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Hommage à Robert Escarpit, "comparatiste malgré lui"

ARTICLE

C’est en 1951 que Robert Escarpit, maître de conférences d’anglais à la Faculté des lettres de Bordeaux, auteur d’une thèse sur Byron, devient comparatiste « un peu comme Sganarelle devint médecin dans Molière ». Je cite une petite phrase de l’avant-dernier chapitre des Paramémoires d’un Gaulois [1] , achevé le 13 avril 1968, « l’avril de ma cinquantaine ». Et je poursuis la citation : « A trente-trois ans je suis devenu par surprise professeur de littérature comparée. » [2] Ou plutôt, et la rectification est de taille : « spécialiste de choses en général ». La discipline est considérée, précise-t-il, « avec suspicion par les uns, avec ironie par les autres » [3] . Et voici comment il raconte ses premiers pas dans la carrière :

j’entrepris de donner à ma nouvelle spécialité tout le lustre dont mon tempérament de touche-à-tout était capable. Séminaires, émissions de radio, congrès, recherches tous azimuts, je me démenais comme un beau diable parmi des collègues séduits quelquefois, irrités souvent. [4]

Tout est dit. Et Escarpit va continuer à se démener jusqu’au tournant des années 70. Ce sont deux décennies que je veux plus particulièrement évoquer. Il me faut cependant remonter plus haut dans le temps.

L’histoire commence avec une conversation en 1938 entre Jean-Marie Carré, Paul Van Tieghem, deux grands maîtres de la littérature comparée, et la Comtesse Jean de Pange qui a longtemps présidé aux destinées de la Société d’études staëliennes. Robert Escarpit rappelle sobrement la scène au début de son étude sur L’Angleterre dans l’œuvre de Madame de Staël [5] sa thèse secondaire soutenue comme sa thèse principale sur Byron en 1950. De ces entretiens le jeune Escarpit (il a vingt ans) ressort avec le sujet de son DES (Diplôme d’Études Supérieures), l’ancêtre du « Master » : « Madame de Staël et Byron » qu’il soutiendra en 1941.

Après la guerre, le séjour à Mexico en qualité de directeur de l’Institut français d’Amérique latine, pour court qu’il fût, a eu sur ce jeune agrégé d’anglais une influence durable et profonde. L’expérience de l’étranger – un des grands thèmes d’étude comparatiste – fut féconde : une Historia de la literatura francesa, publiée dès 1948 par le prestigieux Fondo de cultura económica, un intérêt pour les lettres, la culture et le folklore – en particulier le corrido – qui ne faiblira pas et qu’on retrouvera dans ses séminaires. Mais je relève aussi un article sur « le roman caraïbe vu de Mexico », publié dans la Revue de Littérature comparée [6] qu’on doit tenir comme la première contribution à la discipline.

La deuxième est sa thèse secondaire consacrée, on l’a vu, à l’Angleterre dans l’œuvre de Madame de Staël. Elle sera publiée en 1954 dans la collection « Etudes de littérature étrangère et comparée ». Escarpit a soin de bien préciser l’optique retenue : il ne s’agit pas d’une étude d’influence mais d’image. L’originalité tient à la méthode employée, fondée sur des comptages et des statistiques. Il m’apparaît qu’il n’y a guère qu’un précédent : la thèse complémentaire de Paul Van Tieghem consacrée aux orientations étrangères de la revue l’Année littéraire. L’index alphabétique des allusions à l’Angleterre fait apparaître 1002 occurrences dont 76 % proviennent des trois œuvres « théoriques ». Ce « tableau » de l’Angleterre est détaillé : les mœurs, l’histoire et les institutions, l’art, la pensée, la littérature. Un autre dénombrement porte sur les périodes de l’Histoire d’Angleterre exploitées par Mme de Staël avec une nette préférence pour la période contemporaine, le XIXe siècle (36%). Une attention particulière est apportée aux « déformations » de l’image, à son « prisme déformant » et aux « mythes » que ses écrits ont suscités. On reconnaît les grandes lignes qui sont à l’œuvre dans l’ouvrage que Jean-Marie Carré venait de consacrer au « mirage » allemand en France, en 1948. Toutefois, Escarpit accordait un temps d’étude à « l’expérience anglaise » de Madame de Staël, aux « contacts directs » (les voyages) et aux « amis anglais ». Sur ce point il retrouvait une problématique qui remontait à Sainte-Beuve et qui venait d’être reprise avec succès par Charles Dédeyan (« Montaigne chez ses amis anglo-saxons »).

