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Le Cliché romantique (1798-1830). Constructions et variations d’un objet littéraire
: 30/03/2022
: Université de Paris, bâtiment Olympe de Gouges
: Florence Schnebelen et Pauline Hortolland
: florence.schnebelen@uha.fr
: https://larca.u-paris.fr/

Le Cliché romantique (1798-1830)


Constructions et variations d’un objet littéraire


Colloque international


19-20 mai 2022, Université de Paris


 

Keynote speaker : Pr Nicholas Halmi, University of Oxford

 

Ce colloque vise à tenter de repérer les clichés romantiques dans leur diversité, leur élaboration et leurs jeux de reprises, pour interroger la construction d’une certaine identité romantique dans la critique et le discours savant, mais plus largement dans les représentations collectives.

Le mot « cliché » apparaît au XIXe siècle pour désigner une plaque typographique permettant la reproduction d'une page pour le tirage de nombreux exemplaires. Le mot est devenu une figure de style qui caractérise l’emploi d’une expression stéréotypée. Synonyme de poncif et de lieu commun, le cliché est le résultat d’une construction littéraire. Outil langagier et stylistique, il est un objet littéraire et culturel complexe, qui soulève la question de l’originalité en interrogeant conjointement la création et la réception de l’œuvre. Si on reconnaît le cliché (qui repose sur un répertoire supposément partagé d’images et d’allusions), on cherche peu à le connaître en l’analysant dans une perspective critique : quand une expression devient-elle un cliché ? Au prix de quelles transformations ? Selon quelles intentions ?

La période d’émergence du romantisme se prête de façon privilégiée à ces questionnements, le courant romantique étant identifié comme tel à partir d’idées communes au contenu souvent flou et aux images totémiques, à l’instar de « la fleur bleue » qui a connu un glissement symbolique, de la figuration de l’absolu amoureux et artistique chez Novalis à une catégorie esthétique de la mièvrerie.

Chargé négativement, le cliché apparaît d’abord comme quelque chose que l’on dénigre ou dont on s’amuse : il décrit de manière appropriée l’héritage ambigu du romantisme. En France, le rejet du cliché romantique est incarné par Madame Bovary de Flaubert (1857). Flaubert s’attaque au cliché du romantisme mussetien – ou, plus largement, au romantisme en tant qu’il est devenu un cliché, une attitude et une posture. Or, ce romantisme ainsi mis à distance n’épuise pas l’écriture romantique : il y a eu un autre romantisme avant lui, ainsi que de nombreuses voies alternatives. De plus, Flaubert renforce les clichés romantiques autant qu’il les dénonce. C’est ce paradoxe de la réception du romantisme que nous souhaiterions interroger. Cependant nous cherchons aussi à interroger le rôle du cliché dans la composition et la lecture que les auteurs romantiques faisaient eux-mêmes des clichés qui leur étaient attribués, dont ils jouaient et qu’ils tournaient en dérision. Percy Shelley par exemple, dans Défense de la Poésie, souligne que la fonction du poète est de combattre les clichés, et de sans cesse renouveler la langue pour l’en débarrasser : “Their language is vitally metaphorical; that is, it marks the before unapprehended relations of things and perpetuates their apprehension, until the words which represent them, become, through time, signs for portions or classes of thoughts instead of pictures of integral thoughts; and then if no new poets should arise to create afresh the associations which have been thus disorganized, language will be dead to all the nobler purposes of human intercourse.” Dans l’appareil théorique qui accompagne la production poétique, la fonction du poète ainsi abordée est de revitaliser la métaphore qui est devenue catachrèse, c’est-à-dire cliché.

 

Quelques pistes de réflexion possibles (cette liste est non-exhaustive) :

 

  • Le cliché se fonde beaucoup sur la répétition, et est déjoué par l’ironie. Dans quelle mesure les romantiques étaient eux-mêmes conscients de certains clichés ? Comment ont-ils eux-mêmes façonné ou établi certains clichés ? En quoi ceux-ci ont-ils partie liée avec l’effort de théorisation appréhendé parfois comme l’une des caractéristiques fondamentales du romantisme ? Dans quelle mesure l’utilisation des clichés et l’ironie romantique sont-ils liés ?


 

  • Le cliché soulève la question de l’originalité. Comment la singularité du génie original, qui est l’un des mythes du romantisme, peut-elle s’accommoder de l’utilisation de clichés ? Dans quelle mesure le concept de génie romantique est-il lui-même un cliché ?


 

  • À quoi sert le cliché ? Quels enjeux idéologiques et esthétiques lui sont associés ? Quelle récupération permet-il ? En quoi est-il un objet polémique ?`


 

  • Le cliché engage une réflexion sur la réception des œuvres romantiques. On peut tenter d’établir une cartographie du cliché selon une perspective archéologique d’inspiration foucaldienne : à partir de quel moment une image ou un thème deviennent-ils un cliché ? Cette transformation va-t-elle nécessairement de pair avec une modification de son contenu (affaiblissement sémantique ou remplacement d’une donnée esthétiquement motivée par une dimension évocatoire plus imprécise) ? La constitution du cliché a-t-elle valeur de reconnaissance (hommage) ou le régime de l’allusion s’accompagne-t-il forcément d’une perspective critique négative ? On attribue souvent des clichés au romantisme pour diminuer sa charge transgressive et politique, et pour tourner en dérision son paradigme de lecture et sa vocation épistémique. Le cliché pose alors le problème de l’altérité du romantisme dans l’histoire littéraire et dans le contexte des pratiques de lecture actuelles.


 

Le sujet s’inscrit dans une perspective comparatiste, et nous accueillerons avec plaisir les communications proposant une perspective panoramique, comme celles qui porteront sur une aire linguistique spécifique (sur le romantisme allemand, anglais, français, italien, russe, scandinave, etc.) Les interventions pourront se faire en anglais et en français.

 

Le colloque aura un format hybride. Si la situation sanitaire le permet, les deux journées se tiendront sur le campus de l’Université de Paris. Les repas (collations et déjeuners des 20 et 21 mai, dîner du 20 mai) seront pris en charge pour les intervenants.

 

Les propositions de communications (300 à 500 mots), assorties d’une courte biographie, sont à adresser aux organisatrices Pauline Hortolland et Florence Schnebelen avant le 30 mars 2022 :

pauline.hortolland@etu.u-paris.fr ; florence.schnebelen@uha.fr

 

Les réponses seront communiquées la première semaine d’avril.

 

 

Quelques repères bibliographiques :

 

  • Ruth Amossy, Les Idées reçues. Sémiologie du stéréotype, Paris, Nathan, « Le texte à l’œuvre », 1991.



  • Claude Bouché, Lautréamont. Du lieu commun à la parodie, Paris, Larousse, « Thème et texte », 1974.



  • Alain Goulet (dir.), Le Stéréotype. Crise et transformations, Caen, Presses Universitaires de Caen, 1994.



  • Anne Herschberg-Pierrot, « Problématique du cliché. Sur Flaubert », Poétique, 43, 1980, p. 334-345.



  • Hervé Laroche, Dictionnaire des clichés littéraires, Paris, Arléa, 2003.



  • Anne-Marie Perrin-Naffakh, Le Cliché de style en français moderne, thèse de doctorat d’État, Presses universitaires de Bordeaux, 1985.



  • Michaël Riffaterre, « Fonctions du cliché dans la prose littéraire », Cahiers de l’Association internationale des Etudes Françaises, 1964, n° 16, p. 81-95.

: Florence Schnebelen