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La traduction : au seuil

ARTICLE

Le Musée des Beaux-Arts de Bordeaux abrite une toile de Pietro Vannucci, dit il Perugino, intitulée « La Vierge et l’Enfant entre Saint Jérôme et Saint Augustin ». Si la Renaissance européenne célèbre le texte – en tant que configuration langagière, en tant que medium littéraire ou philosophique -, elle en tire une fascination parallèle pour le livre en tant qu’objet symbolique et celui-ci devient un topos pictural dans la production iconographique de la période. Les attributs vestimentaires en sont pareillement datés quoique le critère temporel s’avère peu signifiant. La transhistoricité prévaut, guidant la représentation mythologisante. Les temps antiques sont traduits dans le présent du XVIe siècle que nous sommes à même de traduire dans le nôtre. Une transmission et un partage.

Les saints tiennent chacun un livre mais le contraste est frappant entre les deux attitudes et les deux livres. Celui tenu par Saint Augustin est ouvert vers le spectateur qui y voit deux pages blanches tandis que, de celui tenu par Saint Jérôme, on ne voit que l’endos. Saint Augustin regarde directement et sereinement le spectateur, comme s’il l’interpellait, tandis que Saint Jérôme, tête baissée, est plongé dans la lecture, semblant ignorer ce qui l’entoure. Un livre au texte absent dans les deux cas. Un texte qui reste à écrire.

Comment interpréter la scène ? Les deux personnages étant suffisamment grevés de valeur symbolique, les binarismes interprétatifs oppositionnels ne manquent pas : l’esprit (Saint Augustin) contre la lettre (Saint Jérôme) ? L’étude (Saint Jérôme) contre le pouvoir (Saint Augustin) ? L’Ancien Testament (Saint Jérôme) contre le Nouveau (Saint Augustin) ? Ou encore la Tour de Babel (Saint Jérôme) contre la Pentecôte (Saint Augustin) pour citer les deux épisodes bibliques liés à la question de la multiplicité des langues ?

Plutôt que de les opposer, je choisis de lier les deux figures, et de les lier dans l’espace, dans leur espace et dans celui qu’elles créent. Entre Saint Jérôme et Saint Augustin, perçoit-on un espace utopique, ce que suggéreraient l’irréalité de la double figure centrale, sacralisée dans son alcôve luxueusement sculptée, mais aussi bien les deux livres tant une utopie est d’abord discursive et se soutient d’un texte ? Les vêtements des deux saints barrent cette lecture et nous ramènent à une historicité bien normée. Un espace spécifique pourtant, une double triangulation : le couple saint et les deux livres, avec, en miroir, les deux livres et le spectateur. L’espace qui se donne à voir et qui donne à voir n’est pas utopique ou plutôt bride la pulsion utopique que lui accorderaient la représentation mariale et la présence des livres.

On le désignera alors comme transtopique, « topique » pris dans son sens à la fois spatial et rhétorique. Le spectateur bâtit un savoir transtopique à partir de son expérience visuelle, de même que le lecteur bâtit un savoir transtopique en connectant deux espaces langagiers et culturels. Le traducteur, pour sa part, active un savoir transtopique en reliant original et traduction. Un texte absent circule donc du livre de Saint Augustin au spectateur et de celui-ci au livre de Saint Jérôme dont on est en droit de supposer que ses pages ne sont pas vierges. Au spectateur de l’écrire. Ou de traduire. Ce qu’il peut faire de deux manières qui correspondraient aux deux figurations du livre : ouvert et retourné.

On pourra les nommer, en empruntant à un lexique contemporain du tableau, translatio et traductio. C’est au XVIe siècle que le second terme apparaît dans les langues romanes pour concurrencer le premier que connaissait la latinité. Tous deux rivalisent dans la catégorie socioscripturaire « transfert textuel ». Que nous dit notre historicité sur le diptyque translatio/traductio et que nous dit celui-ci sur notre historicité ? Il vient de l’ère médiévale à laquelle la nôtre, dite de la globalisation, mérite d’être comparée. Toutes deux affrontent le même dilemme : comment former un tout sans sacrifier l’intégrité des parties ? La modernité, à partir des Lumières, trouva la solution sous la forme de la division des États-nations et de leurs frontières géolinguistiques. Le modèle est aujourd’hui gravement en crise et les identités comme les appartenances souffrent d’incertitude.

Cependant, la comparaison vient nous solliciter sur un autre point : l’ère médiévale et la nôtre se confrontent à la question du transfert du savoir, de la circulation des connaissances – celle des informations dégage une autre problématique – qui se meuvent avec une intensité inconnue auparavant. Translatio/traductio renvoient ainsi à deux modes de transfert culturel avant d’éventuellement désigner deux pratiques traductives.

Brève esquisse : translatio décrit un processus passif, entrepris à un niveau général et collectif ; traductio décrit un processus actif, entraînant une responsabilité individuelle portant sur une opération singulière. Translatio se comprend comme un effet, traductio comme une action. Translatio vise la communio, la visée d’une identité commune effaçant les délimitations, et aspire donc au partage tandis que traductio vise la communicatio, le besoin de donner, d’échanger (des biens et, plus tard, des messages) par-delà les limites, et aspire donc à la transmission. Culture commune (translatio) contre cultures en commun (traductio).

Pour en revenir à nos saints, Augustin en tient pour la translatio, le livre ouvert, en accord avec l’ample inspiration de sa production littéraire : ses Confessions puisent dans les histoires du peuple juif, des Grecs et des Romains, dans la littérature gréco-romaine, dans les deux Testaments et les Pères de l’Église. Jérôme défend un rapport de traductio avec sa source, la Bible hébraïque, face à laquelle il adopte une stratégie de proximité formelle.

Si translatio et traductio identifient les positions respectives de Saint Augustin et de Saint Jérôme en matière de transfert textuel, les deux notions pointent autant leurs positions sur le tableau du Perugino. Ils se tiennent devant la Vierge et l’Enfant comme sur un seuil dans la mesure où ils appartiennent à l’espace sacré, à l’espace du sacré, sans y pénétrer. Sur le seuil du sacré dont deux marches les séparent, sur le seuil de l’espace où soufflent l’esprit saint et le logos, ils incarnent deux manières de se tenir sur le seuil du sens. Celui-ci rayonne au milieu de la toile, comme en témoigne le geste de l’Enfant Jésus, bénissant le spectateur et le monde. Au seuil du verbe, deux manières de le recevoir, deux manières de le traduire. Saint Augustin ignore le seuil en se tournant vers le monde, Saint Jérôme s’y concentre en se tournant vers le livre. La traduction : au seuil.

