Actes & Volumes collectifs

Variations vocales et dialogue interculturel dans la littérature caribéenne

ARTICLE

Alors que le dialogue interculturel, dans les organismes internationaux comme au sein de l’Europe, cherche à faire accepter la diversité, visant ainsi une compréhension mutuelle fondée sur un certain concept d’internationalisation des échanges, une telle démarche appliquée à certains domaines peut avoir pour effet de gommer les aspérités que font ressortir les différences. La déclaration universelle de l’Unesco du 2 novembre 2001 sur la diversité culturelle se veut un instrument érigeant la diversité culturelle au rang de « patrimoine commun de l’humanité ». Que peut apporter la traduction à cet édifice ? Les douze articles de cette déclaration répartis en quatre grands chapitres sont une source d’inspiration pour tout traducteur et traductologue intéressé par la richesse qu’offre la diversité culturelle – source d’ouverture humaine, d’ouverture artistique, de créativité et lieu de tissage de nouveaux liens. Ainsi sa dimension dynamique peut rejoindre le positionnement éthique appliqué au traduire.

La « visée éthique », telle que la concevait Antoine Berman, qui s’oppose à toute « injonction appropriatrice et réductrice », nous dit que « l’essence de la traduction est d’être ouverture, dialogue, métissage, décentrement », que la traduction « est mise en rapport, ou elle n’est rien » [1] . Il s’agira donc de regarder comment une diversité culturelle et linguistique, une commotion des langues et des cultures qui ne sont pas sans susciter des enjeux de pouvoir, peuvent être traitées au cours du traduire [2] . Dans cet article qui a pour dessein d’analyser des discours « Autres » en traduction, notamment la dimension orale de l’écrit, l’objectif est d’observer comment identité et diversité sont maintenues dans une nouvelle réalisation linguistique destinée à une culture elle aussi « Autre », en tentant de circonscrire des territoires identitaires et culturels, d’explorer leurs modalités énonciatives et culturelles surtout dans les zones de rencontres. C’est là que les questions soulevées par les traductologues peuvent avoir d’énormes répercussions éthiques.

L’oralité, une des caractéristiques majeures de la littérature caribéenne, est très représentative du style d’Olive Senior, une auteure jamaïquaine que je traduis. Les voix de ses personnages, tout comme ses voix narratives, reflètent leur origine locale et sociale, leur sexe et leurs activités professionnelles, elles contribuent à créer un « effet de réel » qui n’est pas sans poser maints problèmes quant au transfert de l’altérité en termes de musique du texte lors du passage en traduction. Pour décrire le phénomène vocal des textes caribéens, depuis Ernst Mirville en 1974, les chercheurs ont introduit le terme oraliture [3] appliqué à une production à la fois écrite et orale, dans laquelle l’écrit fait naître les sons émis par la voix, issus d’un corps qui leur transmet leur énergie, car pour rappeler Paul Zumthor : « [C’est] une voix qui parle – non cette langue qui n’en est que l’épiphanie : énergie sans figure, résonance intermédiaire, lieu où la parole instable s’ancre dans la stabilité du corps ». [4]

 

Vocalisation et diglossie [5]

Dans toute oeuvre caribéenne, le feuilletage et le choc des voix tiennent une part importante. D’ailleurs ce phénomène est parfois exprimé en termes quelque peu différents, comme l’a récemment écrit Alison Calder à propos de la poésie post-moderne qui, dans cette optique, a recours à des agents hybrides : « […] hybrid narrative agents to produce a dialogic or polyphonic layering of concealed voices that challenges notions of the individual poet and re-views the relation between artist, material, and audience » [6] . Elle introduit donc à la fois les notions d’hybridité, de dialogue et de polyphonie, qui sont ainsi mises en avant pour faire comprendre comment une telle superposition vocale peut cacher les individualités. Dans toute oeuvre caribéenne que l’on peut classer sous l’appellation « poétique », cette superposition de voix est patente, mais l’on peut alors se demander si elle prend un tour polyphonique ou hétérophonique [7] . Dans le cas d’Olive Senior, l’hétérophonie est effectivement l’une des caractéristiques majeures. Alors, comment la traduction peut-elle garantir une interaction harmonieuse entre ces identités culturelles différentes ? Comment ce qui, sur le plan idéologique, peut faciliter la cohésion sociale, pourra-t-il concourir à la cohésion textuelle ? En quoi les facteurs culturels et les facteurs de cohésion linguistique de la langue d’accueil peuvent-il infléchir le texte traduit au détriment de la logique discursive de l’original ? Tous ces éléments soulèvent à la fois la question de la distance culturelle interne à l’oeuvre et la question de la distance culturelle externe (entre original et traduction).

