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Appel à communications pour le 01/10 : colloque « La science en fiction »
Date limite : 1er octobre 2013

Colloque "La science en fiction"

Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand
15 et 16 mai 2014

Depuis l’Antiquité, science et fiction composent un couple étrange. Il n’est qu’à interroger Aristote ou Platon pour voir que l’implantation comme le développement de la cité idéale – et donc nécessairement fictive – se fonde sur une démarche scientifique qui associe la médecine, l’écologie, les mathématiques, l’architecture et… l’art de la guerre. Selon une procédure inverse, il advient fréquemment qu’à la même époque la science se nourrisse de fiction. Ainsi Hérodote, le père de l’Histoire moderne, ne se fait pas défaut de collectionner les merveilles, lorsqu’il évoque par exemple, les « Arimaspes qui n’ont qu’un œil » ou encore « Les Gryphons qui gardent l’or ». On pourrait penser qu’il s’agit là de pratiques anciennes que l’époque moderne a rapidement abolies. Il se trouve qu’il n’en est rien. Premier historien, géographe et sociologue des pays nordiques, Olaf Stor fait imprimer à Venise en 1539 une Carte des terres septentrionales et de ses merveilles, où l’on voit se presser des monstres de toute espèce. On y découvre également au large d’Helgala un certain Maelström qui fera rêver Poe trois siècles plus tard. En plein âge classique, le très sérieux astronome Kepler, dans un Songe resté célèbre (Somnium, circa 1630), met en scène un fils de sorcière parti explorer la lune grâce à des démons. Dans un genre fort différent, Sylvain Bailly, qui fit ériger un observatoire astronomique sur le toit du Louvre, se retourne vers les mythes pour en déduire, à partir d’observations prétendument scientifiques, la diffusion de la civilisation et ses « lumières » : il s’agit alors de démontrer comment le progrès humain a opéré une lente migration à partir de ce berceau que furent les terres nordiques (Histoire de l’astronomie ancienne, 1775). Si, de par l’attention que leur accordèrent les nazis, de telles thèses n’étaient pas inquiétantes, elles prêteraient à sourire presque autant que les divagations burlesques d’un professeur Tournesol. Car plus près de nous, cette fascination n’a rien perdu de son attrait. Outre le succès que connaît la science-fiction auprès d’un large public, on ne peut que noter l’attrait qu’exercent sur beaucoup, ne serait-ce qu’à travers les séries télévisées, les personnages de médecins (Urgences, Dr House), ou les investigations d’une police dite « scientifique » (R.I.S., Les Experts). Et que dire de ces chefs-d’œuvre cinématographiques qui, entre histoire et fiction, mettent en scène des mathématiciens en tout genre (M. Martone, Morte di un matematico napoletano, 1992 ; Ron Howard, A Beautiful Mind, 2001) ? Voilà bien autant d’exemples qui démontrent que le discours scientifique ou prétendu tel, entendu comme explication « rationnelle » du monde, loin de trancher clairement sur la parole mythique, parvient par mille biais différents à s’immiscer dans le monde des lettres.

On l’aura compris, le colloque ne s’en tiendra pas aux seules œuvres relevant de la science-fiction. Il s’agira également d’explorer les formes les plus diverses de rencontres entre science et fiction, et cela à partir de corpus précis qui peuvent aussi bien faire appel à l’Antiquité qu’à l’ultra-contemporain, en passant par l’âge classique ou les Lumières. Par exemple :

Quelles sciences pour quelles fictions ? Les sciences « dures » ne sont pas les seules à être impliquées dans la fiction ; inversement les formes romanesques (ou cinématographiques) ne sont pas les seules à entretenir d’étroits rapports avec la science. C’est par exemple au théâtre, dans la célèbre R.U.R. de Karel Čapek (1920) qu’apparaissent les premiers robots. Quant à la poésie scientifique, elle n’a pas connu ses seules heures de gloire durant l’Antiquité. Mais sommes-nous là encore dans le domaine de la fiction ? Peut-on dès lors dresser une poétique de la fiction à argument scientifique ?

Quel portrait les écrivains dressent-ils des savants – de certains savants. De Purgon à Bardamu, les médecins empruntent ainsi de nombreux visages. Mais il en va de même pour l’astronome, le mathématicien ou le physicien. Quel est donc le personnel scientifique de la fiction ? Comment évolue-t-il ? Quelles sont les grandes figures de son panthéon ? Comment celles-ci s’inscrivent-elles dans le tissu social ? Quel rapport entretiennent-elles avec l’argent, avec la vérité, etc. ?

Quels sont les objets de la science ? Tous les savants sont-ils comme le Bouvancourt de Maurice Renard, toujours prêts à s’entourer d’un décorum singulier et particulièrement théâtral ? Quelles dimensions symboliques recouvrent ces différents éléments : livres, éprouvettes, machineries singulières, laboratoires lumineux et stérilisés ou ténébreux antres de savants ?

D’un autre point de vue, on pourra se demander par quels biais la science pénètre la fiction. Car les personnages, les thèmes ou motifs ne sont pas ici les seuls éléments à mettre en avant. On pourrait évoquer également la force modélisante de certains discours, voire l’organisation mathématique de la dispositio littéraire (comme dans Le città invisibili de Calvino, 1972).

Dans cette optique, bien d’autres questions demeurent. Comment la science permet-elle de dramatiser efficacement la fiction en mettant en scène de façon particulière les oppositions traditionnelles entre l’humanité et l’animalité (D. Keyes, Flowers for Algernon, 1966), l’intelligence et la folie (A Beautiful Mind), la science et le vice (R.-L. Stevenson, The Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde, 1886).

Les propositions de communication – sous la forme d’un résumé de 1000 à 1500 caractères assorti d’une note bio-bibliographique de 500 caractères – sont à adresser à eric.lysoe@univ-bpclermont.fr ou gaelleloisel@yahoo.fr.

Comité scientifique : Anna Soncini-Fratta (Bologne), Barbara Sosien (Cracovie), Corin Braga (Cluj-Napoca), Gaëlle Loisel et Éric Lysøe (Clermont-Ferrand)