appel
Appel à communications Colloque International : « Fatema Mernissi et le sujet transfrontalier. Vers une transculturalité critique »
Date de l'échéance : 30/04/2024
Lieu de l'événement : MSH de Clermont-Ferrand (4, rue Ledru)
Nom de l'organisateur : Assia Mohssine et de Rédouane Abouddahab
Email de l'organisateur : Assia.Mohssine@uca.fr
Adresse postale : MSH de Clermont-Ferrand (4, rue Ledru, 63057 Clermont-Ferrand)
Site web de référence : https://celis.uca.fr/production-scientifique/manifestations-scientifiques/colloques-et-journees-detudes/2024/colloque-international-%C2%AB-fatema-mernissi-et-le-sujet-transfrontalier-vers-une-transculturalite-critique-%C2%BB
Jeudi 10 et vendredi 11 octobre 2024
MSH de Clermont-Ferrand
Sous la direction d’Assia Mohssine et de Rédouane Abouddahab
L’empreinte de Fatema Mernissi (essayiste, sociologue et féministe) sur la scène académique, sociologique et littéraire est indéniable. Sa pensée a nourri, infusé et transformé la recherche en sociologie au Maroc, dans le monde africain et arabo-musulman, voire international, par la promotion du dialogue constructif entre hommes et femmes, qu’elle considérait la clef de l’émancipation socio-culturelle et politique. La notion de frontière, que ce soit au sens de démarcation territoriale ou de limite symbolique, est une figure ramifiée dans ses écrits, renvoyant à différents niveaux de sens, de contraintes mais aussi de possibilités. Son récit Rêves de femmes. Une enfance au harem fait d’emblée appel à cette notion dans son premier chapitre intitulé justement « Les frontières de mon harem », où hudud, soit « frontières », n’est pas le signifiant d’une limite irréductible mais plutôt d’un seuil qui invite au franchissement et à la transgression. Les femmes ne sont pas passives, confinées dans un coin, mais restent actives de par leurs activités quotidiennes et mentales telles que le traduisent, entre autres, les stratégies transgressives qu’elles mettent en place pour contourner l’interdit arbitraire des hommes. Ainsi, si la frontière dit une limitation d’ordre sociopolitique, elle renvoie en même temps à un ensemble de possibilités qui ont forgé un féminin complexe qui doit être exploré sans précipitation ni préjugé idéologique. La figure réflexive de Shéhérazade est certainement la meilleure illustration de cette notion de frontière et son déploiement simultanément centrifuge et centripète.
Notons en outre, que Mernissi a historisé les mécanismes d’oppression des femmes sous l’effet du patriarcat et de la colonisation, en démontrant le degré de similitude entre les discours dominants, qu’il soit masculin, féministe, ou colonial/orientaliste. À travers une œuvre émancipée, dans laquelle la liberté créatrice côtoie l’engagement, l’essai sociologique perd parfois son centre en devenant prose poétique et même fiction de la vie, navigant entre autobiographie et recherche de terrain. Ces langages divers qu’elle a fait siens constituent des points de fuite et autant de tentatives de déborder le centre. Mernissi décentre les discours sur les femmes dès 1970, à l’heure, charnière, où après s’être installée aux États-Unis pour mener ses recherches de doctorat, elle ébauche les fondations de sa pensée en interaction avec le courant dit « postcolonial ». Au cœur de son dispositif de recherche, les catégories femmes, islam, Occident et modernité sont historicisées et débarrassées du joug des théologiens et des structures de pouvoir. Dans ce sillage, elle propose de substituer la connaissance normative par les savoirs alternatifs et subalternisés. Selon elle, le nouveau locus devra puiser sa source dans le matrimoine (généalogies féminines) en réhabilitant la voix du sujet subalterne féminin. Après avoir critiqué la catégorie sociopolitique du harem comme étant une « fantaisie de l’Occident », elle précise que le harem est une ligne imaginaire polysémique qui représente à la fois l’enfermement et la résistance qu’il génère.
Nous nous attacherons donc à analyser les différents décentrements que l’œuvre de Mernissi opère :
—Décentrement du sujet et du regard
—Décentrement de la sociologie vers la fiction
—Décentrement de la théorie vers la praxis : des recherches de terrain aux « caravanes civiques »
Ce colloque international (en collaboration avec l’Université du Mans) se situe dans le prolongement des JEI qui ont eu lieu au CELIS les 6 et 7 octobre 2002 et celles des 17 et 18 août 2023 au CEPHCIS à Mérida, Yucatán, au Mexique (direction scientifique : Assia Mohssine). Il a pour objectif de continuer à explorer l’œuvre sociologique et fictionnelle de Fatema Mernissi au prisme du genre et de la pensée frontalière, telle qu’elle a été théorisée par Mernissi et par l’intellectuelle chicana Gloria Anzaldúa en Borderland la frontera. La nueva mestiza (1987). À partir d’un cadre interprétatif qui resignifie la frontière/hudud comme nouveau locus d’énonciation, Mernissi a élevé la voix pour nommer la différence en valorisant de manière significative la subjectivité transfrontalière non plus sous le seul angle de la dynamique des discriminations mais au contraire, en tant qu’agentivité et résistance.