Justement, dans les nouvelles d’Olive Senior, la notion sacrée de lisibilité est délibérément menacée par divers dispositifs énonciatifs mis en place afin de déstabiliser les lecteurs, maintenir leur attention en éveil et leur faire entendre le rythme des émissions vocales. Or cette production organisée selon un autre type de cohésion textuelle, de nature rythmique, est, comme le dit Meschonnic : « ordre, proportion mathématique, mesure. Et par là une harmonique du microcosme au macrocosme dont toute métrique est la célébration, originellement, jusqu’à ce qu’elle l’oublie, et n’est plus que la métrique d’elle-même » [8] . Si alors le traducteur se concentre sur l’interprétation sémantique, il n’aboutit qu’à la quête du « sens du sens » [9] . Une telle démarche tend à priver le texte de son mystère initial et à fermer les portes aux découvertes de lectures personnelles.

Placer la diglossie au centre du processus sera l’une des données qui permettront de faire converger vers une même question, celle du maintien du divers, toutes ces disciplines déjà évoquées et nécessaires au champ disciplinaire qui me concerne dans le but de déboucher sur un point de vue neuf.

De plus, lorsque l’écriture se concentre sur des moments de crise ou de révélation, sur des épiphanies, quand finalement, l’intrigue devient secondaire, il n’y a pas de sens à extirper de l’entremêlement des mots puisque l’essentiel de la créativité repose sur un assemblage de voix multiples, une hétérophonie. En conséquence, la créativité du traducteur dépend de choix stylistiques pour la simple raison que la valeur et l’intérêt littéraires de ces nouvelles proviennent davantage du sensoriel que du sens. Et depuis que Humboldt a démontré le caractère sensoriel de la médiation entre le son et le concept [10] , nous savons que le langage a pour fonction centrale de tisser un lien entre les sons, les constructions mentales et leurs manifestations.

 

La vocalité d’Olive Senior et le créole

Mon expérience de traductrice fut confrontée dans cette pratique précise à la question du transfert d’une variété de voix s’exprimant sur un mode diglossique [11] . Dans les deux recueils de nouvelles que j’ai traduits [12] , Senior attribue une voix à toutes sortes de personnalités, même à celles qui ne sont pas éduquées et s’expriment avec difficulté. De plus, le lecteur est soit transporté one time over (« en temps longtemps » [13] ), alors qu’esclavage et racisme étaient encore frais dans les mémoires, soit il se retrouve confronté aux difficultés et aux violences de la société jamaïquaine contemporaine. En conséquence, la parole de ses personnages varie selon toutes ces données, mais aussi selon d’autres : leur origine géographique (rurale, citadine : variations diatopiques), leur éducation, leur profession, leur milieu social ou toute autre occupation (variations diastratiques), leur âge, leur passé, leur environnement (variations diaphasiques), etc., mais elle fluctue aussi selon leurs interlocuteurs. Tout ceci s’applique également à ses voix narratives, très différentes, complexes et multiples. En bref, Olive Senior est une écrivaine de la voix. Ceci entraîne des mouvements linguistiques et culturels qui peuvent refléter confusion et instabilité. Ainsi, coutumes ancestrales et vie moderne s’affrontent et donnent lieu à des discours représentatifs : les nègres descendus (bungo people) qui viennent des mornes (hills) de l’intérieur sont surpris par les manières des békés (backra people) avec leurs bons cheveux droits (good straight hair) alors que leurs cheveux grainés (picky-picky hair) révèlent leur origine africaine. Ces quelques exemples lexicaux simples mettent en relief le lien entre langue et culture, et créent une distance culturelle interne ; ces écarts ne manqueront pas aussi de faire ressortir en traduction une certaine distance culturelle, externe, cette fois.

Les voix de ces nouvelles se répartissent sur l’échelle du continuum [14] , allant des formes les plus normatives aux adaptations des formes les plus basilectales. En conséquence, à qui n’est pas familier de ce que certains appellent Jamaican Patwa, paraîtront obscures certaines formulations ou certaines expressions de nature proverbiale du type for water more than flour (« d’lo dépassé farine »), ce qui en clair signifie qu’un tel mélange ne produira jamais du bon pain, c’est-à-dire que les choses vont vraiment mal. Toutefois, le traducteur compte sur le processus de familiarisation du lecteur : par exemple, lorsque la jeune Manuela doit porter un guzu – que j’ai reproduit à l’identique dans le texte français – lequel guz lui sert à se protéger des esprits malfaisants, le pouvoir évocateur d’un tel lexème permet d’échapper à toute tentative explicative du type incrémentialisation [15] . Grâce au processus de familiarisation, au fil de la lecture, le monde de l’Autre devient plus accessible. Toutefois, le point le plus délicat pour moi a concerné les questions de grammaire et de syntaxe, puisque les normes de la langue française limitent beaucoup le champ d’inventivité d’un traducteur en la matière.

