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Les livres de Faust : littérature, magie et alchimie

ARTICLE

I. Il est vrai sans mensonge, certain & très véritable.
II. Ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut : & ce qui est en haut, est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d'une seule chose.
III. Et comme toutes les choses ont été, & sont venues d'un, par la méditation d'un : ainsi toutes les choses ont été nées de cette chose unique, par adaptation. […]
VIII. Il monte de la terre au ciel, & derechef il descend en terre, & il reçoit la force des choses supérieures & inférieures. Tu auras par ce moyen la gloire de tout le monde ; & pour cela toute obscurité s'enfuira de toi.
IX. C'est la force forte de toute force : car elle vaincra toute choses subtile, & pénétrera toute chose solide.
X. Ainsi le monde a été créé.
De ceci seront & sortiront d'admirables adaptations, desquelles le moyen en est ici. […]
XII. C'est pourquoi j'ai été appelé Hermès Trismégiste, ayant les trois parties de la philosophie de tout le monde. Ce que j'ai dit de l'opération du soleil est accompli et parachevé.

Hermès Trismégiste, Tabula Smaragdina [1]

Sacrifiant à la coutume des textes afférents à la Tradition Hermétique, cette étude porte en exergue un extrait de la Table d'Emeraude. Attribuée à Hermès Trismégiste, "regardé comme le père de l'Alchymie [2] , qui de lui a pris le nom d'Art Hermétique" [3] , la Tabula Smaragdina contient l'essentiel de la pensée hermétique."Avatar hellénisé du dieu égyptien Thot", le maître présumé de celle-ci est considéré comme "l'inventeur mythique de l'écriture, de la magie, de l'astrologie, de la médecine et de l'alchimie" [4] . Il maîtrise de fait un savoir appréhendé comme un idéal. Georg Faustus, un obscur charlatan du XVIe, "vilipendé et méprisé par tous les humanistes et savants personnages qui le mentionnent" [5] est l'un de ceux qui a tenté de saisir la totalité de ces savoirs. L'histoire a fait de ce personnage une légende. Elle le dit "moitié bateleur, moitié guérisseur, […], éblouissant les badauds par ses tours de passe-passe, […] tirant des horoscopes, pratiquant la médecine illégale" [6] , "alchimiste" [7] et exerçant "ses dons de magie à la cour de Charles Quint" [8] . Il se fait tantôt nommer Georgius Sabellicus, "c'est-à-dire probablement le Sabin, autrement dit le magicien, [tantôt] philosophes des philosophes" [9] . Imposteur ? Illuminé ? Ni l'histoire ni la littérature ne sont jamais vraiment parvenues à lever le voile sur ce mystère. Un fait demeure, Faust "éblouit par sa science, […], [et] il jouit d'une popularité considérable parmi les étudiants comme chez les petites gens" [10] . De cette aura énigmatique un livre naît ; il est publié à Francfort en 1587. Faust n'en n'est pas l'auteur ; la légende et le mythe lui réservent des écrits bien plus attrayants [11] et bien plus hermétiques encore. L'imprimé s'intitule toutefois Fautsbuch (ou Livre de Faust) et respecte la trame de la légende. Johann Faust [12] y est "dem weitbeschreyten Zauberer und Schwarz Kunstler [un illustre magicien et enchanteur" [13] , nommé "doctor medicinae" [14] , "bon astrologue", "ayant entrepris de spéculer sur les éléments premiers" [15] . Ses conversations avec Méphistophélès font revivre tout un bestiaire alchimique permettant de suivre une initiation aux différentes phases du Grand Œuvre [16] . Ce livre est l'un des pivots autour duquel s'articule le thème de Faust [17] . "Ses répercussions sont extraordinaires [et Hans Henning y voit] un phénomène presque unique dans la littérature mondiale" [18] . Le Faust I [19] (1808) de Goethe est l'une des réécritures les plus célèbres assurant la continuité du lien entre Faust et l'alchimie. Certes, quantité d'idées fourmillent dans la tragédie, quantité d'interprétations ont été faites sur le texte et Goethe lui-même ne sait ni ne peut dire "quelle idée [il] a tenté d'incarner dans [son] Faust" [20] . Nous ne pouvons cependant négliger de rappeler que ce Faust est écrit par un lecteur des "œuvres de Théophraste Paracelse, Basile Valentin, Van Helmont, et Starkey" [21] . Pour C. G. Jung, le Faust de Goethe est même "un drame alchimique du début à la fin" [22] . Mais il existe d'autres textes littéraires dans lesquels le savoir hermétique joue un rôle prépondérant. Selon Hans Henning, "le maillon le plus important de [la] chaîne littéraire [consacrée à Faust] est représenté par la version anglaise du Livre de Faust (1588-1592) […] ainsi que par la pièce de Marlowe" [23] . Aucun document porté à notre connaissance n'indique que l'auteur de The Tragicall History of Doctor Faustus (≈1593) [24] s'est personnellement intéressé à l'une ou l'autre des disciplines de la philosophie occulte [25] . Cependant, dans la mesure où cette pièce est inspirée du Livre de Faust, elle reprend les disciplines et les étapes de l'initiation hermétique. Rappelons en outre que le XVIIe siècle compte de grands alchimistes anglais tels que "John Dee (1527-1608), astrologue de la reine Elisabeth I ; Edward Kelly, qui rejoignit la cour de Rodolphe II [et] Robert Fludd, […] à la fois alchimiste et médecin, […]" [26] . Pour F. Laroque, "ces alchimistes ont influencé […] Marlowe" [27] . Pierre Behar considère même que "John Dee est immortalisé [par Marlowe] sous les traits du docteur Faust" [28] . De plus, ce personnage se veut explicitement "l'égal de Cornelius Agrippa" [29] , il "rêve de dominer grâce à la magie [et] de domestiquer les esprits des éléments" [30] . Par conséquent l'histoire du Docteur Faust et celle de ses réécritures sont liées au savoir hermétique. Plus précisément, les œuvres littéraires consacrées à Faust mettent en lumière une quête assimilable à celle de l'alchimie spéculative. Il existe en effet trois orientations de l'alchimie. Deux d'entres elles sont opératives. La première concerne les métaux. "Elle consiste à tenter d'extraire la quinte essence de l'or ou de l'argent sous forme de pierre philosophale, qui, introduite dans d'autres métaux en fusion, les transformera en or ou en argent". La seconde est la distillation. Elle a "pour but d'extraire la quinte essence, à partir non seulement des métaux mais aussi des plantes afin de fabriquer un élixir de longue vie". La troisième orientation, dite spéculative "est une recherche de la sagesse" [31] . Chacune d'entre elles "naît de l'Un et ramène à l'Un" [32] . Ceci nous intéresse tout particulièrement dans la mesure où l'ambition de percer les secrets de la Nature, d'atteindre Dieu ou l'Absolu paraît être une quête spirituelle où l'homme se cherche lui-même. L'homme, sous les traits de Faust, cherche à reconquérir l'unité perdue qui permettrait de réunir les fractures de son être. Si toutes les réécritures de Faust ne semblent pas construites sur le modèle d'une quête hermétique, elles le sont implicitement. Le lecteur "cultivé contemporain [des œuvres consacrées à Faust] n'a peut-être qu'une vague idée [de l'importance de l'alchimie et du sens de sa recherche selon la méthode spéculative]. Notre conscient est loin de tout comprendre mais l'inconscient se souvient toujours des choses sacrées immémoriales, aussi étranges qu'elles puissent être, et nous les rappelle à la moindre occasion" [33] . De fait, le Faust de Valéry semble avoir tout oublié des livres d'alchimie, de magie qu'il a pu consulter et dont il a pu être le sujet par le passé. Et pourtant, dans Lust, la demoiselle de Cristal [34] ("Mon Faust", 1946), Faust passe par les mêmes étapes que ses prédécesseurs rompus à la tradition hermétique. Ceci nous amène à considérer que l'étude des réécritures de Faust peut et doit se faire sur plusieurs niveaux d'interprétation. Non pour les opposer mais afin de montrer que les ambitions faustiennes sont construites sur un constat, une organisation et des objectifs comparables. Le rapport aux livres joue ici un rôle capital L'histoire de Faust tout autant que l'exploration de ses bibliothèques si précisément inventoriées par la littérature contient les éléments essentiels à l'interprétation des symboles [35] constituant la quintessence des quêtes faustiennes.

Pour J. Y Masson, "le livre est l'objet essentiel de la destinée de Faust" [36] . Pour expliquer comment un lien a pu si étroitement se nouer entre Faust et l'univers de l'imprimé, il est nécessaire de revenir sur les origines du personnage, ses lectures mais également sur les mystérieux livres hermétiques publiés au XIXe siècle.