Comité scientifique :
—Rédouane Abouddahab (Université du Mans, France)
—Assia Mohssine (CELIS, Université Clermont Auvergne, France)
—Touriya Fili-Tullon (Université de Lyon, France)
—Raja Rhouni (Université Chouaib Doukkali, El Jadida, Maroc)
Communication
La durée prévue pour chaque communication est de 25 minutes. La langue du colloque est le français. Les propositions retenues, après évaluation, feront l’objet d’une publication. Les normes de présentation seront communiquées ultérieurement.
Prière d’adresser le titre de votre proposition de communication avec un bref résumé (10 à 15 lignes), accompagné de 5 mots-clés et d’une brève notice bio-bibliographique à :
assia.mohssine@uca.fr et mohammed_redouane.aboueddhab@univ-lemans.fr avant le 30 avril 2024.
Œuvres de Fatema Mernissi
Beyond the Veil: Male-Female Dynamics in Modern Muslim Society, Cambridge, Schenkman Publishing Company, 1975; Indiana University Press, 1987; Saqi Books, 2011.
Sexe, idéologie, islam, Casablanca, Éditions Maghrébines, 1985.
Al Jins Ka Handasa Ijtima'iya, Casablanca, Éditions Le Fennec, 1987.
Le monde n'est pas un harem, édition révisée, Paris, Albin Michel, 1991.
Sultanes oubliées : femmes chefs d'État en Islam, Paris, Albin Michel / Éditions Le Fennec, 1990.
Le harem politique : le Prophète et les femmes, Paris, Albin Michel, 1987, Paperback 1992.
La Peur-Modernité : conflit islam démocratie, Paris, Albin Michel / Éditions Le Fennec, 1992.
Nissa' 'Ala Ajnihati al-Hulmt, Casablanca, Éditions Le Fennec, 1998.
Rêves de femmes : une enfance au harem, traduction Claudine Richetin, Casablanca, Éditions Le Fennec, 1997 – Paris, Éd. Albin Michel, 1998. Version originale anglaise Dreams of Trespass: tales of a harem Girlhood, Perseus Books, 1994.
Les Aït-Débrouille, Casablanca, Éditions Le Fennec, 1997 (2e édition, Rabat, Marsam, 2003).
Êtes-vous vacciné contre le harem? Texte-Test pour les messieurs qui adorent les dames, Casablanca, Éditions Le Fennec, 1998.
Le Harem et l'Occident, Paris, Albin Michel, 2001.
Les Sindbads marocains. Voyage dans le Maroc civique, Rabat, Éditions Marsam, 2004.
MSH de Clermont-Ferrand
Sous la direction d’Assia Mohssine et de Rédouane Abouddahab
L’empreinte de Fatema Mernissi (essayiste, sociologue et féministe) sur la scène académique, sociologique et littéraire est indéniable. Sa pensée a nourri, infusé et transformé la recherche en sociologie au Maroc, dans le monde africain et arabo-musulman, voire international, par la promotion du dialogue constructif entre hommes et femmes, qu’elle considérait la clef de l’émancipation socio-culturelle et politique. La notion de frontière, que ce soit au sens de démarcation territoriale ou de limite symbolique, est une figure ramifiée dans ses écrits, renvoyant à différents niveaux de sens, de contraintes mais aussi de possibilités. Son récit Rêves de femmes. Une enfance au harem fait d’emblée appel à cette notion dans son premier chapitre intitulé justement « Les frontières de mon harem », où hudud, soit « frontières », n’est pas le signifiant d’une limite irréductible mais plutôt d’un seuil qui invite au franchissement et à la transgression. Les femmes ne sont pas passives, confinées dans un coin, mais restent actives de par leurs activités quotidiennes et mentales telles que le traduisent, entre autres, les stratégies transgressives qu’elles mettent en place pour contourner l’interdit arbitraire des hommes. Ainsi, si la frontière dit une limitation d’ordre sociopolitique, elle renvoie en même temps à un ensemble de possibilités qui ont forgé un féminin complexe qui doit être exploré sans précipitation ni préjugé idéologique. La figure réflexive de Shéhérazade est certainement la meilleure illustration de cette notion de frontière et son déploiement simultanément centrifuge et centripète.