La fréquence de la métaphore du pont et l’insistance sur l’idée du passage dans les analyses traitant de la traduction révèlent une tendance que l’on qualifiera de cinécentrisme et qui, si elle est ancienne, peut d’autant mieux se comprendre dans le paysage idéologique des sociétés contemporaines privilégiant les principes de mouvement et de circulation pour décrire leur nature et leur fonctionnement, marquées par le développement exponentiel des échanges et des transports à l’échelle planétaire, l’importance des migrations et les avancées technologiques de la télécommunication. En particulier, l’ensemble des réalités économiques et culturelles que recouvre le phénomène désigné comme globalisation  accorde un rôle majeur à la traduction, censée répondre avec une fluidité et une rentabilité maximales aux besoins de transfert et de communication. Toutefois, il n’est pas certain que la traduction bénéficie de cette conception cinétique dont l’utilitarisme renforce le statut secondaire qu’elle a trop souvent reçu au détriment de ses capacités créatrices sur lesquelles insiste pour sa part la traductologie contemporaine. [1]

Ce qui nous invite à réfléchir sur ce qui se passe en marge du processus traductif ou au seuil du traduire. En effet, la pensée du seuil est centrale pour comprendre celle de la traduction, et inversement, car, contrairement à la conception régnante, la traduction n’est pas que passage, elle offre autant l’expérience du seuil et en recueille une interprétation autre. Dire que la traduction est au seuil, c’est signifier que traduire attire sur son geste toute l’ambiguïté de la marge, l’indécidabilité que celle-ci introduit entre le dedans et le dehors et, ici, entre le texte original et le texte traduit. À l’encontre des théories et surtout de la pédagogie qui s’épuisent encore à intensifier l’importance de l’un au détriment de l’autre, quel qu’il soit, la posture paratraductologique [2] invite à considérer ce qui déborde les deux entités textuelles et à en mesurer les exigences axiologiques.

La métaphore du passage soulève la méfiance pour deux raisons : un passage réussi, parfaitement accompli sans perte ni altération, est-il possible ? Le vouloir ou le prétendre, en outre, reflète une pulsion dominatrice d’un orgueil coupable car c’est présumer une maîtrise sur l’espace d’accueil. Lui substituer l’image du seuil, en ôtant ce qu’elle recèle de négatif, introduit à une posture qui conjugue modestie (possibilité du passage ?) et puissance (possibilité de toutes sortes de passage). Rappelons-nous le récit de Kafka, « Vor dem Gesetz », « Devant la loi » [3] . Nul antagonisme notionnel, au demeurant, entre seuil et passage : un seuil est un lieu de passage et accueillera donc une multitude de mouvements mais ceux-ci ne doivent occulter l’importance du seuil en tant que tel et n’en suggérer l’abord que dans une perspective séquentielle (le seuil comme lieu pour le passage). Si le français « seuil » fait davantage signe vers la pesanteur du sol, l’anglais « threshold » retient dans « thresh » l’idée dynamique de la frappe du pied et dialectise donc l’arrêt (hold) et la mobilité, similairement au champ sémantique de l’allemand « Schwelle ». Une incertitude (passer ou non) que porte l’espagnol « umbral », l’indistinction, l’indécision ou plutôt la suspension de la décision – comment traduire ? -, le pragma grec, à la fois chose et événement, ce qui montre que toute traduction, comme toute énonciation, est pragmatique, la littéraire n’en étant que le mode intensifié.

Si la traduction est aussi expérience du seuil en ce qu’elle reflète ce qui s’attache d’effroi, de crainte, à l’expérience du seuil, « der Schwellenzauber » [4] , le sortilège du seuil, comme dit Walter Benjamin dans le Passagen-Werk. L’analyse de Benjamin est étonnante car elle insiste sur la menace potentielle habitant le seuil, sur l’annonce fatale qu’il véhicule, loin des perceptions communes liées à la générosité de l’accueil, à l’hospitalité. Justement : l’accueil est à la mesure de l’effroi que suscite celui qui arrive [5] . Sinon, il n’y a que simple passage, simple entrée, l’empiricité d’un corps qui passe d’un espace à l’autre. Mais il y a plus car l’expérience du seuil se fait dans les deux sens : pour pénétrer dans un espace clos et pour en sortir.

Or, le seuil vient brouiller l’opposition binaire entre dedans et dehors puisqu’il en indique le lien dialectique. De surcroît, il s’empare de l’affect porté par le dehors et en infuse le dedans. Lorsque, venant de l’extérieur, je suis sur le seuil, j’investis le dedans du même effroi qui me gagne lorsque, sur le seuil et venant de l’intérieur, je considère le dehors. L’inconnu suscité par l’illimité du dehors vient définir un dedans alors que celui-ci, par définition, est limité.

La notion de seuil propose avantageusement l’idée d’un espace limité susceptible d’accueillir un nombre illimité de trajectoires de subjectivation. Le traducteur connaît l’ivresse similaire d’une multitude de choix traductifs possibles face au texte original, ce qui n’est pas sans conséquences. Confronté à l’étrangeté de l’original, il doit trouver un espace où il ne succombera pas à l’altérité tout en se gardant de lui imposer le carcan de ses habitudes langagières et culturelles. Un tel exercice est malaisé si la traduction présuppose l’existence de territoires linguistico-culturels délimités et si elle se conçoit comme le passage de l’un à l’autre. Le passage de l’un dans l’autre, en revanche, appelé par l’expérience du seuil, en autorise la conception : deux territoires mobiles plus qu’une mobilité les parcourant, deux territoires nomades plus qu’un nomadisme les arpentant. Une figure l’illustre, le moiré qui désigne un effet visuel apparaissant dans un tissu ou dans la superposition de deux trames métalliques. Le lexique du graphisme électronique l’a ensuite adopté. A noter que le terme lui-même charrie une belle histoire transculturelle puisque, venant de l’arabe, il a traversé les aires francophone et anglophone. Dans le moiré, deux surfaces se rencontrent et en créent une troisième, de même que la traductologie a adopté l’idée que les deux langues en présence en suscitent une troisième, nouvelle pour chaque traduction et au seuil de laquelle existent les deux premières. Une troisième langue s’immisçant entre langue traduite et langue traduisante, que cette langue tierce soit fantasmée ou idiome attesté : le latin pour Chateaubriand traducteur de Milton, l’allemand pour Klossowski traducteur de Virgile ou encore Tourgeniev donnant ses recommandations en français quant à ses romans en russe à son traducteur anglais.