Les mouvements linguistiques occasionnés par cette vocalité [16] , à la fois source et fruit d’une hétérophonie, d’une hétérologie et d’une hétéroglossie, appliqués au discours spécifique à Olive Senior, pourraient être rangés sous le terme vocaliture, mot-valise que je crée à partir du couple vocalité-oraliture. Cette vocaliture dépasse la notion d’oraliture puisqu’elle se concentrerait non pas sur la mise à l’écrit de l’oral, mais sur l’énonciation de l’oral filtré par les diverses voix qui s’expriment.

 

Créoliser la traduction : l’oraliture à l’oeuvre

Une telle diversité rassemblant des sources d’information multiples soulève le problème du sens qui, bien sûr, n’est plus de l’ordre du signifié, mais implique des questions de mélodie, de rythme et d’harmonie, ce que Meschonnic, dans le sillage de Barthes [17] , a nommé signifiance : « La signifiance est une rythmique et une prosodie par lesquelles passe tout ce qui fait sens, et qui déborde la circonscription traditionnelle du sens, ses niveaux linguistiques » [18] . Ainsi, au-delà des simples considérations linguistiques, également présentes dans la situation sociolinguistique de diglossie, les auteurs de la Caraïbe, et Olive Senior parmi eux, sont confrontés à la réalité socioculturelle de la tradition orale qui en appelle surtout au sensoriel. De plus, si nous revenons à cette définition du sens produit sensuellement, que proposait Barthes [19] , nous pouvons dire que dans la démonstration que j’entreprends, elle complète idéalement la vision du monde de Humboldt évoquée précédemment. En clair, Olive Senior essaie de susciter chez ses lecteurs des réactions à l’oral à partir de procédés visuels et surtout musicaux. Il est alors clair qu’en matière de traduction, la réalité socioculturelle qu’elle dépeint peut inviter le traducteur à certaines formes d’ajustement aux normes de réception qui n’auraient pour seul effet que de perturber identités, système et ordre [20] , de sorte que l’iconicité que produit la superposition des langues et des voix, portée par l’oraliture, serait effacée. L’autre extrême consisterait à se prêter au jeu inverse du recours aux stéréotypes exotiques qui aboutiraient à rendre ridicule textualité et vocalité, personnages et auteure.

Lorsqu’il m’a fallu traduire des nouvelles diglossiques dans lesquelles plusieurs lectes se heurtaient [21] en quelques pages, le problème majeur a été celui de pouvoir révéler cette discordance linguistique tout en restant accessible au lectorat francophone. Ceci a entraîné la mise en place d’une créolisation créative à l’instar de l’auteure, et comme le rappelle Édouard Glissant : « Comme toute créolisation, la traduction met en parallèle et en symbiose deux réalités le plus souvent hétérogènes : la langue du texte original et la langue du texte final. […] Ce résultat est un langage de relation et, comme dans toute créolisation, une résultante imprévisible qui ajoute à l’une et l’autre langue ». [22]

L’entreprise visait à transporter une création anglo-créole dans un univers franco-créole, tout en ne tombant pas dans l’exotisation cette tendance déformante telle que l’a énoncée Berman : « Traditionnellement, il existe une manière de conserver les vernaculaires en les exotisant. L’exotisation prend deux formes. D’abord par un procédé typographique (les italiques), on isole ce qui, dans l’original, ne l’est pas. Ensuite – plus insidieusement – on ‘en rajoute’ pour ‘faire plus vrai’ en soulignant le vernaculaire à partir d’une image stéréotypée de celui-ci ». [23]

Le défi était aussi de pouvoir jouer à différents niveaux : du lexical (le plus simple), au grammatical et au syntaxique. L’introduction de mots créoles ou de vocables en usage dans les Antilles françaises m’a permis de créer des correspondances directes (chatrou, béké, mornes, cabet) plus ou moins rapidement accessibles par le lecteur, quant au travail sur la grammaire et la syntaxe [24] , il a exigé une observation régulière des pratiques et des usages régionaux, ainsi qu’une collaboration avec des locuteurs régionaux pour vérifier non seulement l’exactitude des formes, mais surtout leur usage socioculturel. En conséquence, travail d’observation, de préservation et créativité sont à l’oeuvre au cours d’un tel transfert. L’exemple suivant offre une illustration de certaines des mesures prises afin de transporter les éléments symptomatiques de l’énonciation originale. 

In the pale moon glow, for she was afraid to bring the lamp to the door lest it attract her neighbours, she saw a bearded and hairy stranger with a countenance that would frighten children. She could discern nothing of family in this person and for a moment feared that it was in fact a stranger come to do her harm. But from the familiar way he came into the house she knew that it was he.

“So you came?”

“What yu expect?”

“Don’t yu have friend?”

Fren a dawg.”

Is friend yu run away with from here.”

