parution
LA VRAIE VIE DES OBJETS, 103 p., illustrations.
Le rêve d’un liber mundi n’est pas nouveau, mais les poètes qui ont nourri cette ambition disposaient d’une matière, parfois forgée par eux-mêmes, qui était à sa hauteur. L’étrangeté de cet ouvrage de Michel Arouimi, qui s’inscrit dans cette tradition, n’est pas due aux références cryptiques aux tentatives fameuses qui l’ont précédé. Le monde des objets, souvent les plus vulgaires, en est le prétexte : cartonnages sans valeur, tube de shampooing à peu près aussi vieux que l’auteur de cet ouvrage, coussin précieux, chaussure dépareillée, mais encore le souvenir d’un édredon inoubliable, un diplôme encadré, etc. Les formes académiques de l’art, rarement évoquées dans les « poèmes » rassemblés dans cet ouvrage (composés entre 1969 ? et 2020), pâlissent sous l’impact de ces objets dont la présentation suit une chrologogie qui n’est pas toujours celle de l’écriture.
En effet, les différentes parties de ce nouveau recueil de M. Arouimi concernent autant de points de vue sur les choses qui nous entourent ; associées à nos corps, ou bien concurrentes de notre être. Transposés dans l’écriture, ces objets sont autant de jalons de l’histoire contemporaine. Les plus communs s’imposent d’ailleurs comme le pivot d’une représentation synthétique de notre monde. Ou comme l’aiguillon d’une vision subjective des causes premières, oubliées dans la perception que la plupart des hommes ont de ce monde. Egaré parmi ces objets, un anneau d’or devient le symbole de cette redécouverte.
Les nombreuses illustrations de l’ouvrage, et sa couverture en couleur qui en résume l’esprit, forment elles-mêmes un ensemble visuel qui, s’il ne dispense pas de la lecture, donne à cet opus les airs d’une vraie collection d’objets. L’aspect ludique de ce projet a des limites. Les textes rassemblés dans ce recueil ont en commun le mariage d’une langue recherchée avec celle qui se complait dans sa valeur utilitaire — une langue étroitement objective, rehaussée par cette confusion. Ou victorieuse d’une parole poétique en détresse ?