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Appel pour le 30/06 : « Les revues littéraires dans larchipel des Caraïbes »
Les revues littéraires dans larchipel des Caraïbes 10 octobre 2014, salle des actes de Paris-Sorbonne
Journée détudes organisée par Renée-Clémentine Lucien et Kerry-Jane Wallart, dans le cadre du programme « La valeur littéraire à lépreuve de larchipel : les écritures des Caraïbes et les études postcoloniales », du Labex « Observatoire de la vie littéraire » de Paris-Sorbonne/ Sorbonne Universités.
La revue littéraire, pourtant le fer-de-lance que lon sait de bien des avant-gardes des deux ou trois siècles écoulés, semble aller à lencontre de la pratique artistique à plus dun égard. Collective, elle nie lautorité comme aussi lorganicité de la structure. Ephémère, elle na pas vocation à transcender la contingence temporelle ou laccident de lévénement. Moins coûteuse que son autre, le livre, elle sinscrit dans un modèle économique allant tout à lencontre de ce quAdorno qualifie, dans le sillage de Benjamin, de fétichisation esthétique, et régionalement circonscrite, elle ne prétend nullement à luniversalité à laquelle on voue souvent lArt. Cest peut-être justement cette irrévérence, cette insouciance aussi, qui firent de la revue littéraire le berceau de la littérature de la Caraïbe, toutes aires linguistiques confondues. Comme dans la sphère politique, cest Haïti, première République noire, qui donne le coup denvoi de ces revues, avec "Jeune Haïti" (1895 à 1898), puis "La Ronde" jusquen 1902. Cest surtout à compter des années 1930 que ces revues apparaissent et essaiment de bout en bout de larchipel, au fil des interruptions et des reprises, au gré des rencontres, des parcours personnels et des possibilités matérielles dexistence ; toujours est-il que leurs destins cartographient très bien un paysage intellectuel foisonnant. On citera en vrac Focus en Jamaïque, sous la direction de la sculptrice Edna Manley ; Forum Quaterly et Bim à la Barbade, fondée sous la houlette de lintellectuel Frank Collymore ; Kyk-Over-Al en Guyane britannique ; The Quarterly Magazine, Trinidad, revue dirigée par Alfred Mendes et C. L. R. James, The Beacon, Youth, Picong et Callaloo à Trinidad ; St Georges Literary League à la Grenade ; The Outlook au Honduras britannique. Il faut leur ajouter, à partir de 1949, le Caribbean Quaterly, créé par lUniversité des Indes Occidentales à Saint-Augustine (Trinidad), tout comme Pelican, pour le campus de Mona (Jamaïque), dont Derek Walcott prit la direction le temps de ses études. Pour les Antilles francophones, qui travaillent souvent de concert avec des auteurs africains, ce sera la Revue du Monde Noir, fondée en 1931, Présence Africaine, fondée en 1947 et qui paraît toujours, Tropiques, édité par Aimé Césaire, Légitime Défense ou LEtudiant Noir
- quant à Haïti, elle renoue avec cette tradition avec les Griots, en 1938. Aujourdhui encore, les revues rendent compte dune certaine actualité littéraire, telle la Caribbean Review of Books (CRB), qui sest exportée sur la toile depuis Port-of-Spain et qui continue de laisser des traces vite effacées, pied-de-nez sans cesse relancé à la face dune supposée monumentalité de loeuvre dart
- on pourra donc relier le destin de ces revues à lémergence de la littérature numérique, et de ce que cette dernière implique de bouleversements de nos catégories critiques. Toutes ces revues se passent le mot dès avant la Seconde Guerre Mondiale et les bouleversements quelle provoquera dans la zone ; on y sort de ce qui tenait souvent, jusqualors, lieu de littérature caribéenne, cest-à-dire de limitation sempiternelle dune poésie dinspiration romantique qui ressassait les poncifs de la bucolique et de la pastorale, voire de ce roman gothique qui faisait délicieusement peur et dont les contraintes se transposaient si aisément sur les terres des boucaniers, des marchands desclaves et des grandes demeures des planteurs. On commence également, dans la droite ligne des travaux du cubain Fernando Ortiz, à sy intéresser de près aux travaux des ethnologues et des anthropologues sur la culture populaire caribéenne, restée souterraine et tabou jusqualors, comme les auteurs de la Renaissance de Harlem lavaient fait à peine plus tôt pour les Etats-Unis. Cette journée détude se propose de scruter telle effervescence, et au premier chef la manière