La spatialité apte à rendre compte de ce phénomène de déplacement territorial appartient à ce qui se présente comme une zone, réalité d’une sémantisation aux caractères opposés : découpage rigoureux (zone militaire, zone d’aménagement, « zone euro ») ou limitation incertaine (la zone dans les faubourgs urbains), régulation stricte ou non-droit, sécurité ou menace [6] . En raison d’une telle ambivalence, la zone demande à être abordée par des seuils et le seuil lui-même, limitant l’illimité, tient de la zone. C’est la définition qu’en donne Walter Benjamin, au prix d’une étymologie hasardeuse: « Il faut distinguer soigneusement le seuil de la frontière. Le seuil [Schwelle] est une zone. Les idées de variation, de passage d’un état à un autre, de flux, sont contenues dans le terme même de schwellen (gonfler, enfler, se dilater) et l’étymologie ne doit pas les négliger » [7] . L’analyse est à rapprocher de sa définition de la traduction dans son essai sur le langage : « La traduction est le passage d’un langage dans un autre par une série de métamorphoses continues. La traduction parcourt en les traversant des continus de métamorphoses, non des régions abstraites de similitude et de ressemblance » [8] . Par cette sérialité qui a donc pour conséquence de créer une zone sous la forme d’une suite de seuils, traduire signifie se tenir toujours sur le seuil et ce, de manière bilatérale : qu’une langue soit au/le seuil de l’autre et vice-versa. La signification y est alors créée et s’y déplace selon un principe de « sémantique sérielle ». [9]

La zone dessine un espace sans principe de continuité qui relierait les éléments qu’il contient en vertu d’une autorité extérieure ou transcendante car leur rapport, en son sein, n’est régi que par leur seule concomitance. Le processus traductif place original et traduction dans une zone paratraductionnelle [10] où les deux textes abdiquent leur autonomie pour que jaillissent de leur rencontre formes et significations différentes suscitant à leur tour de nouvelles interprétations. Citons en exemple le poème « Zone », précisément, d’Apollinaire qui a connu plusieurs traductions en anglais. L’une paraît en 1950 et est signée d’un certain Samuel Beckett. L’original de 1913 est ancré dans la modernité européenne; la version de Beckett se situe dans sa postériorité. Avant la Première guerre mondiale, après la Seconde. « Soleil cou coupé », le vers final, est traduit par « Sun corseless head » [11] [Soleil tête sans cadavre]. Là où Apollinaire insistait sur une tête perdue, une Europe sans direction, Beckett insiste sur un corps disparu, une Europe sans réalité, en même temps qu’avec le mot archaïsant corse, assonant avec « cou », il inscrit l’histoire dans sa traduction [12] et explique ainsi son choix. Zone de transhistoricisme [13] d’une responsabilité traductionnelle authentique face au métahistoricisme des approches sémanticiennes de la traduction ou à l’historicisme des approches philologisantes.

Il est significatif que le titre anglais de l’ouvrage de Gérard Genette Seuils soit Paratexts. Thresholds of Interpretation [14] , le sous-titre déplaçant l’enjeu de la théorie littéraire, cadre initial de l’analyse de Genette, vers l’herméneutique dont on sait qu’elle procure, après la linguistique, une seconde instance fondatrice majeure pour la traductologie. De même que l’herméneutique interroge la position de l’interprète, évoquer le seuil de la traduction entraîne la réflexion sur la position du traducteur mais tout autant sur la position de la traduction. On constatera combien la palette de Genette se fait spatialisante lorsqu’il introduit la notion de paratexte : à seuil s’ajoutent vestibule, zone, lisière, frange. Or, ce souci pour l’emplacement textuel, négligé par la traductologie, n’est pas anodin face à certaines pratiques traductives : les Bibles polyglottes de la Renaissance ou la publication systématique en édition bilingue des traductions de certains auteurs, Paul Celan par exemple [15] . « Polyglotte » ou « bilingue », les deux termes affichent une part d’ambiguïté puisqu’ils viennent dans ces cas-là jeter un doute sur la notion d’original, celui-ci livré au lecteur au même titre que la traduction, et qu’ils rappellent que le détachement de la traduction par rapport à l’original est un phénomène soumis à variation historique [16] et qu’il ne saurait être pris comme un absolu. Les replacer au seuil l’un de l’autre se comprend dans cet éclairage.

Considérer le seuil traductif est lié à la nature même de l’acte traductif qui trouve sa légitimité d’un statut en marge de l’original, sans que cela n’implique aucune infériorité sauf à être idéologiquement décidée. Il importe d’être consistant par rapport à cette condition fondamentale et, en conséquence, de démarginaliser la marge dans le processus traductif. D’accepter qu’une éthique du seuil guide notre pratique traductive. Demeurer au seuil, sans en faire un préliminaire, le préambule au passage, à la pénétration dans la langue et le texte étranger. Car l’attente ne définit pas plus le seuil que la fonction, le skopos ou le vouloir-dire ne disent la vérité du traduire. Ces termes, au cours élevé sur le marché de la didactique de la traduction, servent peut-être des buts pédagogiques mais ils ne disent rien sur la nature du phénomène. Demeurer au seuil incite à une forme de traduction qui n’est pas un passage mais un déplacement. Un déplacement n’est pas un passage. Un passage se fait d’un corps depuis un cadre dans un autre, avec tous les risques de manipulation et de domination; le déplacement implique que le corps entraîne avec lui le cadre et lui fasse rencontrer l’autre cadre – ce qu’illustre l’esthétique du moiré -, garantissant la plénitude du mouvement. Car dans une rencontre véritable, chacun reste sur le seuil de l’autre, en en respectant l’existence et le parcours. Ainsi, toute traduction, en vertu des seuils traductifs qu’elle suppose, suivra une trajectoire parallèle à celle de l’original, en empruntant le qualificatif au titre du recueil de poèmes traduits de Claude Esteban, Poèmes parallèles. [17]

Pour emprunter au lexique du cinéma, on dira que la traductologie a positivement évolué depuis ses débuts disciplinaires en interrogeant ce qui se joue dans les rapports entre champ et contre-champ (l’auteur et son autre, à savoir le traducteur et/ou le lecteur-récepteur de la traduction) mais qu’elle doit accorder autant d’attention au hors-champ. Ce dernier terme désigne toute la spatialité qui n’apparaît pas dans la représentation filmique, tout ce qui l’entoure matériellement, en marge, au seuil de l’image, mais aussi tout ce qui s’y passe et que le spectateur ne peut que deviner. Or, l’image cinématographique n’existe que de se présenter dans un cadre précisément découpé par le hors-champ. Si cette règle vaut pour tout film, certains réalisateurs en font un principe de création majeur. Cela vaut pour tout un genre, le cinéma fantastique ou d’horreur qui s’en nourrit substantiellement, autant que pour des œuvres individuelles comme celles d’Hitchcock, d’Antonioni ou de Godard. Si le hors-champ éclaire spécifiquement leurs esthétiques respectives, celles-ci, en retour, démontrent la nécessité de le considérer à part entière pour n’importe quelle œuvre cinématographique. Il en va de même pour le texte traduit qui tire sa valeur de tout ce qui entoure sa production et que la réception ne doit pas effacer.

