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ARTICLE
Le crépuscule de Idiots est un long album de bande dessinée, de presque trois cents planches, publié par Jean-Paul Krassinsky en 2016 chez Casterman. La quatrième de couverture fait apparaître une sentence, comme une moralité qui résumerait l’ouvrage : « Certains humains sont bêtes comme des singes, dit-on. Mais il est des singes qui sont sots comme des humains [1] . » Il s’agit d’une phrase prononcée par le narrateur, un vieux macaque aux allures de sage, dans les premières pages de l’album, et qui prétend caractériser les « macaques du clan de Taro », dont il va être question dans le récit qui s’ouvre. De même, à l’autre extrémité du récit, le narrateur conclut par une interrogation qui pointe explicitement dans la direction de la moralité : « De cette histoire, il y a une morale à retenir. Laquelle [2] ? » L’auteur place ainsi implicitement son album dans le sillage de la fable animalière. Il y revient d’ailleurs explicitement dans les entretiens qu’il donne suite à la publication de l’album, notamment sur France Inter :
C’est une tradition dans la narration en fait puisque depuis les Fables d’Esope aux Fables de La Fontaine, l’animalier est quand même un recours très courant pour exprimer des turpitudes humaines. Et justement le fait d’utiliser des animaux, ça a été le petit déclic qui m’a donné la distance nécessaire entre la gravité du propos et le ton que j’allais employer en fait, qui était de l’humour un peu acide, ça m’a donné cette distance qui permettait de pas être dans le pamphlet offensant de base, vulgaire. Ça me donnait paradoxalement beaucoup plus de liberté pour critiquer les religions [3] .
On peut pourtant s’interroger sur la solidité de cette référence : Le crépuscule des idiots est un récit long et complexe, convoquant un nombre important de personnages, de multiples rebondissements ; il est situé géographiquement très précisément, puisqu’il met en scène les macaques japonais qui vivent dans les montagnes de l’archipel, et historiquement, avec plusieurs allusions à la conquête spatiale. La distance est grande avec le récit laconique, intemporel et universel auquel La Fontaine a donné sa forme classique dans la littérature française. Pour qu’il y ait véritablement migration ou transfert culturel, il ne suffit pas d’une simple référence. Jean-Paul Krassinsky renvoie en effet implicitement dans son entretien à un véritable genre de la bande dessinée quand il cherche un « recours très courant pour exprimer des turpitudes humaines » dans « l’animalier ». Le terme, même s’il n’est attesté ni dans le TLF ni dans le Robert, est d’usage courant chez les professionnels, et dans les sites spécialisés [4] , pour désigner un ensemble d’albums qui utilisent des personnages mi-humains mi-animaux, et qui remonte notamment à la tradition de Floyd Gottfredson. Or la coïncidence du contenu (des animaux qui parlent) ne suffit pas pour qu’on parle d’une continuité. Pour suivre la « migration » d’un genre littéraire du XVIIe siècle à un genre bédéique du XXe siècle, et pour en comprendre le sens, il faut retracer entre l’un et l’autre un trajet concret de réception qui suive une véritable chaîne de transmission, avec ses modifications ; il faut surtout montrer comment, par quelles étapes, pour quelles raisons s’est fait le déplacement intermédial de la littérature à la bande dessinée. Il s’agit là d’un enjeu majeur dans la recherche sur la bande dessinée, d’un chapitre de plus de ces Naissances de la bande dessinée, dont parle Thierry Smolderen [5] . L’histoire esthétique des origines de la bande dessinée a fait l’objet de nombreuses études depuis quinze ans ; si la constitution progressive du code, la cristallisation des moyens de diffusion (revues, albums), la mise en place des principaux genres, sont maintenant bien connues, on a encore peu d’éléments sur la façon dont les animaux se sont imposés de façon aussi importante dans le personnel de la bande dessinée. À cet enjeu d’histoire esthétique, à cet enjeu de réception et de transfert intermédial, s’ajoute enfin une question anthropologique fondamentale. Les Fables de La Fontaine, et plus généralement la tradition littéraire des fables, jouent un rôle majeur dans la façon dont nous avons tracé la limite entre l’humain et l’animal. Le métamorphose de la littérature à la bande dessinée se place ainsi au cœur de cette « fabrique anthropologique » dont Giorgio Agamben suit les étapes dans L’Ouvert. De l’homme et de l’animal [6] . L’histoire que je vais raconter tourne autour de la césure entre l’humain et l’animal à partir de laquelle nous n’avons cessé de penser notre humanité.
La Fontaine et la production d’un genre littéraire.
La Fontaine est celui qui a donné aux fables ses lettres de noblesse dans le champ littéraire. Marc Fumaroli rappelle combien elles restaient considérées dans les années 1660 comme un genre mineur ; il cite la préface des Fables de Phèdre affranchy d’Argente traduites en français avec le latin à côté de Le Maistre de Sacy :
Il y a des personnes qui, lorsqu’elles entendent seulement le nom de fables, en sont frappées aussitôt, et en conçoivent de l’aversion. Ils s’imaginent qu’on leur veuille faire les mêmes contes qui sont d’ordinaires dans la bouche des femmes et nourrices, et qu’on les rabaisse à un entretien tout à fait indigne de l’âge avancé, qui rend dignes de grandes choses [7] .