dont elle a pu contribuer à la fois à la formation de générations successives dauteurs de plein droit, et dont elle a aidé à forger une conscience, voire une identité, régionales. On espère par ailleurs dégager les migrations dun genre à un autre à la faveur de ce creuset générique que la revue peut représenter. Une lecture plus politique, sociologique, ou tout simplement historicisante, dégagera peut-être des conclusions quant à lengagement propre à lécrivain caribéen, dans une zone où lidéologie nest jamais bien loin (marxisme mâtiné dinspiration garveyenne dans les années 30, nationalisme des années 40 et 50, compte à rebours de lindépendance pour les territoires anglophones dans les années 60, Black Power dans les années 70, anti-impérialisme dans les années 80, qui ont vu la diplomatie yankee se faire ressentir comme jamais, sans parler des Antilles françaises qui continuent de dire une écriture "en pays dominé" pour reprendre une expression de Chamoiseau
- autant de mouvements dont les revues se sont très largement fait lécho de manière directe ou détournée), tant les revues furent le lieu de la prise de position. On pourra recourir à la théorie post-structuraliste pour tenter de cartographier les caractéristiques dun phénomène littéraire polyphonique au point de mettre en crise tout point de vue possible. Enfin, dans une perspective plus structuraliste, on pourra suivre les lignes de fuite de certaines notions (lurgence, le fragment, la forme brève, le mélange, lhybridité, léchange, le don et la dette, la série, etc.) toujours implicitement mises en exergue par le mode de fonctionnement de la revue littéraire. Cette liste népuise évidemment pas toutes les possibilités offertes par le sujet.
Les propositions de communication doivent être adressées avant le 30 juin 2014 à Kerry-Jane Wallart kjwallart@yahoo.fr Renee Lucien rclemy@aol.com
Le programme « La valeur littéraire à lépreuve de larchipel : les écritures des Caraïbes et les études postcoloniales », rattaché au Labex « Observatoire de la vie littéraire » de Paris-Sorbonne/ Sorbonne Universités, réunit des enseignants-chercheurs de quatre équipes de luniversité Paris-Sorbonne, le CIEF (Romuald Fonkoua), le CRIMIC (Renée-Clémentine Lucien), le CRLC (Véronique Gély) et VALE (Alexis Tadié, Kerry-Jane Wallart).
Journée détudes organisée par Renée-Clémentine Lucien et Kerry-Jane Wallart, dans le cadre du programme « La valeur littéraire à lépreuve de larchipel : les écritures des Caraïbes et les études postcoloniales », du Labex « Observatoire de la vie littéraire » de Paris-Sorbonne/ Sorbonne Universités.
La revue littéraire, pourtant le fer-de-lance que lon sait de bien des avant-gardes des deux ou trois siècles écoulés, semble aller à lencontre de la pratique artistique à plus dun égard. Collective, elle nie lautorité comme aussi lorganicité de la structure. Ephémère, elle na pas vocation à transcender la contingence temporelle ou laccident de lévénement. Moins coûteuse que son autre, le livre, elle sinscrit dans un modèle économique allant tout à lencontre de ce quAdorno qualifie, dans le sillage de Benjamin, de fétichisation esthétique, et régionalement circonscrite, elle ne prétend nullement à luniversalité à laquelle on voue souvent lArt. Cest peut-être justement cette irrévérence, cette insouciance aussi, qui firent de la revue littéraire le berceau de la littérature de la Caraïbe, toutes aires linguistiques confondues. Comme dans la sphère politique, cest Haïti, première République noire, qui donne le coup denvoi de ces revues, avec "Jeune Haïti" (1895 à 1898), puis "La Ronde" jusquen 1902. Cest surtout à compter des années 1930 que ces revues apparaissent et essaiment de bout en bout de larchipel, au fil des interruptions et des reprises, au gré des rencontres, des parcours personnels et des possibilités matérielles dexistence ; toujours est-il que leurs destins cartographient très bien un paysage intellectuel foisonnant. On citera en vrac Focus en Jamaïque, sous la direction de la sculptrice Edna Manley ; Forum Quaterly et Bim à la Barbade, fondée sous la houlette de lintellectuel Frank Collymore ; Kyk-Over-Al en Guyane britannique ; The Quarterly Magazine, Trinidad, revue dirigée par Alfred Mendes et C. L. R. James, The Beacon, Youth, Picong et Callaloo à Trinidad ; St Georges Literary League à la Grenade ; The Outlook au Honduras britannique. Il faut leur ajouter, à partir de 1949, le Caribbean Quaterly, créé par lUniversité des Indes Occidentales à Saint-Augustine (Trinidad), tout comme Pelican, pour le campus de Mona (Jamaïque), dont Derek Walcott prit la direction le temps de ses études. Pour les Antilles francophones, qui travaillent souvent de concert avec des auteurs africains, ce sera la Revue du Monde Noir, fondée en 1931, Présence Africaine, fondée en 1947 et qui paraît toujours, Tropiques, édité par Aimé Césaire, Légitime Défense ou LEtudiant Noir
