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Appels à communications – Journée d’étude littératures autochtones
Date de l'échéance : 31/10/2024
Lieu de l'événement : Université de Lille
Nom de l'organisateur : Julie Fromont, Paul Dirkx
Email de l'organisateur : julie.fromont@univ-lille.fr
Site web de référence : https://www.fabula.org/actualites/122424/qu-as-tu-fait-de-mon-pays-l-engagement-litteraire.html
« Qu’as-tu fait de mon pays ? »
L’engagement littéraire des littératures autochtones contemporaines au Québec
Journée d’étude organisée par
Julie Fromont et Paul Dirkx (ALITHILA, ULR 1061)
Université de Lille, site Pont de Bois, Maison de la recherche, bâtiment F,
3 avril 2025
« Dans mon livre, il n’y a pas de parole de blanc. Quand j’ai songé à écrire pour défendre ma culture et la culture de mes enfants, j’ai d’abord bien réfléchi, car je savais qu’il ne fait pas partie de ma vie à moi d’écrire » : tels sont les premiers mots de l’essai pamphlétaire d’An Antane Kapesh paru en 1976 et traduit par José Mailhot (Kapesh, 1976). Œuvre littéraire pionnière de l’écriture en innu-aimun rééditée en 2019 et préfacée par l’écrivaine innue Naomi Fontaine, Je suis une maudite sauvagesse demeure l’un des emblèmes, si ce n’est le déclencheur de l’émergence des littératures autochtones au Québec au crépuscule du XXe siècle. L’autrice et femme politique innue An Antane Kapesh s’érige en porte-parole des peuples des Premières Nations qui, avec les Inuits et les Métis, représentent aujourd’hui plus d’un million de personnes disséminées à travers le Canada. Ces premiers habitants appelés à tort « Indiens » dans ce « Nouveau Monde » institué comme un territoire à conquérir et à investir par les premiers colons européens du XVIe siècle, se revendiquent eux-mêmes comme étant essentiellement définis par leur existence originelle et antérieure à la présence européenne au Canada, nom d’origine iroquoise signifiant « la Terre ».
Ainsi, les communautés autochtones d’Amérique du Nord, évincées du récit historique et assignées au silence par la doxa (post)coloniale, ont décidé vers 1975 de prendre la parole et de s’emparer de l’écriture comme outil de revendication de leurs droits. C’est à la suite de diverses réformes ayant pour but d’invisibiliser (Côté, 2018) encore un peu plus leur culture – pensons au Livre Blanc de 1969 (Lany, 2018) – que des prises de position des communautés ont émergé en de nombreux endroits du territoire et qu’un foisonnement contestataire, notamment littéraire, est apparu dans les années 70 s’ancrant dans le mouvement des Native American Civil Rights initié par l’écrivain amérindien Navarre Scott Momaday. Vingt ans plus tard, on constate une renaissance du mouvement qui semble trouver son apogée cette dernière décennie, à un moment où maisons d’édition, salons du livre spécialisés et exportations d’œuvres – de la poésie à la fiction, en passant par le slam et le rap – ne cessent de se multiplier. Kapesh envisageait son œuvre comme un acte de résistance, quand Rita Mestokosho, poète pionnière innue et également militante, prenait la défense de la rivière Romaine, menacée d’exploitation industrielle (Mestokosho, 1995). Plus tard, il y aura Joséphine Bacon, cette « survivante d’un récit qu’on ne raconte pas » (Bacon, 2009) qui se dresse en passeuse de messages poétiques face aux effets de l’idéologie coloniale de la terra nullius (Bibeau, 2023). Aussi les décennies au tournant du XXIe siècle ont-elles été marquées globalement par un engagement culturel vécu comme existentiel.