Le hors-champ existe en peinture sous la forme de l’au-delà du cadre pictural. N’est-ce pas le thème d’un des chefs d’œuvre les plus éminents de son histoire, le tableau de Velasquéz, Las Meninas ? Un peintre y peint un peintre peignant l’acte de peindre. Or, la période accueillant ce feuilleté pictural du protégé de Philippe IV est précisément celle, l’âge classique, dont Foucault dit :

Car ce qui a changé dans la première moitié du XVIIe siècle, et pour longtemps […], c’est le régime entier des signes […] ; c’est ce qui, parmi tant d’autres choses qu’on voit ou qu’on sait, les dresse soudain comme signes ; c’est leur être même. […] A partir de l’âge classique, le signe c’est la représentativité de la représentation en tant qu’elle est représentable. [18]

Or, ce qui permet la représentabilité, définissant la nature et la fonction des signes, définit une autre condition langagière, la traduisibilité. Qu’une idée renvoie à une perception, une sensation ou à une autre idée, que l’une puisse représenter l’autre implique et signifie qu’elles sont traduisibles, qu’elles peuvent passer d’un régime de signification à un autre en se modifiant sans se perdre. L’âge classique unit raison et traduction, la première exerçant un mode d’intelligibilité fondé sur la seconde : est rationnel ce qui peut être traduit. Nul étonnement à ce qu’Alexander Pope, en préface à sa traduction de l’Iliade en 1715, emploie la métaphore du feu, familière aux penseurs du classicisme tant pour eux, de Descartes à Berkeley, la rationalité se comprend comme lumineuse :

If there is sometimes a Darkness, there is often a Light in Antiquity, which nothing better preserves than a Version almost literal. […] It is not to be doubted that the Fire of the poem is what a Translator should principally regard, as it is most likely to expire in his managing. [19]

[S’il y a parfois de l’Obscurité, il y a souvent de la Lumière dans l’Antiquité et rien ne la préserve mieux qu’une version presque littérale. […] Il est indubitable que le Feu d’un poème constitue ce à quoi un traducteur devrait surtout s’attacher car c’est ce qui risque de disparaître dans l’opération.]

Depuis le romantisme allemand et l’herméneutique de Schleiermacher jusqu’à la pensée de Walter Benjamin dans une première phase puis, dans le paysage contemporain, chez des auteurs tels Derrida, Meschonnic ou Berman, un effort théorique constant va porter sur une essentialisation de la traduisibilité comme condition langagière autonome, tendance dont curieusement s’écartera une traductologie contemporaine dénonçant le « translationese » répandu sur le marché de la traduction professionnelle au lieu de se féliciter de l’émergence d’une langue-traduction venant concurrencer les langues-de-traduction.

Ainsi pour Walter Benjamin, « […] force est de constater que certains concepts d’ordre relationnel conservent leur véritable signification, et sans doute leur meilleure, quand on fait d’emblée l’économie de toute référence exclusive à l’homme. […] Conformément, il resterait à évaluer la traductibilité [Őbersetzbarkeit] des factures langagières, fussent-elles intraduisibles pour les hommes » [20] . Résolument métaphysique, la pensée du langage de Benjamin fait appel à la théologie – une théologie neutralisée et sécularisée car employée comme cadre d’intellection en dehors de toute attache religieuse dogmatique – pour trouver son espace critique et y inscrire sa considération de la traduction qu’elle situe par conséquent dans un hors-champ spéculatif maximal.

À une échelle structurelle plus réduite, la notion de marge figure dans le réseau métaphorique de son essai sur la traduction par plusieurs métaphores empruntant au sémantème de la liminalité : le fruit et sa peau, le manteau royal, l’orée de la forêt (et l’écho de la langue d’origine), le mur et l’arcade [21] . Une articulation essentielle de l’appareillage conceptuel en relève pareillement, celle qui éclaire le principe de « pur langage », à savoir ce qui, dans toute langue, fait langue hors de la communication d’un sens : « Rédimer dans sa propre langue ce pur langage, exilé dans la langue étrangère, le libérer grâce à la réécriture [Umdichtung] de sa captivité dans l’œuvre, telle est la tâche du traducteur » [22] . Umdichtung que l’allemand emploie surtout pour la transposition intralinguistique – redonner un auteur ancien dans un état plus récent de la langue – affiche le préfixe um qui, outre sa signification d’un changement de lieu ou d’état, rappelle l’idée d’un environnement spatial (autour de), c’est-à-dire d’un espace liminal [23] . En outre, fortleben, l’un des deux termes (avec überleben) que Benjamin utilise pour exprimer son thème central de la survie de l’œuvre par la traduction, intègre la particule fort dont la signification de continuation ou de prolongation, ici comprise temporellement, touche le champ sémantique du supplément et donc de la bordure. La fonction de survie place la traduction sous la logique de l’à-venir qui est aussi celle régissant la temporalité du seuil [24] . Que le seuil soit le lieu de l’à-venir ne le dévalorise pas ; au contraire, sa valeur est d’ouvrir à ce qui va venir, d’autant qu’il nous en offre le seul accès, la seule perception, puisque l’à-venir, dans sa vérité, doit toujours l’être et donc rester marqué d’incertitude. Tel le processus traductif qui ne peut jamais se targuer d’une version définitive.

L’essai parut en 1923 en préface à la traduction par Benjamin des Tableaux parisiens de Baudelaire, il occupe ainsi lui-même une position au seuil de l’œuvre traduite. Il a pourtant été remarqué que le texte ne se qualifie pas en tant que préface puisqu’il ne traite pas de ce qu’il est censé introduire, ne prêtant aucune considération ni au poète ni aux poèmes. Si une telle autonomie déroge à la fonction d’une préface et lui attribue davantage le statut d’un essai, le texte, en revanche, ne cède pas sur son rôle de seuil textuel [25] . De même qu’un seuil fait percevoir indistinctement ce qui se joue dans l’espace contigu, les réflexions de Benjamin font écho à une thématique centrale des Tableaux parisiens, à savoir la possibilité de retrouver dans le présent les traces du passé et d’en restaurer l’éclat par le biais d’un regard poétique rédempteur : le printemps dans l’hiver, une reine dans une mendiante, le vieux Paris dans la ville nouvelle, la femme ou la mère dans la vieillarde… Le premier terme est, grâce au poème, traduit dans le second. Si l’on se souvient de l’imagerie de l’essai, on ne pourra, dès lors, rester insensible au vers suivant du poème « Rêve parisien » : « Babel d’escaliers et d’arcades » [26] qui semble saisir la pensée benjaminienne rêvant la traduction dans un décor baroque aux multiples seuils.

