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ARTICLE
Ce roman dont Marguerite Duras dit [1] à sa sortie qu’il est le livre « le plus difficile [2] »qu’elle ait jusqu’alors écrit est aussi celui qui lui aura donné le plus de mal : « […] j’ai dû l’abandonner cinq fois », reconnaît-elle [3] . Commencé vraisemblement en 1962, avant Le Ravissement de Lol V. Stein, écrit en 1963 et publié au printemps de 1964, ce roman – qui constitue le deuxième livre du « cycle indien » – est en librairie au mois de janvier 1966.
Dès mars 1963, Duras décrit son roman en cours comme un « livre très compliqué qui se développe parallèlement sur deux plans » : d’une part, « une femme qui habite Neuilly invente une histoire à partir d’un petit hôtel particulier qui est vide la plupart du temps [et] […] appartient à un monsieur […], vice-consul de France à Calcutta [4] »; d’autre part, se développe une seconde histoire, « concomitante » à la première, avance Duras, celle d’une « femme qui a vendu son enfant. Il y a longtemps. Elle a abouti à Calcutta. Elle est folle [5] ». Ainsi, dès sa conception, l’idée d’un livre double s’impose à l’auteure et, comme les titres envisagés au cours de l’écriture l’indiquent (Le Vice-consul de France à Lahore, Le Vice-consul ou les Tennis déserts), des deux histoires, la première a vocation à intégrer la seconde. La romancière explique :
« La mendiante se définit par rapport au vice-consul : l’aventure qu’elle a vécue, l’ignominie de sa condition font admettre l’existence du jeune diplomate, son étrangeté. […] La mendiante n’a pas eu le loisir de penser sa condition, c’est lui qui la pense à sa place, au gré d’une expérience à peine supportable. La retombée de l’expérience de la mendiante s’opère sur le vice-consul [6] »
Si cette partition supporte l’efficace des visées anticolonialistes du Vice-consul (le roman est non daté, mais sa reprise par India Song indique que nous sommes dans les années 1930 [7] ), l’articulation entre les deux histoires aura posé problème à l’auteure. Il fallait à Marguerite Duras lever la difficulté relative au caractère autobiographique du personnage de la mendiante :
[…] je ne pouvais pas entrer dans cette histoire sans souffrir et ma souffrance corrompait celle de la mendiante. Alors je me suis mise petit à petit dans la peau d’un deuxième auteur, un homme, jeune, frais débarqué en Inde et qui inventait de quoi pleurer sur l’Inde […] [8] .
Le Vice-consul s’ouvre sur ces mots : « Elle marche, écrit Peter Morgan [9] ». Le personnage de l’écrivain – « vingt-quatre ans », aux Indes pour « la première fois » (150) – est trouvé : Peter Morgan est « un jeune homme qui désire prendre la douleur de Calcutta, s’y jeter, […] et que son ignorance cesse avec la douleur prise » (28). La romancière en a fait un invité des Stretter, de l’ambassadeur et de sa femme, et le loge dans « la résidence de ses amis » (29). Grâce à cet intercesseur, Duras réussit à bâtir son roman en emboîtant, et en alternant, deux récits qui ont en commun un lieu, Calcutta, et un personnage, celui de la mendiante.
C’est à partir de remarques relatives à la composition que nous aborderons ici la question de l’un et du multiple telle une possible déclinaison des relations entre solitude et communauté. Quels liens ces deux récits du Vice-consul entretiennent-ils ? S’agit-il de deux histoires strictement enchâssées par la présence d’un personnage narrateur, à la vocation d’écrivain, ou bien la frontière entre les récits est-elle poreuse au point de penser que le roman est construit sur une « métalepse narrative [10] » ? On verra que la réponse à ces questions engage l’auctorialité de Peter Morgan et interroge le pouvoir de la fiction. C’est principalement à partir du personnage de la mendiante, en raison de l’équivoque de son statut (est-elle un personnage singulier, pluriel ou collectif ?), mais aussi à travers les appariements entre le vice-consul et certains des personnages du roman, que l’éude sera menée.
*
Le récit intérieur du Vice-consul, le livre que Charles Rossett, le « premier secrétaire » (88) d’ambassade, désigne comme « le roman de Peter Morgan » (190), est à vrai dire bien peu romanesque. À l’image du conte, il est plutôt de ces récits dont la signification, obscurcie par une langue poétique, échappe en partie au lecteur, tandis que la fable impressionne par son caractère d’absolu. Il est ici question d’une jeune fille de « quatorze, dix-sept ans » chassée de chez elle par sa mère pour être « tombée enceinte, d’un arbre, très haut, sans se faire de mal » (20) après qu’elle est « allée dans la forêt [avec] […] un pêcheur du Tonlé-Sap » (19). Bannie, jetée sur la route, « [s]a faim est aussi grande que sa force » (10), et c’est le pied « blessé […], dedans des vers remuent » (53) qu’elle marche des milliers de kilomètres à travers le continent sud-asiatique.
