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La Poétique d’Aristote : des traductions aux poétiques. Les traductions de la Poétique d’Aristote du XVIe siècle à nos jours et le développement des poétiques européennes
: 31/10/2020
: Université de Trente (Italie)
: Paolo Tamassia
: paolo.tamassia@unitn.it
: Dipartimento di Lettere e Filosofia
Via Tommaso Gar, 14
38122 Trento
Italie
: https://r1.unitn.it/laborlet/letra/

Colloque international


La Poétique d’Aristote : des traductions aux poétiques.


Les traductions de la Poétique d’Aristote du XVIe siècle à nos jours et le développement des poétiques européennes.


Université de Trente, Italie, 4-5 mars 2021


L’histoire consignerait peu d’événements aussi beaux et aussi pathétiques que ce médecin arabe se consacrant à la pensée d’un homme dont quatorze siècles le séparaient ; aux difficultés intrinsèques s’ajoutait le fait qu’Averroës, ignorant du syriaque et du grec, travaillait sur la traduction d’une traduction. La veille, deux mots douteux l’avaient arrêté au seuil de la Poétique. Ces mots étaient tragoedia et comoedia. Il les avait déjà rencontrés, des années auparavant, au livre troisième de la Rhétorique ; personne dans l’Islam n’entrevoyait ce qu’ils voulaient dire. En vain, il avait fatigué les traités d’Alexandre d’Aphrodisie. En vain, compulsé les versions du nestorien Hunain ibn-Ishaq et de Abu Bashar Meta. Les deux mots arcanes pullulaient dans le texte de la Poétique : impossible de les éluder.

  1. L. Borges, La Quête d’Averroës


 

La Poétique d’Aristote est l’un des textes les plus importants pour la formation et le développement des poétiques occidentales. Ce texte, qui avait déjà suscité un très grand intérêt au Moyen-Âge, était connu grâce à ses traductions et ses commentaires en arabe. Cependant, vers la fin du XVIe siècle, lorsque le texte grec original est retrouvé et publié par Aldo Manuzio en 1508, un travail intense de traduction commence, en latin – de William de Moerbecke (1491) et Giorgio Valla (1498) à Bernardo Segni (1549) – et en langues vernaculaires (première traduction en toscan de Bernardo Segni en 1549). C’est à partir des traductions du texte aristotélicien qui se répandent progressivement en Europe que l’on commence à élaborer des commentaires, des observations, des traités, qui influencent sensiblement la réflexion esthétique, la formation du goût, la production artistique. À titre d’exemple, l’on peut penser à l’importance que prend la règle de l’unité d’action à l’époque de la Renaissance et du Baroque, par le biais des lectures de la Poétique effectuées par Agnolo Segni et Ludovico Castelvetro plutôt que du texte aristotélicien lui-même.

Or, si la littérature critique sur la réception de la Poétique est très vaste, beaucoup moins étendue est la réflexion sur l’influence des traductions en langues modernes sur cette même réception et, par conséquent, sur la pensée esthétique, sur le goût des différentes époques et traditions tout comme sur la conception des genres littéraires. Ce problème ne concerne pas que l’époque moderne : dans certains cas les traducteurs arabes avaient déjà modifié, voire déformé, la lettre du texte aristotélicien avec d’importantes conséquences sur la réflexion esthétique. C’est le cas du commentaire d’Averroès qui, sur la base d’une traduction inexacte, reliait tragédie et portée morale : cette connexion est absente dans le texte aristotélicien, mais elle sera fondamentale pour le développement des poétiques occidentales (et d’autres). Des critiques littéraires, tels qu’Antoine Compagnon et William Marx, ont montré, par d’intéressantes recherches sur certains mots-clés (tels que, par exemple, mimesis et catharsis), la nécessité d’études ponctuelles sur le rapport entre choix traductifs et déploiement des poétiques.

Le but de ce colloque est d’approfondir cette question en analysant les traductions des différentes périodes et aires linguistiques dans leur rapport avec la formation et la transformation des théories esthétiques, sans négliger leur relation avec l’élaboration des genres et des formes afin d’apprécier l’influence de « l’horizon traductif » (pour utiliser la terminologie bergmanienne) des traducteurs. Il s’agit donc d’observer, à travers l’analyse et la comparaison des textes sur un plan synchronique ou diachronique, comment certains choix traductifs de la Poétique (notamment en ce qui concerne des mots-clés ou des champs sémantiques) ont déterminé l’élaboration des poétiques littéraires du XVIe siècle à nos jours.

Ce colloque a l’intention de se situer dans une perspective pluridisciplinaire et se propose donc de réunir différentes typologies de chercheurs : spécialistes de littératures nationales, comparatistes, théoriciens de la littérature, traductologues, philologues, philosophes, qui s’intéressent aux traductions de la Poétique en langues modernes à partir du XVIe siècle (allemand, anglais, espagnol, français, italien). Parmi les axes de recherche, il est possible de proposer des contributions sur :

  • l’étude d’une seule traduction ;

  • la comparaison de deux ou plusieurs traductions éloignées dans le temps mais appartenant à la même aire linguistique ou de traductions de la même époque mais appartenant à des aires linguistiques différentes ;

  • l’analyse comparée des traductions de mots-clés ou de champs sémantiques ;

  • panoramas de traductions à l’intérieur d’une aire linguistique (ou d’une même époque à travers différentes aires linguistiques) ;

  • le rapport entre les traductions et les traités de poétique et d’esthétique.


 

Les propositions de participation au colloque pour une intervention de 20 minutes (en français ou allemand, anglais, italien, espagnol) sont à envoyer  avant le 31 octobre 2020 à l’adresse mail suivante letra.lett@unitn.it (un résumé de 300 mots maximum et une courte note bio-bibliographique). Une réponse sera donnée avant le 15 novembre 2020.
: Paolo Tamassia