appel

Appel à contributions
: 22/01/2021
: Université Gustave Eiffel, Champs-sur-marne
: Irène Langlet et Nadège Pérelle
: nadege.perelle@univ-eiffel.fr
: Université Gustave Eiffel
5 boulevard Descartes
Champs-sur-Marne
77454 Marne-la-Vallée cedex 2
: https://parvis.hypotheses.org/1431



Colloque international - La ville dans les fictions climatiques (Paris, Marne-la-Vallée)






Université Gustave Eiffel/ 5-7 mai 2021

Ce colloque prend place dans le programme PARVIS de l’I-Site FUTURE consacré aux imaginaires urbains futuristes.

Il propose de les observer au sein d’un corpus spécifique, les fictions climatiques, en les articulant aux concepts d’Anthropocène et d’Urbanocène.

En cas d’impossibilité de tenir le colloque en présence, des moyens numériques seront mobilisés.

 

Les villes futuristes, présentes depuis longtemps dans la littérature utopique ou de science-fiction, sont encore peu représentées dans les corpus des études littéraires urbaines. Pour Carl Abbott, les stéréotypes du cinéma de SF peuvent expliquer cette étonnante absence, dans le sens où ils imposent la vision d’une ville « méga-machinique » dans des histoires consistant la plupart du temps à les démolir à l’aide de coûteux effets spéciaux. Mais cet urbaniste érudit de la SF s’applique précisément à montrer comment l’« imagination du désastre » de la ville SF peut s’organiser en prototypes urbains futuristes : « ville prison » et « ville envahie par les mauvaises herbes », « ville catastrophe » incendiée ou inondée, « cité désertée » et « cité mosaïque »… Bon nombre de ces synopsis se retrouvent d’ailleurs dans les fictions climatiques en général.

Fictions climatiques : ce nom de genre, d’abord apparu en anglais (climate fiction, abrégée cli-fi), désigne un vaste ensemble d’histoires impliquant une prise en compte, directe ou indirecte, de la crise climatique. Naguère simple décor, la crise est désormais un levier narratif, ou le thème principal de ces fictions. Cela peut aller de la fiction post-apocalyptique au roman-catastrophe, du thriller scientifique à la hard science-fiction pure et dure ; mais on y trouve aussi des polars, des romans noirs, des romans sentimentaux, des teen-novels, et de la littérature blanche, ou « générale » (Langlet, 2020). Le prisme des fictions urbaines met nettement en évidence l’héritage science-fictionnel de ce genre récemment popularisé, mais observer la ville dans la cli-fi fait émerger bien d’autres références, que l’on pense à la philosophie du flâneur (Baudelaire, Benjamin), aux montages-collages manifestant dans les arts le kaléidoscope existentiel de la ville moderne (Dos Passos, Döblin, Aragon), les contrastes entre la vue du gratte-ciel et l’expérience de la ville au sol et de son labyrinthe de signes (De Certeau).

Car les fictions climatiques sont le lieu d’un brassage littéraire, mais sont traversées aussi par des courants de réflexion interdisciplinaires et par les concepts qui les problématisent. Le concept d’Anthropocène en est un, par lequel on définit l’ère géologique nouvelle qui s’ouvre dès lors que les actions des êtres humains ont atteint une puissance suffisante pour modifier les cycles géologiques et climatiques de la planète. À ce titre, les fictions climatiques peuvent intéresser les disciplines qui débattent de l’Anthropocène, parmi lesquelles (sans nullement les épuiser) la climatologie, la biologie, l’écologie, les sciences de l’environnement, l’histoire, la géographie, etc. La cli-fi s’inscrit, à l’évidence, dans la perspective des romans écologiques, des écritures de la nature et du vivant telles qu’étudiées par des projets internationaux comme Animots ou Liter(n)ature, et des « écofictions », comme les a nommées Christian Chelebourg en 2012. Leur développement, en effet, est étroitement lié à l’examen de l’influence de l’homme sur l’environnement, à l’histoire des sciences et techniques, à la philosophie de la nature, aux théories politiques du monde industrialisé et globalisé. On les trouve ainsi en bonne place dans l’ouvrage d’Adam Trexler, Anthropocene Fictions.