Jörg ou Georg Faustus naît dans le Wurtemberg aux alentours de 1480, soit moins de trente ans après l'invention [37] de l'imprimerie sous l'égide de Gutenberg, financée par Johannes Fust. La quasi-homonymie des noms (Faustus et Fust [38] ) est source de confusion. Elle frappe les esprits au point de générer une tradition orale et populaire bientôt entretenue par des livres. Celle-ci se perpétue jusqu'aux XVIIIe et XIXe siècles grâce à Friedrich Maximilian von Klinger (Fausts Leben, thaten und Höllennfahrt, 1791) et Gérard de Nerval (L'Imagier de Harlem, 1851) qui attribuent à Faust l'invention de l'imprimerie. En outre, l'important développement des techniques de reproduction de l'écrit n'est pas étranger à la multiplication des Chroniques évoquant Faust entre 1560 et 1580 [39] . Celles-ci assurent au personnage popularité et pérennité par le biais de l'écrit. Vraisemblablement né à Knittlingen, village voisin de Bretten où naquit son contemporain, Philipp Melanchthon (1497-1560), Faust est aussi souvent cité en contre exemple par le disciple de Luther [40] dans des propos rapportés textuellement par Johannes Manlius. Mais c'est l'année 1587 qui entérine le rapport de Faust avec les premiers descendants des incunables. La légende de Faust, alors faite de traditions orales "quoique partiellement écrite ici ou là est rassemblée dans [le] petit livre [d'un] auteur anonyme […] publié par Johannes Spiess à la foire de Francfort sous le titre de Faustbuch" [41] . D'emblée, l'ouvrage nommé "Volksbuch par abréviation" [42] , connaît un immense succès. Vingt éditions différentes en moins de douze ans assurent à Faust l'immortalité. Une immortalité tributaire du livre car fondée sur lui. A l'exemple de J. L. Backès qui "se demande pourquoi tant de bons auteurs s'obstinent à [utiliser l'intitulé de Volksbuch], pourquoi même en français [nous n'hésitons] pas à reprendre ce mot dont la prononciation semble acrobatique" [43] , nous aimerions nous interroger sur la signification et l'importance de ce titre. "Souvent [explique Backès], [nous le traduisons] au plus près ; [nous écrivons] le « Récit populaire », le « Livre populaire », le « Livret populaire ». [Selon lui], il faut […] qu'il y ait du « populaire » dedans" [44] . Mais n'est-il pas tout aussi légitime de mettre en lumière la seconde partie du mot : buch [le livre] ?

J.-L. Backès ne cesse de le répéter dans la présentation de sa dernière traduction du Volksbuch, "Faust a vécu près des livres" [45] . Si la biographie lacunaire et la vie errante du personnage nous empêchent de faire l'inventaire de sa bibliothèque, elle nous le montre cependant comme un universitaire. Selon son contemporain, Jean Wier, disciple de Cornelius Agrippa [46] , Faust "[apprend] la magie [à] Cracovie" [47] , ville dont l'université est "célèbre entre autres parce que l'on y enseigne la magie jusqu'à la fin du XVIe siècle" [48] . Faust est aussi remarqué à l'université d'Erfurt "où il fréquente les étudiants" [49] . En 1528, il s'arrête à Ingolstadt, siège des premières facultés bavaroises (1472). La part du hasard semble ici contestable. Si Faust se trouve aux portes de l'une des plus anciennes universités d'Allemagne, considérée comme un lieu intellectuel hautement important du siècle humaniste, c'est bien parce que sa destinée d'hommes aux livres l'y conduit. Ce "savant […] populaire parmi les étudiants" [50] , alchimiste "assez frotté de culture pour jouer au maître d'école" [51] ne peut vivre loin des livres. Ceci nous invite à penser que "Faust a cherché dans les bonnes lettres, dans les bibliothèques, un moyen de se définir lui-même" [52] . Particularité reprise par la littérature et particulièrement par Valéry. "Le professeur-docteur Faustus" dicte à Lust que les ouvrages "dont [il] a eu connaissance suffisent à [lui] donner de lui-même […] une idée singulièrement riche et multiple" [53] . Il apparaît de manière évidente que les livres constituent la substantifique moelle de l'existence de Faust. De fait, le Faust de Marlowe s'exhorte à vivre ou mourir par les livres : "live and die in Aristotle's works, [vis et meurs dans les œuvres d'Aristote]" [54] . H. Henning accorde une importance toute particulière aux sources du Livre de Faust. Selon lui, "le créateur du Faustbuch a dû puiser dans toute une série d'ouvrages antérieurs, publiés depuis l'année 1490" [55] . Il y voit l'œuvre d'un "homme d'une culture exceptionnelle [ayant] utilisé des ouvrages aussi bien théologiques que géographiques, scientifiques et littéraires" [56] . Parmi ceux-ci, il est possible d'identifier "des livres qui ne citent même pas le nom de Faust", auxquels s'ajoutent d'autres œuvres le "mentionnant et parues avant 1587" [57] . Toute "cette littérature faustienne" [58] est d'une importance capitale. L'auteur [59] en tire les anecdotes du Volksbuch et partage son savoir livresque avec son personnage. L'homme de lettres fait ainsi de Faust un lecteur instruit en "Médecine, Astronomie, Astrologie et Géométrie" [60] , "expert en sciences élémentales" [61] . Faust a vraisemblablement lu L'Odyssée et connaît avec précision la généalogie d'Hélène de Grèce [62] . Il a étudié les Saintes Ecritures et en particulier l'épître de Paul aux Ephésiens [63] , des ouvrages lui permettent de conjurer le Diable et il possède Artes Dardaniae, "un gros livre sur toute espèce de magie et de nécromancie" [64] . Enfin l'auteur ne cache pas qu'il a lui-même lu le De paestigiis Daemonum de Jean Wier. Il est légitime de penser que l'attitude de Faust face à Méphistophélès ainsi que ses connaissances en magie sont conditionnées par les anecdotes rapportées par ce disciple de Cornelius Agrippa. Les Faust de Goethe et de Marlowe héritent de toutes ces lectures. Dans le célèbre monologue que Faust prononce devant son pupitre, autrement dit dans sa bibliothèque, le personnage goethéen se lamente sur la science que lui ont apportée ses livres de philosophie, de droit, de médecine, de théologie :

Habe nun, ach ! Philosophie,
Juristerei und Medezin,
Und leider auch Theologie
Durchaus studiert, mit heissen Bemühn.
Da steh' ich nun, ich armer Tor ! :[…]
Drum hab'ich mich der Magie ergeben.

[Philosophie,
Droit, médecine,
Théologie aussi, hélas !
J'ai tout étudié à fond avec un ardent effort.
Et me voici, pauvre fou, […]
C'est pourquoi je me suis adonné à la magie]. [65]

Il cite ainsi dans l'ordre traditionnel les quatre facultés de l'Université de la Renaissance. Il évoque également "die geheimnisvolle Buch,/Von Nostradamus eigner Hand, […], [le livre mystérieux de la propre main de Nostradamus]" [66] , et semble se référer à l'Opus mago-cabbalisticum et theosophicum de Georg von Welling lorsqu'il trace le signe du macrocosme [67] . L'inventaire de la bibliothèque du Faust de Marlowe nous est donné par le personnage lui-même. D'emblée, Faust se présente sous les traits d'un grand lecteur du XVIe siècle. Il a lu les Analytiques et l'Ethique à Nicomaque d'Aristote, les œuvres de Galien, le Code de Justinien, la Bible de Jérôme, l'Epître au Romains de Saint Paul [68] . Il possède des livres de magie, de sorcellerie ("necromantic books" [69] ), les œuvres de Cornelius Agrippa (De la philosophie occulte [70] ), celles de Bacon et Albanus ("wise Bacon and Albanus works" [71] ). Il connaît aussi Musée, le poète et guide d'Enée aux enfers dans l'Enéide. [72] En définitive, seul le Faust de Valéry reste très discret sur ses lectures. Il se contente d'évoquer celles dont il fut le sujet et se présente comme le "héros de plusieurs œuvres […] littéraires et musicales très estimées" [73] . Cette simple précision repose cependant une mise en abyme. Le savoir de la Renaissance mais aussi tous les textes hermétiques : grimoire, traité d'astronomie, d'alchimie, étude d'astrologie sont sous-jacents à cette simple évocation. Faust, lecteur de son propre thème littéraire, a eu tout le loisir d'inventorier les bibliothèques de ses aïeux.