Dans ce court récit, où la phrase épouse les hésitations de la marche d’un personnage condamné à l’exil, le lecteur est lui aussi perdu. Mais il comprend, à l’arrivée de la mendiante dans le delta du Mékong, qu’elle est parvenue à échanger sur un marché de la plaine des Oiseaux sa petite fille mourante. Une fois adoptée par des Blancs, contre « une piastre » (54), elle repartira, elle « obliquera vers l’ouest. Après, [elle sera] en route pour dix ans vers Calcutta. Calcutta où elle restera » (58). Mais avant d’y parvenir, c’est « [l]a folie dans la forêt » (68) qui attend la jeune fille, désormais privée de tout alter ego.
À Calcutta, aux abords de l’ambassade, vit une mendiante. Peter Morgan, ce « jeune et charmant ami anglais » (44) des Stretter, l’a déjà « suivie » (177) : il connaît ses habitudes. La nuit, elle chasse et nage dans le Gange, elle chante et aborde les promeneurs ; le jour venu, elle dort auprès des lépreux (étonnamment, elle n’est pas lépreuse elle-même) (28-29). Parfois, Peter Morgan perd sa trace. Il a compris que, lors de la mousson d’été, elle « voyage » (70) ; s’installant sur le toit des cars, elle suit aux Îles les Blancs qui partent en villégiature. L’écrivain a également eu l’occasion d’entendre Anne-Marie Stretter lui raconter que « vers Savannakhet, Laos », où elle a rencontré l’ambassadeur, il y a plusieurs années, « dix-sept ans » en vérité, elle a assisté à « [l]a vente d’une enfant » (70). Toutefois, « [l]a mendiante est trop jeune pour être celle qu’a vue Anne-Marie Stretter » (loc. cit.), bien que, à l’entendre chanter le soir sur le boulevard, l’ambassadrice doute parfois : « Je dois me tromper, ce n’est pas possible, nous sommes à des milliers de kilomètres de l’Indochine ici… Comment aurait-elle fait ? » (152-153), s’interroge-t-elle.
Dès la page 70 – sur un livre qui en compte 200 – on lit que « Peter Morgan s’arrête d’écrire ». Il s’est arrêté sur les mots : « Calcutta./Elle reste./Il y a dix ans qu’elle est partie » (69). À ce stade du récit, Le Vice-consul nous a présenté trois personnages de mendiante : celle qui vit à Calcutta au contact des Blancs : nous l’appellerons la mendiante de Calcutta ; celle qu’a rencontrée Anne-Marie Stretter : c’est la mendiante de Savannakhet ; enfin, celle dont Peter Morgan invente l’histoire, la mendiante de Battambang. Pour écrire son « livre » (153, 175-176, 179), l’écrivain s’est inspiré de la mendiante qu’il avait sous les yeux, ainsi que de l’anecdote qu’Anne-Marie Stretter lui a racontée : « […] Peter Morgan a fait du récit d’Anne-Marie Stretter un épisode de la vie de la mendiante » (71). L’épisode en question est celui, central, de la vente de l’enfant.
À cet égard, Peter Morgan s’est comporté comme un romancier très ordinaire qui façonne ses personnages en empruntant à des sources diverses, confrontant ce qu’il voit avec ce qu’il a entendu dire. Il lui aura donc fallu deux mendiantes, celle de Calcutta et celle de Savannakhet, pour forger la sienne, la mendiante de Battambang, la fusion des modèles étant somme toute banale.
Il faut cependant s’arrêter sur le moment où l’écrivain est confronté à la suite à donner à son livre :
Peter Morgan voudrait maintenant substituer à la mémoire abolie de la mendiante le bric-à-brac de la sienne. Peter Morgan se trouverait, sans cela, à court de paroles pour rendre compte de la folie de la mendiante de Calcutta.
Calcutta. Elle reste. Il y a dix ans qu’elle est partie (71, nous soulignons).