Ol lady, that time so long ago it long like from here to moon”. [25]

 

À la pâle lueur de la lune, elle n’avait pas pris la lampe de peur d’attirer l’attention des voisins, elle vit un étranger barbu et chevelu dont la mine aurait effrayé un enfant. Elle ne lui trouva aucun air de famille et crut, l’espace d’un instant, qu’il s’agissait vraiment d’un étranger venu lui faire du mal. Mais, voyant avec quelle familiarité il pénétrait dans la maison, elle sut que c’était lui.

– Alors tu es venu ?

– Qu’est-ce que tu croyais ?

– Tu n’as pas des amis ?

– Les amis, c’est des chiens.

– C’est bien un ami que tu t’es échappé avec d’ici-là.

– Vieille femme, c’est loin-loin tout ça, loin comme si c’était à la lune. [26]

Ce court extrait présente une section narrative et une partie dialoguée entre une grand-mère et son petit-fils de dix-neuf ans. Ce dernier est recherché, contre récompense, par la police pour meurtre, viol et vol. Ce passage révèle la nature diglossique du discours de Senior : deux lectes s’y confrontent, une forme acrotectale émaillée de ce que Jacques Coursil (« L’Éloge de la muette », 1996) a nommé « la langue muette », cette forme vernaculaire autrement considérée comme la langue des affects. Bien que grand-mère et petit-fils utilisent une variété mésolectale, chacune se singularise : la grandmère est restée rurale, alors que le langage du jeune voyou s’est transformé dans les ghettos de Kingston. Quant à elle, la partie narrative est plutôt normative : le style est hypotactique, le ton formel, ce qui accentue le déséquilibre de la situation présente qui va mener à la crise finale. Toutefois, plusieurs formes sont assez révélatrice de l’acrolecte jamaïquain, comme lest it attract, tournure archaïque préservée dans l’anglais jamaïquain et qu’il ne faut pas confondre avec une manifestation de registre. Cette même observation s’applique à countenance qui renvoie aussi bien au visage qu’à l’apparence générale ici. Ainsi, à l’aide de moyens très économes qui mettent en relief l’impression d’incommunicabilité, Olive Senior donne-t-elle corps à la situation et annonce-t-elle le conflit à venir entre les deux protagonistes. Si, dans la traduction, mine peut renvoyer aussi bien à un usage vieilli que moderne, il n’a toutefois pas la même valeur qu’en anglais. Quant à lest it attract le français le neutralise et aplanit totalement la subtilité qu’il introduisait. De tels procédés, qui ressortissent de l’homogénéisation et auxquels des traducteurs peuvent avoir recours, sont souvent recherchés pour des questions de cohérence interne dans un texte au discours déjà très chaotique. Par ailleurs, il se trouve qu’il n’existe pas d’équivalent direct dans le français antillais qui puisse rendre une telle tournure. Une des solutions se situe dans la compensation, c’est-à-dire le déplacement sur un autre membre de phrase ou autre paragraphe ; ce pourrait être un apport grammatical avec un subjonctif imparfait, forme qui rendrait bien l’hypercorrection de la langue des Antilles ; ce pourrait être un apport lexical afin de rééquilibrer l’ensemble. Dans l’extrait étudié, on pourrait noter que le ton de la narration est soutenu en français comme en atteste l’utilisation du passé simple dans la phrase suivante : « voyant avec quelle familiarité il pénétrait dans la maison, elle sut que c’était lui » [27] . C’est sans doute pourquoi la fonctionnalité du langage reste au coeur du processus et que l’équilibre original s’opère à l’aide de moyens parfois annexes.

Pour ce qui est des dialogues, le lecteur français pourrait être surpris de trouver les négations dans leur intégralité, surtout quand la réplique correspond à un anglais qui peut paraître fautif : « Tu n’as pas des amis ? ». En vérité, d’une manière générale, le français parlé aux Antilles est toujours une forme pleine et chantante dans laquelle les élisions ne se pratiquent pas, du moins chez les adultes. Tandis que l’anglais est construit selon les normes locales qui ont conservé des formes empruntées aux langues d’Afrique de l’ouest. Donc l’altérité n’est pas nécessairement exotisée, elle est tout simplement Autre, et le plaisir de la lecture tient aussi au plaisir de rencontrer l’Autre. Ces quelques observations ont permis de voir que non seulement les personnages ont toutes manières de voix, mais aussi que l’oraliture et le phénomène hétérophonique se manifestent également dans la narration.