Enfin, si "c'est bien dans un grimoire, au milieu des livres […] que Faust trouve les moyens d'attirer à lui le démon, […] il est aussi le premier héros à sceller sa destinée par un écrit de sa main" [74] . Cette précision a tout de la boutade. Ce manuscrit ainsi que certains passages du Volksbuch ont pourtant le mérite de faire de Faust un auteur. Le titre même du Livre populaire annonce que l'œuvre est "Mehrertheils aus seinem eygenen hinderlassenen Schrifften […], [tirée pour la plus grande part des écrits que [Faust] a lui-même laissés]" [75] . Le Volksbuch se termine en outre par l'Oratio Faustusi ad Studioso, découverte par les étudiants du docteur Faustus et présentée comme "l'Historia Fausti écrite et annotée de sa main" [76] . Selon la Chronique de Zimmern, il existe d'ailleurs bel et bien des manuscrits de Faust concernant la magie. Mais, signale H. Henning,"il n'est guère probable qu'ils aient effectivement été conservés" [77] . Le XIXe siècle tirant partie de ces rumeurs, attribue à Faust bon nombre d'ouvrages. Il s'agit de textes hermétiques que le dictionnaire d'Alexander Roob, Le Musée hermétique : Alchimie et Mystique, réédité en 2001, reprend sans pouvoir en expliciter précisément les origines. Deux œuvres intitulées Doktor Johannes Faust Magia naturalis et Doktor Fausts Hollenzwang, XVIIIe siècle, respectivement publiées à Stuttgart en 1849 et 1851, sont citées. En regard de chacune d'entre elles, des illustrations des œuvres ont été reproduites. Elles représentent "des signes […] d'un rite magique [destiné à apporter] richesse, honneurs, magnificence et volupté" à côté du "Pentaculum Mercuri" [78] . Celui-ci combine tout un ensemble de symboles, dont ceux des planètes car :

il importe [en effet] pour le magicien de savoir quelles choses terrestres entretiennent un rapport de sympathie avec telle ou telle planète ou en dépendent, afin, en en faisant un usage massif lors du rite, d'attirer les influences sidérales souhaitées qui interviendront alors sous forme d'esprits ou de démons. [79]

De leur côté, Hans Henning et André Dabezies ont répertorié plusieurs ouvrages de la même veine servant à conjurer les démons dans l'optique d'obtenir la sagesse et par conséquent de répondre à cette quête spirituelle selon laquelle s'ordonne également l'alchimie spéculative. A titre d'exemple, citons : La magie surnaturelle ou art miraculeux et livre des merveilles du Dr Faust, par quoi ceux qui aiment la magie parviendront à la richesse, à l'honneur et à la gloire à l'art et la sagesse. Ecrit et laissé par moi en langue allemande et arabique. Wittenberg 1540 [manuscrit de 1750]. Nous n'accorderons pas trop d'importance à l'attribution de ces ouvrages de magie à Faust. Tout au plus déplorerons-nous qu'il ne se trouve pas de commentateurs supposant que Faust a trouvé le secret de l'élixir de longue vie et que ces textes sont bien de lui. Plus sérieusement, il nous faut préciser que selon Hans Henning, Goethe dispose d'une copie d'un manuscrit assez similaire à l'ouvrage intitulé Dr Johann Fausts magishe Schriften in 12 Theilen, [Ecrits magiques du Dr Faust en douze parties]. [80] Le dramaturge allemand est par conséquent au fait de "cette branche très particulière de la littérature faustienne" [81] . Il en va de même pour Valéry. L'utilisation, dans le titre des mémoires de Faust, du pronom personnel "moi" et la redondance introduite grâce au syntagme prépositionnel "par le professeur-docteur Faustus" peut passer pour de l'orgueil. Mais la formulation complète du titre "Les Mémoires de moi, par le professeur-docteur Faustus membre de l'Académie des sciences mortes, etc." [82] est de toute évidence inspirée des intitulés ayant cours pour les ouvrages hermétiques de la Renaissance.

Propriétaire de cette si vaste bibliothèque, Faust n'en est pas moins un homme insatisfait. De Marlowe à Valéry, s'inspirant de Goethe, Faust reste "unruhig, [inquiet]" [83] . "In einem hochgewölbten, engen gotischen Zimmer, [Dans une chambre gothique, étroite à haute voûte]" [84] , "[…] in his study, [dans son cabinet]" [85] ou encore en compagnie de Lust "dans son cabinet de travail" [86] , Faust a tout lu, tout essayé. Il demeure pourtant "[…] armer Tor !/Und [er ist] so klug als wie zuvor ;/ [...], [pauvre fou,/Tout juste aussi avancé que naguère]" [87] . Ce sentiment d'incomplétude tient au fait que l'inquiétude de Faust est d'essence philosophique et plus précisément d'ordre métaphysique.

Dans la Métaphysique, Aristote conçoit "le philosophe comme possédant la totalité du savoir" [88] . Selon lui, "[c'est] l'étonnement qui [pousse] les premiers penseurs, […], aux spéculations philosophiques" [89] . Il précise aussi "[qu']apercevoir une difficulté et s'étonner c'est reconnaître sa propre ignorance" [90] . Jusqu'ici, la pensée de Faust obéit à la même logique. Reste à identifier son objet. Toujours selon Aristote, "celui qui veut connaître pour connaître, choisira la science parfaite, c'est-à-dire la science du connaissable par excellence [qui sont] les principes et les causes" [91] . Le philosophe explique par ailleurs que la science la plus précieuse est la science divine :

Une science divine est celle qu'il serait le plus digne pour Dieu de posséder, et qui traiterait des choses divines. Or la philosophie, seule se trouve présenter ce double caractère : Dieu paraît bien être une cause de toutes choses et un principe, et une telle science, Dieu seul, ou du moins Dieu principalement, peut la posséder. Toutes les autres sciences sont donc plus nécessaires qu'elle, mais aucune ne l'emporte en excellence. [92]

Le vécu philosophique, né de l'étonnement et parachevé jusqu'à cette excellence devrait permettre au philosophe de trouver le bonheur. Or, c'est précisément ce qui fait défaut à Faust : "Dafür ist mir auch alle Freud' entrissen, [toute joie m'est ôtée]" [93] . Il ne parvient pas à maîtriser ce que Dieu possède principalement c'est pourquoi les livres ne lui apportent aucun apaisement. Ainsi le Faust de Goethe s'exclame-t-il dans sa bibliothèque :

Weh ! steck' ich in dem Kerker noch?
Verfluchtes dumpfes Mauerloch, [...]
Beschränkt mit diesem Bücherhauf,
Den Würme nagen, Staub bedeckt,
Den bis ans hobe Gewölb' hinauf
Ein angeraucht Papier umsteckt; [...]
Urväter-Hausrat drein gestopft-
Das ist deine Welt! das heisst eine Welt !

[O misère ! toujours croupir dans ce cachot ?
Exécrable trou, cave étouffée, […]
Tout autour de moi cette montagne de livres
Que rongent les vers, que recouvre la poussière,
Que, jusqu'au sommet de la voûte,
Entourent des paperasses enfumées ; […]
Un fouillis de bric à brac ancestral
C'est cela ton univers ! on appelle cela un univers !] [94]

Les œuvres de Valéry et de Marlowe ne sont pas en reste lorsqu'il s'agit de mettre en scène cet antre que représente la bibliothèque. Dans Le Docteur Faust, les livres y sont dédaignés. Aristote, Galien, Justinien, St Jérôme sont brutalement congédiés par de laconiques "adieu" [95] . Dans Lust, il est interdit d'y rire. Cette "convulsion grossière […] est [en effet] un refus de penser", un moment où "l'âme se débarrasse des images" [96] . Cette attitude est inconciliable avec la quête de Faust. L'amour de la sagesse, au sens antique de philosophie du grec philein (aimer), et sophia (connaissance, savoir, sagesse) a fait de Faust un chercheur de vérité bien plus que persévérant. Loin de rester sur son échec, il entend voir si grâce à "these metaphysics of magicians/And necromantic books […]", [la métaphysique des magiciens, [aux] livres de sorcellerie]" [97] , "ob [ihm] durch Geites Kraft und Mund/Nicht manch Geheimnis würde kund;/[...], [par la force et la vertu de l'Esprit,/Maint mystère ne [lui] serait pas révélé]" [98] . Dans la mesure, où "personne ne peut être mage sans avoir exploré la nature dans son ensemble, le ciel comme la terre" [99] , la pratique de la magie constitue bien la suite logique d'une quête restée en suspens. Le Faust goethéen explique clairement pourquoi il veut pratiquer la magie :

dass ich erkenne, was die Welt
Im Innersten suzammenhält,
Schau'alle wirkenskraft und Samen,
Und tu' nicht mehr in Worten kramen.

[afin de connaître le monde
Dans sa contexture intime,
De contempler les forces actives et les éléments premiers,
Et de ne plus tenir boutique de mots creux]. [100]

Comme l'alchimie, la magie peut être opératoire ou spéculative. Les rituels de sa première orientation permettent d'exercer un pouvoir et c'est elle que choisit le Faust de Marlowe :

all things that move between the quiet poles
Shall be at [his] command. […]
But his domination that exceeds in this
Stretched as far as doth the mind of man.
A sound magician is a demigod.
Here [tires his] brains to get a deity.

