soutenance

Comparée « Une préférence pour la douceur. Récit(s) de la caresse à l’époque contemporaine. Histoire, esthétique et poétique en bande dessinée et littérature. Domaines anglo-saxon, américain, francophone, germanophone et italien. »
: Irène Le Roy Ladurie
: Université de Bourgogne - Dijon - Bâtiment Droit-Lettres - Salle du conseil des Lettres
: 10/12/2021
Chers et chères collègues,

Je soutiendrai ma thèse de Littérature Comparée « Une préférence pour la douceur. Récit(s) de la caresse à l’époque contemporaine. Histoire, esthétique et poétique en bande dessinée et littérature. Domaines anglo-saxon, américain, francophone, germanophone et italien. » conduite sous la direction de M. Henri Garric, dans le cadre et avec le soutien du CPTC à l’Université de Bourgogne.

La soutenance aura lieu à l’Université de Dijon (Esplanade Erasme), le vendredi 10 décembre à 14h dans la salle du conseil des Lettres (bâtiment Droit-Lettres, rez-de-chaussée). La soutenance se tiendra en présence du jury suivant :

Laurent Demanze (Grenoble-Alpes), professeur des Universités en Littérature Française – rapporteur
Henri Garric (UBFC), professeur des Universités en Littérature Comparée – directeur de thèse
Denis Mellier (Université de Poitiers), professeur des Universités en Littérature comparée – examinateur
Jean-Philippe Pierron (UBFC), professeur des Universités en Philosophie – examinateur
Clotilde Thouret (UL), professeure des Universités en Littérature comparée – rapporteure
Sophie Stokes-Aymes (UBFC), Maîtresse de Conférences en Langue Anglaise – examinatrice
Un lien de visioconférence sera mis en place. Si vous souhaitez recevoir le lien, merci de me le signaler, afin que je vous l’envoie le jour-même.

Résumé de la thèse:
En 1977, sur le plateau d’Apostrophes, Roland Barthes sonnait le glas de l’amour-passion comme figure amoureuse, en déplorant sa « solitude » dans les grands systèmes de compréhension du monde. Depuis, la période contemporaine qui s’étend des années 1980 à nos jours ne cesse de voir apparaître des études sociologiques et anthropologiques qui signent la fin du sentiment amoureux, tel que nous le connaissions. Il aurait changé de forme et n’apparaîtrait plus que sous un aspect minimal d’attachement réciproque. Fragilisé par la clôture de l’individualisme et l’ouverture des possibles amoureux, l’amour-passion n’exciterait plus. Partant, la représentation du désir amoureux et charnel, l’érotisme, sujet pourtant vendeur, aurait disparu au profit d’un sentiment « pornographique » diffus qui correspondrait davantage au régime contemporain de la disponibilité infinie des corps et des désirs. Celui-ci aurait infusé l’art du récit d’amour et du récit de soi, provocant un excès d’exhibition et la recherche d’une « transgressivité » (trash, obscénité) sans authentique transgression. Cette thèse prend acte du décloisonnement de la matière érotique hors des frontières du genre. Ce décloisonnement s’accompagne d’une mutation profonde de la transgression attachée à l’érotisme, telle qu’elle fut conçue par Georges Bataille. La grande passion qui conduit à la fusion des âmes et des corps cède la place à des individus détachés, s’attachant provisoirement aux douceurs de la sexualité. La confrontation tragique des principes d’eros et thanatos ne dévoile plus les éclats noirs et sidérants de la jouissance. Il semblerait qu’un triste refroidissement lié à la banalité du sexe et de ses représentations ait frappé le désir et l’amour. Au contraire de constater un puissant désir d’érotisme, ses aspects « pornographiques » donneraient lieu à un rejet critique, par les discours féministes notamment. L’amour érotique devient le lieu d’un renouveau des discours politiques qui y traquent les pièges de la domination, de la fétichisation et de l’exclusion. Les luttes féministes et LGBT y prennent une grande part. Les discours sur l’amour réclament une nouvelle éthique des rapports amoureux et érotiques. L’érotisme serait devenu dans les récits une intensité faible, produit de la disponibilité et de la simplicité de son accès. Dévalué, il serait l’objet au mieux de réplétion, au pire de suspicion. Ni célestes, ni morbides, les plaisirs sensuels de l’amour se dissolvent dans des histoires dont l’action principale n’est pas nécessairement le jouir. Cette thèse prend le parti d’enquêter sur la présence, la ou les significations et enfin l’esthétique d’un de ces signes faibles d’amour, de sensualité et de tendresse : la caresse. Plus que jamais le geste de la caresse apparaît comme un angle d’étude de nouveaux discours sur l’amour et l’érotisme. Plaisir sensible purement gratuit, il n’est pas nécessairement guidé par le désir de transgression ou la soif de dévoration. Geste chargé d’une signification éthique, elle apparaît comme une incarnation d’un amour réciproque de soi et de l’autre, un geste d’attachement sans fusion. En tant que lien provisoire et fragile, elle fait signe vers une pensée du care, réitérant à chaque fois l’amour de l’autre et l’amour de soi : la caresse fait plaisir à donner, autant qu’elle en provoque. La caresse, comme signe faible du désir et du plaisir, apparaît comme porteuse des nouvelles conditions des récits érotiques : objet glissant, elle n’est pas assignable à un seul code générique ou à un seul type de narration, objet métaphorique, elle se vêt de significations multiples et ne se fige pas dans une rhétorique fixe de l’amour. Elle impose un nouveau regard sur les récits de l’amour. L’étude se fonde sur un ensemble de narrations littéraires et graphiques, autobiographiques, autofictionnelles, érotiques et réalistes en allemand, en anglais, en français et en italien des années 1980 à 2019.
: Irène Le Roy Ladurie