À ce court « psycho-récit [11] » (la mainmise du narrateur étant indiquée par la désignation du personnage par son « nom complet [12] ») fait suite, quoique soigneusement isolé par un passage à la ligne, le discours direct libre de Peter Morgan : « Calcutta. Elle reste. Il y a dix ans qu’elle est partie ». On voit qu’« à court de paroles », l’écrivain reprend les dernières phrases du livre qu’il vient d’écrire, et qu’on vient de lire, comme si, butant sur ses propres mots, il indiquait l’impossibilité de poursuivre. Au sein d’un discours intérieur, il enchaîne alors les questions qui témoignent des difficultés auxquelles son projet le confronte désormais :
Depuis combien de temps est-elle sans mémoire ? Quoi dire à la place de ce qu’elle n’aurait pas dit ? de ce qu’elle ne dira pas ? de ce qu’elle ignore avoir vu ? de ce qu’elle ignore avoir eu lieu ? à la place de ce qui a disparu de toute mémoire ? » (71)
Peter Morgan a arrêté son récit à l’arrivée du personnage à Calcutta, là où vit celle qui l’ « exalte » (153) au point qu’il lui a inventé un passé. Maintenant que le personnage et son modèle sont si proches qu’ils vont coïncider, c’est comme si la fiction s’effaçait devant une réalité qui désarmant l’écrivain le réduit à l’impuissance. Comment faire en sorte que la mendiante de Battambang rejoigne la fin que le modèle impose ? car « la mendiante de Calcutta » (71) est quant à elle « tout à fait folle » (152). Parce que le réel a pour Marguerite Duras la force de la sidération, les mots « Calcutta. Elle reste. Il y a dix ans qu’elle est partie » sont en cette page 70 les mots de la fin du « roman de Peter Morgan » (190).
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Le choix d’une composition alternée entre les deux récits ainsi que les transitions aménagées entre le récit second (qui inaugure le roman) et le récit premier ont entretenu pour le lecteur une possible confusion entre les deux personnages de mendiante.
Revenons à la première interruption du récit de Peter Morgan dont la dernière phrase concerne la mendiante : « Ses yeux pleurent, mais elle, elle chante à tue-tête un chant enfantin de Battambang » (27, nous soulignons). À la page qui suit, l’incipit du récit premier nous apprend :
Peter Morgan. Il s’arrête d’écrire.
Il sort de sa chambre, traverse le parc de l’ambassade et va sur le boulevard qui longe le Gange.
Elle est là, devant la résidence de l’ex-vice-consul de France à Lahore (28, nous soulignons).
L’équivoque créée par l’anaphore pronominale, renforcée par l’usage du présent et surtout par l’apparition du déictique « là [13] », façonne un effet de présence, voire d’apparition du personnage ; telle une épiphanie, voici que celle venue de Battambang s’impose à Peter Morgan. On l’avait quittée en pleurs, on la cherchait : « Elle est là ». Le lecteur est troublé : du premier « elle » au second, la frontière entre le métadiégétique et le diégétique a-t-elle été franchie ? Y a-t-il une ou deux mendiantes ?
Avec l’arrivée de son personnage à Calcutta, le fait est que Peter Morgan est dessaisi de ses fonctions narratives ; son livre est bel et bien fini. C’est comme si l’auteure (ou l’« auteu[re] impliqué[e] [14] ») – avait repris ses droits, et réaffirmé ceux de la réalité, puisque Peter Morgan est un écrivain de fictions. Toutefois, on apprendra que ce jeune Anglais continue de discuter avec ses amis diplomates de ce qu’ « il est en train d’écrire » (175). Il sollicite son imagination pour enrichir sa narration : « Je prends des notes imaginaires sur cette femme » (153), dit-il au sujet de la mendiante de Calcutta (et sans être gêné par l’oxymore). On comprend que pour lui le roman est toujours en cours.
Un soir, aux Îles, Anne-Marie Stretter et les amants qui l’escortent – c’est-à-dire Michael Richard, Charles Rossett, Peter Morgan et George Crawn [15] – sont venus passer quelques jours. Après qu’ils ont mangé et beaucoup bu, un long dialogue se déroule entre eux au sujet du livre de Peter Morgan. Tandis qu’ils parlent, Anne-Marie Stretter paraît dormir]. À propos de son personnage, la seule certitude que Peter Morgan énonce est celle-ci : « – Je l’abandonnerai avant la folie », dit-il, « ça c’est sûr, mais j’ai quand même besoin de connaître cette folie » (179). On se souvient des questions qu’il formulait, la plume posée, à « une heure du matin » (70), errant dans Calcutta. Cet espace cognitif (mais la folie est-elle pour Marguerite Duras de l’ordre de ce qui doit être connu ? on peut en douter) ne sera jamais comblé par un écrivain dont l’auctorialité est définitivement affaiblie.