[tout ce qui tourne entre les pôles fixes
Va être à [ses] ordres
[…] l'empire
De celui qui excelle en cet art
S'étend aussi loin que l'esprit le peut :
Un bon magicien est un demi-dieu.
Alors [il se creuse] la cervelle pour devenir un Dieu]. [101]

Le Faust de Goethe est plutôt intéressé par la spéculation. Il rêve de s'entretenir et de faire corps avec les esprits. Mais, lorsque l'Esprit de la Terre surgit, Faust doit faire face à une nouvelle déconvenue. La magie construite sur "un rapport de sympathie secrète reliant les êtres de l'univers aux astres" [102] devrait permettre à Faust d'être en osmose avec l'Esprit invoqué. Or c'est tout le contraire qui se produit car ce même Esprit interdit à Faust tout processus d'indentification. Il n'est pas l'égal des esprits, il ne peut saisir leurs secrets. La condamnation de l'Esprit de la Terre est sans appel : "Du gleichst dem Geist, den du begreifst,/Nicht mir, [Tu ressembles à l'Esprit que tu conçois./Pas à moi]" [103] . Ainsi les mystères de "die unendliche Natur, [la Nature infinie]" se dérobent-ils une nouvelle fois et Faust semble condamné à se contenter de leur "Schauspiel, [spectacle]" [104] . Pourtant, l'intervention de l'Esprit de la Terre n'est pas sans enseignement. Elle donne à Faust les moyens d'orienter sa quête dans une nouvelle direction.
Si Faust, "[er] Ebenbild der Gottheit !, [lui, l'image de Dieu]" [105] ne ressemble pas à l'Esprit de la terre, à qui ressemble t-il ? Qui est-il ? Dans Lust, les lectures du Faust, impliquant la connaissance des entretiens de ses prédécesseurs avec les esprits, ont plongé le vieux savant dans la même confusion : "On a tant écrit sur [lui] qu'[il] ne sait plus qui [il] est" [106] . Certes,

il peut choisir librement, pour lieu et date de naissance, entre plusieurs millésimes, également attestés par des documents et des témoignages irrécusables, produits et discutés par des critiques d'éminence équivalente. [107]

Mais cette biographie fluctuante est-elle suffisante pour définir son être le plus intime ? Faust ne s'y trompe pas, le maître mot qui définit son moi est "ambigu" [108] . C'est l'aspiration du Faust de Marlowe à devenir un magicien, qui entre autres, a fait émerger cette ambiguïté. Dès lors que Faust a résolu de pratiquer la magie, "[…] the good Angel and Spirit [i.e the Bad Angel], [le bon ange et l'esprit (c'est-à-dire le mauvais ange)]" [109] apparaissent. Tous deux se disputent ses ambitions et révèlent ainsi le conflit intérieur de Faust. De même, ce n'est qu'après son entretien avec l'Esprit de la terre que le Faust de Goethe peut révéler à Wagner la nouvelle conscience qu'il a de lui-même :

Zwei Seelen wohnen, ach ! in meiner Brust,
Die eine will sich von der andern trennen :
Die eine hält, in der Liebeslust,
Sich an die Welt mit klammernden Organen ;
Die andre hebt gewaltsam sich vom Dust
Zu den Gefilden hoher Ahnen.

[Deux âmes, hélas ! habitent en ma poitrine ;
L'une aspire à se séparer de l'autre :
L'une dans en un élan de rude passion,
Se cramponne à la terre par tous ses organes;
L'autre s'arrache violemment à la poussière
Et s'envole vers le royaume sublime des aïeux]. [110]

La fracture de son être, telle est la véritable science à laquelle Faust accède grâce à la magie. Celle-ci au lieu de lui permettre de faire partie d'un tout constitué de correspondances si parfaites qu'elles forment une unité révèle un déséquilibre profond. Pour le Faust de Marlowe, le résultat de la conjuration des esprits n'est pas moins lourd de sens. Faust découvre en effet en s'entretenant avec Méphistophélès que ce ne sont pas ses sortilèges qui ont fait apparaître le "servant to great Lucifer, [le serviteur du grand Lucifer]", mais que cela est arrivé "per accidens" [111] . Devons-nous en déduire que Faust est un piètre magicien ? Les révélations de Méphistophélès sont bien plus sérieuses que cela. Le démon apprend en effet à Faust que les serviteurs du grand Lucifer n'accourent que si l'âme de l'apprenti magicien est "in danger, [en danger]" [112] . Quelle âme est plus en péril que celle qui est affaiblie par ses conflits intérieurs ? C'est là tout le drame de Faust, le sens profond de sa quête spirituelle : de l'Un, l'Absolu, Dieu, il tend vers l'Un pour réunir les fragments de son être, pour être Un.

Aussi curieux que cela puisse paraître, Méphistophélès est un adjuvant de première importance dans la quête de Faust. Les œuvres de Marlowe, de Goethe et de Valéry laissent en effet voir que la présence de Méphistophélès est tout simplement essentielle. Le démon est bien plus que le sous-fifre de Lucifer, le jouet d'un marché de dupe [113] ou un personnage au "physique ridicule" [114] . Il est l'élément au sens figuré comme au sens propre qui permet encore à Faust d'aspirer à la compréhension de l'univers et à l'unité. En réalité, Faust rêve d'être un sage au sens où l'entend Valéry : "Un sage, -nous dit-on, -Un sage ? OUI. Avec ce qu'il faut de diable pour être complet". [115]

En novembre 1829, Goethe avoue dans sa correspondance avec Zelter qu'"il n'a pu répondre à la question posée par Friedlaender au sujet de l'origine du nom Méphistophélès" [116] . Il prétend ne connaître ni "la généalogie [ni] l'étymologie du nom Méphistophélès" [117] . Il est en effet difficile de satisfaire à la demande avec exactitude tant les origines prêtées à ce nom sont nombreuses [118] . Mais Goethe ne peut raisonnablement méconnaître les sens populaires et alchimiques donnés à ce substantif. Selon une étymologie grecque, Méphistophélès est celui qui hait la lumière. Le mot méphitique évoque par ailleurs une odeur pestilentielle associée au soufre [119] , élément bien connu des alchimistes. Ces deux étymologies sont par ailleurs nécessaires à la compréhension de la représentation du macrocosme sous forme d'œuf cosmique auquel Paracelse, John Dee [120] et W. Blake se sont intéressés.

A l'instar de celui-ci, la tragédie goethéenne s'attache à représenter l'ensemble des puissances qui animent et composent l'univers. Intéressons-nous à présent à la réalisation du Grand Œuvre. "L'Opus magnum part d'une mystérieuse matière première, […] où les parties contraires, encore isolées, s'opposent violemment [puis sont menées] à l'état de parfaite harmonie sous la forme de la pierre philosophale" [121] . Cette pierre est la quintessence ; elle naît de la réunion des quatre éléments en un œuf philosophal [122] . Loin du rêve de la vie éternelle ou de la transmutation du plomb en or, la recherche de la pierre philosophale apparaît comme une opération visant à réunir des composants. Considérons à présent avec Yvette Centeno que "le parcours de Faust [est] un parcours alchimique" [123] . Ni le nom ni la présence de Méphistophélès aux côtés de Faust ne peuvent dépendre du hasard. Méphistophélès, ou plutôt le soufre puisque tel est l'élément chimique qui se dissimule sous ce nom [124] est le "principe actif de l'œuvre" [125] . Sa manifestation permet d'amorcer le processus de dissolution, phase essentielle du Grand Œuvre. Par conséquent, selon une interprétation alchimique, Méphistophélès est essentiel à Faust. Sans lui, l'Œuvre ne peut se faire, et spéculativement Faust ne peut se réaliser.

Dans le Faust de Marlowe, la science apportée par Méphistophélès est tout aussi importante. De fait, après avoir renié ses livres, Faust demande justement à Méphistophélès d'être son professeur. Celui-ci doit tout d'abord tout lui apprendre sur Lucifer, les démons, les damnés et la possession des âmes [126] . Selon une clause du pacte, Méphistophélès sera tenu de "to give [him] whatsoever [he] demands, [répondre à toutes [ses] questions]" [127] . De fait, le pacte signé, Faust poursuit ses demandes infernales et se montre insatiable sur ce qui touche les planètes et leur mouvement dans l'univers. Il pousse le vice jusqu'à réclamer que Méphistophélès lui donne des livres de magie, d'astronomie et de botanique ! Son appétit de savoir semble être restée insatiable. Lucifer lui-même finit par offrir à Faust un livre dont l'étude lui permettra de "[to] turn himself into what shape [he wishes], [prendre] la forme qu'[il] désire" [128] . Farce ? Mascarade ? Le lecteur a toutes les raisons de s'interroger. Pourquoi Faust dédaigne t-il les divertissements proposés par Méphistophélès pour se plonger dans des lectures qu'il a déjà faites ? Ce comportement gagne en sens si nous indiquons qu'il est subordonné à un désir mythique "see hell and return again safe, [voir l'Enfer, et en revenir indemne] [129] " et qu'il correspond à une phase du Grand Œuvre. Ainsi, selon Dom Pernety,

les philosophes hermétiques appellent du nom [Enfer] le travail inutile et pour ainsi dire éternel des faux alchimistes, qui sont continuellement au milieu des fourneaux allumés, et qui ne voient jamais Dieu, quoiqu'ils le désirent sans cesse ; c'est-à-dire qui ne parviennent point à la perfection du Grand Œuvre […]. Quelques fois ils appellent du nom d'Enfer leur matière en putréfaction, parce que le noir est l'image des ténèbres […]. [130]

Faust incarne celui qui veut à tout force être initié. Rapportons à présent les reproches que Faust adresse à Méphistophélès au sujet de sa connaissance, "[about the] divine astrology, [la divine astrologie]" [131] :

Tush, these slender questions Wagner can decide !
Hath Mephistophélès no greater skill ?[…]
These are freshmen's questions. But tell me, hath
every sphere a dominion or intelligentia ?