 

Hétérophonie et voix narrative

La voix narrative est un champ d’étude tout à fait riche parce que « like any other voice, [it] is a fundamentally composite entity: a specific configuration of voices. But it is nonetheless actively configured, and it is precisely in the traces of its (artistic) organization that its identity resides. » [28] et parce que dans les nouvelles d’Olive Senior l’énonciation dépend souvent d’enfants-narrateurs dont l’observation de la vie et le langage sont naïfs. Il faut rappeler que dans la tradition orale, l’énonciation n’est jamais monolingue ; même si le conteur est unique, la voix se déplace et son origine n’est pas toujours aisément repérable, c’est d’ailleurs là que le ton de la voix va faciliter les fluctuations du récit. Ceci pose aussi la question du point de vue [29] . Chez Senior, les focalisateurs sont très souvent des enfants dont les yeux innocents absorbent ce qui les environne, à l’instar du jeune Henry James « taking in » tout ce qui s’offrait à lui dans les rues de New York [30] . Ce sont ces yeux qui servent de filtres aux voix narratives, de sorte que ces jeunes enfants prennent encore une forme de part active dans la narration lorsqu’ils commentent ce qu’ils observent et ce qu’ils entendent, en rapportant les remarques des adultes. C’est une des façons par lesquelles se manifeste l’hétérophonie dans les nouvelles où la multiplicité des voix se révèle en une variété de langages et de registres, ce que Dunn et Jones ont nommé a broader spectrum of utterance [31] dans leur définition de la vocalité. Ceci a pour résultat un texte très dynamique et musical, car comme le rappelle Akai : « The Creole continuum is not a fixed invariant system, but rather a porous, dynamic one » [32] , et crée ainsi un effet de réel très intéressant. [33]

Un des exemples les plus éloquents se trouve dans la nouvelle « Ballad / Ballade » dont la narratrice est la petite Lenora, fascinée par un personnage équivoque, Miss Rilla [34] . Sa narration se situe à mi-chemin entre littérature et oralité, comme l’incipit de la nouvelle l’annonce : c’est une écriture enfantine émaillée d’expressions d’adultes, une superposition de voix, créant un ensemble hétérophone produit par une seule personne, d’où sa complexité. De plus, il faut considérer que ce mode énonciatif participe de la maturation de la voix de l’enfant-narratrice qui tente d’acquérir le langage adulte à l’aide des expériences de la vie : ses observations sont nourries de ce qu’elle a entendu dire par les adultes. Bien sûr, lors du traduire, la tentation d’homogénéisation, facilitatrice de compréhension, peut être grande, ce qui induirait un effet d’arasement du ton, un des éléments clés de la nouvelle, qui constitue la colonne vertébrale de l’ironie sous-jacente de cette intrigue simple : la vie et la mort d’une femme somme toute immorale, vue par une enfant comme un modèle de générosité et de bonté, ce qu’elle est aussi par ailleurs.

Cette nouvelle se caractérise donc par une absence d’unité énonciative, une forme d’hétérophonie, qui correspond à ce que Mufwene appelle un procédé social de créolisation [35] . En conséquence, le traducteur est entraîné dans un processus narratif semblable à celui de l’original tout simplement parce qu’il est issu d’une autre culture et qu’il doit prendre des décisions pour transférer les images et la musique de l’original. L’aboutissement ne sera ni une réplique, ni un texte identique, mais une nouvelle production pour un nouveau lectorat : une autre version de cet original, parce que la traduction aussi s’inscrit dans un continuum : « a translation always takes place in a continuum, never in a void, and there are all kinds of textual and extratextual constraints upon the translator » [36] . Dans le cas d’Olive Senior, ces contraintes socio-culturelles pèsent sur les décisions traductives, ainsi le normatif hill ne sera jamais colline dans le contexte caribéen, mais morne ; d’autres contraintes locales influent également, comme la duplication pour rendre l’emphase ou le superlatif, là des tournures comme so long ago deviennent loin-loin.

Ce continuum peut être compris comme un véritable processus de traduction qui se met en place depuis la naissance du texte original jusqu’à sa transformation dans une autre langue, ce qui sera l’objet de déplacements à l’intérieur du champ traductif, lieu où s’opère le traduire, pourtant, seuls les deux résultats (texte original / texte traduit) seront visibles. Pour avoir une idée de ce que représente ce continuum, l’incipit de « Ballad » (« Ballade ») est assez éloquent :

Teacher ask me write composition about The Most Unforgettable Character I Ever Meet and I write three page about Miss Rilla and Teacher tear it up and say that Miss Rilla not fit person to write composition about and right away I feel bad the same way I feel the day Miss Rilla go and die on me.

(‘Ballad’, Summer Lightning, p. 100)

 

Le Maît’ l’école m’a demandé de faire une rédaction sur La Personne La Plus Inoubliable Que J’aie Connue et j’ai écrit trois pages sur Miss Rilla et puis Le Maît’ l’école l’a déchirée ; il a dit que Miss Rilla ce n’est pas une personne comme il faut pour écrire une rédaction sur elle et tout de suite j’ai commencé à me sentir mal pareil que le jour quand Miss Rilla est allée mourir comme ça sans rien me dire.