Pendant plusieurs années (de 1953 à 1958) il est un collaborateur fidèle de la RLC en donnant des comptes rendus d’ouvrages concernant aussi bien les lettres anglo-saxonnes que le domaine hispanique. Dans le même temps, Robert Escarpit s’investit dans la Commission nationale de Littérature comparée qui deviendra en 1956 la Société française de Littérature comparée. Il travaille aux côtés de Jean-Marie Carré, directeur, avec Fernand Baldensperger, de la Revue de Littérature comparée, et de l’hispaniste Marcel Bataillon. Avec Bataillon, Escarpit a trouvé très vite un autre maître et un allié. Dans ses Paramémoires (1968 : 202), l’angliciste passé au comparatisme témoigne, pour l’hispaniste qui va devenir directeur de la RLC et premier président de la SFLC, son admiration et sa reconnaissance : « Beau ardent, implacable et serein, l’archange du comparatisme fut pour nous un tuteur exigeant. » [7]

 

Ce n’est donc pas cette fois par un effet du hasard, « cet homme de paille de Dieu », pour reprendre un mot de Marguerite Yourcenar que n’eût pas désavoué l’auteur d’une spirituelle et audacieuse Lettre ouverte à Dieu [8] , si le premier congrès de la Société française de Littérature comparée se tint à Bordeaux en mars 1956. Encore faut-il remarquer que, pour donner le coup d’envoi à une société de « comparatistes », le sujet choisi était « Littérature générale et histoire des idées » [9] et que, pour illustrer le « libéralisme de notre discipline » (mots d’Escarpit), le congrès avait été ouvert par un « non comparatiste », un slavisant, Robert Triomphe. On rappellera la scène mémorable, puisque ceux qui en furent témoins l’ont volontiers racontée par la suite (je cite mes sources : Jacques Voisine), où Escarpit, levant son verre de Bordeaux pour saluer l’heureuse naissance, s’écria : « goûtez et… comparez ».

Dans ses conclusions, Escarpit dresse ce qu’il appelle « le bilan méthodologique » du Congrès et relève en particulier l’idée lancée par Henri Roddier d’un dictionnaire des termes littéraires sur le modèle du Vocabulaire philosophique de Lalande. Il rappelle que « l’ambition » des comparatistes est « de fournir à la science littéraire des méthodes rigoureuses et des instruments de travail » [10] . Il donne enfin de la littérature comparée une définition simple et provocante : « la science de la différence », une science qui, selon Jean-Marie Carré, « nous a enseigné à mesurer les marges d’erreur ». On ne peut qu’être sensible à des propos qui relèveraient pour certains d’un certain scientisme, voire d’une sorte de positivisme mais dont on soulignera le caractère à la fois théorique et pragmatique.

Pour illustrer cette double orientation je retiendrai trois initiatives, parmi les plus marquantes. D’abord, un « séminaire de littérature générale » et la publication, en moins d’une décennie, d’une dizaine de « bulletins » (c’est le mot retenu) dont il faut souligner l’éclectisme et l’ampleur de vue : le roman picaresque, précieux et burlesques, romanesque et romantiques, aventure et anticipation, la traduction, sentiment et sensibilité, humour et ironie, le réalisme, l’originalité, littérature et sous-littérature… Ensuite, deux enquêtes sur les débuts de l’enseignement de la littérature comparée : la première dans le Yearbook of general and comparative Literature [11] plus spécialement consacrée aux universités de province et la seconde portant sur « l’état de l’enseignement de la littérature comparée en France en 1957 » [12] , première expression au sein de la jeune SFLC d’une préoccupation pour les questions pédagogiques. Troisième initiative : la publication en 1958 d’un Que sais-je ? dans lequel il présente sa sociologie de la littérature et qui, en 1992, en sera à sa 8e édition. Toujours en 1958, au Deuxième Congrès de l’AILC à Chapel Hill, il présentait une communication sur les « Méthodes de la sociologie littéraire ». [13]