Ainsi situé, l’essai prend au demeurant la suite d’une longue tradition prônant l’usage paratextuel dans l’exposé des théories de la traduction, ce qui étaye la légitimité de notre proposition épistémologique. Les anthologies le montrent aisément : dans le volume Translation/History/Culture [27] , un tiers des textes provient de préfaces à des traductions alors que l’ouvrage s’arrête au début du XXe siècle. Dans le volume Western Translation Studies. From Herodotus to Nietzsche [28] qui compte le double d’entrées, la proportion est similaire. Prenant en compte les autres paratextes (lettres ou essais) écrits parallèlement à la rédaction ou la publication de traductions, la proportion dépasse alors la moitié des textes cités et s’élève aux 2/3 si l’on inclut les critiques de traductions. On rappellera qu’une des réflexions majeures sur la traduction au XXe siècle, celle de Nabokov, est livrée dans la préface, l’épilogue et la masse océanique de commentaires qu’il adjoint à sa traduction de l’Onéguine de Pouchkine, le roman en vers intégrant lui-même la traduction dans sa facture scripturaire et son inspiration thématique.

Si l’espace paratextuel s’avère un lieu privilégié pour que la traduction soit pensée – se pense elle-même, dira-t-on en prenant la marge dans la continuité qu’elle pose avec le texte –, c’est que l’exercice de la traduction déploie d’emblée une dimension réflexive, un penser de soi et sur soi, que le paratexte, « entre le dedans et le dehors » du texte, va abriter naturellement car il aménage une distance sans détachement, une séparation sans rupture. Affinité entre traduction et paratextualité parce que traduire implique d’emblée créer une marge – et se mettre en marge – par rapport à sa propre langue et à sa propre culture pour accueillir celles de l’autre texte, autant que façonner une marge devant celui-ci pour qu’il n’impose pas sa totale domination. Avant d’être de l’autre côté du miroir – de s’y translater –, Alice doit bien être devant et le manteau de cheminée qui le soutient a tout d’un seuil.

Ignorer la marge serait pour le moins mal venu – ou… paradoxal – de la part d’une traductologie qui assoit sa légitimité en récusant la secondarité habituellement attribuée à la traduction. De surcroît, la marginalité n’est pas marquée de la même infériorité que l’on suppose à la secondarité. Ce qui apparaît d’une observation spatiale évidente : la marge n’apparaît pas après, elle se pose d’abord. Tout abord se fait par la marge. La démarche paratraductionnelle rejoint par là les exigences de la pensée liminale ou du penser-à-la-frontière qui marquent une orientation majeure de la réflexion contemporaine. [29]

L’étranger ne survient pas du dehors mais de la marge. Dans l’extériorité de son au-dehors, il est lui-même, autre, un autre même, non menaçant. Ce n’est qu’à la limite, qu’en touchant la limite, qu’en abordant le seuil pour s’y arrêter, qu’il devient porteur du danger qui caractérise et fonde son étrangeté. Similairement – y compris pour le climat anxiogène que l’opération induit – original et traduction n’acquièrent leur statut respectif que placés à la bordure l’un de l’autre. Sans cette mise en contiguïté, ils ne sont que deux textes dont l’autonomie n’est pas problématique et n’est pas à problématiser.

D’où il découle, à l’inverse, que l’hospitalité, l’accueil de l’étranger, ne s’exerce qu’à la marge, que s’il y a de la marge. L’épisode biblique où Abraham reçoit la visite des anges lui annonçant l’enfantement inanticipable d’Isaac – comme tout enfant, figure exemplaire de l’Autre dont la venue se doit d’être imprévisible, ce qui la qualifie en tant qu’événement - situe le patriarche « à la porte de sa tente » (Gen. XVIII, 1) et le commentaire rabbinique en fait l’image de l’accueil de l’étranger [30] . La mention spatiale est répétée lorsqu’apparaît Sara dans le cadre narratif : « Et Sara entend//l’ouverture de la tente//et elle est derrière lui [Abraham] » [31] . Précédemment (Gen. XVI, 7), l’espace liminal présidait déjà une annonce d’enfantement par le même homme mais à une autre femme, Agar, la servante de Sarah : c’est près d’une source d’eau dans le désert qu’un ange l’avertit qu’elle donnera naissance à un enfant, celui qui sera nommé Ismaël. Une source ou un puits, selon la désignation ultérieure (Gen. XVI, 14), se présente en effet comme un seuil devant le domaine aquatique et en permettant l’accès.

Le christianisme a repris l’association entre un espace liminal et la promesse divine d’enfantement. Il suffit de songer aux nombreuses annonciations de la peinture occidentale [32] , notamment celles des XVe et XVIe siècles, où Gabriel aborde Marie devant un portique aux fines colonnades alors que l’indication du texte (Luc I, 26-38) ne livre que « Nazareth, une ville en Galilée » [33] . À son tour, la tradition coranique reprend l’idée dans la sourate 19, verset 16, qui présente Marie accueillant l’ange cachée derrière un voile, marquant ainsi un espace de séparation, un seuil.

Marie reçoit l’annonce de l’enfantement alors qu’elle se tient sur le seuil, annonce qui est à la fois promesse et prédiction. Pour le traducteur, se tenir sur le seuil acquiert une fonction similaire. De même que Marie doit veiller sur le développement et la naissance de l’enfant qui sera sien sans que pourtant elle ait participé à sa genèse, le traducteur perçoit que le texte-source est riche d’une version nouvelle [34] , à venir, et que, dépositaire de cette annonce, il est aussi responsable de sa réalisation alors qu’il n’a pas eu part à la création initiale.

Occuper un espace qui en précède un autre différencie toutefois le seuil de notions sémantiquement proches telles qu’interstice ou entre-deux, forts en vogue dans la rhétorique du postmodernisme ou des études postcoloniales. Contrairement à elles, sa spécificité est de ne pas dépendre des espaces qu’il borde mais, au contraire, d’en questionner la légitimité. Si le seuil est le lieu de l’ange, il révèle ce qui en lui est inassignable, irréductible ; messager, l’ange est messager d’un maître invisible et donc seul garant de son message. « Ou-topique est la dimension de l’Ange. Son lieu est le Pays-du-nulle-part […]. Nul ne saurait indiquer le chemin qui y conduit » [35] . Se tenant sur le seuil, l’ange en proclame l’autonomie tout en en indiquant la vocation, au sens strict : la possibilité d’une parole à adresser ou à recevoir. Son pays est celui de l’étranger.

