appel
AàC pour le 15/09 : « La mémoire de la blessure au théâtre »
Appel à communications : Colloque, Nantes, 19-20 novembre 2015
La mémoire de la blessure au théâtre
Mise en fiction et interrogation du traumatisme de la Renaissance au XXIe siècle
La possibilité de dire la catastrophe et la guerre et les modalités de leur représentation se trouvent au cur de questionnements actuels au point davoir donné naissance à un courant critique, les trauma studies. La mise en fiction des traumatismes engendrés par des scènes violentes, quelles soient privées ou nationales, prend souvent la forme du récit et/ou du témoignage, selon le degré désiré de vérité. Or, il nous semble important de prendre également en considération le genre théâtral dans ses moyens spécifiques dinterrogation et de réponse aux traumatismes. Outre la pièce de Vinaver 11 septembre, nous pourrions penser aux travaux du collectif « Groupov » sur le génocide rwandais et dIsabelle Lafon sur les textes de J. Hatzfeld (Igishanga), mais encore à Tableau dune exécution dHoward Barker, concepteur du « théâtre de la catastrophe », ou au spectacle Notre terreur (centré sur la chute de Robespierre) par le collectif « Dores et déjà ». Linventaire nest bien sûr pas exhaustif mais fait apparaître, aux XXe et XXIe siècles, un intérêt poussé pour laptitude du théâtre à relayer la parole traumatique, de façon distanciée et/ou faussement documentaire. Toutefois, la réflexion portée par le théâtre dans les siècles passés na pas perdu de pertinence : ainsi, dans Zaïre (1732), Voltaire ne met-il pas en scène, à travers le destin de son héroïne, limpossible dépassement de linjonction « Tu te souviendras » ? On pourra également penser aux pièces prenant en charge, en Angleterre et en France à la fin du XVIe siècle, lépisode sanglant de la Saint Barthélémy et se demander comment le théâtre peut assimiler et restituer une violence toute contemporaine. Pareille mise en scène de lhistoire récente ouvre des perspectives de dialogue entre le théâtre des siècles dits « anciens » et le théâtre des XXe et XXIe siècles.
Dans son ouvrage La Mémoire, lhistoire, loubli (2000), le philosophe Paul Ricur réfléchit à lambiguïté de notre rapport individuel à la mémoire collective et à lhistoire. Dans le domaine de la justice, lintimation à se souvenir trouve une forme de légitimité parce quelle répond au sentiment de dette à légard dun autre que soi et quelle traduit un souci des victimes. Mais Ricur nous met en garde contre la « mémoire blessée », revendiquant le droit à la commémoration et refusant coûte que coûte loubli. En semparant dun traumatisme, récent ou un peu plus lointain, à quel usage de la mémoire le théâtre exhorte-t-il le spectateur ? La fiction théâtrale élabore-t-elle un rapport particulier à lhistoire récente, qui se distingue des autres écrits historiographiques ou documentaires? Le rôle donné au théâtre dans son rapport au réel mérite un examen qui soit attentif à ses particularités et aux discours, explicites ou tacites, qui le sous-tendent. Lécriture théâtrale sinscrit-elle dans une stratégie propagandiste ou politique, cherche-t-elle à livrer une voix irréductible aux discours plus officiels ? Dans son essai Histoire, Théâtre et Politique (2009), Gérard Noiriel en appelait au dialogue entre théâtre et sciences humaines pour conjurer les dérives du « post-modernisme », qui imprégnerait le théâtre dEdward Bond : « Le postmodernisme apparaît ici comme lultime philosophie de lHistoire, celle qui érige sa propre impuissance en norme universelle ». Les uvres contemporaines témoignent-elles dun tel renoncement ? Les pièces plus anciennes traduisent-elles une forme de sidération comparable ?
Nous aimerions que les interventions sinscrivent dans lun des quatre axes suivants, sans restriction au seul répertoire français :
1°) Lapport de la mise en fiction du traumatisme, au regard des représentations issues de lactualité ou de lhistoriographie : les uvres reconduisent-elles des perceptions officielles ou construisent-elles des lieux de parole libres susceptibles doffrir une vision singulière du traumatisme ? Dans ce dernier cas, la liberté prise à légard dune forme officielle de discours est-elle gage de pertinence ?
2°) Lapport du dispositif théâtral : quelles voies sont utilisées pour la mise en scène des catastrophes (mise en espace, mode de représentation mimétique ou non, univocité ou polyphonie, usages scénique du corps, etc.) ? Quelles sont les formes théâtrales utilisées de manière préférentielle (monologue, drame épique, installation, etc.) ?
3°) Larticulation entre fictionnel et non fictionnel : le théâtre est-il davantage porté au témoignage quà linvention ? Quelles libertés sautorise-t-il ou non à légard du réel ? Quel est le statut ontologique des univers créés sur scène, entre pure fiction et véridicité ?
4°) Les effets engagés par un tel théâtre : sagit-il de démontrer quelque chose ou de sidérer le spectateur ? Quelles émotions sont visées et sur quel type de dispositif théâtral la fiction du traumatisme repose-t-elle : distanciation, identification, participation du spectateur ?