[Bah ! Wagner pourrait répondre à ces questions mineures :
Est-ce que Méphistophélès n'a pas plus de science ? […]
Ce sont là des questions pour des débutants. Mais,
dis-moi, est-ce que chaque sphère a son intelligentia ?] [132]

Les interrogations de Faust sur les Enfers, l'intelligentia [133] et l'organisation du monde végétal [134] , nous permettent d'observer que l'ordonnance du monde invisible intéresse Faust tout particulièrement. Ce qu'il peut voir ne lui suffit pas. "Now tell me who made the world, [Dis-moi qui a créé le monde]" [135] , demande-t-il encore à Méphistophélès. La question est posée avec insistance car elle est à l'origine de la quête de Faust. Celui-ci veut posséder la ou les forces cachées qui gouvernent l'univers car il aspire à une existence ordonnée, où l'être n'est pas écartelé entre ses choix et connaît sa fin. En d'autres termes, Faust part de la puissance de l'Un dans l'ambition de maîtriser son destin et son Etre. Ainsi ce Faust rejoint-il celui de Valéry dans ce constat "savoir, ce n'est jamais qu'un degré pour être". [136]

Comprendre l'importance du savoir apporté par Méphistophélès à Faust dans Lust ne se fait pas sans difficulté. A l'ouverture de la pièce, la science de Méphistophélès est, comme chez Marlowe, le sujet de quolibets. Ainsi que l'explique Valéry dans ses Cahiers, "Méphistophélès est plutôt bafoué. Faust le traite en inférieur et lui démontre que les esprits par définition n'ont pas d'esprit et ne peuvent penser" [137] . Il lui reproche de "comprendre […] tout de travers", et lui révèle qu'il "ne hante plus les esprits des hommes" [138] . La scène dans la bibliothèque de Faust où Méphistophélès s'entretient avec le disciple invite cependant à penser le contraire. Certes Méphistophélès "ne sait pas lire" [139] , mais il n'est dénué ni d'humour, ni de sagesse. Il se présente même comme celui qui sait tout [140] . En outre, Faust a besoin de lui. Il veut en effet "se servir de [lui] dans une entreprise assez différente de toutes celles où […] on l'emploie en général" [141] . Cette fois, Faust n'attend pas que Méphistophélès lui donne des livres, il veut que le démon l'aide à écrire "une grande œuvre" dans laquelle "toutes [les] voix diverses de [Faust]" [142] seront réunies. Le champ lexical utilisé ici laisse voir que les ambitions du vieux savant ne sont guère différentes de celles de ses prédécesseurs. En sollicitant l'aide de Méphistophélès, Faust répète tout simplement le processus du Grand Œuvre alchimique. L'entreprise ici est littéraire mais toujours fondée sur le fait que Faust sait ne pas être Un et qu'il a besoin de Méphistophélès pour auxiliaire. En dépit des railleries dont il est le sujet, "le Diable dans l'œuvre de Valéry est le symbole de l'esprit pur avide de la connaissance totale, aux prises avec l'Absolu, avec l'Un […]" [143] . Un extrait du IIIe Faust de Valéry le montre explicitement :

IIIe Faust. Le Diable dit : On prétend que je sache à l'Ame ! Ils sont fous. Je me fous des âmes ! Je me fous du vent qui sort d'un ballon crevé ! Non… ce qui m'intéresse, c'est la Partie jouée avec l'Un. Je dis l'Un, puisque je suis l'Autre. [144]

Nouvelle partie jouée avec l'Un, le livre de Faust ne peut se passer de son plus grand opposant. L'autre [étant] l'interlocuteur de l'Un, […] […] son face à face, placé en position d'altérité" [145] , Faust et Méphistophélès incarnent les deux visages d'une même quête, celle qui permet d'être Un face à l'Un. "C'est sur le fond de cette quête ontologique suprême que se joue le drame de Faust replacé par Valéry dans le monde actuel" [146] . Celle-ci sera réalisée et portée à son point culminant dans un Livre unique. Ce livre dit Faust, "personne peut-être ne le lira ; mais celui qui l'aura lu ne pourra plus en lire d'autres" [147] , car dans ce livre se trouvera "le sommet de l'être". [148]

Ainsi la confrontation de La tragique histoire du Docteur Faust de Christopher Marlowe (1593), du Faust de J. W. von Goethe (1808) et de Lust, la demoiselle de cristal de Paul Valéry (1946) permet-elle d'observer les aléas d'une quête faustienne métaphysique partie du Livre et revenant au Livre. Lecteur, pseudo auteur de traités hermétiques et sujet d'une littérature abondante, Faust incarne l'homme aux livres par excellence. Philosophes inquiets, les Faust de Marlowe et de Valéry se plongent dans des grimoires en caressant l'espoir de trouver des vérités cachées et de percer les secrets de la Nature. Mais l'incomplétude et la fracture qui leur est inhérente font obstacle. Le Faust de Valéry, condamné à revivre les égarements de ses aïeux, n'est pas plus avancé dans la connaissance et la maîtrise de lui-même. Pour pallier ce manque, il décide d'écrire un livre. Qu'advient-il de cette audacieuse tentative de trouver l'Un ? Nul ne le sait. En dépit de l'intervention de Méphistophélès, qui contre toute attente, pourrait permettre à Faust de se réaliser spirituellement dans la découverte de la pierre philosophale, la maîtrise de son destin ou l'écriture d'un nouvel ouvrage, ces quêtes restent inabouties. L'Un, une fois de plus, se dérobe, et le lecteur demeure aussi inapaisé que le héros dont il a suivi les aventures. L'inachèvement de Lust, la moralité classique du Docteur Faust et le suspens sur lequel se termine le Faust I, constituent, parmi d'autres, des motifs de frustration pour le lecteur. La rédemption accordée par Goethe à son héros, à la fin du Faust II, n'offre pas plus de contentement. Il paraît douteux de voir dans le tableau final l'aboutissement de la quête alchimique. Il faudrait pour cela faire de la vierge le symbole de la pierre philosophale et penser qu'à ses côtés, "Faust ressuscite, purifié, sous le nom de Marienus, disciple de Marie" [149] . Or, si Marienus est "Morienus, l'alchimiste bien connu" [150] , le Grand Œuvre est-il achevé ou repart-il sur d'autres voies ? Voilà autant de questions que nous laissons ouvertes. F. Bonardel s'étonne que l'on puisse croire que "Goethe, génie complexe s'il en fut, ait lui-même cru à ce happy end édifiant, démenti par l'implacable logique de l'esprit faustien par lui mis en Œuvre […] Méphisto le proclame d'ailleurs sans ambages, en guise d'oraison funèbre : « Aucune joie ne le rassasie, aucun bonheur ne lui suffit, il s'élance ainsi toujours après des images qui changent »" [151] . Cet inassouvissement quasi-pathologique est l'une des causes les plus évidentes de ce que nous n'hésitons pas à nommer l'échec de Faust. Mais le destin des livres de Faust mérite lui aussi notre attention. C'est vers eux que se tournent les dernières pensées du Faust de Marlowe lorsqu'au milieu des éclairs et des démons il s'écrie : "Je vais brûler mes livres" [152] . Ce geste est aussi significatif que "l'oraison funèbre" [153] du livre [154] prononcée par le disciple dans Lust. Nous pourrions même penser que cet autodafé est le signe avant-coureur de ce sombre discours. La bibliothèque, devenue l'écrin d'un "sinistre trésor de certitudes ruinées […] et de délires refroidis" [155] , associée à l'échec de Faust, sont le miroir d'une crise de l'esprit [156] définie par Paul Valéry en 1919. Cette signification est bien éloignée de la permanence de tout un ensemble de symboles hermétiques et complexes brouillant et multipliant les possibilités d'interprétation. "Faust n'apporte aucune solution" [157] , parce que le livre n'est plus en mesure d'en apporter. En quatre siècles d'histoire, Faust et ses livres sont devenus "l'emblème d'un malaise dans la civilisation [158] , d'une crise des sciences et de la culture européenne". [159]

Notes

  • [1]

    La Table d’émeraude, traduction française de la vulgate latine avec son Commentaire par Hortulain, XIVe siècle”, La Table d’émeraude, Les Belles Lettres, Paris, 1995, pp. 43-44. Parmi les nombreuses et anciennes versions des thèses d’Hermès Trismégistes publiées dans cet ouvrage, nous avons retenu “celle qui connut la plus grande diffusion dans l’Occident latin.” (p. 19). Ce choix est principalement fondé sur l’utilisation des occurrences : “une seule chose”, “méditation d’un”, “chose unique”, énoncés essentiels pour le développement de notre étude.