Abraham prit les trois anges pour des voyageurs et pour cette raison leur offrit l’hospitalité. L’accueil de l’étranger s’étend naturellement à la langue étrangère sans que l’on sache laquelle des deux instances précède l’autre tant elles sont liées. Paul Ricoeur y fonde sa définition de la traduction : « Hospitalité langagière donc, où le plaisir d’habiter la langue de l’autre est compensé par le plaisir de recevoir chez soi, dans sa propre demeure d’accueil, la parole de l’étranger » [36] . D’où la nécessité de la considération traductologique d’un seuil pour toute pratique traductive. Celui-ci a pour fonction d’aménager la scène propice à accueillir l’affect traductif, celui qui guide l’attitude envers la langue étrangère : méfiance ou attirance, une telle ambivalence étant inhérente à la nature du seuil. Porteur d’inconnu, le seuil peut susciter l’effroi [37] comme l’espoir et il éclaire de cette double valence le geste traductif qui en recueille l’effet. Le seuil décide de ce que l’hostis soit un ami ou un ennemi, les deux visages de l’étranger.

Les témoins, remarquez-le bien, sont d’accord sur la grosse voix […] Mais, relativement à la voix aiguë, il y a une particularité […] en ceci que, quand un Italien, un Anglais, un Espagnol, un Hollandais, essayent de la décrire, chacun en parle comme d’une voix d’étranger, chacun est sûr que ce n’est pas la voix d’un de ses compatriotes. […] Une voix dans les intonations de laquelle des citoyens des cinq grandes parties de l’Europe n’ont rien pu reconnaître qui leur fût familier ! [38]

C’est le chevalier Dupin, héros d’Edgar Allan Poe dans Le double assassinat de la rue Morgue, qui livre ici son analyse. Que faisaient tous ces Européens dans une rue parisienne et sur la scène du crime ? On ne s’y arrêtera pas mais on retiendra cette voix illustrant une étrangeté absolue, résistant à toute traduction, dont on apprendra qu’elle appartient à un orang-outang. Et si le détective, tel que Dupin l’incarne, partageait avec le traducteur non pas la connaissance de l’étranger qui, connu, ne l’est plus [39] mais la connaissance de ce qu’est l’étranger ?

Le traducteur-détective, donc, que j’opposerais au traducteur-évangéliste. L’analogie n’est pas fortuite en regard de la place de la traduction biblique dans la traductologie occidentale. Le traducteur-évangéliste croit à un sens, une vérité dans le texte. Et, fort de cette conviction, il s’empare de l’original pour l’en extraire. Plus encore, il va y pénétrer, ignorant le seuil, quand ce n’est pas le pénétrer. Concevoir la traduction comme une explication, selon le paradigme interprétatif (traduire, c’est comprendre) équivaut à vouloir pénétrer dans l’œuvre. Pénétration au sens militaire sans nier les connotations sexuelles suspectes liées à la métaphoricité féminine habituellement appliquée à la traduction. Or, le réel de l’œuvre tient dans son impénétrabilité, plutôt dans sa résistance qui en permet une réception et une interprétation toujours renouvelée.

Demeurant sur un seuil, sans pénétrer dans l’espace, je décris ce que je perçois, à distance quoique le recevant dans mon intériorité. Ce qui me permet cette définition : Traduire, c’est décrire dans ma langue, avec le plus de précision possible, ce que me donne à voir ou à entendre l’autre langue, le texte premier, décrire ce que je (re)construis comme sa signifiance. Décrire ce que je perçois dans et à partir de l’original. Je suis à la fois à proximité et à distance du texte à traduire, et traduire revient à moduler le paradoxe. Une sorte d’ekphrasis dans le même code, en l’occurrence le medium verbal. Distance et proximité. Ian McEwan, identifiant l’écriture d’un récit à un processus télépathique [40] , nous invite à comprendre la traduction comme une forme de télépathie opérant grâce au seuil traductif : partager un pathos au prix d’une distance conquise.

Savoir n’effaçant pas l’inconnu, proximité distante ou distance proche, qui est la manière dont Benjamin définit l’aura et qui irise la nature du seuil. Le concept central chez Benjamin de ressemblance non sensible, brisant avec le dogme mimétique, trouve pareillement son illustration dans l’image du seuil et invite à penser le texte traduit comme recréant l’original sans le reproduire. La pensée du seuil infirme les idéologies de l’équivalence et de la fidélité car le seuil est le lieu du désir dont on sait que son objet n’est pas autonome, qu’il est façonné par la pulsion désirante. De même, l’original est façonné par sa traduction. Par-delà l’évidence qui veut que la traduction ne soit pas l’original, comprendre qu’elle ne peut l’être, qu’elle ne doit pas viser à la reproduire dans son identité car l’original est irrémédiablement autre dès qu’il est traduit puisque justement il ne peut être reproduit à l’identique. La traduction reste toujours au seuil. Et de là, fait exister l’original. Lorsque John Dryden métaphorise la traduction, il emploie non pas l’image de la copie mais celle du portrait [41] , le portrait du vivant qui doit en accepter l’extériorité tout en en visant l’intériorité.

Si le traducteur peut s’apparenter au détective, c’est que celui-ci se place au seuil de la vérité. « Working on the edge of things » [42] [Travailler sur la/en bordure des choses], écrit Ian Rankin, le créateur de la série des enquêtes du détective écossais au nom si pertinent de John Rebus. Comme pour les romans policiers, ce qui compte, c’est l’enquête, non la solution de l’énigme et la désignation du coupable. Propos provocateur ? La traduction comme produit fini est ce qui est livré au lecteur, certes mais précisément, ce qui lui est livré est une traduction qui ne doit pas cacher qu’elle l’est, qui doit avouer son parcours.

Préférant le traducteur-détective au traducteur-évangéliste, je ne dis pas (qu’il faille) préférer Maigret à Moïse ou San-Antonio à St Augustin mais je crois inspirant de considérer la traduction comme une enquête plutôt que comme une quête, qu’elle soit d’un sens ou d’un message. Et je ne m’étonne plus qu’Umberto Eco ait baptisé Baskerville le héros du Nom de la Rose – roman, rappelons-le, donné comme une traduction [43] – en réminiscence d’un récit de Sherlock Holmes. Profitons de la coïncidence onomastique pour rendre hommage au théoricien hollandais James S. Holmes qui, dans les années 1970, fut de ceux qui portèrent la traductologie sur les fonds baptismaux de la discipline.

Chez Poe, le lecteur est toujours au seuil de la compréhension mais ne peut faire le pas et il doit faire confiance au détective pour le mener plus loin, de même que le lecteur d’une traduction doit s’en remettre au traducteur dans sa découverte de l’œuvre étrangère. Le principe se retrouve au long de l’œuvre mais notamment dans la trilogie dupinienne [44] qui, du fait que l’action prend place en France et donc a priori en français, pourrait être considérée comme une traduction – ce qui rend d’autant plus intéressant l’étude de sa traduction par Baudelaire.