Envisager la question de la ville au sein des fictions climatiques amène à croiser ce concept d’Anthropocène avec celui d’Urbanocène, défendu par Geoffrey West ou Michel Lussault, afin de souligner le rôle déterminant joué par l’urbanisation massive dans l’évolution de la planète. Dans cette approche, les fictions climatiques, en tant que fictions anthropocéniques, sont une matrice neuve et productive des imaginaires de la ville future : en tant que méga-organisme vivant, en tant que système-ville où se manifeste une biodiversité spécifique, en tant que lieu et milieu de scénarios prototypiques ou originaux.

En proposant de scruter la ville (ses images, ses scénarios, ses récits et discours) dans les fictions climatiques, ce colloque envisage donc au moins de documenter cette culture de l’Urbanocène, dans ses filiations et ses innovations, et la condition humaine de l’homo urbanus en temps de crise climatique. Il s’agira de la caractériser, de la cartographier, et autant que possible d’en qualifier les messages, dans une visée résolument interdisciplinaire. La cli-fi se présente en effet comme un stock de matrices narratives, une réserve de motifs imaginaires. Quelles images les fictions climatiques donnent-elles des urbanistes, climatologues, botanistes, administrateurs et bâtisseurs de villes ? Et que pensent ces derniers de ces images ? A-t-on raison d’inviter les décideurs, designers et autres gestionnaires de la ville à lire de la cli-fi, comme le fait, entre cent autres, le réseau Léonard de l’entreprise Vinci[1] ? Appliquée à des fictions anthropocéniques où, selon les vœux de Trexler, s’estompe voire disparaît le clivage entre « literary fiction » (littérature générale) et « genre fiction » (littérature de genre), l’analyse littéraire servira de point d’ancrage pour un échange pluridisciplinaire destiné à déconstruire des catégories (trop) familières : par exemple « espace » et « temps », « nature » et « culture ». Nous proposons d’adopter une démarche qui décloisonne au moins les corpus, au plus les disciplines, voire les métiers, dans une démarche de diffusion de la culture scientifique, de transfert de connaissances et de compétences.

Le colloque Parvis « La ville dans les fictions climatiques » attend dès lors, dans son projet de documentation des fictions urbaines et climatiques, des propositions qui s’intègrent aux pistes suivantes, avec une attention particulière prêtée à l’explicitation des corpus et des méthodes disciplinaires et interdisciplinaires :

Images, scénarios et imaginaires de la ville dans la cli-fi. Comment apparaît la ville dans la cli-fi ? Par quels types de scénarios, personnages, formes narratives ? Au sein de quels lectorats, sur quels types de supports, dans quelles communautés interprétatives ? Quels imaginaires urbains et/ou climatiques s’en dégagent-ils, avec quelle influence sur le système littéraire dans son ensemble ?

Fiction climatique et littérature urbaine. Comment les codes du genre littéraire contraignent-ils, ou favorisent-ils l’écriture et la lecture de la ville en crise climatique ?  Comment se combinent, s’articulent ou se désarticulent les généalogies, héritages, ruptures et continuités culturelles de la fiction climatique et de la fiction urbaine ? Comment la cli-fi se déploie-t-elle en tant que genre littéraire, médiatique et numérique ? Le genre croise-t-il, absorbe-t-il, remodèle-t-il les motifs classiques de la ville en littérature ? L’écriture, l’interprétation, la production et la consommation des fictions climatiques offre-t-elle des nouvelles perspectives à ces motifs de la ville en littérature ?

Fictions climatiques et savoirs de l’Anthropocène / Urbanocène. Les fictions climatiques peuvent-elles être vues comme une vulgarisation des savoirs relatifs à l’Anthropocène / Urbanocène ? Comment les fictions climatiques illustrent-elles ou abritent-elles la circulation des connaissances scientifiques au sujet de la ville et de la crise climatique ? Quel intérêt présentent-elles auprès des métiers et disciplines non littéraires qui cohabitent dans la construction, la gestion et l’animation des villes ? Comment les débats scientifiques, urbanistiques, industriels, politiques, éthiques s’y trouvent-ils exprimés, détournés, pastichés, transgressés… ou au contraire passés sous silence ? Quelle position occupent-elles sur la carte des écotopies, des écritures de la nature et de l’environnement ? Comment s’y trouvent remodelées, ou non, les catégories que le concept d’anthropocène engage à repenser (espace et temps, nature et culture, humain et non-humain, environnement) ?