Si La Fontaine dédie son recueil à un enfant de sept ans (Monseigneur le Dauphin), on sait que le recueil a reçu immédiatement une réception enthousiaste à la cour et à la ville, parmi le public noble lettré. Madame de Sévigné, qui qualifie les fables de « divines », apprend par cœur « Le Singe et le Chat ». La Fontaine fait de la fable un genre conforme aux attentes du nouveau public lettré – celui des nobles, mondains, composé notamment de femmes, et concentré autour des nouveaux salons parisiens, attirés par les genres courts, associant culture et divertissement [8] . Pour autant, il serait faux de dire qu’il rompt tout à fait avec la tradition pédagogique et donc avec la relation à l’enfance qui caractérisait le genre : le livre douzième est dédié au nouveau Dauphin, fils du précédent dédicataire. Tout se passe comme si La Fontaine continuait à s’adresser à une part d’enfance, même si elle concerne d’abord et avant tout des adultes. Je cite sur ce point Jean-Charles Darmon :
L’enfance, selon La Fontaine, demeure en quelque sorte un « pli » en nous, entre deux instances (animalité/humanité) qui ne peuvent être ni totalement séparées, ni totalement confondues, pli ondoyant et subtil entre une imagination toujours en mouvement et une raison qui virtuellement s’en dégage, mais lui devra toujours beaucoup [9] .
En d’autres termes, si La Fontaine donne un nouveau statut aux fables, les adressant à un public adulte, noble et cultivé, il les met tout de même en tension avec leur public traditionnel, leur conservant une part d’enfance inaliénable.
Cette tension est directement liée, pour Jean-Charles Darmon, au rapport entre humanité et animalité. Elle nous dirige donc vers ce qui est au cœur de la poétique des fables, à savoir le rapport entre un récit (animalier pour ce qui nous concerne ici) et une morale. Cette tension joue au cœur de l’écriture des fables. L’expression par laquelle La Fontaine résume sa posture : « Je me sers d’animaux pour instruire les hommes » dit simplement le système allégorique de la Fable. Voyons par exemple (j’ai volontairement choisi ici une singerie), le rapport entre récit et morale dans « Le Singe et le Chat » que Mme de Sévigné apprenait par cœur. La fable met en scène deux compères malfaisants qui multiplient les mauvais coups dans le logis qu’ils habitent ; le fabuliste raconte un de leurs forfaits où le chat tire du feu des marrons que le singe finit par manger. Ainsi contée, la fable se résout pleinement dans la morale :
Raton
N’était pas content, ce dit-on.
Aussi ne le sont pas, la plupart de ces princes
Qui, flattés d’un pareil emploi,
Vont s’échauder en des provinces
Pour le profit de quelque roi [10] .
Le rat est assimilé aux princes qui agissent pour un roi et n’en tirent pas de profit. Pourtant, le récit vivant ne saurait se résoudre à cette morale. On y voit littéralement le mouvement gracieux de la patte du chat :
Raton avec sa patte,
D’une manière délicate,
Écarte un peu la cendre, et retire les doigts,
Puis les reporte à plusieurs fois ;
Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque [11] .
Autrement dit, le récit ne se contente pas de préparer, transparent, la morale : il constitue la mise en scène vivante de l’animal comme un reste concret qui ne se réduit pas à son intelligibilité. Je ne fais là que répéter une évidence qui a été maintes fois répétée par les spécialistes de La Fontaine. Ce que je tiens à souligner pour ma démonstration, c’est que cette caractéristique a à la fois des conséquences poétiques et des conséquences anthropologiques : d’un point de vue poétique, on se trouve face à un genre qui ne cesse de faire jouer l’adéquation entre le corps et l’âme, entre la fable et la morale : « le charme de la narration y procède des effets de basculement entre allégorie, autrement dit du jeu de la transposition [12] ». Du point de vue anthropologique, ce jeu permanent de la transposition suppose un travail répété sur la limite entre l’humain et l’animal. Dans cette fable en l’occurrence, La Fontaine oscille subtilement entre des appellations qui assimilent les personnages à des humains (« commensaux », « galands ») et des caractérisations évidemment animales. Il rejoint ainsi le jeu sur la césure dont Agamben fait la machine anthropologique par excellence, celle qui délimite en l’humain ce qui est humain et ce qui est animal.
Si la fable se caractérise donc par un système allégorique où les traits des animaux servent à témoigner des turpitudes humaines, ce système reste toujours fluctuant et ne cesse de jouer sur la césure de l’humain et de l’animal. Selon l’expression de Jean-Claude Darmon,
La fabrique des fictions animalières donnera lieu […] à des évidences toujours en mouvement et à bien des égards insaisissables. Dans ces jeux d’anamorphoses savamment entretenus, l’animal sera pour notre imagination un miroir, mais un miroir brisé. […] Jusqu’à quel point l’humanité du lecteur pourra-t-elle se reconnaître en ces figures animales qui l’expriment [13] ?
La conséquence de cet échange permanent entre allégorie et consistance narrative pose enfin la question de la concentration de l’écriture. Cette tension suppose en effet d’un côté une exigence de brièveté démonstrative et de l’autre les détours d’une richesse narrative concrète :
Il suffit qu’on musarde pour que le fil de la narration se perde ; la brièveté, c’est l’âme des contes. Et pourtant, conter n’est pas informer, laconiquement et strictement : il y faut quelque grâce, des effets, du neuf, de la surprise [14] .
Toute l’élégance de l’écriture de La Fontaine consiste à concilier dans les Fables ces deux exigences. On peut ainsi résumer les caractéristiques de la fable animalière héritées de La Fontaine : elle présente une dimension pédagogique détournée vers un public adulte ; cette dimension pédagogique implique le fonctionnement allégorique de la fable, qui ne se résout pourtant jamais parfaitement en une morale ; cette dialectique implique de même un balancement entre le laconisme, nécessaire à l’allégorie, et les détours de la grâce ; enfin, elle est liée à une hésitation entre l’humain et l’animal.
