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A. Gursky, Frankfurt Airport (2012)
Inquiétude sur la place des littératures comparées 
À l’heure où se clôt la campagne de recrutement dans les départements de lettres et d’humanités des Universités françaises, peut-être est-il temps de nous demander ce qu’elle nous a appris de la place que tiennent aujourd’hui les littératures comparées dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche. 

En 2019, vingt-trois postes de Maître ou Maîtresse de conférences ont été proposés sur Galaxie dans les disciplines littéraires. Parmi ceux-ci, un poste réunissait neuvième et dixième sections et deux s’inscrivaient uniquement en dixième section. Vingt postes apparaissaient en neuvième section mais sept d’entre eux étaient en réalité des postes consacrés à la préparation des concours, aux techniques d’expression, à la didactique du français… La campagne pour les postes d’ATER, particulièrement riche cette année, montre la même disproportion historique entre les deux sections et témoigne évidemment de la crise universitaire actuelle. À nos yeux, ces chiffres n’intéressent pas que les docteurs sans postes : ils doivent préoccuper l’ensemble des membres de la SFLGC tant leurs implications sont larges. 

Il en va bien entendu de l’équilibre des enseignements dans les départements de lettres et l’on aimerait savoir quelle est la place des littératures comparées dans les plaquettes de Licence et Master. À titre d’exemple, elles représentent 10% des crédits aux Semestres 3, 4, 5 et 6 de la Licence de Lettres de l’Université A qui n’a pas de Master Recherche en littératures ni de Master Enseignement MEEF 2. Pour une Université plus importante comme la B, les littératures comparées représentent 20% des ECTS du S2, une option de parcours pour les S3 et 4, moins de 25% des ECTS pour les S5 et 6. 

Nous considérons évidemment que le plus préoccupant est bien la qualité, la modernité et l’ouverture des programmes proposés aux étudiants. Néanmoins, il en va aussi de l’avenir de notre recherche : moins d’enseignants, moins d’étudiants, moins de docteurs. Nos laboratoires ont ouvert la voie aux nouvelles théories des départements de littératures comparées du monde entier : nous nous devons donc de les défendre. 

Or, faire une campagne, recevoir les listes de postes publiés sur Galaxie, préparer les auditions offre aux jeunes docteurs un point de vue tout à la fois interne et externe sur plusieurs Universités : nous aimerions vous en faire part afin que tous les adhérents s’approprient nos préoccupations car elles nous concernent tous. 

Ainsi par exemple, le constat que les postes de MCF dédiés à améliorer le niveau d’expression des étudiants sont destinés en priorité aux docteurs en neuvième section nous interpelle car il semble diminuer considérablement la valeur de notre diplôme. Que dire alors du fait que nombre d’enseignants sans doctorat soient préférés à des jeunes docteurs en littératures comparées jugés trop spécialistes pour des postes de PRAG/PRCE qui visent la remise à niveau des étudiants ? 

Aux yeux de nombre d’entre nous, ces situations ne sont que les symptômes d’une réalité contre laquelle les sociétés savantes devraient s’insurger. Notre sujet est bien scientifique : quelle Université acceptons-nous de construire ? Des chercheurs et enseignants temporaires, précaires, ou occupés à plein temps par un autre métier seront-ils à la hauteur ? L’inquiétude est bien là : nous nous devons tous d’être vigilants, militants, pour défendre l’Université et, en son sein, l’esprit, les oeuvres et les méthodes des littératures comparées qui ont tant de sens dans le monde contemporain. 
: Jeunes docteurs inquiets