- quant à Haïti, elle renoue avec cette tradition avec les Griots, en 1938. Aujourdhui encore, les revues rendent compte dune certaine actualité littéraire, telle la Caribbean Review of Books (CRB), qui sest exportée sur la toile depuis Port-of-Spain et qui continue de laisser des traces vite effacées, pied-de-nez sans cesse relancé à la face dune supposée monumentalité de loeuvre dart
- on pourra donc relier le destin de ces revues à lémergence de la littérature numérique, et de ce que cette dernière implique de bouleversements de nos catégories critiques. Toutes ces revues se passent le mot dès avant la Seconde Guerre Mondiale et les bouleversements quelle provoquera dans la zone ; on y sort de ce qui tenait souvent, jusqualors, lieu de littérature caribéenne, cest-à-dire de limitation sempiternelle dune poésie dinspiration romantique qui ressassait les poncifs de la bucolique et de la pastorale, voire de ce roman gothique qui faisait délicieusement peur et dont les contraintes se transposaient si aisément sur les terres des boucaniers, des marchands desclaves et des grandes demeures des planteurs. On commence également, dans la droite ligne des travaux du cubain Fernando Ortiz, à sy intéresser de près aux travaux des ethnologues et des anthropologues sur la culture populaire caribéenne, restée souterraine et tabou jusqualors, comme les auteurs de la Renaissance de Harlem lavaient fait à peine plus tôt pour les Etats-Unis. Cette journée détude se propose de scruter telle effervescence, et au premier chef la manière dont elle a pu contribuer à la fois à la formation de générations successives dauteurs de plein droit, et dont elle a aidé à forger une conscience, voire une identité, régionales. On espère par ailleurs dégager les migrations dun genre à un autre à la faveur de ce creuset générique que la revue peut représenter. Une lecture plus politique, sociologique, ou tout simplement historicisante, dégagera peut-être des conclusions quant à lengagement propre à lécrivain caribéen, dans une zone où lidéologie nest jamais bien loin (marxisme mâtiné dinspiration garveyenne dans les années 30, nationalisme des années 40 et 50, compte à rebours de lindépendance pour les territoires anglophones dans les années 60, Black Power dans les années 70, anti-impérialisme dans les années 80, qui ont vu la diplomatie yankee se faire ressentir comme jamais, sans parler des Antilles françaises qui continuent de dire une écriture "en pays dominé" pour reprendre une expression de Chamoiseau
- autant de mouvements dont les revues se sont très largement fait lécho de manière directe ou détournée), tant les revues furent le lieu de la prise de position. On pourra recourir à la théorie post-structuraliste pour tenter de cartographier les caractéristiques dun phénomène littéraire polyphonique au point de mettre en crise tout point de vue possible. Enfin, dans une perspective plus structuraliste, on pourra suivre les lignes de fuite de certaines notions (lurgence, le fragment, la forme brève, le mélange, lhybridité, léchange, le don et la dette, la série, etc.) toujours implicitement mises en exergue par le mode de fonctionnement de la revue littéraire. Cette liste népuise évidemment pas toutes les possibilités offertes par le sujet.
Les propositions de communication doivent être adressées avant le 30 juin 2014 à Kerry-Jane Wallart kjwallart@yahoo.fr Renee Lucien rclemy@aol.com
Le programme « La valeur littéraire à lépreuve de larchipel : les écritures des Caraïbes et les études postcoloniales », rattaché au Labex « Observatoire de la vie littéraire » de Paris-Sorbonne/ Sorbonne Universités, réunit des enseignants-chercheurs de quatre équipes de luniversité Paris-Sorbonne, le CIEF (Romuald Fonkoua), le CRIMIC (Renée-Clémentine Lucien), le CRLC (Véronique Gély) et VALE (Alexis Tadié, Kerry-Jane Wallart).