appel

Colloque « La littérature, Vanity Fair ? »
: 20/06/2025
: Rennes
: Groupe Phi
: groupephirennes2@gmail.com
: Rennes
: https://sites-recherche.univ-rennes2.fr/cellam/

Appel à communication


Colloque international, CELLAM, Groupe Phi (Université Rennes 2)


en collaboration avec le LIS (UPEC)


22-24 octobre 2025


« La littérature, Vanity Fair ? »


Dans le roman Vanity Fair publié en 1846, l’écrivain anglais Thackeray brosse un portrait de la société anglaise du XIXe siècle avec ironie et mordant, dans une perspective sensiblement morale qui souligne l’attachement vain des hommes et des femmes aux choses du monde, en particulier à l’argent qui les obsède. Ces personnages seraient en effet bien plus avisés de lire des romans comme celui que le lecteur tient entre ses mains : en effet, par le regard acéré que Thackeray porte sur le monde, il démontre que la lecture romanesque est loin d’être un loisir futile mais a une valeur propre pour les lecteurs et lectrices qui seront capables de dépasser les illusions mondaines. Dans la même veine, quelques années plus tard, un journal satirique reprend également le titre Vanity Fair de 1868 à 1914 usant de la caricature pour décrypter et dénoncer les postures et vanités de personnalités importantes de l’époque. Pourtant, et paradoxalement, Vanity Fair est aussi devenu le titre d’un magazine mondialement connu, cultivant une esthétique glamour, dans lequel les enjeux de l’actualité politique côtoient la mode, la culture populaire et d’autres sujets plus légers : la vanité n’y est plus décriée mais revendiquée comme une valeur de distinction.

Le regard porté sur les vanités et les vertus des êtres humains en société est versatile, il ne cesse de jouer d’une dialectique pour dénoncer des travers et valoriser d’autres engagements, dialectique que nous retrouvons dans les arts et la littérature. En effet, dans toute l’histoire de la littérature, le soupçon pèse sourdement que la création littéraire serait chose vaine, inconsistante, inessentielle face aux nécessités communes. Ce regard distancié a pris des formes différentes selon les époques, d’une réduction à l’ornementation, au divertissement, à l’apparat, voire à l’erreur : outrepassant même l’accusation de vanité, la littérature pourrait être nocive pour les hommes et les femmes qui s’y adonnent. En contrepoint, se sont érigées au fil des siècles des « défenses et illustrations » des vertus de la littérature, de ses pouvoirs et contrepouvoirs, de ses valeurs propres (notamment par rapport à d’autres formes de discours ou d’autres arts). Ces questionnements sont anciens : on les lit dès la République de Platon et chez les détracteurs de la fiction romanesque au XVIIe siècle. Ainsi, une réflexion théorique sur les vertus et la vanité de la littérature pourrait sembler inactuelle. Nous assumons toutefois le caractère intempestif de notre questionnement, en raison même de la persistance de ce débat qui ne cesse de ressurgir en se remodelant en fonction des époques, y compris dans la période contemporaine. Il nous suffit de penser à l’épidémie récente du COVID 19 qui a fait renaître cette dialectique sous la forme d’un débat médiatique et politique : les entreprises culturelles comme les librairies devaient-elles être autorisées à rester ouvertes pendant le confinement ? Les livres étaient-ils des biens essentiels ou bien seulement accessoires pour traverser cette crise sanitaire ?

Le colloque « La littérature, Vanity Fair ? » porté par le Groupe Phi au sein du CELLAM entend revenir à ces termes de vertus et de vanité de la littérature, en embrassant leur tressage dialectique au fil de l’histoire littéraire et sociale : il vise précisément à interroger la pertinence de qualités réputées anciennes et historiquement situées, à envisager à nouveaux frais leur fécondité théorique et à questionner pouvoirs et valeurs de la littérature dans une perspective résolument transséculaire. Cette réflexion théorique sur la création littéraire mais aussi la diffusion des livres et leur articulation à la société, à la politique ou à la morale est bien un enjeu contemporain souligné par des publications critiques récentes qui reviennent avec insistance sur les pouvoirs et les possibles de la littérature, sur l’affirmation d’un lien renoué entre la littérature et le monde : citons par exemple Alexandre Gefen qui réfléchit à la manière dont la littérature peut Réparer le monde (2017) ou Justine Huppe qui dépoussière la pensée d’un engagement littéraire dans l’analyse d’une Littérature embarquée (2023). Ces travaux se situent plus largement dans un contexte contemporain où la défense des vertus de l’étude des œuvres littéraires (de leur histoire, de leur poétique comme de leurs esthétiques), la défense des vertus des humanités ne sont jamais assurées : le soupçon de vanité les touche aussi, quand l’attaque n’est pas plus virulente encore pour moquer leur inutilité ou dénoncer leur nocivité. Pourtant, une revendication de la vanité de la littérature se joue aussi dans un autre sens, comme un espace préservé, qui échappe aux discours utilitaristes. Nous pouvons prendre ainsi pour exemple deux ouvrages collectifs publiés à la Fabrique où des écrivain.e.s réfléchissent à la place de la littérature, valorisant soit les vertus de la poésie (« Toi aussi, tu as des armes ». Poésie et politique, 2011), soit la liberté de la littérature face aux injonctions d’utilité (Contre la littérature politique, 2024).