La question qui animera notre journée d’étude sera de savoir ce qu’il en est depuis, de mieux comprendre l’évolution de ce corpus qui se traduit, au-delà de l’hybridité polymorphique (notamment linguistique) par une exploration de genres nouveaux aux résonances « post-contemporaines ». Si le processus de réconciliation entamé dans les années 2000 et renforcé par les gouvernements de Justin Trudeau a certes contribué à une certaine avancée dans la mise en lumière de ces communautés victimes d’innombrables mesures et projets d’assimilation culturelle, l’effervescence nouvelle est surtout due à une mobilisation croissante et convergente d’artistes et d’écrivains des Premières Nations. Des autrices contemporaines telles que Marie-Andrée Gill et Natasha Kanapé Fontaine innovent de nos jours par une poésie profondément empreinte d’une volonté de s’inscrire dans la tradition tout en s’ouvrant aux différents enjeux culturels et littéraires tournés vers l’avenir. Les années de recensement et d’anthologies d’autrices et d’auteurs à travers les communautés sont révolues : ils existent aujourd’hui par eux-mêmes et pour eux-mêmes, dans une logique d’autonomisation littéraire dont la dynamique est mondiale (Casanova, 1999) et qui semble associée à un processus local d’« autohistoire » (Sioui, 1989). Il s’agira, à travers des analyses de textes sensibles à leurs conditions d’engendrement sociolittéraires, de continuer à s’interroger sur la place des questions identitaires et sociopolitiques dans les productions autochtones littéraires au Québec. Mais on se posera aussi et surtout, sans présupposer quelque ère nouvelle, la question de savoir dans quelle mesure l’autonomisation littéraire reformule les revendications culturelles, notamment en reconfigurant ou en innovant les modalités scripturales. Si les diverses œuvres sont toujours autant de prises de position, au sens d’une affirmation de soi qui reste de mise car intrinsèque à l’acte d’écriture pour les principaux concernés, on analysera dans quelle mesure elles tendent à privilégier un engagement moins identitaire que littéraire sous l’effet d’un champ littéraire contemporain, plurilingue – notamment francophone – et interculturel. On tentera de rapporter ces questions au fait que les textes, en mêlant divers outils et formes artistiques modernes, ont tendance à remodeler certaines pratiques ancestrales, motivées par la nécessité de perpétuer les traditions pour les faire survivre.
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Les propositions pour une communication de 25 minutes de 2000 à 3000 signes, accompagnées d’une notice bio-bibliographique (comportant aussi adresse, adresse courriel, numéro de téléphone et rattachement institutionnel), sont à envoyer jusqu’au 1er novembre 2024 à
julie.fromont@univ-lille.fr et paul.dirkx@univ-lille.fr.
Une réponse sera envoyée le 30 novembre 2024. Les communications seront publiées dans un numéro de revue avec comité de lecture.
L’engagement littéraire des littératures autochtones contemporaines au Québec
Journée d’étude organisée par
Julie Fromont et Paul Dirkx (ALITHILA, ULR 1061)
Université de Lille, site Pont de Bois, Maison de la recherche, bâtiment F,
3 avril 2025
« Dans mon livre, il n’y a pas de parole de blanc. Quand j’ai songé à écrire pour défendre ma culture et la culture de mes enfants, j’ai d’abord bien réfléchi, car je savais qu’il ne fait pas partie de ma vie à moi d’écrire » : tels sont les premiers mots de l’essai pamphlétaire d’An Antane Kapesh paru en 1976 et traduit par José Mailhot (Kapesh, 1976). Œuvre littéraire pionnière de l’écriture en innu-aimun rééditée en 2019 et préfacée par l’écrivaine innue Naomi Fontaine, Je suis une maudite sauvagesse demeure l’un des emblèmes, si ce n’est le déclencheur de l’émergence des littératures autochtones au Québec au crépuscule du XXe siècle. L’autrice et femme politique innue An Antane Kapesh s’érige en porte-parole des peuples des Premières Nations qui, avec les Inuits et les Métis, représentent aujourd’hui plus d’un million de personnes disséminées à travers le Canada. Ces premiers habitants appelés à tort « Indiens » dans ce « Nouveau Monde » institué comme un territoire à conquérir et à investir par les premiers colons européens du XVIe siècle, se revendiquent eux-mêmes comme étant essentiellement définis par leur existence originelle et antérieure à la présence européenne au Canada, nom d’origine iroquoise signifiant « la Terre ».