Les propositions de communication, assorties dun titre, ne doivent pas excéder une demi-page. Elles sont à envoyer
La mémoire de la blessure au théâtre
Mise en fiction et interrogation du traumatisme de la Renaissance au XXIe siècle
La possibilité de dire la catastrophe et la guerre et les modalités de leur représentation se trouvent au cur de questionnements actuels au point davoir donné naissance à un courant critique, les trauma studies. La mise en fiction des traumatismes engendrés par des scènes violentes, quelles soient privées ou nationales, prend souvent la forme du récit et/ou du témoignage, selon le degré désiré de vérité. Or, il nous semble important de prendre également en considération le genre théâtral dans ses moyens spécifiques dinterrogation et de réponse aux traumatismes. Outre la pièce de Vinaver 11 septembre, nous pourrions penser aux travaux du collectif « Groupov » sur le génocide rwandais et dIsabelle Lafon sur les textes de J. Hatzfeld (Igishanga), mais encore à Tableau dune exécution dHoward Barker, concepteur du « théâtre de la catastrophe », ou au spectacle Notre terreur (centré sur la chute de Robespierre) par le collectif « Dores et déjà ». Linventaire nest bien sûr pas exhaustif mais fait apparaître, aux XXe et XXIe siècles, un intérêt poussé pour laptitude du théâtre à relayer la parole traumatique, de façon distanciée et/ou faussement documentaire. Toutefois, la réflexion portée par le théâtre dans les siècles passés na pas perdu de pertinence : ainsi, dans Zaïre (1732), Voltaire ne met-il pas en scène, à travers le destin de son héroïne, limpossible dépassement de linjonction « Tu te souviendras » ? On pourra également penser aux pièces prenant en charge, en Angleterre et en France à la fin du XVIe siècle, lépisode sanglant de la Saint Barthélémy et se demander comment le théâtre peut assimiler et restituer une violence toute contemporaine. Pareille mise en scène de lhistoire récente ouvre des perspectives de dialogue entre le théâtre des siècles dits « anciens » et le théâtre des XXe et XXIe siècles.
Dans son ouvrage La Mémoire, lhistoire, loubli (2000), le philosophe Paul Ricur réfléchit à lambiguïté de notre rapport individuel à la mémoire collective et à lhistoire. Dans le domaine de la justice, lintimation à se souvenir trouve une forme de légitimité parce quelle répond au sentiment de dette à légard dun autre que soi et quelle traduit un souci des victimes. Mais Ricur nous met en garde contre la « mémoire blessée », revendiquant le droit à la commémoration et refusant coûte que coûte loubli. En semparant dun traumatisme, récent ou un peu plus lointain, à quel usage de la mémoire le théâtre exhorte-t-il le spectateur ? La fiction théâtrale élabore-t-elle un rapport particulier à lhistoire récente, qui se distingue des autres écrits historiographiques ou documentaires? Le rôle donné au théâtre dans son rapport au réel mérite un examen qui soit attentif à ses particularités et aux discours, explicites ou tacites, qui le sous-tendent. Lécriture théâtrale sinscrit-elle dans une stratégie propagandiste ou politique, cherche-t-elle à livrer une voix irréductible aux discours plus officiels ? Dans son essai Histoire, Théâtre et Politique (2009), Gérard Noiriel en appelait au dialogue entre théâtre et sciences humaines pour conjurer les dérives du « post-modernisme », qui imprégnerait le théâtre dEdward Bond : « Le postmodernisme apparaît ici comme lultime philosophie de lHistoire, celle qui érige sa propre impuissance en norme universelle ». Les uvres contemporaines témoignent-elles dun tel renoncement ? Les pièces plus anciennes traduisent-elles une forme de sidération comparable ?
Nous aimerions que les interventions sinscrivent dans lun des quatre axes suivants, sans restriction au seul répertoire français :
1°) Lapport de la mise en fiction du traumatisme, au regard des représentations issues de lactualité ou de lhistoriographie : les uvres reconduisent-elles des perceptions officielles ou construisent-elles des lieux de parole libres susceptibles doffrir une vision singulière du traumatisme ? Dans ce dernier cas, la liberté prise à légard dune forme officielle de discours est-elle gage de pertinence ?
2°) Lapport du dispositif théâtral : quelles voies sont utilisées pour la mise en scène des catastrophes (mise en espace, mode de représentation mimétique ou non, univocité ou polyphonie, usages scénique du corps, etc.) ? Quelles sont les formes théâtrales utilisées de manière préférentielle (monologue, drame épique, installation, etc.) ?
3°) Larticulation entre fictionnel et non fictionnel : le théâtre est-il davantage porté au témoignage quà linvention ? Quelles libertés sautorise-t-il ou non à légard du réel ? Quel est le statut ontologique des univers créés sur scène, entre pure fiction et véridicité ?
4°) Les effets engagés par un tel théâtre : sagit-il de démontrer quelque chose ou de sidérer le spectateur ? Quelles émotions sont visées et sur quel type de dispositif théâtral la fiction du traumatisme repose-t-elle : distanciation, identification, participation du spectateur ?
Les propositions de communication, assorties dun titre, ne doivent pas excéder une demi-page. Elles sont à envoyer
avant le 15 septembre 2014
simultanément à Anne Teulade (anne.teulade@univ-nantes.fr) et à Isabelle Ligier-Degauque (idegauque@gmail.com ou isabelle.degauque@univ-nantes.fr).