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Appel pour le 17.06 : “Un exemple de mondialisation intellectuelle : le nom propre « 11 septembre » dans la littérature et la pensée européennes”

Un exemple de mondialisation intellectuelle :

le nom propre « 11 septembre » dans la littérature et la pensée européennes




Appel à contribution


Journée d'étude du 30 septembre 2011 organisée à l'université Montpellier III


par le RIRRA 21


(axe « Littérature, discours critique, discours social »,
programme « Expressions littéraires et artistiques, idées et mentalités dans l'Europe d'aujourd'hui »)



Ce qui s'est passé le 11 septembre 2001 à New York s'appelle partout et dans toutes les langues (ou du moins en « occident », et selon le calendrier grégorien) : « 11 septembre » (sans l'indication du millésime). Ce nom propre parle autrement que d'autres noms propres désignant des événements ou des catastrophes majeurs ; autrement que « Pearl Harbor », par exemple. « Pearl Harbor » parle américain et s'écrit américain ; on peut ne pas savoir où se trouve ce lieu, le « Port de la Perle » ; ou savoir seulement que c'est « loin d'ici », à l'autre bout du monde, comme « Tchernobyl » ou « Fukushima », ce qui donne une possibilité d'éloigner, de médiatiser, et de situer (hors de moi, de ma sphère, si je suis Européen) l'événement.

Mais dire « 11 septembre » est une façon d'envelopper instantanément tout le monde. L'effet de ce nom est immédiat, nul besoin d'ouvrir un atlas ou de réfléchir au sens, comme on peut réfléchir au sens, et donc aussi à la justesse ou à la traduction du nom hébreu « Shoah » qui s'est imposé maintenant

- semble-t-il

- comme le nom propre de ce qui longtemps s'est appelé plutôt « Holocauste ».

« September eleventh » se traduit si aisément, si automatiquement, qu'il n'y a pas même à vrai dire traduction et effort de traduction. Personne ne peut dire qu'il ne sait pas ce que c'est, où cela se trouve, quand c'est, un « onze septembre ». Le « 11 septembre », étant donné ce nom, tout le monde y est, en est, est d'emblée embarqué. Ce nom se mondialise tout de suite et se répète « en boucle », comme l'image télévisuelle qui lui est associée et lui sert de référent. Est-ce la raison pour laquelle nous Européens, nous sommes sentis tout de suite « concernés » ? Mais concernés par quoi ? Par ce que ce nom désigne ? Mais que désigne-t-il d'autre qu'une immédiateté, un choc, un pur instant refermé sur lui-même et détaché de toute intrigue ? Dans « 11 septembre », le référent représente la chose la plus circonscrite, un point d'impact. Le nom associé à la chose l'élargit et la propage de manière à faire du point le monde entier, comme si les tours frappées étaient elles-mêmes le monde (le nom des tours, World Trade Center, disant en effet qu'elles sont le centre du monde). Ce qui s'est passé ce jour-là devient

l'événement-image, un événement symbolique d'envergure mondiale, mais en même temps il signifie le monde résistant à la mondialisation, la « mondialisation triomphante aux prises avec elle-même » (Baudrillard).

La littérature contemporaine n'a-t-elle pas affaire de plus en plus souvent à ces noms-empires qui commandent l'admiration, la sidération et l'adhésion, qui obligent l'écrivain à se sentir enveloppé dans un « nous » ? Pourtant l'événement pourrait ne pas me toucher immédiatement et personnellement, pourrait ne pas me toucher sous la forme du collectif total « nous sommes tous des

- » (comme l'a écrit dans Le Monde Jean-Marie Colombani) et de l'identification.

On peut penser qu'en Europe, le jour en question, on n'y était pas (pas aux Etats-Unis, pas à Manhattan, pas au World Trade Center), que la littérature et la pensée européennes (romans, nouvelles, théâtre, philosophie, etc.) ont pu interroger différemment le nom « 11 septembre » et en offrir une lecture individualisée contre les discours et les images homogénéisants ; que son univocité, son hégémonie et sa pertinence ont pu être, d'une façon ou d'une autre, mises en question, que sa mondialisation et son « absoluité » ont pu être l'objet d'une réflexion, d'une relativisation.

C'est cela que notre journée d'étude voudrait examiner. Comment la subjectivité de l'écriture et l'indépendance de la réflexion s'accommodent d'un nom-monde et d'un nom imposé, comment l'intimité et l'individualité d'une part, la mondialité d'autre part (deux manières opposées de concerner et d'envelopper les sujets qu'on traite) coopèrent. Qu'est-ce qui s'appelle pour nous, Européens, « 11 septembre » ? Est-il possible, envisageable, souhaitable d'échapper à ce nom ? Quelle sorte de sujet (de fiction, de réflexion) est en Europe le « 11 septembre »? C'est peut-être, de façon plus générale, la question de savoir ce que sont une littérature et une pensée mondialisées.


Les propositions de communication, qui devront être accompagnées d'un court CV, sont à envoyer à Philippe Marty (philippe.marty@univ-montp3.fr) et Florence Thérond (therond.florence@wanadoo.fr) avant le 17 juin 2011, date butoir.