Ce sont les hommes blancs de Calcutta qui vont tenter de prendre le relais de la narration interrompue. Le personnage de la mendiante, qui relevait d’un imaginaire occidental, devient alors significativement partie prenante d’un imaginaire masculin. Au cours de leur discussion, et sans avoir lu le texte de leur ami, Georges Crawn, Michael Richard et Charles Rossett prolongent la comparaison entre le personnage de Peter Morgan et cette mendiante qui vit aux abords de l’ambassade. Lorsque George Crawn propose de lui faire faire « les choses à l’envers », c’est-à-dire « dormi[r] dans la journée à l’ombre des arbres, au bord du Gange, par-ci par-là », l’écrivain réplique : « – Mais elle fait ce que tu dis » (177). Les amants d’Anne-Marie Stretter en viennent à suggérer à l’écrivain de bâtir, de « bricoler », pourrait-on dire, une sorte de « mythe de la féminité[note id="note17"] [16] ». À cet égard, ils remettent eux aussi en jeu la singularité du personnage. Faut-il distinguer une mendiante ? Et en faire une figure héroïque ? : « – Peut-être faudrait-il qu’elle fasse quelque chose que les autres ne savent pas faire […] ? Ainsi son passage pourrait être signalé. Une chose à quoi [s’]accrocher, même minuscule », suggère l’un deux (179), alors que Michael Richard précisait quant à lui :
[…] je la vois parmi […] d’autres jeunes filles, je les vois vieilles entre le Siam et la forêt et jeunes à leur arrivée à Calcutta […], mais à Savannakhet je les vois assises […] sur un talus de rizières, obscènes, le corps découvert, elles mangent des poissons crus […]. Au contraire, plus tard, près de l’Inde, elles sont jeunes et graves, […] assises sur la place d’un marché […], elles vendent leur nouveau-né (176).
Vieilles au point de départ, en des temps immémoriaux ; jeunes à l’arrivée, dans cette remontée vers le présent – qui dessine pourtant une trajectoire vers l’ouest, c’est-à-dire vers le couchant –, si l’on suit les pensées de Michael Richard, c’est le maternel qui aurait donné au féminin sa dignité et l’aurait inscrit dans l’histoire, mais aussi dans la société (l’épisode de la vente de l’enfant étant décrit par les hommes blancs de Calcutta comme un « échange », comme « ce que [la mendiante] rend » [179]). La pluralité offre ici un contrepoint à la singularité de la mendiante de Peter Morgan seule sur les routes de l’Asie du sud-est : le sujet en jeu semble être devenu collectif.
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Tandis que l’écrivain et ses amis s’égaient dans d’oiseuses considérations, la mendiante, comme douée d’ubiquité, a pris possession de tous les espaces. Désormais, elle est aussi dans l’île du Prince of Wales. Il ne faut pas oublier que cette mendiante vit aux frontières des mondes blanc et indigène : à Calcutta, c’est à la grille de l’ambassade, « derrière les cuisines » (70) qu’elle se nourrit. Dans un petit chapitre d’une page, Duras décrit d’ailleurs un envers de la réception au moyen de cette femme qui attend de manger la nourriture « jetée » (145) ce soir-là :
Son sac troué [17] sur le dos, elle mange à une vitesse fantastique, elle évite les claques des fous, les coups ; la bouche pleine, elle rit à en perdre la respiration.
Elle a mangé.
Elle contourne les parcs, elle chante, elle va vers le Gange (145).
Cette relative proximité avec les Blancs fait aussi de la mendiante un personnage fauteur de troubles. Dans un ultime épisode, Charles Rossett, le nouvel attaché de l’ambassade, va l’apprendre à ses dépens (198-201). Au petit matin, Michael Richard et lui quittent la résidence d’Anne-Marie Stretter [18] pour revenir à leur hôtel ; le premier, qui « veut rentrer par les plages » (195), a averti de la présence de la mendiante dont il a reconnu le chant et qu’il décrit comme « la femme de Savannakhet », en empruntant aux souvenirs d’Anne-Marie Stretter (193) ; le second décide de traverser seul « la palmeraie » (195) et franchit « le grillage élevé contre la mendicité » (196). Il est désormais sur « l’autre rive » (196) ; là où se trouve la mendiante qui bientôt le course et l’appelle :
Elle est folle. Son sourire ne trompe pas.
Elle montre la baie, répète un mot, toujours le même, comme :
– Battambang.
C’est celle qui exalte Peter Morgan, la femme qui vient peut-être de Savannakhet (p. 199-199).
Pour cette dernière apparition du personnage dans Le Vice-consul, une presque fusion entre les trois mendiantes s’est opérée (d’ailleurs la voici « folle », sans ambiguïté). Si le personnage est bien celui de Calcutta qui « exalte » l’écrivain, il prononce des mots que seule la mendiante de Battambang pourrait dire (les mots de l’origine), tandis qu’il est présenté comme étant probablement la femme qui a vendu son enfant à Savannakhet.