La réception du genre au XIXe siècle
Ces trois tensions vont connaître de nets déplacements dans la réception du genre au XIXe siècle. Le glissement vers un public d’enfants est sans doute l’inflexion la plus marquante. Le début du siècle, avec le triomphe de la haute bourgeoisie et le nouveau souci apporté à l’éducation des enfants, voit l’éclosion de ce qu’on a appelé depuis la « littérature jeunesse ». C’est à partir de ce moment que les Fables vont se trouver à nouveau adressées à un public d’enfants. Emblématique de cette nouvelle inflexion est la page de faux-titre de l’édition illustrée par Jules David [15] : on y voit une mère, entourée par ses enfants au milieu d’un décor familial quotidien, leur lisant à voix haute les Fables de La Fontaine.
Surtout, La Fontaine devient l’auteur par excellence de l’enseignement. C’est le cas dès le XVIIIe siècle pour l’enseignement secondaire où, comme le souligne André Chervel, il intervient à la fois dans le travail de traductions latine et grecque (en regard de la traduction des fables de Phèdre et d’Esope) et dans le travail d’apprentissage par cœur. Mais le XIXe siècle va généraliser le rôle central de La Fontaine dans le système pédagogique français. Dans les années 1880, il est devenu dans l’enseignement primaire comme dans l’enseignement secondaire, l’auteur le plus cité dans les manuels scolaires, tous niveaux confondus [16] . Le système scolaire français remet ainsi pleinement les caractéristiques pédagogiques des Fables, désormais considérées comme un recueil de morale laïque et pratique. C’est vrai pour l’enseignement primaire :
Soucieuse d’opérer une sorte de captation idéologique et morale de l’élève, l’École républicaine a tâché de transformer la fable en bréviaire de sagesse susceptible de former des enfants « bien élevés, » c’est-à-dire, de ramener l’élève en quelque sorte à sa fonction ontologique : être bien élevé, c’est faire preuve d’une civilité où il se montrera en toute occasion correct [17] .
Mais c’est aussi vrai très vite pour l’enseignement secondaire :
Les Fables de La Fontaine orientent également le lecteur vers des valeurs plus adultes, notamment l’idée d’un certain déterminisme biologique, ou encore la présence de valeurs républicaines et laïques. L’élève du secondaire aura d’ailleurs l’occasion d’examiner ces concepts, présents dans les Fables, à travers le célèbre système des explications de texte du lycée censées forger le jugement et développer l’esprit critique propre aux jeunes adultes [18] .
Les Fables, que La Fontaine avait déplacées vers un public adulte cultivé, reviennent ainsi pleinement du côté de l’enfance.
Le retour des Fables dans le giron de la pédagogie a donc à voir avec leur valeur morale. Cependant, on peut penser qu’il s’explique aussi par le reste animal et ses potentialités imaginaires qui vont trouver dans le public enfantin tel qu’il se constitue au XIXe siècle un réceptacle idéal. En effet, le triomphe des Fables dans le système scolaire français doit être mis en parallèle avec le développement d’une littérature pour enfants où les animaux jouent un rôle central. Dans les romans de la seconde partie du xixe siècle, les personnages d’enfants sont régulièrement accompagnés d’animaux : Marie-Hélène Melmoux-Montaubin cite les Mémoires d’un âne de la Comtesse de Ségur [19] , Histoire d’un âne et de deux jeunes filles [20] de Stahl (alias Pierre-Jules Hetzel), Sans famille [21] d’Hector Malot, où Rémi est accompagné d’un singe et trois chiens, P’tit-bonhomme [22] de Jules Verne, où le protagoniste est accompagné d’un chien, Birk. Ce compagnonnage articule un rôle pédagogique et imaginaire. D’un point de vue pédagogique, il s’agit de confronter l’enfance à une animalité qu’en lui il doit civiliser. Mais du point de vue de l’imaginaire, il s’agit bien de mettre en scène un trouble constant entre humanité et animalité :
Plus ou moins consciemment, les romans de Stahl, Malot ou Verne suggèrent une interrogation sur la frontière entre l’humain et l’animal. Des figures d’hybrides s’insinuent ici ou là dans le récit, angoissantes, tandis que les destins parallèles ou croisés des enfants et des animaux posent la question de savoir ce qui constitue l’essence de l’homme et le distingue de la bête. La maîtrise du langage et la moralité apparaissent comme des remparts dressés par l’éducation entre l’enfant et un animal dont la nature n’est peut-être pas essentiellement différente de la sienne [23] .
Ce retour de la fable animalière vers l’enfance, dans son articulation entre souci pédagogique et imaginaire a clairement à voir avec l’image. La publication des fabliers illustrés à destination du public scolaire est en effet doublée par des publications dans les premières revues de presse destinées aux enfants. De 1843 à 1857, Pierre-Jules Hetzel, l’éditeur de Jules Verne et de certains des premiers romans pour enfants, publie Le Nouveau magasin des enfants dans lequel on trouve notamment les illustrations de Jean-Jacques Grandville pour les Fables de La Fontaine. De même, au début du XXe siècle, Le petit français illustré publie des fables « corrigées » et illustrées par le dessinateur Christophe.