La sociologie de la littérature, telle que l’entend Escarpit, est plutôt analytique et descriptive et quantitative avec force statistiques, courbes, cartes et tableaux. On ne sera donc pas trop surpris de lire une défense, nuancée il est vrai, de Taine, et une définition à la fois souple et contraignante de son projet : « une meilleure intelligence de certains phénomènes qui conditionnent le fait littéraire, sans nécessairement le déterminer ni fonde son esthétique. » [14] D’entrée de jeu, il présente ce qu’il appelle les « trois dimensions » du fait littéraire et la « triple appartenance » [15] de la littérature : d’une part, les écrivains ou les créateurs, les œuvres ou les livres, les lecteurs ou le public ; d’autre part, « le monde des esprits individuels », « le monde des formes abstraites », « les structures collectives ». Il relève ce qu’il tient pour des avancées dans la réflexion littéraire : les grands courants à la Paul Hazard, les « mirages » et les « mythes » chers à Jean-Marie Carré et Étiemble, la notion de génération qu’il trouve illustrée chez Henri Peyre et Guy Michaud dont il cite l’ouvrage, difficilement trouvable (Introduction à une science de la littérature, Istambul, 1950). À partir des principes posés, le plan de l’ouvrage se développe tout naturellement en trois temps : la production (l’écrivain dans son temps, l’écrivain dans la société) ; la distribution (l’acte de publication et les circuits de distribution) ; la consommation (l’œuvre et son public, la lecture et la vie). Dans la dernière partie, d’anciennes interrogations trouvent leur place, en particulier l’exemple de la « mythisation de son vivant » de Byron qui le ramène à la littérature comparée, illustrée par Jean-Marie Carré et Étiemble. Mais la conclusion est ferme et personnelle : il faut « désacraliser » la littérature.

 

De la décennie « d’avant 68 », il faut aussi retenir, pour avoir de l’homme et du rayonnement de sa réflexion une juste appréciation, son article dans le Yearbook of Comparative Literature [16] : « Creative treason as a key to literature » et son discours d’ouverture au congrès de la SFLC de Rennes en 1963, intitulé « Y a-t-il des degrés dans la littérature ? » [17] À juste titre Guy Ducrey, dans la présentation qu’il a faite de Robert Escarpit pour le numéro spécial que la Revue de Littérature comparée a consacré à « Relire les comparatistes français » [18] , considère que le notion de « trahison créatrice » est « au cœur de sa pensée ». J’ajouterai qu’on la voit apparaître déjà dans son discours de clôture de 1956 et que cette petite dizaine de pages en anglais sont une véritable leçon de littérature générale et comparée. Loin de cantonner la notion de trahison à la seule question de la traduction, au nom de l’adage bien connu traduttore traditore, Escarpit, dont le propos est de réfléchir sur la notion de « littérature », aborde successivement différentes frontières où se joue le sens et le contenu de cette notion : la littérature orale, l’adaptation cinématographique, la littérature enfantine, l’adaptation éditoriale (avec le cas particulier du premier romancier mexicain Lizardi et son roman picaresque El periquillo sarniento), la mise en scène, enfin l’image au sens comparatiste du terme.

Il utilise la notion de pattern/ « modèle » et celle de value/ « valeur », sans que Wellek soit expressément cité. En revanche il mentionne Tomachevski en rappelant que, pour le formaliste (et comparatiste) russe, la traduction fait partie de la « littérature nationale réceptrice » (receiving national literature). Faut-il rappeler que l’idée simple et évidente de littérature traduite (et non traduction)/ translated literature est le point de départ de la théorie du polysystème d’Itamar Even Zohar qui sera formulée au début des années 70, en partant, entre autres, d’une lecture historique et culturelle des formalistes russes ?

Mais il y a plus : en suggérant, comme il le rappelle dans sa communication de Rennes, de « scinder la notion d’esthétique littéraire en une poétique de la création et une esthétique de la perception, celle-ci allant au devant de celle-là », il jette les bases de ce qui sera la fameuse « esthétique de la réception » de Hans-Robert Jauss présentée par celui-ci comme un « renversement de paradigme ». L’attention portée au lecteur, au récepteur qui va être l’une des lignes directrices de la recherche d’Escarpit trouve ici une expression théorique remarquable. À quoi l’on ajoutera que l’ouvrage pionnier du Catalan José María Castellet, La hora del lector (1957)/ L’heure du lecteur avait utilement réorienté la réflexion sur ce qu’Escarpit appellera désormais « le fait littéraire ».