(« Ballade », Éclairs de chaleur, p. 157)

Le lecteur anglophone est immédiatement frappé par l’agrammaticalité de la syntaxe de Lenora (du moins ce qui est perçu comme tel par rapport à la langue acrolectale). Par ailleurs, il comprend immédiatement que ce narrateur est une écolière et pourrait penser qu’elle a un niveau d’éducation peu élevé. En fait, sa voix est typique de son âge et de son milieu rural, mais aussi d’une variation diatopique (jamaïquaine). Le transfert en français de ce qui est perçu comme de l’agrammaticalité est toujours problématique pour un traducteur : si certains auteurs peuvent se le permettre, les éditeurs ne sont guère prêts à l’accepter d’un traducteur. Ce qui apparaît dans cette nouvelle, c’est une forme mésolectale simplifiée de créole jamaïquain, une fabrication rendue plus lisible, qui n’a pas d’équivalent direct en français. L’enjeu était d’inventer une langue teintée de formules antillaises comme on le voit ici dans l’ajout de comme ça. Les transformations se trouvent aussi bien au niveau lexical que grammatical et l’on peut se poser certaines questions. Par exemple, dans ce n’est pas ou encore l’a déchirée, les règles de grammaire sont parfaitement respectées. Dans le premier cas pour des raisons vocaliques, car dans la Caraïbe francophone, les modulations de la phrase sont toujours pleines et très mélodiques : mots, expressions et phrases ne sont pas raccourcis, ce sont les formes pleines qui constituent la mélodie, comme je l’ai déjà mentionné plus haut. Dans le second cas, la décision est purement personnelle : j’ai choisi la correction grammaticale d’une part pour des raisons d’époque (une époque où l’enseignement des règles strictes de l’expression grammaticale était central dans les écoles primaires), ceci étant encore accentué par la dimension écrite du travail demandé à l’enfant par son maître ; au contraire d’un autre personnage du recueil Discerner of Hearts / Zigzag [37] , Isabella Francina Myrtella Jones ; d’autre part, les lecteurs pouvant être déconcertés par les tournures que j’ai choisi d’introduire, la préservation de l’accord grammatical permettait de conserver des repères logiques. Certaines distorsions syntaxiques sont introduites en ce qu’elles reflètent un usage local dans un registre donné comme dans : Miss Rilla ce n’est pas une personne comme il faut pour écrire une rédaction sur elle ou dans le jour quand.

Un autre détail d’importance est l’absence quasi totale de ponctèmes en anglais, hormis les points finaux. Là aussi, la dimension musicale est à prendre en compte, mais aussi celle du parler enfantin dans les nouvelles de Senior. C’est une des caractéristiques qui mettent en relief la situation émotionnelle dans laquelle se trouve la jeune narratrice qui livre son discours en un souffle. Bien sûr, on peut aussi comprendre qu’une jeune enfant comme Lenora ne domine pas encore l’usage de la ponctuation. Enfin, cette absence de ponctèmes complète une structure par ailleurs complexe, de type hypotactique, qui reflète bien le désarroi de l’enfant et qui se manifeste par des successions et des enchâssements de propositions « dites » (car il s’agit bien là d’oralisation du discours) spontanément comme elles lui viennent à l’esprit. Le français a cherché à respecter cet effet très caractéristique de discours indirect libre.

En bref, l’on observe bien dans les quelques exemples présentés ce que j’ai nommé plus haut vocaliture où d’une part le discours laisse paraître la vocalité et d’autre part le scripteur donne un corps écrit aux formes de l’oralité caribéenne (oraliture), cet échantillonnage énonciatif qui couvre toutes les manifestations de la voix humaine dans toutes ses variations. On peut alors se demander si la mise en oeuvre de tels procédés ne relève pas d’une tentative de revivification d’une forme littéraire conventionnelle (ici la nouvelle), dans laquelle ce que les Anglo-Saxons nomment literacy, cette compétence face au lire et à l’écrire, est un enjeu central. Revivification ou alors, si l’on se place sur le plan politique, et l’on sait que les choix littéraires, tout comme les choix traductifs, correspondent à des positionnements politiques, pourrait-on parler de réappropriation de la parole. C’est bien pour cette raison que le traducteur ne peut se permettre de la bâillonner.

Dans la Déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle, pluralité et altérité doivent être reconnues afin de préserver « la diversité culturelle comme processus évolutif et capacité d’expression, de création et d’innovation ». C’est ainsi que la ligne 5 du plan d’action pour la mise en oeuvre consiste à « sauvegarder le patrimoine linguistique de l’humanité et soutenir l’expression, la création, et la diffusion dans le plus grand nombre possible de langues », et la ligne 6 invite à « stimuler l’apprentissage du plurilinguisme ». Donc, la sauvegarde de la diversité culturelle et linguistique est bien un impératif éthique, ce qui nous ramène à Berman, et nous pouvons, avec Ricoeur, prôner l’« hospitalité langagière » [38] en traduction.

Notes

  • [1]

    Antoine Berman L’épreuve de l’étranger, Paris, Gallimard, « Tel », 1984, p. 16.

  • [2]

    Dans bien des situations, un processus de préservation ou d’effacement de l’identité littéraire, de domination ou de subversion fait de l’acte traductif un véritable outil de pouvoir.