Or il n’est pas sans intérêt pour notre histoire que ce soit Christophe qui s’occupe d’illustrer La Fontaine dans une revue pour enfants. Si je prends en exemple le n° 136 de l’année 1902, on constatera que la revue s’ouvre en couverture avec une illustration de la fable « L’âne chargé d’éponge et l’âne chargé de sel » et se ferme en quatrième de couverture sur une bande dessinée, Les malices de Plick et Plock, conçue elle aussi par Christophe : d’un côté, la morale héritée de la littérature classique, de l’autre, une plaisanterie contemporaine.
Cette coïncidence signale une convergence remarquable entre la réception des Fables et la « naissance » de la bande dessinée. Toutes les caractéristiques que nous avons relevées dans l’histoire de la réception se retrouvent en effet dans l’histoire du neuvième art. C’est par souci pédagogique que Rodolphe Töpffer invente ses « Histoires en estampes », mieux à même pour lui de convaincre l’enfant que la morale abstraite, parce qu’elles s’adressent à son imagination. Dès ses premiers essais, en l’occurrence Les amours de Mr Vieux Bois [24] , cette dimension imaginaire se traduit notamment par l’association du personnage principal avec des animaux, un petit chien jouant le rôle de double du héros pendant une longue partie du récit. Cette caractéristique commune avec la littérature pour enfants naissante sera attachée de façon constante à la bande dessinée. Je ne signale que deux étapes : dans l’album que Christophe consacre aux aventures du Dr Cosinus en 1900, donc à l’époque même où il illustre les Fables de La Fontaine dans Le petit français illustré, il associe continûment le personnage à un gros bouledogue [25] . Plus connu est le rôle que jouent les animaux de compagnie dans la bande dessinée franco-belge d’après-guerre, avec en particulier Milou qui accompagne Tintin, et Spip, l’écureuil de Spirou [26] .
Il ne fait pas de doute, par ailleurs, que les Fables ont partie liée, depuis le Moyen Âge, avec l’illustration. Alain-Marie Bassy explique leur succès exceptionnel par ce qui en elles, irréductible à l’allégorie, se dirige vers l’image :
Toute la pensée, tout le langage de La Fontaine se diluent […] en images. Chaque vers ou chaque groupe de vers apporte une modification visuelle de l’observateur. Les Fables semblent […] nous offrir, au lieu d’une vue unifiée, une vue kaléidoscopique d’un monde sans cesse en mouvement […]. Le discours de La Fontaine marquerait donc très exactement la substitution à une rhétorique abstraite de l’idée (dont l’image constituerait l’exemple, la comparaison) d’une rhétorique vivante de l’image [27] .
Je ne peux pas suivre ici l’ensemble du mouvement qui donne forme concrète à ces images vivantes. Je me contenterai de m’arrêter à l’exemple de Jean-Jacques Grandville. C’est lui qui va donner à la rencontre dans l’image de l’humain et de l’animal une nouvelle dimension, décisive pour le personnel de la bande dessinée au siècle suivant. Il est le premier illustrateur à jouer sans cesse sur les échanges entre caractéristiques humaines et caractéristiques animales. On peut isoler trois procédés même s’ils sont bien entendu généralement mêlés. Le plus simple consiste à juxtaposer en arrière-plan des personnages humains qui paraphrasent l’action animale, reproduisant ainsi dans les plans de l’image la dualité de la fable et de la morale. Ainsi, dans l’illustration de « Le Corbeau et le Renard », un couple formé d’un galant et d’une jeune fille à laquelle il conte fleurette reproduit le flatteur et celui qui l’écoute. Le deuxième procédé présente des animaux qui jouent à être humains, notamment en se déguisant (mais aussi en adoptant des postures humaines). Voyez par exemple l’illustration de « Le Loup plaidant contre le renard devant le Singe » : les animaux y sont debout, habillés de défroques humaines, mais ils gardent pattes et poils de bêtes. Cependant, c’est dans la troisième catégorie que Grandville fait un apport décisif à l’histoire du dessin animalier. Il associe en effet directement, dans le corps du personnage, un corps humain et une tête animale. Dans l’illustration de « Le Rat des villes et le Rat des champs », de façon très frappante les deux personnages principaux ont posture humaine, mains blanches à cinq doigts, de même que la chatte qui perturbe leur déjeuner. Cette invention de Grandville appelle trois commentaires. Tout d’abord, il faut noter qu’en inventant ce procédé, Grandville touche exactement à cette césure entre l’humain et l’animal à cette « machine anthropologique » qu’étudie Giorgio Agamben dans L’Ouvert. Grandville, comme souvent dans ses dessins, ouvre à une fantasmagorie, où la limite est interrogée de façon inquiétante. Je n’insiste pas parce que ce n’est pas directement mon sujet, mais il est fondamental de garder à l’esprit que Grandville transmet ainsi à la bande dessinée du XXe siècle une sourde interrogation qui, même dans ses avatars les plus souriants, ne cessera d’être à l’œuvre [28] .
La deuxième remarque importante est que ce procédé est repris par Grandville d’une série de caricatures publiées en 1828 sous le titre Les Métamorphoses du jour et qui ont connu une certaine notoriété. L’humain à tête d’animal y est la base d’une caractérologie sociale beaucoup plus stable que celle de La Fontaine – chaque animal y correspond à un type, par exemple un personnage à tête de rat est toujours pauvre, qu’il s’agisse d’un vieil homme, de prolétaires ou d’artistes. Cette caractérologie plus stricte va se retrouver dans la suite de notre histoire.