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Echéances

Le colloque aura lieu les 5-7 mai 2021 (Sur site ou en ligne / on campus or online).

Les propositions de communication sont à adresser aux deux responsables avant le 22 janvier 2021 sous la forme suivante: Titre, Résumé en 1500 signes espaces comprises, Bio-bibliographie, en français et en anglais. Une réponse sera donnée avant le 15 février.

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Responsables

Irène Langlet, professeure de littérature contemporaine (irene.langlet@u-pem.fr)

Nadège Pérelle, doctorante en littérature contemporaine (nadege.perelle@u-pem.fr)

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Comité scientifique

Carl Abbott, Portland State University (Etats-Unis)

Lieven Ameel, Université de Turku (Finlande)

Sébastien Févry, Université Catholique de Louvain (Belgique)

Adeline Johns-Putra, Xi’an Jiaotong-Liverpool University à Suzhou (Chine)

Isabelle Krzywkowski, Université Grenoble Alpes

Irène Langlet, Université Gustave Eiffel

Allison Mackey, Universidad de la República (Uruguay)

Andrew Milner, Monash University (Australie)

Soline Nivet, École nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais

Antoine Picon, École des Ponts ParisTech / Harvard

Matthew Schneider-Mayerson, Yale-NUS College (Etats-Unis)

Pierre Schoentjes, Université de Gand (Belgique)

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Bibliographie primaire (sélection)

Andrevon Jean-Pierre, Retour à la Terre (3 vol.), Denoël, 1975-1977.

Atwood Margaret, Le dernier homme, traduit de l’anglais par Michèle Alabaret-Maatsch, Robert Laffont, 2005 (Oryx and Crake, 2003).

—, Le temps du déluge, traduit de l’anglais par Jean-Daniel Brèque, Robert Laffont, 2009 (The Year of the Flood, 2009).

—, MaddAddam, traduit de l’anglais par Patrick Dusoulier, Robert Laffont, 2014 (MaddAddam, 2013).

Bacigalupi Paolo, Ferrailleurs des mers, traduit de l’anglais par Sara Doke, J’ai Lu, coll. Science- Fiction, 2018 (Ship Breaker, 2010).

—, La fille automate, traduit de l’anglais par Sara Doke, J’ai Lu, coll. Science- Fiction, 2013 (The Windup Girl, 2009).

—, Water Knife, traduit de l’anglais par Sara Doke, J’ai Lu, coll. Science-Fiction, 2018 (The Water Knife, 2015).

Baqué Joël, La Fonte des glaces, P.O.L., 2017.

Barnes John, La Mère des tempêtes, trad. de l’américain par Jean-Daniel Brèque, Laffont, 1998 (Mother of Storms, 1994).

Butler Octavia, La parabole du semeur, traduit de l’anglais par Philippe Rouard, Au Diable Vauvert, 2001 (Parable of the Sower, 1993).

Christopher John, Terre brûlée, traduit de l’anglais par Alain Dorémieux, Livre de Poche, coll. SF, 1979 (No Blade of Grass/ The Death of Grass, 1956).

Crichton Michael, Etat d’urgence, traduit de l’anglais par Patrick Berthon, Robert Laffont, 2005 (State of Fear, 2004).

Herzog Arthur, Heat, Simon and Schuster, 1976.

Kingsolver Barbara, Dans la lumière, traduction de l’anglais par Martine Aubert, Éditions Payot et Rivages, 2013 (Flight Behavior, 2012).

—, Unsheltered, Faber and Faber, 2018.

Legendre Nathalie, Mosa Wosa, L’Atalante, 2015.

Ligny Jean-Marc, AquaTM , L’Atalante, 2006 .

—, Exodes, Gallimard, 2012.

—, Semences, L’Atalante, 2015

Maja Lunde, Bleue, traduit du norvégien par Marina Heide, Presses de la cité, 2019 (Bla, 2017).

McEwan Ian, Solaire, trad. par France Camus-Pichon, Gallimard, 2011 (Solar, 2010).