Notons en outre, que Mernissi a historisé les mécanismes d’oppression des femmes sous l’effet du patriarcat et de la colonisation, en démontrant le degré de similitude entre les discours dominants, qu’il soit masculin, féministe, ou colonial/orientaliste. À travers une œuvre émancipée, dans laquelle la liberté créatrice côtoie l’engagement, l’essai sociologique perd parfois son centre en devenant prose poétique et même fiction de la vie, navigant entre autobiographie et recherche de terrain. Ces langages divers qu’elle a fait siens constituent des points de fuite et autant de tentatives de déborder le centre. Mernissi décentre les discours sur les femmes dès 1970, à l’heure, charnière, où après s’être installée aux États-Unis pour mener ses recherches de doctorat, elle ébauche les fondations de sa pensée en interaction avec le courant dit « postcolonial ». Au cœur de son dispositif de recherche, les catégories femmes, islam, Occident et modernité sont historicisées et débarrassées du joug des théologiens et des structures de pouvoir. Dans ce sillage, elle propose de substituer la connaissance normative par les savoirs alternatifs et subalternisés. Selon elle, le nouveau locus devra puiser sa source dans le matrimoine (généalogies féminines) en réhabilitant la voix du sujet subalterne féminin. Après avoir critiqué la catégorie sociopolitique du harem comme étant une « fantaisie de l’Occident », elle précise que le harem est une ligne imaginaire polysémique qui représente à la fois l’enfermement et la résistance qu’il génère.
Nous nous attacherons donc à analyser les différents décentrements que l’œuvre de Mernissi opère :
—Décentrement du sujet et du regard
—Décentrement de la sociologie vers la fiction
—Décentrement de la théorie vers la praxis : des recherches de terrain aux « caravanes civiques »
Ce colloque international (en collaboration avec l’Université du Mans) se situe dans le prolongement des JEI qui ont eu lieu au CELIS les 6 et 7 octobre 2002 et celles des 17 et 18 août 2023 au CEPHCIS à Mérida, Yucatán, au Mexique (direction scientifique : Assia Mohssine). Il a pour objectif de continuer à explorer l’œuvre sociologique et fictionnelle de Fatema Mernissi au prisme du genre et de la pensée frontalière, telle qu’elle a été théorisée par Mernissi et par l’intellectuelle chicana Gloria Anzaldúa en Borderland la frontera. La nueva mestiza (1987). À partir d’un cadre interprétatif qui resignifie la frontière/hudud comme nouveau locus d’énonciation, Mernissi a élevé la voix pour nommer la différence en valorisant de manière significative la subjectivité transfrontalière non plus sous le seul angle de la dynamique des discriminations mais au contraire, en tant qu’agentivité et résistance.
Comité scientifique :
—Rédouane Abouddahab (Université du Mans, France)
—Assia Mohssine (CELIS, Université Clermont Auvergne, France)
—Touriya Fili-Tullon (Université de Lyon, France)
—Raja Rhouni (Université Chouaib Doukkali, El Jadida, Maroc)
Communication
La durée prévue pour chaque communication est de 25 minutes. La langue du colloque est le français. Les propositions retenues, après évaluation, feront l’objet d’une publication. Les normes de présentation seront communiquées ultérieurement.
Prière d’adresser le titre de votre proposition de communication avec un bref résumé (10 à 15 lignes), accompagné de 5 mots-clés et d’une brève notice bio-bibliographique à :
assia.mohssine@uca.fr et mohammed_redouane.aboueddhab@univ-lemans.fr avant le 30 avril 2024.
Œuvres de Fatema Mernissi
Beyond the Veil: Male-Female Dynamics in Modern Muslim Society, Cambridge, Schenkman Publishing Company, 1975; Indiana University Press, 1987; Saqi Books, 2011.
Sexe, idéologie, islam, Casablanca, Éditions Maghrébines, 1985.
Al Jins Ka Handasa Ijtima'iya, Casablanca, Éditions Le Fennec, 1987.
Le monde n'est pas un harem, édition révisée, Paris, Albin Michel, 1991.
Sultanes oubliées : femmes chefs d'État en Islam, Paris, Albin Michel / Éditions Le Fennec, 1990.
Le harem politique : le Prophète et les femmes, Paris, Albin Michel, 1987, Paperback 1992.
La Peur-Modernité : conflit islam démocratie, Paris, Albin Michel / Éditions Le Fennec, 1992.
Nissa' 'Ala Ajnihati al-Hulmt, Casablanca, Éditions Le Fennec, 1998.
Rêves de femmes : une enfance au harem, traduction Claudine Richetin, Casablanca, Éditions Le Fennec, 1997 – Paris, Éd. Albin Michel, 1998. Version originale anglaise Dreams of Trespass: tales of a harem Girlhood, Perseus Books, 1994.
Les Aït-Débrouille, Casablanca, Éditions Le Fennec, 1997 (2e édition, Rabat, Marsam, 2003).
Êtes-vous vacciné contre le harem? Texte-Test pour les messieurs qui adorent les dames, Casablanca, Éditions Le Fennec, 1998.
Le Harem et l'Occident, Paris, Albin Michel, 2001.
Les Sindbads marocains. Voyage dans le Maroc civique, Rabat, Éditions Marsam, 2004.
Source de l'information : Catherine Songoulashvili