parution
LA CHINE QUI NOUS DEVANCAIT
Auteur : Michel Arouimi
Langue : fr
Nom de l'auteur responsable de la parution : Michel Arouimi
EAN13 : 9791037002211
Éditeur : Hermann, Paris, 2019
Année de publication : Hermann, Paris, 2019
Michel Arouimi, La Chine qui nous devançait, Paris : Hermann, 2019, 326 p. (couv.ill. en coul.)
Dans les premiers chapitres de cet ouvrage, le point de vue des sinologues les plus influents est l’objet d’une critique, fondée sur un décryptage minutieux de textes fondateurs de la pensée chinoise. Ces spécialistes semblent en effet ajuster le contenu de ces textes au tour d’esprit qui caractérise notre époque, en proie à une « déconstruction » philosophique, dont les anciens Chinois, guidés par des « matérialistes athées » promouvant une « religion laïque », auraient été les devanciers. Cette vision ne résiste pas à une lecture de ces textes fondateurs, attentive à leur forme (dans les traductions les plus fiables) et bien sûr leur contenu. Le rapprochement des deux cultures mérite d’être envisagé sur un autre plan : la conscience aigüe des méfaits du mauvais mimétisme domine la réflexion des anciens Chinois, qui devance celle d’un René Girard (fanal de cette approche).
L’image que les sinologues, notamment français, proposent de la Chine ancienne servirait en fait les orientations politiques de l’Europe d’aujourd’hui. Les sinologues étrangers ne sont pas en reste, avec leur vision désacralisée de la pensée chinoise. Dans la partie suivante de cet ouvrage, les fondements religieux de cette pensée sont questionnés à partir de travaux purement anthropologiques, qui servent de grille de lecture à une interprétation de maints chefs-d’œuvre littéraires chinois (surtout poétiques).
L’enjeu comparatiste de cet ouvrage se précise dans une longue partie où la technique littéraire des grands poètes chinois se voit rapprochée de celle de Rimbaud. Cet éclairage à double sens implique la fonction de la littérature, considérée en Chine comme le médium d’une expérience spirituelle, qui n’a certes pas été vécue par Rimbaud comme par ses prédécesseurs chinois. Le silence condamnateur de Rimbaud ne s’est pas imposé pour les consciences chinoises, attachées au garde-fou spirituel que fournit leur propre tradition ; l’alchimie taoïste n’étant jamais (ou presque jamais), comme celle de Rimbaud, rendue à la dualité violente, que Rimbaud met en scène dans ses « Délires I », avant le bilan de son « Alchimie du verbe ».Quoi qu’il en soit, ce rapprochement est le prétexte d’une incursion dans la symbolique des textes chinois, dont la dimension autoréflexive ajoute à l’analogie qu’ils présentent avec ceux de Rimbaud. D’autres œuvres occidentales, comme celle de Kafka, connaisseur averti de la culture chinoise, mais encore un certain récit d’Herman Melville, exemplaire de sa curiosité pour l’Extrême-Orient ancien, permettent de reconsidérer le rapport Orient-Occident.
L’intérêt de Kafka pour la Chine a été, il y a plus de quatre décennies, le premier aiguillon de cette recherche dont l’auteur n’est pas un sinologue (même si la précision des analyses des textes longuement cités au cours de cet ouvrage, peut donner l’idée du contraire). Mais un ancien traducteur de poésie chinoise a évoqué les invariants de la condition humaine, qui atténuent les différences, certes réelles, entre les deux cultures. Le choix des auteurs occidentaux évoqués dans cette étude est encore motivé par les formes limites que prend l’harmonie imitative dans leurs œuvres qui, envisagées sur le plan graphique, suggèrent l’idée, proposée par Claudel, des « Idéogrammes occidentaux ».
Les grands poètes chinois, à commencer par l’auteur du Li Sao (au 3e siècle av. J.-C.) expriment l’ambiguïté de leur situation spirituelle, à travers des préoccupations politiques. Ces poètes questionnent en fait les fondements religieux de leur pensée, assumés malgré une intuition du rapport entre les principes de cette pensée (l’efficience de l’Un, fondement de la plupart des traditions) et ce que Girard appelle la « contradiction fondatrice ». Des œuvres tardives, au XVIIe siècle (avec le roman La Chair comme tapis de prière), servent pourtant une critique très violente de ces principes, qui rend la Chine encore plus proche de nous. Mais comment déterminer si les effets de miroir qui agitent le contenu et la forme même du texte (récit du poème) manifestent ces principes, ou bien s’ils expriment une division de l’être, commune à tous les hommes, et à laquelle réfèrent sur le mode symbolique les situations violentes de l’action rapportée ? La négation de ces principes dans l’Occident moderne est un écueil, dont les anciens Chinois se sont préservés. Et c’est une autre raison de les considérer aujourd’hui comme des modèles.