Je ne vais pas suivre ici toutes les étapes qui mènent vers la bande dessinée moderne. Le processus est trop long et complexe – il faudrait notamment suivre l’illustration anglaise qui au XIXe siècle s’empare des Fables d’Ésope suivant des phénomènes proches de ceux qu’on détecte en France (glissement vers la littérature pour enfants, rapprochement avec la caricature de Presse, notamment par l’intermédiaire de John Tenniel, utilisation des humains à têtes d’animaux). Une telle comparaison ferait apparaître une divergence fondamentale entre la France et l’Angleterre où les fables vont être articulées à l’histoire des limericks, petits poèmes illustrés au caractère nonsense très marqué. On sait que le développement du nonsense en Angleterre dans la deuxième partie du xixe siècle est lié, comme en France la réception des Fables, au développement du système scolaire, mais sous une forme qui associe la contestation et la confirmation. Or le nonsense, à partir des limericks et des romans illustrés de Lewis Caroll, joue un rôle décisif dans le développement de la bande dessinée aux États-Unis au début du XXe siècle [29] . Je vais me contenter de pointer trois œuvres qui jouent un rôle majeur pour la mise en place des caractéristiques contemporaines de la bande dessinée animalière. La première est l’édition illustrée des Fables par Benjamin Rabier, parue en 1903 chez Taillandier. Rabier impose au dessin animalier une norme qui marquera le XXe siècle, en associant une ligne continue du dessin, des formes arrondies et des aplats de couleur. Bref, le modèle qu’on retrouvera dans les dessins de Gotffredson pour Mickey. Surtout, apparaît très nettement chez Rabier un procédé qu’on trouvait parfois chez les illustrateurs précédents, mais qu’il généralise : au lieu d’associer à une fable une seule illustration, il suit les étapes de récit dans une segmentation imagée. C’est une première étape qui rapproche la fable du récit séquentiel qu’est la bande dessinée. Ainsi, dès « La Cigale et la Fourmi », Rabier présente la situation initiale de la Cigale (« ayant chanté tout l’été »), puis sa démarche auprès de la fourmi (« elle alla crier famine, chez la fourmi sa voisine ») ; il isole l’implicite de la réponse de la Fourmi dans un petit récit séquentiel en image qui montre comment la fourmi travaille ; il présente le refus de la Fourmi et finalement la conséquence terrible de ce refus, avec la mort de la Cigale. On retrouvera cette même segmentation dans la très belle illustration de « Le Chat et le Singe » où Rabier utilise même des procédés d’encadrement proches de l’espace intericonique de bande dessinée, cette gouttière qui sépare chaque case, pour isoler la situation initiale (les deux compères voleurs), le récit de la fable (le chat sort les marrons du feu pour le singe qui les mange) et la conclusion (ils sont chassés). On remarquera que dans tous les cas, Rabier se contente d’un récit, écartant toute élucidation morale de l’allégorie.
La deuxième œuvre qui joue un rôle essentiel dans la définition des traits qui vont caractériser la bande dessinée animalière en France est La Guerre mondiale des animaux, illustrée par Calvo. On retrouve dans cet album toutes les caractéristiques mises en place dans les ouvrages précédents : souplesse des transitions entre l’humain et l’animal, caractérisations strictes (nationales, en l’occurrence) du dessin animalier, rondeur du dessin, segmentation du récit. Calvo ajoute seulement une dimension qui rompt avec la fable : le récit épique de la seconde Guerre Mondiale se déploie sur deux volumes de soixante-dix planches au total. La caractériologie sociale stricte que proposait Grandville dans la suite des illustrations va ainsi servir à repérer des personnages appartenant à un groupe donné : les loups sont toujours des Allemands, mais elle va aussi servir à repérer le retour d’un personnage donné, Churchill étant par exemple représenté par un bouledogue très réaliste et en même temps terriblement ressemblant. Calvo s’empare ainsi des caractéristiques que les fables utilisaient sous une forme discontinue pour créer un récit épisodique. Pour autant, on ne sort pas de la logique qui associe récit et morale comme la dernière phrase de la dernière planche le laisse entendre [30] .
La troisième œuvre qui va donner sa forme définitive à notre histoire est l’album d’Art Spiegelman, Maus. On y retrouve tous les traits présentés jusqu’à présent : Spiegelman reprend à Calvo – on sait que La Guerre mondiale des animaux a joué un rôle majeur dans la genèse de Maus – le dessin rond associant un corps humain à une tête d’animal ; il reprend aussi la caractériologie nationale stricte de Calvo ; il reprend la construction continue d’un récit complexe. Cependant, il fait subir un dernier déplacement à la destination du récit. Si Maus conserve une visée pédagogique liée en particulier à la volonté de transmettre la mémoire de la Shoah aux générations dont les parents n’ont pas connu la guerre, il renverse cette visée pédagogique vers un public adulte. Il accompagne ainsi, voire accentue, un phénomène général dans l’histoire de la bande dessinée dans les années 1970 et 1980. Le public du récit animalier se trouve ainsi retourné une dernière fois.
Le charme du crépuscule
Le Crépuscule des idiots apparaît ainsi comme le résultat d’une longue histoire qui déplace les traits de la fable animalière classique en inventant une représentation spécifique qui mêle traits humains et traits animaux, en accentuant la complexité de la narration tout en lui conservant une valeur allégorique, et en modifiant une dernière fois le public visé.