Telle la femme archaïque venue du fond des âges que décrivait Michael Richard, face à Charles Rossett, la mendiante sort un « poisson vivant » d’entre ses seins, dont « elle croque la tête en riant » : « Le poisson guillotiné remue dans sa main » (199). Figure menaçante de la mère castratrice, la mendiante a cependant perdu la plupart de ses attributs féminins (« bonzesse sale », elle est « chauve », son corps est « maigre ») et s’est rapprochée du règne animal : ses « pas » sont « ceux d’une bête », quoique l’homme blanc l’ait immédiatemment reconnue comme étant « une femme » (198-199). Pris de panique, Charles Rossett a jeté « de la monnaie » (199) au sol pour s’en protéger mais elle n’a pas pris l’argent, à la différence de cette autre mendiante, « jeun[e] et grav[e] » (176) qui vend son enfant sur les marchés contre « une piastre » (54). La dernière image de la mendiante nous montre un personnage qui « pénètre, très, très prudemment, tout entière » (201) dans la lagune. Animal cou coupé, comme le poisson, on voit que « [l]a tête seule émerge à fleur d’eau, et très exactement comme un buffle, elle se met à nager avec une hallucinante lenteur. [Charles Rossett] comprend : elle chasse » (201).
« – […] elle fait ce que tu dis » (177), s’était étonné Peter Morgan, répondant à la suggestion de Georges Crawn par une évocation. Mais ici c’est différent, nous sommes dans l’action : la mendiante fait ce que Michael Richard a (pré)dit, générant à nouveau chez le lecteur le trouble que procure la métalepse. Toutefois, dans cette confusion entre les niveaux narratifs, il semble que la réalité qui a accueilli ce discours hypothétique dépasse la fiction. La violence de la confrontation entre Charles Rossett et la mendiante donne à cette rencontre interdite le caractère d’effraction du Réel (au sens lacanien d’un impossible et d’un impensable) et renvoie les élucubrations narratives des « hommes de Calcutta » (193) à leur caractère dérisoire : « Charles Rossett pense qu’il ne sait pas ce qui lui arrive mais qu’il va quitter les Îles, les chemins déserts des Îles où rencontrer ça » (200, nous soulignons [19] ).
Il se trouve que Georges Crawn avait eu la conviction que « [c]e serait dans le Gange… en définitive […] qu’elle s’est perdue, qu’elle a trouvé comment se perdre » (177). Celle qui, chassée de Battambang, voulait sous la plume de Peter Morgan « une indication pour [s]e perdre » (9), est retournée, immergée dans la lagune, sous le regard de Charles Rossett (et non de l’écrivain), à l’avant de la séparation d’avec « la vieille mère du Tonlé-Sap, origine, cause de tous les maux, de sa destinée de travers, son amour pur » (65).
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La mendiante aura servi, dit Duras, à « préparer l’arrivée du vice-consul [20] ». En effet, la conduite du personnage éponyme est la véritable énigme du livre, celle à laquelle la critique s’est heurtée et qui a donné à l’auteure la sensation de n’avoir pas été comprise [21] . Quels sont les faits qui valent au vice-consul de Lahore d’être à Calcutta en attente de nomination ? Une enquête administrative est ouverte : l’ambassadeur, aidé de son nouvel attaché, Charles Rossett, examine « la déposition écrite de Jean-Marc de H. » (37). L’intéressé y consigne « l’impossibilité […] de rendre compte de façon compréhensible de ce qui s’est passé à Lahore » (38), tandis qu’au Cercle le directeur cherche à faire parler celui qui l’entraîne dans les récits bouffons d’une enfance dont « le bonheur gai » le ramène à d’innombrables « farces et attrapes » de la vie de pension (83-84). En somme, à « Calcutta on veut savoir » (73) : « On dit, on demande : Mais qu’a-t-il fait au juste ? » (90). La question obsède la colonie blanche invitée à la réception de l’ambassade de France. C’est par le « on » de la rumeur mondaine qu’on apprend qu’à Lahore « – [i]l tirait la nuit sur les jardins de Shalimar où se réfugient les lépreux et les chiens » (90). Cependant, « il faut bien le dire », annonce l’ambassadeur, « on a trouvé des morts dans les jardins » (40). Cet homme qui, la nuit, tire « au hasard dans la foule » (152), par un geste conforme à « l’acte surréaliste le plus simple », celui qu’André Breton décrit dans le Second Manifeste du surréalisme comme l’illustration du « dogme de la révolte absolue, de l’insoumission totale, du sabotage en règle [22] »est bien pour Duras un homme de « scandale [23] ». C’est sa colère contre l’Inde, ce « foyer mondial de l’absurdité, […] cette agglomération insensée, de faim, de famine [24] »qu’expriment des « crimes [25] », le plus souvent incompris. « Beaucoup de critiques se demandent pourquoi il tire, et sur quoi », explique Duras à la sortie du Vice-consul : « Ce n’est pas sur un passant […] ou bien sur un pigeon », c’est « sur la douleur », et donc aussi « sur la mendiante [26] », assure-t-elle, approchant le vice-consul du rôle, mystique, de l’« ange exterminateur [27] ».