Pour « La lettre volée », premier conte du triptyque, Lacan a dégagé le terrain dans un célèbre séminaire. Ce dernier, outre qu’il traite de « la façon dont les sujets se relaient dans leur déplacement au cours de la répétition intersubjective » [45] , ce qui définit adéquatement la dynamique traductive, se révèle une superbe leçon de critique de traduction en commentant certains choix de Baudelaire et, par exemple, en en dévoilant [46] une erreur de lecture, non des moindres : la lettre volée est posée en traduction « au-dessus du manteau de la cheminée » au lieu de « just beneath [en-dessous] the middle of the mantelpiece ».

J’ai déjà évoqué l’autre manteau de cheminée littérairement célèbre, celui d’Alice et je reviens à ce récit car il nous offre une autre figure installée sur un espace de transition, Humpty Dumpty sur son mur. Ce dernier fait partie d’un ternaire traductionnel que je baptiserais « les trois H », comprenant Hermès, Hamlet et Humpty Dumpty. Le premier, dieu des messagers, fait partout et sans obstacle circuler le sens ; le deuxième, prince d’un royaume défait, est incapable de trouver du sens, et c’est le troisième, humano-ovoïde, métis générique, qui fait alterner le sens et le non-sens, perché sur son bout de mur comme au seuil de toute interprétation. Hypersémantisation, asémantisation et trans-sémantisation.

Je pressens l’objection : « Humpty Dumpty /Sat on a wall,/ Humpty Dumpty /Had a great fall » [47] [Humpty Dumpty / Sur un mur assis/ Humpty Dumpty /Grande chute fit]. Certes, le danger guette. Walter Benjamin le signalait déjà à propos des traductions de Hölderlin : « Le sens s’y effondre d’abîme en abîme, jusqu’à risquer de se perdre dans les gouffres sans fond de la langue » [48] . Le risque est là et le seuil est justement le lieu du risque : entrer ou non, danger ou non, hostis comme ami ou comme ennemi. C’est en cela que traduire n’est pas transcoder ou communiquer un sens immuable. L’incertitude l’accompagne, ce qui fait de la traduction un paradigme pertinent pour l’épistémologie moderne et contemporaine. Pas de passage direct mais le respect pour la résistance de chaque idiome. No pasarán.

Paul Celan publie en 1955 un recueil de poèmes intitulé Von Schwelle zu Schwelle, De seuil en seuil. Y figure le poème « Schibboleth » qui vient précisément dire l’expérience du seuil. Schibboleth est un mot hébreu dont la référence provient de l’épisode biblique (Juges, XII, 6) dans lequel les hommes de la tribu Galaad repèrent leurs ennemis d’Ephraïm à l’incapacité de prononcer correctement la lettre initiale du mot en question, sur la rive du Jourdain, autre figuration d’un seuil. Défaut d’élocution, il s’agit autant d’une blessure de la locution même puisque ceux de Galaad comme ceux d’Ephraïm font partie du même peuple, parlant la même langue. Au demeurant, le terme est associé à un autre conflit fratricide, la guerre d’Espagne figurée par les mentions du mois de février, prise de pouvoir des Républicains, et de « No pasarán », leur cri de ralliement.

 

Herz :

Gib dich auch hier zu erkennen,

Hier, in der Mitte des Marktes.

Ruf’s, das Schibboleth, hinaus

In die Fremde der Heimat :

Februar. No pasarán.

Coeur:

Là aussi fais-toi connaître,

Là au milieu du marché.

Crie-le, le schibboleth, à toute force

Dans l’étrangeté du pays :

Février. No pasarán.

Le dernier vers du poème [49] rappellera aussi d’autres événements historiques de résistance et de révolte contre l'oppression, en Espagne, en France, en Autriche, lorsque l’histoire marque le refus du passage, du seuil. Ce que marque encore davantage un poème de Die Niemandsrose, reprenant les mêmes éléments et faisant allusion au sanglant février 1962 à Paris : « Dreinzehnter Feber. Im Herzmund/erwachtes Schibboleth. Mit dir, /Peuple/de Paris. No pasarán. » [50] [Le treize de février. Dans la bouche du cœur/éveillé le schibboleth. Avec toi, /Peuple/de Paris. No pasarán.]

Ici, comme dans d’autres poèmes de Celan, les termes restent en langue étrangère, les mots ne sont pas traduits. Non-traduction. Ou expérience même de la traduction ? Plus encore, peut-être, que si les termes avaient été traduits. Avec ces mots non-traduits, le lecteur reste en effet au seuil de la langue étrangère. Comme Celan l’était face à sa propre langue et à sa propre histoire. Que donc, et la langue et l’histoire, il faut traduire pour les partager et les transmettre, le simple dire étant impossible. D’où la pertinence actuelle du seuil pour penser la traduction. Car si celle-ci en tant que symbole du passage peut représenter l’accueil de l’étranger, lorsque les valeurs de l’hospitalité et la solidarité semblent suspendues, c’est sa position au seuil qui devient emblématique. Au seuil des grandes villes et des métropoles, les exclus, les sans-papiers, les réfugiés; en marge de l’Europe, les pays menacés de faillite.

Cinq ans plus tard, Celan, dans son discours du « Méridien », dit du poème qu’il « tient tête en étant au bord de lui-même » [51] [das Gedicht behauptet sich am Rande seiner selbst], une position dont il vient de donner deux illustrations : la poésie comme Atemwende, renverse ou renversement du souffle, d’une part, et, de l’autre, la propension de la poésie contemporaine au silence. Dans les deux cas, l’écrit doit se lire au seuil de l’écriture, là où il est né. Il y recueille alors une promesse, un élan « ins Offene und Leere » [52] , dans l’ouvert et dans le vide. Ce lieu, Celan le nomme aussi « U-topie » [53] , le trait d’union problématisant le concept, comme il l’a été supra à propos du tableau du Perugino. Plus encore, Celan relie la notion aux préoccupations de la poétique, à « l’étude des topoï » [54] pour conclure sur l’image qui résume sa conception du cheminement poétique, ce « qui revient sur soi en passant par les deux pôles » [55] , à savoir un méridien.

Un méridien transtopique unissant le livre de Saint Augustin et celui de Saint Jérôme. C’est sur lui qu’ouvre le seuil du traduire. C’est lui qu’il accueille.

Notes

  • [1]

    La traductologie n’est pas la seule à souffrir de cinécentrisme tant il semble que la littérature comparée n’en soit pas préservée. L’impasse du débat actuel sur la littérature-monde, quelle qu’en soit sa déclinaison (prophétique ou scientifique, militante ou sociologique), c’est de ne pas revendiquer de seuils. La présence et la conscience du seuil, indispensable à la visée traductionnelle, s’allègent pour la littérature comparée qui peut étudier des objets déconnectés ou a priori sans liens. Par contre, cette liberté du comparatisme pourrait avec profit inspirer une traductologie inhibée par son obsession du couple primordial, original et texte traduit. En d’autres termes, au jeu des préfixes et en remarquant qu’au magasin des accessoires disciplinaires la littérature comparée choisit l’inter tandis que la traductologie se pare du trans, disons que le trans a besoin de l’inter afin que s’opère un échange et non un simple transfert et que l’inter a besoin du trans pour dynamiser l’espace médian plutôt que de l’aborder comme terrain en jachère. Car il y a un espace médian, celui qui est ici désigné comme seuil.