Le Crépuscule des idiots conserve bien des traits qui faisaient la dimension enfantine de La Guerre mondiale des animaux. En particulier, le narrateur qui y est mis en scène s’adresse à des enfants, comme dans l’album de Calvo, dans la mise en scène d’un rapport moral explicité. Pourtant, il ne fait aucun doute que les destinataires réels de la bande dessinée sont des adultes. Pour preuve les nombreux épisodes sexuellement explicites qui y présentent les singes s’embrassant bouche ouverte, ou en position de levrette, ou encore discutant politique au milieu d’une fellation. Dans le contexte éditorial de la bande dessinée, ces scènes sont un témoin fiable de la destination : la bande dessinée étant depuis le lendemain de la seconde guerre mondiale légalement [31] liée à l’enfance et à sa protection, ces scènes n’apparaissent qu’à partir du moment où, dans les années 1970 la bande dessinée commence à s’adresser à des adultes. De même, la publication de l’album a été abondamment relayée dans les grands médias (France Inter, Le Monde des Religions, L’Est Républicain, Le Figaro, etc.). Il appartient à l’évidence à une génération de bandes dessinées qui a obtenu définitivement une légitimation artistique, intellectuelle, adulte.
Pour autant, de même que j’avais dit que les Fables de La Fontaine touchaient à la part d’enfance dans l’adulte qui les lisait, de même il n’est pas impossible de penser que la bande dessinée adulte conserve un rapport essentiel à l’enfance. J’en avais fait la remarque à propos de Maus qui conserve de l’héritage animalier de Disney une douceur dans le dessin qui atténue la césure entre l’animal et l’humain [32] . Il y a en effet dans le trait caricatural de Krassinsky quelque chose qui apporte une rémanence régulière du jeu. Cela ne veut pas dire que l’album est dénué de tension. Les scènes violentes et cruelles sont récurrentes, et elles montrent l’animalité dans ses traits les plus durs (signes de domination où le mâle dominant montre les dents, morsures mortelles, etc.). Mais le passage par un trait simplifié apporte un adoucissement récurent qui rappelle qu’on reste dans le domaine de l’humour et du jeu. On peut faire la même remarque dans la présentation de la césure entre l’humain et l’animal. Si Krassinsky n’utilise l’héritage de Grandville que dans la représentation de « Rhésus », le singe venu de l’espace (tombé en fait d’une capsule envoyée dans l’espace par la Nasa), qui apparaît dans un costume de cérémonie et est pratiquement toujours représenté en posture debout, il mêle en permanence des mimiques humaines aux traits animaux.
Le dessin joue aussi un rôle essentiel dans l’atténuation du didactisme de la narration. En apparence, on suit un récit au discours simple et clair. Dans le monde bien réglé du clan des macaques de Taro, où le mâle dominant s’octroie la plus belle femelle, Hisayo, et décide qui peut se baigner dans les sources d’eau chaude, Nitchii est frustré et rêve d’amour. Un événement inattendu va tout perturber : un satellite s’écrase près de là et Nitchii rencontre le singe « Rhésus » qui était enfermé à l’intérieur. Rhésus se présente comme un prophète et met en place une religion qui assure l’égalité entre les singes (et le pouvoir de Rhésus, aidé par Nitchii et quelques grands prêtres). Mais très vite, Taro reprend le pouvoir en tuant Rhésus, en se débarrassant de Nitchii ; il fait régner la terreur en formalisant la religion et en édictant huit règles qui assurent son pouvoir absolu. Le récit s’achève avec le retour de Nitchii, vêtu des oripeaux du prophète et qui détruit le pouvoir de Taro. Cette histoire fait explicitement de la religion une forgerie que les singes inventent pour assurer leur pouvoir et qui ne fait qu’accentuer la violence de leurs rapports ; d’où la morale : « Certains humains sont bêtes comme des singes, dit-on. Mais il est aussi des singes qui sont sots comme des humains [33] ».
Pourtant, cette « morale » est atténuée par deux moyens. Tout d’abord, le cadre narratif amène une forme d’incertitude. Certes un vieux sage, dont on apprendra qu’il était enfant au moment des faits, assure l’ensemble de la narration ; son autorité est affirmée au début du récit et surtout à la fin où on comprend qu’il est « Diou ». Mais la morale finale n’est jamais énoncée : il en laisse la responsabilité aux enfants qui l’écoutent et qui ont « mal compris » son récit, puisqu’au lieu d’affirmer la nécessité de l’athéisme, ils se disputent pour savoir qui sera « Diou » et s’emparera donc du pouvoir. D’un point de vue formel, cette morale est l’inverse de celle que Rhésus tire de la parabole qu’il raconte aux singes au centre du récit et qui est, quant à elle, très explicitement articulée :
La morale de ce récit est que pour entrer dans le cœur de Diou, il ne faut ni agir contre autrui, ni agir pour soi. Car l’égoïsme est un poison. Et la violence ne résout rien [34] .
