du régionalisme littéraire ou encore le confronter et le mettre en relation avec d’autres concepts ou le situer dans de grandes évolutions théoriques (spatial turn).
- Géographies des lieux et représentations régionales
Comment la littérature participe-t-elle à créer ou à déplacer les grandes oppositions régionales intra- et extra-européennes (par exemple, la France du Nord et du Midi, l’Italie du Nord et du Sud, le Nord-Est et le Sud-Est du Brésil) ? Comment ces démarcations se construisent-elles et se modifient-elles au fil du temps (on peut songer à la construction de l’opposition entre le Nord et le Sud dans la littérature romantique européenne) ? Comment la littérature se fait-elle l’écho des conflits entre les États-nations modernes et certaines régions telles que le pays basque espagnol ou la Corse ? De plus, dans quelle mesure l’orientalisme intérieur construit-il des marges internes à des pays qui se sont vus eux-mêmes assigner à une marginalité ?
Il s’agirait également d’étudier comment les œuvres littéraires décrivent les lieux relevant de cet orientalisme intérieur. Sont-ils décrits comme des limites ou des lieux insulaires au sein de l’espace national? Nous pourrions par exemple envisager l’étude d’œuvres littéraires françaises qui décrivent Marseille comme porte de l’Orient (Albert Londres, Louis Brauquier, Maylis de Kerangal), le traitement de Naples dans le cycle littéraire d’Elena Ferrante, la façon dont le Sud des États-Unis a été perçu comme un Autre contre lequel se construisait la nation étasunienne...
- Identités nationales, identités marginales, identités genrées
Les communications de cet axe pourront s’intéresser aux dynamiques parfois contradictoires des représentations de l’ « orientalisme intérieur » : la construction imaginaire de certains espaces régionaux leur a donné un statut paradoxal, à la fois norme et repoussoir des communautés nationales (c’est le cas, par exemple, des Highlands écossaises ou du Nordeste brésilien, vus tour à tour des conservatoires de l’esprit national et leurs menaçantes antithèses). On pourra également questionner les ethnotypes convoqués par les écrivain·e·s pour décrire ces communautés dominées au sein de l’espace national : en proposent-ils et elles une caricature, une idéalisation ? Se conforment-ils et elles à la vision dominante nationale ou d’autres représentations sont-elles envisagées ?
Les représentations des identités de genre dans les contextes d’ « orientalisme intérieur » pourront faire l’objet d’études spécifiques. Comment les œuvres littéraires reprennent-elles à leur compte ou détournent-elles les normes et les attendus des identités de genre, qui jouent un rôle fondamental dans les discours impérialistes ? L’altérité peut aussi bien se manifester par l’excès de la différence genrée et la sursexualisation de certaines figures (la masculinité des Highlanders écossais, les créoles de la Nouvelle-Orléans, le Tartarin méridional) que par son effacement (la masculinisation des femmes du Nordeste brésilien). En quoi les représentations des liens ou même des transitions entre les genres peuvent-ils troubler ou, au contraire, renforcer les lignes de fracture entre espaces géographiques ?
- Dialectes et accents
On pourra se demander quels sont les signes textuels et les procédés d’écriture qui manifestent les dialectes et les accents spécifiques de ces lieux. L’accent est-il toujours à l’état de fantôme dans le texte comme trace dissimulée ? La littérature cherche-t-elle au contraire à assumer son accent ? Les écrivain·e·s, en retranscrivant une langue qui dévie de la norme nationale, donnent-ils une vision racialisée de la société ? Cette littérature qui intègre les dialectes et les spécificités régionales est-elle minorée parce qu’elle dévie de la norme nationale ? Une autre hypothèse serait d’envisager ces procédés d’écriture comme des tentatives de poétisation de la langue.
Organisation : Marion Brun (Cellf, Université Paris-Sorbonne et Textes et culture, Université d’Artois), Julie Brugier (chercheuse associée au LIPO - Université Paris Nanterre) et Marie- Agathe Tilliette (HLLI, Université du Littoral Côte d’Opale).
Les propositions de communications (environ 300 mots), accompagnées d’une brève bio- bibliographie, seront à adresser aux trois adresses suivantes : juliebrugier@gmail.com, marion_brun@ymail.com et marie-agathe.tilliette@univ-littoral.fr au plus tard le 30 septembre 2023.
Les auteur·e·s seront informé·e·s de l’acceptation de leur proposition à partir du 15 octobre et la journée d’études aura lieu à l’Université du Littoral Côte d’Opale, à Boulogne- sur-Mer, le jeudi 15 février 2024.
Les actes de cette journée donneront lieu à une publication.
Bibliographie indicative
BLANCHARD, Nelly et MANNAIG, Thomas (dir.), Des littératures périphériques, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Plurial », 2014.
CASANOVA, Pascale, La République mondiale des lettres, Paris, Seuil, 2008.
CLAVARON, Yves, Le génie de l’Italie à partir des littératures américaine, britannique et française (1890-1940), Paris, Éditions Connaissances et Savoirs, 2006.
— Edward Saïd. L’Intifada de la culture, Paris, Éditions Kimé, 2013.
JANSSON, David, « Internal Orientalism in America: W. J. Cash’s The Mind of the South and the spatial construction of American national identity », Political Geography, n°22, vol. 3, mars 2003, p. 293-316.
CASSANO, Franco, La pensée méridienne, le sud vu par lui-même, La Tour d’Aigues, Éditions
de l’aube, 1995.
LE SCANFF, Yvon, « L’origine littéraire d’un concept géographique : l’image de la France
duelle », Revue d’Histoire des Sciences Humaines 2/2001 (no5), p. 61-93.
MARTIN, Maureen M., The Mighty Scot: Nation, Gender and the Nineteenth-Century Mystique of Scottish Masculinity, New York, SUNY Press, 2009.
SAÏD Edward W., L’Orientalisme, l’Orient créé par l’Occident, [1978], trad. Catherine Malamoud, Paris, Seuil, 1980.
SAÏD Edward W., Culture et impérialisme, [1993], trad. Paul Chemla, Paris, Fayard, 2000. SAGNES Sylvie (dir.), Littérature régionaliste et ethnologie, Arles, Actes Sud, 2015.
SCHNEIDER, Jane (éd.), Italy’s « Southern Question ». Orientalism in One Country, Oxford- New York, Berg, 1998.
THIESSE, Anne-Marie, Écrire la France, le régionalisme littéraire de langue française de la Belle Époque à la Libération, Paris, Presses Universitaires de France, 1991.
MUNIZ DE ALBUQUERQUE JR., Durval, A invenção do Nordeste e outras artes, Recife et São Paulo, Editora Massangana/Cortez Editora, 1999.
SZUREK Emmanuel, « Trans-, méta-, post-, pour un usage contrôlé de l’orientalisme intérieur »
dans François Pouillon et Jean-Claude Vatin (dir.), Après l’orientalisme. L’Orient créé par
l’Orient, Paris, IISMM-Karthala, 2011, p. 53-60.
Source de l'information : Julie Brugier