  • [2]

    Rappelons ici, avec Hervé Masson, “[qu’]en Occident, l’Alchimie est étroitement liée à l’Hermétisme […] il demeure impossible de comprendre l’une sans approfondir les doctrines de l’autre. L’Hermétisme est apparu dès les premiers siècle de l’ère chrétienne. […] Amalgame de conceptions égyptiennes, gnostiques et néoplatoniciennes, l’Hermétisme est une Gnose dont le but avoué est la régénérescence de l’homme quotidien et profane par la connaissance de sa réalité supérieure et des pouvoirs qui lui sont cachés derrière sa nature apparente. […] Partie du bassin méditerranéen, la doctrine s’est répandue dans tout l’Occident et […] a inspiré les recherches plus proprement alchimiques”, Dictionnaire initiatique, J. C. Godefroy, SELD, Paris, 1985, p. 23.

  • [3]

    A. J. Pernety, Dictionnaire Mytho-hermétique, (1758), Arché Milano, Italie, 1980, p. 192.

  • [4]

    D. Kahn, “Préface”, La Table d’émeraude, op. cit., p. IX.

  • [5]

    A. Dabezies, “Faust”, Dictionnaire des mythes littéraires, Editions du Rocher, Paris, 1988, p. 587.

  • [6]

    H. Lichtenberger, “Introduction” à J. W. von Goethe, Faust, Collection bilingue des classiques étrangers, Editions Montaigne, Paris, 1932, p. XII.

  • [7]

    G. Bianquis, Faust à travers quatre siècles, Droz, Paris, 1995, p. 13.

  • [8]

    Y. Cazaux, “Introduction” à P. V. Palma-Cayet, L’Histoire prodigieuse du Docteur Faust, (1598), Droz, Genève, 1982, p. 11.

  • [9]

    “Introduction” Faust, op. cit., pp. XI-XII.

  • [10]

    Ibid., p. XII.

  • [11]

    Nous pensons au pacte signé avec Méphistophélès. Cet écrit appartient à la légende de Faust depuis 1580.

  • [12]

    Faust prend le prénom de Johann à partir de 1563 dans le propos de Melanchthon rapporté par Johannes Manlius, Locorum communium collectanea.

  • [13]

    Nous traduisons ici les premiers mots donnés dans le titre du Fausbuch de 1587 : Historia von Dr. Johann Fausten, dem weitbeschreyten Zauberer und  Schwarz Kunstler […], Hsg. von Richard Benz, Eugen Diederichs, Jena, 1924.

  • [14]

    Aucun document historique n’atteste ce titre. Cependant, un ouvrage édité à Knittlingen, ville présumée de la naissance de Faust, mentionne le fait que les admirateurs de Faust ont pu lui accorder cette distinction. Les rumeurs faisant leur office, c’est avec ce titre que le personnage entre dans la légende. “[…] -den Doktortitel dürfte aber Faust schon zu Lebzeiten von seinen bewundernden Leitsungsnemmen verliehen bekommen haben”, Faust-Museum Knittlingen, Westermann, Braunschweig, 1996, p. 23.

  • [15]

    Respectivement, pour les trois occurrences, J. L. Backès, L’Histoire de Faustus, suivie de La Tragédie de Faustus par C. Marlowe, Imprimerie nationale Editions, Paris, 2001, p. 40, p. 68 et p. 47.

  • [16]

    Le Volksbuch est-il un texte de littérature hermétique au sens de texte codé alchimiquement ? L’hypothèse est tentante et plus que plausible. Il ne nous est pas possible de la développer ici. Cependant, nous pouvons signaler quelques pistes qui, associées les unes aux autres, méritent d’être creusées. L’anonymat de l’auteur au sujet duquel ont déjà été formulées mille hypothèses semble notamment s’inscrire dans la tradition de la publication des œuvres de littérature alchimique. Celles-ci sont toujours soit anonymes soit éditées sous un nom dont l’identité demeure secrète comme Les Demeures philosophales du mystérieux Fulcanelli. Enfin le bestiaire, les voyages et les leçons de Méphistophélès (en particulier sur les Enfers) correspondent aux phases de la réalisation du Grand Œuvre. Pour une présentation de celles-ci et de ses symboles, voir par exemple M. Batistini, Astrologie, magie et alchimie, Hazan, Paris, 2004, pp. 251-371.

  • [17]

    C. Dédeyan lui consacre un ouvrage de six volumes, Le Thème de Faust dans la littérature européenne, Minard, Paris, 1954-1967.

  • [18]

    H. Henning, “La Trilogie de Faust au seizième siècle et ses suites jusqu’à l’époque de Goethe”, Faust, Cahiers de l’Hermétisme, Albin Michel, Paris, 1977, p. 35.

  • [19]

    J. W. von Goethe, Faust, traduit et préfacé par Henri Lichtenberger, op. cit. L’édition d’Henri Lichtenberger est celle que nous avons choisie pour cette étude. Nous l’avons préférée à la traduction de Nerval et autres traducteurs de manière à pouvoir citer le texte français en regard du texte original.

  • [20]

    J. W. von Goethe, Conversations de Goethe avec Eckermann, Gallimard, Paris, 1988, p. 522.

  • [21]

    J. W. von Goethe, Souvenirs de ma vie, Poésie et vérité, (1831), Aubier, Paris, 1941, p. 221. Theophraste Bombaste von Hoenheim, dit Paracelse, (v. 1493-1541), alchimiste et médecin suisse. Goethe lui emprunte l’idée de la fabrication de son homunculus dans le Faust II. Nul ne sait si Basile Valentin a réellement existé. Ce nom sert vraisemblablement à masquer l’identité d’un alchimiste allemand du XVIe siècle. Il serait l’auteur des Douze clefs de la philosophie, (Les douze clefs de l’Alchimie), reprises en 1618 par Michel Maier (1568-1622), alchimiste reconnu et notamment auteur de Atalante fugitive (1618). Jean Baptiste Van Helmont (1577-1634), médecin et chimiste flamand, disciple de Paracelse. Georges Starkey (1628-1665), alchimiste américain.

  • [22]

    G. Jung, Psychologie et alchimie (1935), Buchet Chastel, Paris, 2004, p. 91.

  • [23]

    Cahiers de l’Hermétisme, op. cit., p. 35.

  • [24]

    Comme pour le texte de Goethe, nous avons choisi une édition bilingue pour faire cette étude : C. Marlowe, Le Docteur Faust, Doctor Faustus, présenté et traduit par F. Laroque, GF/Flammarion, Paris, 1997. Au XVIIe siècle et selon les éditions, il existe plusieurs titres de la pièce de Marlowe : The Tragicall History of the Horrible Life and Death of Doctor Faustus (1609 et 1611) et The Tragicall History of Life and Death of Doctor Faustus (1616). La date de première publication est sujette à caution. Les exégètes estiment que la pièce existe avant 1589, qu’elle est jouée dès 1590 et avant 1594. Le plus souvent, la date de la mort de Marlowe (1593) est retenue. Le titre de l’œuvre est désormais abrégé sous Le Docteur Faust.

  • [25]

    Suivant Alexandrian, nous utilisons le terme de philosophie occulte (conformément aux auteurs classiques, tels Cornelius Agrippa et Paracelse qui appelaient ainsi leur discipline) indiquant qu’il s’agit bien d’exposer un ensemble de principes, de dogmes et de méthodes. Histoire de la philosophie occulte, Seghers, Paris, 1983, p. 9. Par ailleurs, “la philosophie occulte, qui unit  l’occultisme, théorie générale des vertus secrètes et l’ésotérisme, transmission de la Tradition qui est la clé de toutes les religions, englobe d’importantes connaissances […] : cosmogonie de la Gnose et de la Kabbale, qui expliquent les origines de l’univers et de l’homme ; recherches sur le pouvoir mystique des nombres, la transmutation des métaux, la médecine universelle, effectuées par des mathématiciens, des alchimistes éminents ; [et les] méthodes d’évocation des esprits, […]”, ibid, quatrième de couverture.

  • [26]

    F. Laroque, “Introduction à la séance du 26 janvier : l’alchimie à la Renaissance”, Archives du séminaire Episteme, Séminaire de recherches sur les modalités et les méthodes d’accès à la connaissance (littérature et civilisation – XVIè, XVIIè, et XVIIIè siècles), http://www.univ-paris3.fr/ recherche/ sites/edea/iris/episteme/seminaire/episteme_cr08 1297.html.

  • [27]

    Id.

  • [28]

    P. Behar Les langues occultes de la Renaissance, Editions Desjonquères, 1988, quatrième de couverture.

  • [29]

    “Will be as cunning as Agrippa was”, Le Docteur Faust, op. cit., pp. 58-59.

  • [30]

    P. Spiret, “Le Docteur Faust de Marlowe : Moralité médiévale ou tragédie blasphématoire ?”, Cahiers de l’Hermétisme, op. cit., p. 84.