Face au discours unilatéral de la religion, la bande dessinée propose une morale ouverte, qui ne sera pas énoncée. Pour autant, on pourra toujours trouver que la fable reste un récit nettement à charge où aucune chance n’est laissée à la religion. Ce n’est en effet pas là que réside la grâce de cette fable et qu’elle retrouve les détours de l’écriture de La Fontaine. C’est dans la grâce même du dessin que ses ambiguïtés vont se construire. En effet, si Krassinsky conserve dans cet album l’acidité du trait brisé, tracé à l’encre, qui a caractérisé son dessin humoristique dans Fluide Glacial [35] ou dans les Fables de la poubelle [36] – qui contrairement à ce que leur nom pourrait laisser penser ne sont pas à proprement parler des fables – il l’associe à une colorisation extrêmement soignée, chaque planche étant peinte à la main à l’aquarelle. L’histoire se déroule ainsi dans un paysage aux allures de premier matin du monde, où la lumière se diffracte délicatement sur les blancs mouillés de la neige, dans un paysage où les détails se perdent au profit d’une fusion des éléments, de l’air, de la vapeur d’eau et des rochers, bref, dans un paysage qui semble habité par la divinité et appelle à l’illumination. Il y a là, si on reprend le vocabulaire de Georges Didi-Huberman [37] un glissement de la visibilité qui permettait de suivre un récit à dimension morale à la visualité qui fait apparaître dans les taches de l’aquarelle un nouveau monde, comme si le monde se défaisait dans une fusion entre le matériau (l’eau du peintre) et les éléments (l’eau). Krassinsky suggère ainsi une sensualité matérielle où les singes peuvent trouver un simple bonheur quotidien bien préférable à toutes les fables religieuses. Si bien que la seule morale qu’on tire de ces dessins, c’est le constat du scandale de la mort dans un paysage qui célèbre sans cesse la vie. Bien sûr, cette mort, cette violence, c’est le visage de la religion, mais la morale n’est plus alors formulée dans un discours un peu raide, mais vécu directement dans la matérialité de l’image.
Moralité
Quelle est la morale de cette histoire qui mène de la fable à la bande dessinée ? Contrairement à ce que cette présentation forcément trop rapide laisse à penser, il ne s’agit pas d’une morale unilatérale. Car le déplacement de la morale dans la matière d’une nature et d’un dessin enchantés n’est pas la seule solution proposée par la bande dessinée contemporaine. Je l’ai choisi en exemple parce que l’album de Krassinsky est sans doute celui qui correspond de la façon la plus nette au modèle classique de la fable, mais il faudrait prendre en compte aussi des exemples qui, tout en s’appuyant sur les principes dont j’ai suivi la genèse ici, présentent des divergences plus nettes : il aurait fallu parler de la banalité quotidienne et philosophique des hommes-animaux de Lewis Trondheim ; de l’inquiétante étrangeté des hommes-oiseaux silencieux de Jason ; de la grande fable histoire de Ptiluc; des gags absurdes et grotesques de Goupil Acnéique et Abraham Kadebra ; de l’animalité technologique ultra-violente de Grant Morrison et Frank Quitely ; de la caractériologie sociale très typée de Jan Díaz Canales et Juanjo Guarnido. Bref, les voies que prend la bande dessinée animalière contemporaine sont multiples. Pourtant, et c’est là l’essentiel pour ma démonstration, il est acquis qu’elle est bien l’héritière de la fable classique, particulièrement des Fables de La Fontaine. Pour en arriver là, le genre littéraire a subi des déplacements remarquables : son statut dans le champ culturel a été mis à mal, jouant sur le public enfant ou adulte, mais aussi sur la dignité artistique ; formellement, il a progressivement glissé vers une articulation nécessaire de l’image et du texte. Il n’en a pas moins conservé l’importance centrale d’une représentation de la césure entre humain et animal et avec elle un glissement toujours possible du sérieux à l’humour, de la morale à la matérialité, du laconisme aux détours de la grâce.
Bibliographie
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TOPFFER, Rodolphe, Les Amours de Mr Vieux Bois [1837], Paris, Garnier, 1860.
Notes
- [1]
Jean-Paul Krassinsky, Le Crépuscule des idiots, Tournai, Casterman, 2016.
- [2]
Ibidem., p. 289.
- [3]
Anne Douaire, entretien avec Jean-Paul Krassinsky, « Le Crépuscule des idiot, satire vivante des religions en BD », France Inter, 30 août 2016. L’enregistrement de l’entretien est disponible sur le site internet de l’émission à l’adresse suivante : https://www.franceinter.fr/culture/le-crepuscule-des-idiots-satire-vivante-des-religions (consultée le 30 mars 2018).
- [4]
Voir par exemple le site BDThèque qui possède une catégorie « Animalier » : http://www.bdtheque.com/search.php?cboThemes=257&chkDetails=on&hidetop=1 (site consulté le 9 octobre 2017).
- [5]
Thierry Smolderen, Naissances de la bande dessinée : de William Hogarth à Winsor McCay, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2009.
- [6]
Giorgio Agamben, L’Ouvert. De l’homme et de l’animal, Paris, Payot & Rivages, 2002, collection « Bibliothèque Rivages », traduit de l’italien par Joël Gayraud.
- [7]
Cité par Marc Fumaroli, Introduction à La Fontaine, Fables, Paris, Imprimerie nationale, 1985, collection « Pochothèque », p. XVII.
- [8]
Voir Jean Clarac, La Fontaine par lui-même, Paris, Seuil, collection « Écrivains de toujours », 1963.
- [9]
Jean-Charles Darmon, « Introduction » à Jean de La Fontaine, Fables [1668-1679], Paris, Librairie Générale Française, 2002, coll. « Le Livre de Poche, Les Classiques de Poche », p. 25.
- [10]
Jean de La Fontaine, Fables, op. cit., p. 295.
- [11]
Ibidem.
- [12]
Patrick Dandrey, La Fabrique des Fables, Paris, Klincksieck, 2010, p. 91.
- [13]
Jean-Charles Darmon, loc. cit., p. 22.
- [14]
Patrick Dandrey, op. cit., p. 36.
- [15]
Fables de La Fontaine illustrées par Jules David, avec une notice et des notes de M de Walkessaer, membre de l’Institut, Paris, Armand Aubrée, 1839.