Il s’agit pour Escarpit de déloger de la place centrale qu’occupe dans les études littéraires la notion d’une « œuvre en soi ». Dans sa communication de Rennes il distingue trois « degrés » dans ce qu’on nomme littérature : la « sous-littérature » comme un « humus fécond » qui s’appellera plus tard « paralittérature » et dont l’étude requiert les méthodes de la sociologie et de l’histoire ; la littérature « historique », celle justement qui ressort des histoires littéraires et qui doit servir de « paysage » aux chercheurs ; enfin la littérature « vivante », « une floraison dont il faut savoir humer le parfum ». Entre l’humus et le parfum, une certaine littérature apparaît comme la rose absente de tout bouquet…

C’est pourquoi il va s’intéresser, avec deux de ses collaborateurs, Pierre Orecchioni et Nicole Robine, à la « lecture populaire en France » [19] , aux lectures des « conscrits » [20] , au livre de poche en organisant une table ronde à Bordeaux (25-X-1965) à laquelle participent, entre autres, Lucien Goldmann, le sociologue Alfred Sauvy qui deviendra un ami, Abraham Moles, Max-Pol Fouchet. Assurément, la littérature comparée a cédé la place aux questions de communication culturelle, de diffusion, à l’étude de la littérature de « masse » qui sont à l’horizon constant de sa réflexion. Il résumera son évolution dans un petit article synthétique qui a la valeur d’un discours de la méthode : « De la littérature comparée aux problèmes de la littérature de masse ». [21]

Les interventions qu’il multiplie et la suite des séminaires de « littérature générale » ont introduit, en un temps et pour leur temps, une évidente dimension novatrice. Dans des travaux toujours collectifs, la théorie côtoie la fantaisie et l’humour. Il fait évoluer ses étudiants et les chercheurs de son centre (Centre de sociologie des faits littéraires) du corrido mexicain au « phénomène » San Antonio qui mérita un fascicule, sorti en 1965, demeuré à bon droit exemplaire.

Le travail en collaboration qu’il a constamment promu se traduira en 1970 par la publication d’un ouvrage collectif, La littérature et le social [22] . Dans sa contribution, il reprend l’interrogation qu’il n’a jamais cessé de se poser, non pas « Qu’est-ce que la littérature ? » mais « Que peut la littérature ? » et, mieux encore « Que pouvons-nous faire de la littérature ? ». Il reprend et défend les trois dimensions discernées (l’écrivain, l’œuvre, le public) et salue au passage les travaux de Richard Hoggart et de son centre d’études culturelles contemporaines de Birmingham, le berceau, soit dit en passant, des cultural studies.

 

En 1970, l’Université de Bordeaux et « l’équipe » de Robert Escarpit, ont accueilli le Sixième Congrès de l’AILC dont le thème général était « Littérature et société ». À cette époque, Robert Escarpit avait fondé une filière « Carrières de l’information » et un Institut de Littérature et de technique de masse (ILTAM) dont il était à juste titre très fier. Cela valut aux congressistes de lire pendant une semaine le journal Imprimatur, que les étudiants, comme travaux pratiques, réalisaient au jour le jour. Ils furent gâtés en matière d’événements sensationnels que recherche tout apprenti journaliste : inauguration du congrès par Jacques Chaban-Delmas, bondissant sportivement sur l’estrade, et, plus inattendue et dramatique, la mort de François Mauriac.

Il plaida à nouveau pour un Dictionnaire international des termes littéraires, le DITL, dont le principe fut adopté en assemblée générale de l’AILC. À Bordeaux, un collaborateur d’Escarpit, Alain Boisson, secondé par sa femme, déploya sans compter ses efforts pour rassembler les articles. En 1973, sortait chez Mouton/ La Haye, un volume « expérimental » centré sur la lettre « L » pour que figurent, entre autres, les articles « Livre » et « Littérature » signés Robert Escarpit, l’articles « Lecture » par Adrian Marino, « Littérarité » par Charles Bouzais, et last but not least, l’article « Littérature comparée » par René Wellek. On sait que le projet, après lente maturation, passa de Bordeaux à Limoges, entre les mains de Jean-Marie Grassin.

 

Robert Escarpit, après 1970, devint Président de son université. Une période s’achève, celle qu’une de ses proches collègues, Anne-Marie Maulan, a joliment appelée « les années de l’effervescence bordelaise ». [23] Il s’éloigna quelque peu de notre discipline pour laquelle il fut un prodigieux éveilleur, un agitateur d’idées qui, par là même, ne pouvait que diviser la petite communauté comparatiste. Mais elle ne fut jamais indifférente aux suggestions, aux provocations, lancées continûment par cet adepte original de l’agit prop, appliqué aux domaines littéraires. Tout au plus peut-on regretter que nombre de comparatistes n’aient voulu voir que les pavés lancés allégrement dans la mare de notre discipline, sans fixer leur attention sur les ondes que multipliait, avec un enthousiasme juvénile et un accent chantant, un brin pointu et grasseyant, celui de la vallée de la Garonne, de Saint-Macaire, précisément, ce faux dilettante, cet infatigable travailleur. Ajoutons : homme de convictions, ancrées à gauche depuis sa jeunesse, ardent défenseur de la laïcité, en particulier dans son Ecole laïque, école du peuple. [24]