  • [31]

    Les trois orientations de l’alchimie sont données à partir de l’ouvrage de P. Hammon et alii, La France de La Renaissance, Histoire et dictionnaire, Robert Laffont, collection Bouquins, Paris, 2001, pp. 572-573.

  • [32]

    Psychologie et alchimie, op. cit., p. 377.

  • [33]

    Ibid., p. 91.

  • [34]

    P. Valéry, Lust, la demoiselle de cristal, “Mon Faust” (1946), Bibliothèque de La Pléiade, Gallimard, Paris, 1960. Désormais abrégé sous le titre de Lust.

  • [35]

    Rappelons ici que Hermès Trismégiste n’est pas seulement le patron des Alchimistes, mais aussi père de l’herméneutique, de l’art d’interpréter les signes en tant qu’éléments symboliques d’une culture.

  • [36]

    J. Y. Masson, Faust ou la mélancolie du savoir, Editions Desjonquères, Paris, 2003, p. 15.

  • [37]

    Gutenberg est considéré comme l’inventeur de l’imprimerie en Occident mais des techniques d’impression similaires sont utilisées en Chine depuis le XIe siècle.

  • [38]

    Johannes Fust est né en 1400 et mort aux environs de 1466, soit une quinzaine d’années avant la naissance de Johannes Faustus.

  • [39]

    La Chronique de Erfurt est considérée comme la plus célèbre. Il s’agit en effet du premier récit dans lequel Faust signe un pacte avec le diable. Notons que celui-ci ne s’y nomme pas encore Méphistophélès.

  • [40]

    Voir notamment le propos de Mélanchton rapporté par Johannes Manlius et cité par P. Boulhol dans “De Cyprien le magicien au docteur Faust : la légende du pacte diabolique et ses origines grecques”, op. cit.

  • [41]

    “Introduction” à P. V. Palma-Cayet, L’Histoire prodigieuse du Docteur Faust, op. cit., pp. 15-16.

  • [42]

    “Faust”, Dictionnaire des mythes littéraires, op. cit., p. 588. Remarquons ici que le mot “Buch” [livre] est toujours présent et paraît intrinsèquement lié à Faust.

  • [43]

    L’Histoire de Faustus, op. cit., pp. 9-10.

  • [44]

    Id.

  • [45]

    Ibid., p. 8.

  • [46]

    Henri-Corneille Agrippa de Nettesheim (1486-1535), médecin et philosophe allemand considéré comme un mage et père de l’occultisme. Il se réclame des enseignements de l’abbé Jean Tritheim (1462-1516), alchimiste accusé de pratiquer la magie. Notons que Paracelse (v. 1493-1541) est également leur contemporain.

  • [47]

    J. Wier, Histoires, Disputes et Discours des illusions et impostures des Diables, des magiciens infâmes, sorcières et empoisonneuses […], Tome I, Bibliothèque diabolique, Paris, 1885, p. 181.

  • [48]

    “De Cyprien le magicien au docteur Faust […]”, op. cit.

  • [49]

    “Introduction”, Faust, op. cit., p. XI.

  • [50]

    Faust à travers quatre siècles, op. cit., p. 13.

  • [51]

    “Faust”, Dictionnaire des mythes littéraires, op. cit., p. 587.

  • [52]

    “Introduction”, L’Histoire de Faustus, op. cit., p. 9.

  • [53]

    Lust, op. cit., p. 283.

  • [54]

    Le Docteur Faust, op. cit., p. 50.

  • [55]

    “La Trilogie de Faust au seizième siècle et ses suites jusqu’à l’époque de Goethe”, Cahiers de l’Hermétisme, op. cit., p. 15.

  • [56]

    Id.

  • [57]

    Id.

  • [58]

    Id.

  • [59]

    Pour les hypothèses formulées au sujet de l’identité de l’auteur du Faustbuch, voir “La Trilogie de Faust au seizième siècle et ses suites jusqu’à l’époque de Goethe”, op. cit., pp. 17-19 et L’Histoire de Faustus, op. cit., pp. 11-13

  • [60]

    Histoire du Docteur Johannes Faustus, trad. du Volksbuch par J.-L. Backès, L’Histoire de Faustus, op. cit., p. 79.

  • [61]

    “Introduction”, L’Histoire de Faustus, p. 47.

  • [62]

    Histoire du Docteur Johannes Faustus, trad. du Volksbuch, op. cit., p. 117.

  • [63]

    “Introduction”, L’Histoire de Faustus p. 41.

  • [64]

    Ibid., p. 53.

  • [65]

    Faust, op. cit., pp. 14-15.

  • [66]

    Ibid., p. 16.

  • [67]

    Voir les notes de P. Grappin in : Faust, Première partie de la tragédie, Bibliothèque de La Pléiade, Gallimard, Paris, 1988, p. 1756. Remarquons que le Faust historique ne peut lire ni Nostradamus (1503-1566) ni G. Welling (1652-1727). Faust meurt en 1540 ; les Prophéties sont publiées en 1555 et L’Opus mago-cabalisticum est publiée à titre posthume en 1735.

  • [68]

    Le Docteur Faust, op. cit., pp. 50-53.

  • [69]

    Id.

  • [70]

    En l’absence de précision, nous choisissons de citer l’ouvrage le plus célèbre de Cornelius Agrippa, commencé en 1531 et achevé en 1535.

  • [71]

    Le Docteur Faust, op. cit., pp. 60-61. Roger Bacon (1212-1292), philosophe et savant anglais. Aux alentours de 1236, il se rend à Paris. Il y obtient le titre de Docteur en Théologie, se livre à des recherches de science expérimentale et d’Astronomie. Il n’est pas certain qu’il soit alchimiste mais il est emprisonné sous l’accusation de pratique de la magie. Albanus semble être un diminutif de Pietro Albano (ou Abano), (1250-1316) médecin et alchimiste italien.

  • [72]

    “And made the flow’ring pride of Wittenberg/Swarm to my problems as th’infernal spirits/On sweet Musaeus when he came to hell/[…], [et [ai] attiré à moi la fleur de Wittemberg,/ Pour entendre mes thèses, tout comme les damnés/ Se pressent aux enfers auprès du doux Musée]”, ibid., pp. 58-59.

  • [73]

    Lust, op. cit., p. 283.

  • [74]

    J. Y. Masson, Faust ou la mélancolie du savoir, op. cit., p. 15.

  • [75]

    Histoire du Docteur Johannes Faustus, trad. Volksbuch, op. cit., p. 68. Texte allemand cité par G. Bianquis, Faust à travers quatre siècles, op. cit., p. 30.

  • [76]

    Histoire du docteur Joahnnes Faustus, op. cit., p. 141.

  • [77]

    Cahiers de l’Hermétisme, op. cit., p. 53.

  • [78]

    A. Roob, Le Musée hermétique : Alchimie et Mystique, Taschen, Köln, 2001, pp. 596-597.

  • [79]

    Ibid., p. 597.

  • [80]

    Cité in : Cahiers de l’Hermétisme, op. cit., p. 55.

  • [81]

    Ibid., p. 53.

  • [82]

    Lust, op. cit., p. 283.

  • [83]

    Faust, op. cit., p. 14.

  • [84]

    Id.

  • [85]

    Le Docteur Faust, op. cit., pp. 50-51.

  • [86]

    Lust, op. cit., p. 278.

  • [87]

    Faust, op. cit., p. 14.

  • [88]

    Aristote, Métaphysique, Tome 1, Livres A-Z, trad. J. Tricot 1933, Librairie philosophique, J. Vrin, Paris, 1991, p. 6.

  • [89]

    Ibid., pp. 8-9.

  • [90]

    Ibid., p. 9.

  • [91]

    Ibid., p. 8.

  • [92]

    Ibid., p. 10.

  • [93]

    Faust, op. cit., p. 14.

  • [94]

    Ibid., pp. 15-16.

  • [95]

    En français dans le texte, répété trois fois, Le Docteur Faust, op. cit. pp. 51-53.

  • [96]

    Lust, op. cit., p. 281.

  • [97]

    Le Docteur Faust, op. cit., pp. 52-53.

  • [98]

    Faust, op. cit., p. 15.

  • [99]

    L. d’Etaples, De Magia naturali, cité in : La France de la Renaissance, Histoire et dictionnaire, op. cit., p. 932.

  • [100]

    Faust, op. cit., p. 15.

  • [101]

    Le Docteur Faust, op. cit., pp. 52-55.

  • [102]

    La France de la Renaissance, Histoire et dictionnaire, op. cit., p. 932.

  • [103]

    Faust, op. cit., p. 19.

  • [104]

    Ibid., p. 17.

  • [105]

    Ibid., p. 19.

  • [106]

    Lust, op.  cit., p. 283.

  • [107]

    Id.

  • [108]

    “Lust : […] ceci est un peu ambigu. Faust : Tout doit l’être chez moi… [….] C’est cela qui est moi”, ibid., pp. 283-284.

  • [109]

    Le Docteur Faust, op. cit., pp. 54-55.

  • [110]

    Faust, op. cit., pp. 37-38.

  • [111]

    Le Docteur Faust, op. cit., pp. 68-71.