  • [3]

    Maximilien Laroche a utilisé en français le mot « oraliture », inventé par Ernst Mirville en 1974 et paru dans Le Nouvelliste à Haïti. L’on peut considérer que l’écriture caribéenne est directement affectée par la tradition créole orale invitant à une participation active du corps et de la voix. En matière de traduction, ceci conduit le traducteur non seulement à transcoder le sens, mais aussi à donner un corps et une voix au texte dans son nouveau contexte culturel. (voir Maximilien Laroche, La double scène de la représentation, oraliture et littérature dans la Caraïbe, Québec, Grelca, 1990, p. 15 sq).

  • [4]

    Paul Zumthor, La lettre et la voix, Paris, Seuil, 1987, p. 159.

  • [5]

    « Diglossia is a relatively stable language situation in which, in addition to the primary dialects of the language (which may include a standard or regional standards), there is a very divergent, highly codified (often grammatically more complex) superposed variety, the vehicle of a large and  espected body of written literature, either of an earlier period or in another speech community, which is  earned largely by formal education and is used for most written and formal spoken purposes but is not used by any section of the community for ordinary conversation. » (Charles Ferguson, « Diglossia », Word, 1959, vol. 15, p. 336).

  • [6]

    « [La poésie post-moderne utilise] des agents hybrides pour produire une superposition de couches dialogiques ou polyphoniques de voix cachées ; cette superposition met à mal la notion de poète individuel et revisite la relation artiste, matériau et auditoire. », Alison Calder, « Collaboration and Convention in the Poetry of Pain Not Bread », dans Diana Brydon & Marta Dvorák (dir.), Crosstalk : Canadian and Global Imaginaries in Dialogue, Waterloo, ON, Wilfrid Laurier University Press, p. 95, trad. C. Raguet.

  • [7]

    Hétérophonie : ce terme désigne un état intermédiaire entre monodie et polyphonie. Selon les chercheurs russes, l’hétérophonie présente les caractéristiques suivantes : 1) l’exécution simultanée de deux ou plusieurs réalisations variées d’un même canevas mélodique, 2) l’instabilité des relations verticales entre les voix et 3) une homorythmie plus ou moins rigoureuse. (Arom Simha & Christian Meyer (eds.), Les polyphonies populaires russes, trad. Anne-Hélène Trottier, Paris, Créaphis, 1993, p. 167).

  • [8]

    Henri Meschonnic, Politique du rythme, Politique du sujet, Lagrasse, Verdier, 1995, p. 361.

  • [9]

    Le meaning of meaning auquel est consacré l’ouvrage suivant : Ogden C. K. & Richards I. A., The Meaning of Meaning, Orlando, Harcourt, Brace, Jovanovich, 1989 [1923].

  • [10]

    ‘der lebendigen, sinnlichen Weltanschauung’ (Wilhelm von Humboldt, Über die Verschiedenheit des menschlichen Sprachbaues, Wiesbaden, Fourier Verlag GmbH, 2003, p. 403).

  • [11]

    Ici, je me réfère essentiellement aux travaux de deux chercheurs : Charles Ferguson, « Diglossia », op. cit., et Robert Chaudenson, « Diglossie créole, diglossie coloniale », Cahiers de l’Institut de linguistique de Louvain, 1984, vol. 9 (3-4), p. 19-29.

  • [12]

    Discerner of Hearts, 1995 / Zigzag, 2010 et Summer Lightning, 1986 / Éclairs de chaleur, 2011.

  • [13]

    Cette expression se trouve dans « The Chocho Vine », Discerner of Hearts / « Le pied de christophine », Zigzag, mais aussi dans d’autres nouvelles. Toutes les exemples suivants sont extraits de ces deux recueils.

  • [14]

    Derek Bickerton, Dynamics of a Creole System, Cambridge, Cambridge University Press, 1975 ; David DeCamp, The field of Creole language studies, Austin, University of Texas, 1968 ; Salikoko Mufwene, « What do Creoles and Pidgins Tell us about the Evolution of Language ? », 2002, humanities.uchicago.edu/faculty/mufwene/pidginCreoleLanguage.html.

  • [15]

    Michel Ballard, Le nom propre en traduction, Gap, Paris, Ophrys, 2001, p. 11.

  • [16]

    « We use the word “vocality” to indicate a broader spectrum of utterance […] human “vocality” encompasses all the voice’s manifestations […] each of which is invested with social meanings not wholly determined by linguistic content. » (Leslie C. Dunn & Nancy A. Jones, Embodied Voices: Representing Female Vocality in Western Culture, 1994 : 1).

  • [17]

    Roland Barthes, Le plaisir du texte, Paris, Seuil, 1973, p. 23, p. 49.

  • [18]

    Henri Meschonnic, Poétique du traduire, Paris, Verdier, 1999, p. 319.

