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In memoriam Henry H. H. Remak

In memoriam Henry H. H. Remak




Henry (eitch eitch) Remak est décédé le 12 février 2009, à l'âge de 92 ans. Il était une des personnalités les plus actives de l'Association internationale de littérature comparée, doté à la fois d'une grande Belesenheit et d'un tempérament plein d'humour, le tout joint à un remarquable esprit d'organisation.


Né en 1916 à Berlin dans une famille juive, ayant dû émigrer aux Etats-Unis en 1936, connaissant bien la civilisation et la littérature françaises (il étudia à Montpellier et à Lille), il fit l'ensemble de sa carrière de comparatiste à l'université d'Indiana, à Bloomington. S'intéressant plus spécialement au réalisme et au roman (en particulier à Theodor Fontane, dont il a fait un splendide commentaire de la promenade qu'Effi Briest et Crampas font au chapitre 17 du roman), il avait aussi, dès 1945, publié à Bloomington les Œuvres d'un poète et dessinateur français aujourd'hui totalement oublié, Charles-Michel Campion (1734-1784).

Au sein de l'AILC, il fut, avec son ami Jacques Voisine, un des principaux et inlassables responsables et animateurs de l'Histoire comparée des littératures de langues européennes, projet lancé en 1967 ; il mit notamment sur pied un colloque de travail intensif à Bellagio, en août 1979, réunissant 15 comparatistes de tous pays : ce colloque, dont les conclusions ont été publiées dans la revue hongroise neohelicon (vol. VIII/2, 1981), permit non seulement de mesurer les tâches (et les difficultés) d'une « histoire littéraire comparée », mais aussi de mettre en évidence plusieurs domaines à exploiter par les comparatistes ; certaines propositions seraient d'ailleurs sans doute à reconsidérer.

Henry Remak était un humaniste, qui pensait que l'activité du chercheur en littérature était inséparable de la volonté de faire comprendre et aimer ce dont il parlait, et qui, par conséquent, exigeait une rédaction claire et intelligible. Il accordait beaucoup d'importance aux questions de langue ; qu'il me soit alors accordé, au terme de ce bref hommage, de renvoyer à l'article qu'il a consacré à « Victor Klemperer, romaniste/comparatiste allemand, protestant, juif sous les nazis », qui a analysé la langue du IIIe Reich, la LTI (Lingua Tertii Imperii) : il y montre le type de combat qu'un philologue persécuté peut mener en étudiant les manipulations qu'un pouvoir totalitaire fait subir à une langue (D. Chauvin et P. Brunel [dir.], 1939 dans les lettres et les arts, PUF, 2001, 61-78).

Je crois que notre discipline et, au-delà, les études littéraires doivent beaucoup à H. H. H. Remak.

Yves Chevrel