Dans l’œuvre, le vice-consul, comme la mendiante, sont avant tout des figures de paria. Bannis, expulsés de leur milieu de vie, l’un et l’autre menacent la claire division entre la vie indigène et le monde des Blancs. Ils existent surtout à l’état de hantise, se rappelant douloureusement aux autres par le chant, le rire ou le cri. Invité « à la dernière minute » (32) à la réception de l’ambassade, le vice-consul en est rejeté avec fracas : « Gardez-moi ! […] – Je reste ce soir ici, avec vous ! », supplie-t-il (141). C’est dans les hurlements et les sanglots qu’il quitte la réception, offrant au roman un déroutant climax. C’est ainsi que les deux personnages font la paire. Mais à la différence de la mendiante qui se démultiplie, le vice-consul agrège d’autres figures d’un même qui, en ce qui le concerne, n’est ni le semblable, ni même le ressemblant.
En effet, le vice-consul ne s’apparie pas qu’avec la mendiante ; il est d’abord l’autre d’Anne-Marie Stretter (« Nous sommes les mêmes », lira-t-on dans India Song [28] ). C’est bien en vertu d’un accord secret passé avec l’ambassadrice qu’il agit de la sorte au cœur de la réception : « – Je vais faire comme s’il était possible que vous me reteniez », a-t-il suggéré à Anne-Marie Stretter qui aquiesce volontiers à l’idée qu’entre eux « quelque chose ait eu lieu » (140), l’irréalisé et l’accompli du subjonctif passé indiquant bien le caractère forclos de l’événement. Ce quelque chose de l’ordre d’un pas grand-chose est tout de même le signe d’une réelle proximité entre les deux personnages. « [L]a reine de Calcutta » (196) et « l’homme de Lahore » (117) partagent la même souffrance face à l’insupportable de la misère indienne environnante (que représente la mendiante) : lui l’exprime par la colère ; elle, dans les larmes.
Bien que le vice-consul éprouve « comme un sentiment » pour l’ambassadrice, Anne-Marie Stretter lui a bien fait savoir qu’il ne saurait prétendre à devenir l’un de ses proches ; à la différence de Charles Rossett, il n’appartiendra jamais au « saint synode de la blanche Calcutta » (148). Comme le lui dit cruellement l’écrivain : « […] le personnage que vous êtes ne nous intéresse que lorsque vous êtes absent » (143). Charles Rossett et le vice-consul, tous deux les « nouveaux venus » à l’ambassade de France , sont reçus ensemble dans le « boudoir élégant » (102) d’Anne-Marie Stretter. À leur arrivée à Calcutta, l’un et l’autre ont les mêmes états d’âme. Le premier se demande « [o]ù attendre que l’amour vienne au secours ? » (46), quand « [l’]homme vierge de Lahore » (selon la périphrase d’India Song [29] ) interroge le directeur du Cercle pour lui demander : « – Est-ce que vous croyez qu’il faut aller au secours de l’amour pour qu’il se déclare […] ? » (74). L’un et l’autre appellent l’amour au secours et croient le trouver en la personne d’Anne-Marie Stretter. Ils ont (situation rare dans le roman de Duras plutôt marqué par les triangulations) un statut de rivaux. Si le vice-consul ne passe pas l’épreuve de la danse et ne sera pas autorisé à suivre Anne-Marie Stretter aux Îles, dans le baiser que se donnent le « grand jeune homme blond aux yeux clairs et tristes » (117-118) et Anne-Marie Stretter, surgit néanmoins cette « douleur discordante, la brûlure d’une relation nouvelle entrevue mais déjà forclose » (184). Fin de l’histoire.
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Le roman s’achèvera sur la vision que le personnage éponyme projette de son avenir (il s’imagine nommé à Bombay). Si l’on n’a jusqu’à présent rien dit du couple de Michael Richard(son) et d’Anne-Marie Stretter formé à l’ouverture du cycle indien dans Le Ravissement de Lol V. Stein, c’est parce que dans Le Vice-consul, ce n’est déjà plus « un amour dans son devenir » qui l’anime (148). Ce monde sans conquêtes est en réalité un monde qui se désagrège et va sombrer. La « lèpre » (31 sq.) en est la métaphore : elle n’atteint pas la mendiante que le vice-consul décrit telle une allégorie comme « [l]a mort dans une vie en cours […], mais qui ne vous rejoindrait jamais » (170) (pensons à la scène de poursuite entre Charles Rossett et la mendiante).
En 1984, dans L’Amant, Duras explique : « J’ai peuplé toute la ville [de Calcutta] de cette mendiante de l’avenue [30] ». Elle fait référence à un épisode traumatique de sa propre vie, alors qu’elle « doi[t] avoir huit ans » et que, traversant dans l’obscurité l’« une des longues avenues de Vinhlong », elle fut prise en chasse par « une très grande femme […], maigre comme la mort [31] ». En proie à une peur immense, l’enfant qu’elle était s’imagina que si cette femme la touchait, elle sombrerait dans « un état bien pire que celui de la mort, l’état de la folie [32] ». L’écrivaine poursuit :
Toutes les mendiantes des villes, des rizières, celles des pistes qui bordaient le Siam, celle des rives du Mékong, je l’en [= Calcutta] ai peuplée elle qui m’avait fait peur. Elle est venue de partout. Elle est toujours arrivée à Calcutta, d’où qu’elle soit venue [33] .