Il nous faut analyser ces discours de défense comme de contestation des vertus et de la vanité de la littérature en réhistoricisant ces questionnements contemporains, dans l’épaisseur de l’histoire littéraire, pour saisir les évolutions en cours, leurs nécessités comme leurs échecs possibles en regard des débats du passé. Il est également nécessaire d’explorer les possibilités sémantiques de ces notions anciennes et polysémiques : la vertu renvoie au courage, à l’idée de résistance mais également à une efficience ou une morale tandis que la vanité se lie au vide, à l’absence ou à la futilité, voire à la faute morale, mais le terme peut aussi être le pivot d’une affirmation de liberté et de plaisir. A partir de là, nous nous interrogerons ainsi sur les limites de l’effet pragmatique que l’on peut accorder à la littérature : faut-il nécessairement envisager les œuvres littéraires à l’aune de leur effectivité ? Si elles se révèlent ou s’affichent vaines, sera-ce forcément une lacune et une défectuosité ? La vanité peut-elle constituer un régime voulu, à distinguer d’une nocivité du littéraire ?

Ce projet se situe tout à la fois dans le prolongement et dans le renouvellement des travaux antérieurs du Groupe Phi (Groupe de recherche en poétique historique et comparée) qui s’interroge sur les usages de certains termes dans la critique littéraire (particulièrement du vocabulaire philosophique, moral, politique) dans une démarche transhistorique et transdisciplinaire. Le colloque organisé en octobre 2025 sera la conclusion du programme quadriennal consacré aux notions de vertus et de vanité de la littérature. Ce colloque se donnera plus précisément comme objectifs dans ce dernier temps de son programme directeur :

-analyser plus finement les débats contemporains défendant les vertus de la littérature ou au contraire attaquant sa vanité grâce à une mise en perspective historique ;

-construire une approche comparatiste et pluridisciplinaire (historique, philosophique, sociologique, anthropologique, écologique, etc.) qui permette de repenser la place de la littérature dans la société ;

-confronter les discours tenus sur la littérature, du côté de la critique littéraire comme du pouvoir et de l’opinion, pour réfléchir à la place politique et sociale des humanités ;

-décentrer aussi le discours critique sur la littérature en investissant des études de cas où la circulation des œuvres littéraires est fortement conditionnée par des situations de minorités sociales, économiques mais aussi culturelles (comme les littératures autochtones).

 

Les propositions de communication (3 500 caractères) sont attendues pour le 20 juin 2025 accompagnées d’une présentation bio-bibiographiques. Elles seront envoyées à l’adresse suivante : groupephirennes2@gmail.com (avec en copie charline.pluvinet@univ-rennes2.fr).

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Comité d’organisation :

Gaëlle Debeaux, Audrey Giboux, Charline Pluvinet (CELLAM, groupe Phi, Université Rennes 2), Anne Teulade (LIS, Université Paris-Est Créteil)

Comité scientifique :

  • René Audet, Université Laval

  • Hugues Azérad, University of Cambridge

  • Hélène Baty-Delalande, Université Rennes 2

  • Emmanuel Bouju, Université Sorbonne Nouvelle

  • Nicolas Corréard, Nantes Université

  • Anne Debrosse, Université de Poitiers

  • Maëline Le Lay, CNRS

  • Joana Maso, Université de Barcelone

  • Yolaine Parisot, Université Paris-Est Créteil

  • Martin Rueff, Université de Genève

  • Denis Saint Amand, Université de Namur

  • Judith Sarfati Lanter, Sorbonne Université

  • Dominique Vaugeois, Université Rennes 2

: Groupe Phi, CELLAM, Université Rennes 2