Rich Nathaniel, Paris sur l’avenir, trad. par Camille de Chevigny, Ed. du Sous-sol, 2015 (Odds against Tomorrow, 2013).

Robinson Kim Stanley, 2312, traduit de l’anglais par Thierry Arson, Actes Sud, coll. Babel, 2019 (2312, 2012).

—, 50° au-dessous de zéro, traduit de l’anglais par Dominique Haas, Presses de la cité, 2007, (Fifty Degrees Below, 2005).

—, La Trilogie martienne, traduit de l’anglais par Michel Demuth et Dominique Haas, Omnibus, 2012 (Mars Trilogy).

—, New York 2140, traduit de l’anglais par Thierry Arson, Actes Sud, 2019.

Silverberg Robert, Ciel brûlant de minuit, trad. de l’américain par Patrick Berthon, Laffont, 1995 (Hot sky at midnight, 1993).

Spinrad Norman, Bleue comme une orange, traduit de l’anglais par Roland C. Wagner, J’ai lu, 2004 (Greenhouse Summer, 1999).

Touzot Pierre-Yves, Terre lointaine, Amalthée, 2008.

Turner George, The Sea and the Summer, Faber and Faber, 1987.

Vaye Watkins Claire, Les sables de l’Amargosa, traduit de l’anglais par Sarah Gurcel, Albin Michel, 2017 (Gold Fame Citrus, 2015).

Wright Ronald, Chronique des jours à venir, traduit de l’anglais par Henri Theureau, Actes Sud, 2007 (A Scientific Romance, 1997).

 

Bibliographie secondaire (sélection)

Abbott Carl, Imagining Urban Futures: Cities in Science Fiction and What We Might Learn from Them, Wesleyan University Press, 2016.

Animots (dir. Anne Simon), Carnet du programme de rechercheEHESS / CNRS, depuis 2010, URL : https://animots.hypotheses.org/anr-2010-2014.

Appadurai Arjun, The Future as Cultural Fact. Essays on the Global Condition, Verso Books, 2013

Chelebourg Christian, Écofictions. Fictions de la fin du monde, Les Impressions nouvelles, 2012.

De Certeau Michel, L’Invention du quotidien, I: Arts de faire, II: Habiter, cuisiner, Gallimard, 1980; rééd. 1990.

Johns-Putra Adeline, « ‘Cli-fi’ novels humanise the science of climate change – and leading authors are getting in on the act », The Conversation, 26 nov. 2015, URL : https://theconversation.com/cli-fi-novels-humanise-the-science-of-climate-change-and-leading-authors-are-getting-in-on-the-act-51270.

Langlet Irène, « Cli-fi & Sci-fi. Littératures de genre et crise climatique », La Vie des idées , 7 juillet 2020. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Cli-fi-Sci-fi.html.

Liter(n)ature (dir. Pierre Schoentjes), site web du programme de recherche, univ. de Gand, depuis 2018, URL : https://www.literature.green/.

Lussault Michel, « L’anthropocène serait-il un urbanocène ? ou comment l’urbanisation généralisée a bouleversé le système planétaire », Cours publics de l’École Urbaine de Lyon, 2019-2020, en ligne, URL : https://medium.com/anthropocene2050/lanthropoc%C3%A8ne-serait-il-un-urbanoc%C3%A8ne-a73d2e0d757.

Milner Andrew, Burgman J.R., « A short pre-History of Climate Fiction », Extrapolation, vol. 59, n°1, 2018 ; URL : https://online.liverpooluniversitypress.co.uk/doi/10.3828/extr.2018.2.

Paquot Thierry, Homo urbanus, Éd. du Félin, 1990.

Preston Peter, Simpson-Housley Paul (eds), Writing the City. Eden, Babylon, the New Jerusalem, Routledge, 1994

Roudaut Jean, Les villes imaginaires dans la littérature française, « Brèves Littérature », Hatier, 1990

Trexler Adam, Anthropocene Fictions: The Novel in a Time of Climate Change, University of Virginia Press, 2015.

West Geoffrey, The Universal Laws of Life, Growth, and Death in Organisms, Cities, and Companies, Penguin Books, 2017.

: https://parvis.hypotheses.org/1431