- [16]
Emmanuel Fraisse, « L’invention d’une littérature scolaire : les manuels de morceaux choisis de 1872 à 1923 », Etudes de Linguistique appliquée 59 (1985), p. 102-109.
- [17]
Ralph Albanese, La Fontaine à l’école républicaine. Du poète universel au classique scolaire. Charlottesville, Rockwood Press, 2003, p. 39.
- [18]
Ibidem., p. 57.
- [19]
Comtesse de Ségur, Les Mémoires d’un âne, Paris, Bibliothèque rose illustrée, 1860.
- [20]
P.-J. Hetzel, Histoire d’un âne et de deux jeunes filles, Paris, Hetzel, 1874.
- [21]
Hector Malot, Sans famille, Paris, Hetzel, 1878.
- [22]
Jules Verne, P’tit bonhomme, Paris, Hetzel, 1893.
- [23]
Marie-Françoise Melmoux-Montaubin, « L’enfant et l’animal dans la littérature de jeunesse du second xixe siècle », dans L’Animal au xixe siècle. Colloque international, Université Paris Diderot Paris 7, publié en ligne : http://www.equipe19.univ-paris-diderot.fr/Colloque%20animal/Melmoux-Montaubin.pdf, p. 7 (consultée le 20 mars 2018).
- [24]
Rodolphe Töpffer, Les Amours de Mr Vieux Bois [1837], Paris, Garnier, 1860.
- [25]
Christophe, L’Idée fixe du Dr Cosinus, Paris, Armand Colin, 1900. L’album peut être consulté sur Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k66237j (consultée le 30 mars 2018).
- [26]
On verra à ce propos Thierry Groensteen, Animaux en cases. Une histoire critique de la bande dessinée animalière, Paris, Futuropolis, 1987.
- [27]
Alain-Marie Bassy, Les Fables de La Fontaine. Quatre siècles d’illustrations, Paris, Promodis, 1986, p. 60.
- [28]
Je renvoie sur ce point à mon article, Henri Garric « Quelques hommes à tête de souris : réflexions sur le “dessin animalier” dans l’art et la littérature au xxe siècle », dans Georges Chapouthier, Catherine Coquio, Lucie Campos, Jean-Paul Engélibert (dir.), La Question animale. Entre science, littérature et philosophie, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Interférences », 2011, p. 215-230
- [29]
Je renvoie sur ce point à mon article « Absurde » dans Thierry Groensteen, Neuvième art 2.0. Revue en ligne de la Cité Internationale de la Bande dessinée et de l’image, Dictionnaire thématique et esthétique de la bande dessinée, consultable à l’adresse : http://neuviemeart.citebd.org/spip.php?rubrique77 (à paraître).
- [30]
L’association entre le récit et la morale, dans le cas de La guerre mondiale des animaux, est beaucoup plus complexe que je ne peux le suggérer ici ; je renvoie sur ce point à mon article Henri Garric, « La bête est morte : dessin animalier et différence », dans Thierry Groensteen (dir.), Neuvième art 2.0, Revue en ligne de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, consultable à l’adresse : http://neuviemeart.citebd.org/spip.php?article495 (consulté le 30 mars 2018).
- [31]
La loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse vise explicitement les bandes dessinées et leur immoralité supposée ; elle impose un cadre qui va moraliser la bande dessinée. Voir à ce sujet Thierry Crépin, « Haro sur le gangster ! » La moralisation de la presse enfantine, 1934-1954, Paris, CNRS Éditions, 2001.
- [32]
Henri Garric, « Quelques hommes à tête de souris : réflexions sur le “dessin animalier” dans l’art et la littérature au xxe siècle », loc. cit.
- [33]
Ibid., p. 22.
- [34]
Jean-Paul Krassinsky, Le Crépuscule des idiots, op. cit., p. 103.
- [35]
Je pense en particulier à Jean-Paul Krassinsky, Toutoute première fois, Paris, Audié, collection « Fluide Glamour », 2009.
- [36]
Jean-Paul Krassinsky, Les Fables de la poubelle, Dargaud, 2010.
- [37]
Georges Didi-Huberman, Devant le temps. Histoire de l’art et anachronisme des images, Paris, Minuit, 2000, p. 221.
Pour citer cet article
Henri Garric, « De la fable à la bande dessinée animalière : de La Fontaine à Jean-Paul Krassinsky », SFLGC, bibliothèque comparatiste, publié le 01/07/2019, URL : https://sflgc.org/acte/garric-henri-de-la-fable-a-la-bande-dessinee-animaliere-de-la-fontaine-a-jean-paul-krassinsky/, page consultée le 04 Décembre 2024.
Biographie de l'auteur
GARRIC Henri
Henri Garric est professeur de littérature comparée à l’Université de Bourgogne. Au sein du CPTC (Centre Pluridisciplinaire Textes et Cultures), il dirige l’axe « LmM » (Littératures, arts mineurs, Arts Majeurs) consacré aux rapports de domination et aux échanges esthétiques au sein du champ culturel et artistique. Dans cette perspective, il a publié un livre consacré aux expressions artistiques silencieuses, Parole muette, récit burlesque : les expressions silencieuses aux XIXe et XXe siècles (2015). Il travaille plus spécifiquement sur les rapports entre littérature et bande dessinée. Sur ce domaine, il a publié de nombreux articles et dirigé un collectif, L’engendrement des images en bande dessinée (2013), dont la suite, La destruction des images en bande dessinée, devrait sortir en 2020.