  • [19]

    À savoir par le plaisir des sens. (voir Roland Barthes, Le plaisir du texte, op. cit., p. 97).

  • [20]

    Julia Kristeva, Étrangers à nous-mêmes, Paris, Fayard, 1988.

  • [21]

    Sur la question voir : Joanne Akai, « Creole… English: West Indian Writing as Translation », 1997 ; Mervyn Alleyne, Comparative Afro-American: An Historical-Comparative Study of Some Afro-American Dialects in the New World, 1980 ; Jean Bernabé, Fondal-Natal, 1983 ; Charles Ferguson, « Diglossia », Word, 1959 ; Salikoko Mufwene, « What do Creoles and Pidgins Tell us about the Evolution of Language ? », 2002 ; Christine Raguet, « Peut-on encore parler de sens lorsque la langue chante ? » dans Jean-Pierre Richard (dir.), La traduction littéraire ou la remise en jeu du sens, Paris, université Paris VII, Cahiers Charles V, 2008, n° 44, p. 65-88.

  • [22]

    Édouard Glissant, « Traduire : relire, relier », Onzièmes Assises de la Traduction Littéraire, 1995, p. 27.

  • [23]

    Antoine Berman, La traduction et la lettre ou l’Auberge du lointain, Paris, Seuil, 1999, p. 64.

  • [24]

    Par exemple dans « Ballade » (Olive Senior, Éclairs de chaleur, trad. Christine Raguet, Genève, Zoé Éditions, 2011, p. 157-213) : « [il] a mis un doigt sur sa propre bouche pour la faire comprendre qu’elle doit rester silencieuse » (p. 185) ; ou dans « Est-ce que les anges portent des soutiens-gorge », (ibid. p. 107-125) : « J’ai un seul espoir dans le Bondieu c’est que l’enfant va réussir l’examen des bourses et Dieu sait qu’elle a tellement d’instruction qu’elle va réussir c’est sûr. Et tu sais quoi, Miss Katie, j’ai inscrit son nom pour trois pensionnats très loin d’ici-là. Ça va faire les professeurs s’occuper avec elle. » (p. 112) ; ou dans « Tu crois que je suis folle, miss ? » (Olive Senior, Zigzag, trad. Christine Raguet, Genève, Zoé Éditions, 2010, p. 105-115) : « Je te demande un ti peu d’argent là han avant que le feu devient vert. » (p. 106) ; « C’est à cause de ça qu’Elfraida Campbell a allumé un mauvais cierge sur ma tête. » (p. 111).

  • [25]

    Olive Senior, Summer Lightning, Harlow, Essex, Longman, 1986, p. 19.

  • [26]

    Olive Senior, Éclairs de chaleur, op. cit., p. 32.

  • [27]

    Olive Senior, « Le pays du Dieu borgne », Éclairs de chaleur, p. 32.

  • [28]

    Richard Aczel, « Hearing Voices in Narrative Texts », New Literary History, Summer 1998, vol. 29, n°3, Theoretical Explorations (p. 467-500), p. 483.

  • [29]

    Monika Fludernik, The Fictions of Language and the Languages of Fiction, London, Routledge, 1993, p. 325.

  • [30]

    Voir A Small Boy and Others, 1913 (Mémoires d’un jeune garçon, trad. Christine Raguet, Paris, Rivages, 1989).

  • [31]

    Leslie C. Dunn & Nancy A. Jones, Embodied Voices: Representing Female Vocality in Western Culture, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 1 (voir la note 3).

  • [32]

    Joanne Akai, « Creole… English: West Indian Writing as Translation », TTR, 1997, vol. 10, n°1, 165-195, p. 170.

  • [33]

    Barthes, « L’effet de réel », Communications 11, 1968. L’effet de réel de Senior repose essentiellement sur la vitalité de son discours multi-vocal, ce que je nomme vocaliture.

  • [34]

    Olive Senior, Summer Lightning, Harlow, Essex, Longman, 1986, p. 100-134 ; Éclairs de chaleur, op. cit., p. 157-213.

  • [35]

    Salikoko Mufwene, « Creolization is a social, not a structural, process », dans Ingrid Neuman-Holzschuh & Edgar W. Schneider (dir.), Degrees of Restructuring in Creole Languages, Amsterdam, Philadelphia, John Benjamins, 2001, p. 65-84.

  • [36]

    Susan Bassnett & André Lefevere, Constructing Cultures, Clevendon, Multilingual Matters « Topics in Translation, 11 », 1998, p. 123.

  • [37]

    « You Think I Mad, Miss? » / « Tu crois que je suis folle, miss ? » (O. Senior, Discerner of Hearts, Toronto, McClelland & Stewart, p. 75-82 ; Zigzag, op. cit., p. 105-115).

  • [38]

    Paul Ricoeur, « Le paradigme de la traduction », Esprit n° 253, juin 1999 (p. 8-19), p. 16.