événement

Colloque « Etrangeté des langues », St Etienne, 13-15 janvier 2010. Appel à communications

L'étrangeté des langues

Université Jean Monnet Saint-Étienne

13, 14 et 15 janvier 2010




Dans le cadre du contrat quadriennal sur l'Étrangeté, le CEP, Centre d'Études Comparatistes (membre du Centre d'Études sur les Littératures Étrangères et Comparées) organise un colloque sur l'étrangeté des langues les 13, 14 et 15 janvier 2010.

Il s'agit d'examiner des œuvres (littéraires surtout, mais le cinéma n'est pas à exclure), dans lesquelles l'étrangeté est fondée sur des phénomènes ou des comportements spécifique-ment linguistiques. Les manifestations étant fort nombreuses, nous retiendrons essentiellement les champs d'investigation suivants, qui pourront constituer des ateliers du colloque :




- Atelier 1 : Confrontation des langues

La langue étrangère peut être mise en confrontation avec la langue première du texte. On crée ainsi des œuvres bilingues ou plurilingues en insérant l'étrange au cœur même du texte, par voie de citation ou, plus souvent, en mettant en scène des confrontations proprement linguistiques. Cela arrive surtout dans des œuvres où le rapport avec des étrangers ou des pays étrangers est fondamental. Ainsi, de grands textes historiques et anthropologiques donnent à connaître le barbare à travers la transcription de sa langue étrange et étrangère, chez les voya-geurs antiques (Hérodote) comme chez les voyageurs modernes (Claude Lévi-Strauss et Tristes tropiques en particulier). Dans le registre postcolonial, on peut penser à tous les phé-nomènes de métissage des langues européennes, à commencer par le créole, si tant est qu'on le considère comme une langue mélangée. C'est le cas de l'anglais du Nigérian Amos Tutuola (The Palm-Wine Drinkard), fortement marqué par le yoruba : calques syntaxiques ou lexicaux, adaptation de l'ordre des mots anglais à la phrase yoruba ou celui de son compatriote Ken Saro-Wiwa dans Sozaboy, roman écrit dans un « anglais pourri » (« rotten English »), un mélange de pidgin nigérian, dégradé mais aussi idiomatique, d'emprunts aux langues nigé-rianes et de créations originales. Le même phénomène s'observe dans le français « malinkisé » d'Ahmadou Kourouma ou le portugais « bantouisé » de José Luandino Vieira. Les langues entrent également en contact chez les écrivains vivant entre deux langues (S. Beckett, H. Bianciotti, Yôko Tawada...) et cette confrontation intérieure revêt une valeur identitaire. Le rapport à la langue étrangère

- acclimatée au point d'être familière

- induit des effets d'inquiétante étrangeté car il renvoie à l'intimité la plus profonde, notamment celle de la langue maternelle.



- Atelier 2 : Inventions linguistiques et langues inventées

La langue première peut également être rendue étrange, par l'incorporation de néolo-gismes, lesquels sont parfois érigés en principe poétique. Le paradigme est ici certainement constitué par les mots porte-manteaux du Jabberwocky de Lewis Carroll, qui mène en droite ligne au Finnegans Wake (James Joyce), ce dernier ayant trouvé des « continuateurs » dans diverses littératures (tel Arno Schmidt en Allemagne). Les langues secrètes introduisent dans le récit de fiction une tonalité mystérieuse, dont l'une des premières occurrences est peut-être à trouver dans le mystérieux « Mané thécel pharès » (Daniel, 5, 25), mais elles apparaissent aussi dans des récits d'espionnage (sous forme de mots de passe, de shibboleths) ou des œuvres burlesques (que l'on pense au langage des médecins chez Molière ou aux propos des ambassadeurs barbares dans Les Oiseaux d'Aristophane).

L'invention linguistique peut encore revêtir d'autres formes : ainsi la poésie dite « ma-caronique », l'intégration de l'argot chez Eugène-François Vidocq et Eugène Sue, le néo-français de Raymond Queneau, le novlangue (newspeak) de George Orwell (1984) ou le nas-dat d'Antony Burgess (A Clockwork Orange). L'étrangeté de ces langues mixtes serait à étu-dier aussi sous des angles divers (linguistique, rhétorique, psychanalyse...).

Manifestation radicale de l'étrangeté, certaines langues sont de pures inventions à l'instar des « conlangs » (de l'anglais, constructed language), qu'il s'agisse des uglossies des XVIIe-XVIIIe siècles ou des langues imaginées par John Ronald Reuel Tolkien dans le cadre de ses récits fantastiques. On peut également songer aux langues imaginaires, qui entretien-nent, de près ou de loin, des rapports avec les théories linguistiques, aux ouvrages de « lin-guistique-fiction » tels The Languages of Pao de Jack Vance ou The Dumb House de John Burnside. Il conviendra alors de s'interroger sur les modalités de la production de l'étrangeté par l'insertion d'une langue imaginée dans le texte fictionnel (ou le film) et son traitement diégétique.



- Atelier 3 : Réception, traduction, apprentissage de la langue

La confrontation à l'étrangeté d'une langue est également constitutive du processus d'apprentissage, que ce soit de la langue maternelle ou d'une langue seconde. Sans négliger la dimension didactique, on s'intéressera aux scènes d'apprentissage linguistique au sens large, c'est-à-dire incluant entre autres par exemple les efforts de traduction, d'interprétation d'un personnage, ou son échec à comprendre dans :


- la littérature de fiction (que ce soit une pièce de Shakespeare ou un récit pour enfant),


- dans le genre autobiographique (rapports à la langue maternelle ou à une langue étrangère, éventuellement langue de l'exil),


- dans les récits d'écrivains-voyageurs confrontés à la langue de l'autre, avec ou sans « truchement ».


Les propositions de communication (1 page maximum) sont à adresser à Yves Clavaron d'ici le 1er mai 2009 :

yves.clavaron@univ-st-etienne.fr

Merci de préciser l'atelier dans lequel s'inscrirait la proposition et de fournir une courte notice bio-bibliographique (institution de rattachement, adresse, publications récentes...)