Singulière et plurielle, dotée d’un statut existentiel et allégorique, objet de discours et force agissante, à la lisière de la réalité et de la fiction, reléguée, quoique possédant un double qui ne lui ressemble pas en la figure du vice-consul, cette mendiante qui vit aux frontières de la société blanche et au milieu du peuple indigène sans être contaminée par la lèpre, n’appartient à aucun monde [34] : il n’y a pas à proprement parler de communauté de mendiantes. Dans India Song, le personnage deviendra purement immatériel ; c’est une « forme [qui] passe », des « cris et [des] rires », un « chant [35] » .
La conjugaison de la « marche et [du] malheur » a fait de la mendiante du Vice-consul celle « à qui plus rien ne peut arriver. Du tout [36] ». À l’exception de cette mendiante qui « ne sait rien », les personnages du Vice-consul « sont tous des personnages tragiques », expose l’auteure [37] , voués à la disparition ou à la mort, exemplaires en leur refus, ou leur désespoir, compris par Duras comme l’expression véritable du politique.
Notes
- [1]
Certains passages de cette communication sont issus des notices « La mendiante », « Le Vice-consul » (roman) et « Le vice-consul » (personnage) signées Florence de Chalonge, à paraître en sept. 2020 dans le Dictionnaire Duras (dir. par Bernard Alazet et Christiane Blot-Labarrère, Paris, Champion).
- [2]
Marguerite Duras, « Tordre le cou au social balzacien » [1966], Le Dernier des métiers : entretiens 1962-1991, éd. par Sophie Bogaert, Paris, Seuil, 2016, p. 65.
- [3]
Id., « Un silence peuplé de phrases » [1967], Le Dernier des métiers…, ibid., p. 74.
- [4]
Id., « L’auteur de Hiroshima mon amour vous parle » [1963], Œuvres complètes, t. ii, éd. par Gilles Philippe, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2011, p. 1725.
- [5]
Loc. cit.
- [6]
Marguerite Duras, « Tordre le cou au social balzacien », Le Dernier des métiers…, op. cit., p. 64-65.
- [7]
« C’est l’histoire d’un amour, vécu aux Indes, dans les années 30, dans une ville surpeuplée des bords du Gange » (Marguerite Duras, « Résumé », India Song [1973], Œuvres complètes, t. ii, éd. par Gilles Philippe, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2011, p. 1617.
- [8]
Id., « Un silence peuplé de phrases » [1967], Le Dernier des métiers…, p. 74-75.
- [9]
Id., Le Vice-consul [1966], Paris, Gallimard, « L’imaginaire », 2019, p. 9 (désormais référencé entre parenthèses dans le corps du texte).
- [10]
De nature transgressive, la « métalepse narrative » est définie par Gérard Genette comme « toute intrusion du narrateur ou du narrataire extradiégétique dans l’univers diégétique (ou de personnages diégétiques dans un univers métadiégétique, etc.), ou inversement » (« Discours du récit », Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 244). C’est le personnage qui est ici le support de cette possible « violation des niveaux narratifs » (John Pier & Jean-Marie Schaeffer, « Introduction », in Métalepses : entorses au pacte de la représentation, Paris, EHESS, 2005, p. 12).
- [11]
« Discours du narrateur sur la vie intérieure du personnage » (Dorrit Cohn, La Transparence intérieure : modes de représentation de la vie psychique dans le roman [1978], trad. de l’anglais par Alain Bony , Paris, Seuil, « Poétique », 1981, p. 28-29).
- [12]
« […] il existe des techniques […] simples pour éviter l’émergence d’un […] effet [de point de vue]. Celle qu’utilise le plus spontanément Duras consiste à mentionner le personnage du plan narratif par son nom complet ou par une périphrase » (Gilles Philippe, « Sur Moderato cantabile et Détruire dit-elle de Marguerite Duras : personnages sans point de vue, points de vue sans personnage », in Le Personnage : miroitements du sujet, dir. par Florence de Chalonge, série Marguerite Duras, n°4, Caen, Lettres modernes Minard, 2010, p. 79).
- [13]
Sur l’emploi du « là existentiel » chez Duras, voir Jeanne-Marie Barbéris, « Montrer l’espace, et le dire : l’être là dans Le Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras », in Énonciation et spatialité : le récit de fiction (XIXe-XXIe siècles), éd. par Florence de Chalonge, Villeneuve d’Ascq, Éd. de l’univ. de Lille 3, 2013, p. 29-47.