Ainsi, les communautés autochtones d’Amérique du Nord, évincées du récit historique et assignées au silence par la doxa (post)coloniale, ont décidé vers 1975 de prendre la parole et de s’emparer de l’écriture comme outil de revendication de leurs droits. C’est à la suite de diverses réformes ayant pour but d’invisibiliser (Côté, 2018) encore un peu plus leur culture – pensons au Livre Blanc de 1969 (Lany, 2018) – que des prises de position des communautés ont émergé en de nombreux endroits du territoire et qu’un foisonnement contestataire, notamment littéraire, est apparu dans les années 70 s’ancrant dans le mouvement des Native American Civil Rights initié par l’écrivain amérindien Navarre Scott Momaday. Vingt ans plus tard, on constate une renaissance du mouvement qui semble trouver son apogée cette dernière décennie, à un moment où maisons d’édition, salons du livre spécialisés et exportations d’œuvres – de la poésie à la fiction, en passant par le slam et le rap – ne cessent de se multiplier. Kapesh envisageait son œuvre comme un acte de résistance, quand Rita Mestokosho, poète pionnière innue et également militante, prenait la défense de la rivière Romaine, menacée d’exploitation industrielle (Mestokosho, 1995). Plus tard, il y aura Joséphine Bacon, cette « survivante d’un récit qu’on ne raconte pas » (Bacon, 2009) qui se dresse en passeuse de messages poétiques face aux effets de l’idéologie coloniale de la terra nullius (Bibeau, 2023). Aussi les décennies au tournant du XXIe siècle ont-elles été marquées globalement par un engagement culturel vécu comme existentiel.
La question qui animera notre journée d’étude sera de savoir ce qu’il en est depuis, de mieux comprendre l’évolution de ce corpus qui se traduit, au-delà de l’hybridité polymorphique (notamment linguistique) par une exploration de genres nouveaux aux résonances « post-contemporaines ». Si le processus de réconciliation entamé dans les années 2000 et renforcé par les gouvernements de Justin Trudeau a certes contribué à une certaine avancée dans la mise en lumière de ces communautés victimes d’innombrables mesures et projets d’assimilation culturelle, l’effervescence nouvelle est surtout due à une mobilisation croissante et convergente d’artistes et d’écrivains des Premières Nations. Des autrices contemporaines telles que Marie-Andrée Gill et Natasha Kanapé Fontaine innovent de nos jours par une poésie profondément empreinte d’une volonté de s’inscrire dans la tradition tout en s’ouvrant aux différents enjeux culturels et littéraires tournés vers l’avenir. Les années de recensement et d’anthologies d’autrices et d’auteurs à travers les communautés sont révolues : ils existent aujourd’hui par eux-mêmes et pour eux-mêmes, dans une logique d’autonomisation littéraire dont la dynamique est mondiale (Casanova, 1999) et qui semble associée à un processus local d’« autohistoire » (Sioui, 1989). Il s’agira, à travers des analyses de textes sensibles à leurs conditions d’engendrement sociolittéraires, de continuer à s’interroger sur la place des questions identitaires et sociopolitiques dans les productions autochtones littéraires au Québec. Mais on se posera aussi et surtout, sans présupposer quelque ère nouvelle, la question de savoir dans quelle mesure l’autonomisation littéraire reformule les revendications culturelles, notamment en reconfigurant ou en innovant les modalités scripturales. Si les diverses œuvres sont toujours autant de prises de position, au sens d’une affirmation de soi qui reste de mise car intrinsèque à l’acte d’écriture pour les principaux concernés, on analysera dans quelle mesure elles tendent à privilégier un engagement moins identitaire que littéraire sous l’effet d’un champ littéraire contemporain, plurilingue – notamment francophone – et interculturel. On tentera de rapporter ces questions au fait que les textes, en mêlant divers outils et formes artistiques modernes, ont tendance à remodeler certaines pratiques ancestrales, motivées par la nécessité de perpétuer les traditions pour les faire survivre.
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Les propositions pour une communication de 25 minutes de 2000 à 3000 signes, accompagnées d’une notice bio-bibliographique (comportant aussi adresse, adresse courriel, numéro de téléphone et rattachement institutionnel), sont à envoyer jusqu’au 1er novembre 2024 à
julie.fromont@univ-lille.fr et paul.dirkx@univ-lille.fr.
Une réponse sera envoyée le 30 novembre 2024. Les communications seront publiées dans un numéro de revue avec comité de lecture.
Source de l'information : Julie Fromont