Le démon de l’écriture a durablement tenté Robert Escarpit et je ne peux me lancer dans l’examen ou l’évocation d’une trentaine de romans, contes et essais, sans compter ses billets du Monde (commencés en 1949 !). Pour mieux connaître l’homme, sa formation, ses idées, son optimisme indéracinable et sa conception de la lutte intellectuelle, il faudrait lire (mais cela n’est plus très facile) ses Paramémoires d’un Gaulois, déjà cité, dans lequel, l’humour ne perdant jamais ses droits, le petit héros breton se métamorphose en Gascon. Mais on se gardera de tomber dans les stéréotypes et les simplifications… On se souviendra aussi d’une délicieuse satire des milieux culturels, de la technocratie (déjà !) et de l’arrivisme à l’université, intitulée Le littératron [25] conçu sur le modèle du picaresque.

 

Robert Escarpit aura été une figure marquante du comparatisme français des années 60-70, au moment même où la discipline s’affirmait dans les universités françaises et commençait à trouver sa place pleine et entière dans le cursus de Lettres modernes. À sa manière, il aura contribué à cette promotion et à cette métamorphose.

Homme de terrain dans ses recherches, Escarpit a su parler avec l’intelligence du cœur de son petit coin de terre natale, Saint-Macaire et discerner les différences entre la culture de la vallée garonnaise et les Landes d’où était originaire sa femme. J’oserais dire qu’il a su allier une faconde qu’on dit propre au terroir à la réserve paysanne de la lande, à un certain laconisme, un sens des réalités qu’on résumera par cette interjection intraduisible : ataou té

Au soir de sa vie, il a choisi d’aller plein sud, jusqu’aux vertes collines béarnaises. Là, il a voulu participer, à sa manière, à la vie politique locale. Mais je veux croire que parfois, par un bel après-midi d’automne ou un frais matin de printemps, il a dû lever les yeux vers un ciel qui s’est toujours résumé pour lui à la seule dimension météorologique, et fredonner ou entonner l’hymne du pays, la louange « au beau ciel de Pau », beth ceu de Pau…

De cette terre d’Aquitaine, et plus encore de deux de ses fils, emblématiques, transfigurés par la légende et le mythe, l’illustre Béarnais, Henri IV, lou nouste Enric, et un certain Cyrano, Robert Escarpit avait pris et fait passer en lui quelque chose qui a pu à bon droit séduire ou irriter tous ceux qui l’ont approché. Et ce quelque chose, c’était… le panache.

Notes

  • [1]

    Paris, Flammarion, 1968, p. 201.

  • [2]

    Loc. cit.

  • [3]

    Ibid.

  • [4]

    Ibid.

  • [5]

    Paris, Didier, Collection « Etudes de littérature étrangère et comparée », 1954.

  • [6]

    RLC, 1948, p. 255-266.

  • [7]

    Op. cit., p. 202.

  • [8]

    Paris, Albin Michel, 1966.

  • [9]

    Littérature générale et histoire des idées, Paris, Didier, 1956.

  • [10]

    Ibid., p. 64.

  • [11]

    Op. cit., 5/1956, p. 8-12.

  • [12]

    RLC, 1958, p. 142-148.

  • [13]

    Id., p. 142-149.

  • [14]

    Ibid., 1960, 2ème éd., p. 10.

  • [15]

    Op. cit., p. 5.

  • [16]

    Op. cit., 10/1961, p. 16-21.

  • [17]

    Littérature savante et littérature populaire, Didier, 1964.

  • [18]

    « Robert Escarpit (né en 1918) ou quand le sociologue naît du comparatiste », Revue de littérature comparée, 3/2000, p. 427-438.

  • [19]

    Publié dans La vie populaire en France du Moyen Age à nos jours, Paris, Ed. Diderot, 1965, II, p. 277-352.

  • [20]

    Le Livre et le conscrit. Une enquête du Centre de sociologie des faits littéraires, dirigée par Robert Escarpit. Enquête de Nicole Robine, rédaction de André Guillemot. Préface de R. Escarpit, Paris, Cercle de la Librairie, 1966.

  • [21]

    Etudes françaises, n° 2/1966, p. 349-353.

  • [22]

    Paris, Flammarion, 1970.

  • [23]

    Hermès, n° 48, 2007.

  • [24]

    Paris, Calmann Lévy, 1961.

  • [25]

    Paris, Flammarion, 1964.