- [14]
Voir à ce sujet Vincent Jouve, « Qui parle dans le récit ? », Cahiers de narratologie, n° 10, vol. 2, « La voix narrative », dir. par Jean-Louis Brau, 2001, p. 81-82.
- [15]
Ils ont réussi à se débarrasser du vice-consul. Ce qui n’est pas le cas dans India Song où le personnage les suit à distance jusqu’au Îles : dans la Résidence d’Anne-Marie Stretter, « [i]ls boivent. […] Dehors le Vice-consul regarde » (Marguerite Duras, India Song [1973], Œuvres complètes, op. cit., p. 1612).
- [16]
À l’issue de cette conservation, on apprendra incidemment que Peter Morgan a pour projet de faire entrer dans son livre une « autre femme » (179), Anne-Marie Stretter.
- [17]
Voir Michelle Marini, « “Elle”, ou le mythe de la féminité », Territoires du féminin avec Marguerite Duras, Paris, Minuit, 1977, p. 116-122.
- [18]
Le sac troué figure la stérilité du personnage. Sur la route, elle portait son enfant dans le dos
« couché droit dans le sac, le sac accroché aux épaules et noué à la taille » (51).
- [19]
Il faudra attendre India Song qui reprend l’épisode pour comprendre qu’Anne-Marie Stretter, dont la mort est annoncée dès l’ouverture du récit, est allée ce soir-là se noyer dans la mer : « Voix 4 : Elle a dû rester là longtemps, jusqu’au jour – et puis elle a dû prendre l’allée… (Arrêt). C’est sur la plage qu’on a retrouvé le peignoir » (Marguerite Duras, India Song, op. cit., p. 1615).
- [20]
Le Réel lacanien, défini par opposition au Symbolique et à l’Imaginaire, est ici renvoyé par Duras à un « ça » (dans la topique freudienne, l’équivalent du Réel lacanien). Voir Jacques Lacan, Séminaire xxii (1974-1975), non publié, disponible en ligne, site Staferla. On peut consulter au sujet de cette « triade », Catherine Clément, Vies et légendes de Jacques Lacan [1981], éd. revue et corr., Paris, La libraire générale, « Le livre de poche. Biblio essais », 1983, p. 164-169.
- [21]
Marguerite Duras, « À propos du Vice-consul » [1966], Dits à la télévision, entretiens avec Pierre Dumayet, Paris, Atelier/EPEL, 1999, p. 42.
- [22]
Marguerite Duras, « Tordre le cou au social balzacien », Le Dernier des métiers…, op. cit., p. 65.
- [23]
André Breton, Second Manifeste du surréalisme [1930], Manifestes du surréalisme, Paris, Gallimard, « Folio essais », 1985, p. 74.
- [24]
Marguerite Duras, Les Parleuses [1974], Œuvres complètes, t. iii, éd. par Gilles Philippe, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 122.
- [25]
Ibid., p. 123.
- [26]
Id., « À propos du Vice-consul » [1966], Dits à la télévision…, op. cit., p. 42.
- [27]
Ibid., p. 42-43.
- [28]
Christiane Blot-Labarrère, « Notice [du Vice-consul] », in Marguerite Duras, Œuvres complètes, t. ii, op. cit., p. 1735.
- [29]
Marguerite Duras, India Song, op. cit., p. 1583.
- [30]
Ibid., p. 1548.
- [31]
Marguerite Duras, L’Amant, Œuvres complètes, t. iii, op. cit., p. 1506.
- [32]
Ibid., p. 1504-1505.
- [33]
Ibid., p. 1505.
- [34]
Ibid., p. 1506.
- [35]
Rappelons que dans « l’Orient » de Marguerite Duras les personnages d’importance ne sont pas des indigènes : outre la mendiante, c’est vrai de M. Jo dans le Barrage (1950), du Chinois de L’Amant (1984) et de Thanh dans L’Amant de la Chine du Nord (1991) qui est un enfant trouvé « à la frontière entre le Siam et le Cambodge » (Œuvres complètes, t. iv, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2014, p. 655). Dans ces romans, les enjeux narratifs ne mettent pas au premier plan la confrontation entre colons et indigènes. Voir à ce sujet Florence de Chalonge, « Dans l’Orient de Marguerite Duras, que sont les Orientaux devenus ? », p. 29-42, in Orient(s) de Marguerite Duras (Sendai, sept. 2009), dir. par Florence de Chalonge, Yann Mével et Akiko Ueda, Amsterdam-New York, Rodopi.
- [36]
Marguerite Duras, India Song, op. cit., p. 1587 ; p. 1531 ; p. 1533.
- [37]
Id., « À propos du Vice-consul » [1966], Dits à la télévision…, op. cit., p. 42, p. 36.
- [38]
Marguerite Duras, « India Song : la couleur des mots », La Couleur des mots, entretiens avec Dominique Noguez, Paris, Benoît Jacob, 2001, p. 76.