Dans les premiers chapitres de cet ouvrage, le point de vue des sinologues les plus influents est l’objet d’une critique, fondée sur un décryptage minutieux de textes fondateurs de la pensée chinoise. Ces spécialistes semblent en effet ajuster le contenu de ces textes au tour d’esprit qui caractérise notre époque, en proie à une « déconstruction » philosophique, dont les anciens Chinois, guidés par des « matérialistes athées » promouvant une « religion laïque », auraient été les devanciers. Cette vision ne résiste pas à une lecture de ces textes fondateurs, attentive à leur forme (dans les traductions les plus fiables) et bien sûr leur contenu. Le rapprochement des deux cultures mérite d’être envisagé sur un autre plan : la conscience aigüe des méfaits du mauvais mimétisme domine la réflexion des anciens Chinois, qui devance celle d’un René Girard (fanal de cette approche).
L’image que les sinologues, notamment français, proposent de la Chine ancienne servirait en fait les orientations politiques de l’Europe d’aujourd’hui. Les sinologues étrangers ne sont pas en reste, avec leur vision désacralisée de la pensée chinoise. Dans la partie suivante de cet ouvrage, les fondements religieux de cette pensée sont questionnés à partir de travaux purement anthropologiques, qui servent de grille de lecture à une interprétation de maints chefs-d’œuvre littéraires chinois (surtout poétiques).
L’enjeu comparatiste de cet ouvrage se précise dans une longue partie où la technique littéraire des grands poètes chinois se voit rapprochée de celle de Rimbaud. Cet éclairage à double sens implique la fonction de la littérature, considérée en Chine comme le médium d’une expérience spirituelle, qui n’a certes pas été vécue par Rimbaud comme par ses prédécesseurs chinois. Le silence condamnateur de Rimbaud ne s’est pas imposé pour les consciences chinoises, attachées au garde-fou spirituel que fournit leur propre tradition ; l’alchimie taoïste n’étant jamais (ou presque jamais), comme celle de Rimbaud, rendue à la dualité violente, que Rimbaud met en scène dans ses « Délires I », avant le bilan de son « Alchimie du verbe ».Quoi qu’il en soit, ce rapprochement est le prétexte d’une incursion dans la symbolique des textes chinois, dont la dimension autoréflexive ajoute à l’analogie qu’ils présentent avec ceux de Rimbaud. D’autres œuvres occidentales, comme celle de Kafka, connaisseur averti de la culture chinoise, mais encore un certain récit d’Herman Melville, exemplaire de sa curiosité pour l’Extrême-Orient ancien, permettent de reconsidérer le rapport Orient-Occident.
L’intérêt de Kafka pour la Chine a été, il y a plus de quatre décennies, le premier aiguillon de cette recherche dont l’auteur n’est pas un sinologue (même si la précision des analyses des textes longuement cités au cours de cet ouvrage, peut donner l’idée du contraire). Mais un ancien traducteur de poésie chinoise a évoqué les invariants de la condition humaine, qui atténuent les différences, certes réelles, entre les deux cultures. Le choix des auteurs occidentaux évoqués dans cette étude est encore motivé par les formes limites que prend l’harmonie imitative dans leurs œuvres qui, envisagées sur le plan graphique, suggèrent l’idée, proposée par Claudel, des « Idéogrammes occidentaux ».
Les grands poètes chinois, à commencer par l’auteur du Li Sao (au 3e siècle av. J.-C.) expriment l’ambiguïté de leur situation spirituelle, à travers des préoccupations politiques. Ces poètes questionnent en fait les fondements religieux de leur pensée, assumés malgré une intuition du rapport entre les principes de cette pensée (l’efficience de l’Un, fondement de la plupart des traditions) et ce que Girard appelle la « contradiction fondatrice ». Des œuvres tardives, au XVIIe siècle (avec le roman La Chair comme tapis de prière), servent pourtant une critique très violente de ces principes, qui rend la Chine encore plus proche de nous. Mais comment déterminer si les effets de miroir qui agitent le contenu et la forme même du texte (récit du poème) manifestent ces principes, ou bien s’ils expriment une division de l’être, commune à tous les hommes, et à laquelle réfèrent sur le mode symbolique les situations violentes de l’action rapportée ? La négation de ces principes dans l’Occident moderne est un écueil, dont les anciens Chinois se sont préservés. Et c’est une autre raison de les considérer aujourd’hui comme des modèles.