Balzac n’était pas apprécié par Nabokov ; en dépit de la perception, commune aux deux écrivains, des effets pervers du mimétisme dans la société. L’un comme l’autre se tiennent à distance des remèdes proposés par la religion aux conséquences violentes du mimétisme. Pourtant, leur plume ravive une symbolique qui n’est pas étrangère au sacré ; avec des détails subtils qui, dans Lolita comme dans La Cousine Bette, se répartissent harmonieusement dans l’espace narratif. Ces caractéristiques, de même que le thème du mimétisme, se retrouvent dans le roman de Troyat La Grive, intégré dans une saga romanesque, et publié quelques mois après Lolita. L’admiration déclarée de Troyat pour Balzac, justifie la mise en parallèle de leurs œuvres. Et les préjugés de Nabokov à l’égard de Balzac ne résistent pas au décryptage des emprunts très probables de l’auteur de Lolita à celui de La Cousine Bette. L’intérêt de Nabokov pour Herman Melville, rend moins surprenantes les réminiscences de Billy Budd dans Lolita. Mais la malice qui les colore témoigne de l’originalité du romancier du XX^e  siècle.

Quoi qu’il en soit, cet ouvrage a l’ambition, fidèle au génie d’un Nabokov « mathématicien », de renverser les préjugés d’un autre ordre, relatifs à l’essence même de la littérature, souvent abordée sous un angle historique ou sociologique, qui occulte la « magie » des formes auxquelles elle doit son efficience.

Ce pouvoir de la littérature est d’ailleurs au centre des préoccupations de ces trois auteurs. La lecture successive de leurs œuvres permet de mieux sentir l’universalité d’un questionnement qui implique la contradiction sans âge qui hante notre conception de l’harmonie. La pédophilie, thème commun à ces trois œuvres, figure l’origine même de cette contradiction, émanée du père selon René Girard.