  • [112]

    Ibid., p. 70-71.

  • [113]

    Voir le “Prologue au ciel”, Faust, op. cit., pp. 10-13.

  • [114]

    Lust, op. cit., p. 295.

  • [115]

    P. Valéry, “Discours en l’honneur de Goethe”, Œuvres, Tome 1, Bibliothèque de La Pléiade, Gallimard, Paris, 1957, p. 552.

  • [116]

    “Woher der Name Mephistopheles enstanden : Siehe Z. s Bitte an G. und Aufklärung über die Herkunft des Namens Mephisthopheles (S. 1285, 35-38), da er die von David Friedlaender an ihn gestellte Frage nicht beantworten könne”, : “D’où vient le nom Méphistophélès : voir la demande de Zelter à Goethe pour élucider l’origine du nom Méphistophélès (paragraphe 1285, lignes 35-38) où il [Goethe] n’a pu répondre à la question posée par David Friedlaender”, (c’est nous qui traduisons), Goethe, Weimar, 20. November 1829, ibid., p. 1058.
    L’article de H. Henning, “La Trilogie de Faust au seizième siècle et ses suites jusqu’à l’époque de Goethe” traduit par Paul Kessler dans Faust, Cahiers de l’Hermétisme donne une autre édition ainsi qu’une autre version de la correspondance de Goethe et de Zelter. Nous citons la traduction de la lettre indiquée datant du 20 novembre pour les éclaircissements supplémentaires qu’elle apporte. “Si l’on se laisse entraîner dans des analyses historiques et étymologiques, on s’avance sur un terrain des plus incertains. Par exemple, je ne saurai dire d’où vient le nom Méphistophélès ; il est plausible, cependant, que les feuillets joints […] confirment l’hypothèse de notre ami, selon laquelle ce nom aurait été inventé au moment même de la légende de Faust ; toutefois cette origine ne date certainement pas du Moyen-Age”, citée par H. Henning, traduit par Paul Kessler, Cahiers de l’hermétisme, op. cit. pp. 61-63.

  • [117]

    Mephistopheles […] Auch G.s Ausführungen (s. S. 1288-1290) klären die Frage nach der Genealogie und Etymologie des Namens nicht” : “Méphistophélès : […] voir l’exposé de Goethe (paragraphes 1288-1290) expliquant qu’il ne connaît ni la généalogie ni l’étymologie du nom” (c’est nous qui traduisons), Zelter, Berlin, 13; bis 16. November 1829, Briefwechsel zwischen Goethe und Zelter in den Jahren 1799 bis 1832, Carl Hauser Verlag München Wien, Germany, 1998, p. 1051.

  • [118]

    J. Lefèvbre donne toutes ces origines dans sa traduction française du Faustbuch, voir L’Histoire du Docteur Faust, Les Belles Lettres, Paris-Lyon, 1970.

  • [119]

    Y. Cazaux cite par ailleurs un extrait du dictionnaire de J.Nicot dans lequel celui-ci “s’exprime sur le mot méphitique, Virgilio, Putor terrae, quem sulphurae aqua essundunt…. G. (en gaulois) Puanteur des caves ensoufrées”, L’Histoire Prodigieuse du Docteur Faust, op. cit., p. 65.

  • [120]

    Le glyphe [trait en creux] de l’œuf fut, pour l’astronome et mathématicien John Dee (1527-1608), un modèle du ciel éthérique, l’orbite des planètes décrit un ovale, Le Musée Hermétique, Alchimie et mystique, op. cit., p. 118. Voir à la même page une illustration extraite de John Dee, Monas Hieroglyphica, Anvers, 1564.

  • [121]

    Le Musée hermétique, Alchimie et mystique, op. cit., p. 123.

  • [122]

    “L’œuf […] c’est le poussin ou le lapis”, ibid., p. 495. L’œuf philosophale est de toute évidence le succédané de l’œuf cosmique.

  • [123]

    Y. Centeno, “L’Alchimie et le Faust de Goethe”, Cahiers de l’Hermétisme, op. cit., p. 127.

  • [124]

    A. J Pernety fait remarquer que “lorsque les Philosophes parlent de soufre, il ne faut pas s’imaginer qu’ils parlent du soufre commun dont on fait la poudre à canon […]. Leur soufre est artificiel. […], on doit [l’]entendre de leur pierre au blanc ou au rouge ; dans ce cas, ils [le] distinguent par la couleur. [Pernety ajoute que] les Philosophes ont donné [au] soufre une infinité de noms, qui conviennent à tout ce qui est mâle ou fait office de mâle dans la génération naturelle”. Dom Pernety désigne sous le nom de Philosophes “ceux qui ont été véritablement instruits des procédés du Grand Œuvre, qu’on appelle aussi Science et philosophie hermétique, parce qu’on regarde Hermès Trismégiste comme le premier qui s’y soit rendu célèbre”, Dictionnaire Mytho-hermétique, op. cit., pp. 468-469 et p. 378.

  • [125]

    Ibid., p. 469.

  • [126]

    Le Docteur Faust, op. cit., pp. 70-73 et pp. 90-91.

  • [127]

    Ibid., pp. 74- 75.

  • [128]

    Ibid., pp. 128-129.

  • [129]

    Ibid., pp. 126-127. Pensons ici à la descente aux Enfers d’Orphée.

  • [130]

    Dictionnaire mytho-hermétique, op. cit., 136.

  • [131]

    Le Docteur Faust, op. cit., pp. 112-113.

  • [132]

    Ibid., pp. 114-115.

  • [133]

    “L‘intelligentia est la croyance selon laquelle les anges ou intelligence, dirigeaient la rotation des sphères célestes”. Voir F. Laroque, “Notes du Docteur Faust”, ibid., p. 265.

  • [134]

    La botanique et l’étude des organes des plantes est un sujet qui intéresse particulièrement Goethe et dont il tire sa conception de l’unité. Voir, H. Bortoft, La Démarche scientifique de Goethe, Triades, Paris, 2001.

  • [135]

    Le Docteur Faust, op. cit., pp. 110-111.

  • [136]

    P. Valéry, cité par A. Livni, La Recherche du Dieu chez Paul Valéry, Editions Klincksiek, Paris, 1979, p. 359.

  • [137]

    P. Valéry, Cahiers, Tome I, Bibliothèque de La Pléiade, Gallimard, Paris, 1973, p. 1459.

  • [138]

    Lust, op. cit., p. 295.

  • [139]

    Ibid., p. 368.

  • [140]

    “De mon temps, on ne savait pas lire. On devinait. Donc, on savait tout”, id.

  • [141]

    Ibid., p. 295.

  • [142]

    Ibid., p. 297.

  • [143]

    La Recherche du Dieu chez Paul Valéry, op. cit., p. 393.

  • [144]

    P. Valéry cité par A. Livni, id.

  • [145]

    Id.

  • [146]

    La Recherche du Dieu chez Paul Valéry, op. cit., p. 394.

  • [147]

    Lust, op. cit., p. 297.

  • [148]

    “Ce n’est point la peine d’écrire si ce n’est pour atteindre le sommet de l’être, et non plus de l’art ; mais c’est aussi le sommet de l’art”, P. Valéry cité in : La Recherche du Dieu chez Paul Valéry, op. cit., p. 394.

  • [149]

    F. Bonardel, La Philosophie de l’alchimie, Grand Œuvre et modernité, PUF, Paris, 1993, p. 191.

  • [150]

    Id. Morienus est un alchimiste ayant vraisemblablement vécu au XIe siècle. Il est l’auteur de De compositione alchemiae, quem edidit Morienus Romanus Calid regi Aegyptiorum et est souvent cité par d’autres alchimistes.

  • [151]

    Ibid., F. Bonardel cite le Second Faust, trad. G. de Nerval, Garnier, Paris, 1969, p. 281.

  • [152]

    “I’ll burn my books”, Le Docteur Faust, op. cit., pp. 256-257.

  • [153]

    Ibid., p. 132.

  • [154]

    Nous considérons ici que la bibliothèque de Faust, compte tenu de ce qui a été dit au sujet de son contenu et de son lecteur, représente tous les livres au sens le plus étendu, celui de la totalité des livres.

  • [155]

    Lust, op. cit. p. 129.

  • [156]

    P. Valéry, “La Crise de l’esprit, (1919)”, Varieté I et II, Gallimard, Paris, 1924 et 1930, pp. 13-51.

  • [157]

    C. Jung, Ma vie : souvenirs, rêves et pensées, Gallimard, Paris, 1973, p. 362.

  • [158]

    S. Freud, Malaise dans la civilisation, (1929), PUF, Paris, 1978.

  • [159]

    J-Y. Masson, Faust ou la mélancolie du savoir, op. cit., p. 17.

Biographie de l'auteur

Estelle MAURANNE

Doctorante à l’Université Marc-Bloch-Strasbourg II. Sa thèse dirigée par P. Dethurens porte le titre : « Les mythes de la connaissance : Prométhée, Le Diable, Merlin, Faust et Dracula ».