  • [2]

    Le préfixe para- est pris comme signifiant de liminalité. Le terme de paratraduction a émergé des travaux du groupe de recherche de l’Université de Vigo (Espagne) auquel je suis associé : http://www.paratraduccion.com/. Voir notamment les contributions du Professeur José Yuste Frías.

  • [3]

    J’en ai livré une lecture traductologique dans l’article « Vor dem Gesetz : la porte du traduire. D’une théorie de la traduction chez Kafka », TTR, vol. V, n° 2, 1992, p. 223-243.

  • [4]

    Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle. Le livre des passages (tr. J. Lacoste), Paris, Le

    Cerf, 1989, p. 232. Il livre cette analyse à propos d’exemples tirés de son observation de l’urbanité moderne : entrée d’appartement, arc de triomphe, bouche de métro…

  • [5]

    Voir sur ce point Jacques Derrida, De l’hospitalité, Paris, Calmann-Lévy, 1997. On notera que la question de la langue, celle de l’étranger et la langue propre, est pareillement intégrée à la question de l’hôte.

  • [6]

    Au vu de la récente actualité, on ne sait plus vraiment si la « zone euro » appartient à la première ou à la seconde acception.

  • [7]

    Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle. Le livre des passages, op. cit., pp. 512-513. Une version antérieure du segment inclut les termes de transition et de mutation (p. 852).

  • [8]

    Walter Benjamin, « Sur le langage en général et sur le langage humain » (tr. M. de Gandillac et R. Rochlitz), Œuvres I, Paris, Folio/Essais, 2001, p. 157.

  • [9]

    Henri Meschonnic, Éthique et politique du traduire, Lagrasse, Verdier, 2007, p. 33. La notion vient prolonger la pensée du rythme comme « organisation du mouvement de la parole » (passim).

  • [10]

    Deux textes ont à cet égard dégagé l’importance d’un tel éclairage, l’article de 1991 de Mary Louise Pratt, « Arts of the Contact Zone » (Profession, 91, New York, MLA, 1991) et le livre d’Emily Apter, The translation zone (Princeton and Oxford, Princeton University Press, 2006). Il est significatif qu’une des dernières-nées des revues de traductologie se dénomme Translation Spaces (publiée chez John Benjamins).

  • [11]

    Samuel Beckett, Collected Poems in English and French, Londres, John Calder, 1977, p. 121.

  • [12]

    Il l’inscrit aussi par un enjambement: « C’est l’étoile à six branches/C’est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche » rendu par : « It is the six-branched star it is God/Who Friday dies and Sunday rises from the dead » (p. 109).

  • [13]

    Sur cette notion, voir mes articles « La relation transhistorique », dans Larisa Cercel (sous la dir. de), Traduction et herméneutique, Bucarest, Zetabooks, 2009, p. 293-316 ; «  Perspectives transhistoricistes », TTR, vol. XX, n° 1, 2007, p. 141-170 ; « Du transhistoricisme traductionnel », dans A. Pym, M. Schlesinger and D. Simeoni, Beyond Descriptive Translation Studies. Investigations in Homage to Gideon Toury, Amsterdam and Philadelphia, John Benjamins, 2007, p. 381-397.

  • [14]

    Gérard Genette, Seuils, Paris, Seuil, 1987 ; Paratexts. Thresholds of Interpretation (tr. Jane E. Levin), Cambridge/New York, Cambridge University Press, 1997.

  • [15]

    Sur les traductions de l’œuvre de Paul Celan, voir mon livre Paul Celan. Les lieux d’un déplacement, Lormont, Éditions du Bord de l’Eau, 2010. À cet égard, on notera une pratique éditoriale du même ordre : l’intégration des traductions faites par un auteur au sein de son œuvre publiée, que ce choix soit voulu par lui ou non. C’est le cas de Celan, des poètes français Armand Robin et Philippe Jaccottet ou encore de Samuel Beckett.

  • [16]

    A l’instar du statut de la traduction que, par exemple, le Moyen Age considérait comme une voie de circulation des écrits parmi d’autres sans accorder une importance particulière au passage interlinguistique dans sa définition.

  • [17]

    Claude Esteban, Poèmes parallèles, Paris, Galilée, 1980. Claude Esteban intervint en 1986 aux Assises de la traduction littéraire avec une communication intitulée « Territoires, frontières et partages » (Actes des troisièmes assises de la traduction littéraire, Arles, Actes Sud, 1987, pp. 30-45).

  • [18]

    Michel Foucault, Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1967, pp. 72 et 79.

  • [19]

    André Lefevere, Translation/History/Culture. A Sourcebook. London and New York, Routledge, 1992, p. 64.

  • [20]

    « L’abandon du traducteur [Die Aufgabe des Übersetzers] » (tr. Laurent Lamy et Alexis Nouss), TTR, vol. X, no. 2, 1997, pp. 14-15.

  • [21]

    Ibid., p. 21, p. 22 et p. 25 respectivement.

  • [22]

    Ibid., p. 26.

  • [23]

    Ce mode traductif qualifie par exemple les traductions de Hölderlin, notamment du théâtre de Sophocle. Voir George Steiner, Après Babel. Une poétique du dire et de la traduction (trad. L. Lotringer), Paris, Albin Michel, 197, p. 302.

  • [24]

    Chez Benjamin, le processus critique se comprend pareillement dans un dispositif liminal ainsi que l’explicite son texte de 1917 sur Dostoïevski : « La critique ne justifie son droit d’aborder l’œuvre d’art que pour autant qu’elle respecte le territoire propre à cette œuvre et se garde d’y pénétrer » (Walter Benjamin, Œuvres I, p. 167). Voir aussi l’essai sur Goethe (ibid., p. 275) et surtout son ouvrage Le concept de critique esthétique dans le romantisme allemand (tr. Ph. Lacoue-Labarthe et A.-M. Lang), Paris, Flammarion, 1986.

  • [25]

    Raison pour laquelle, bien que le texte soit présenté comme « Vorwort » ou « Vorrede » (préface, avant-propos), nous avons choisi dans notre traduction pour le sous-titre le mot « Prolégomènes », un exposé préliminaire à l’abord d’un corpus de connaissances ou de réflexions (voir « L’abandon du traducteur », op. cit., pp. 13 et 30).

  • [26]

    Baudelaire, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. “La Pléiade”, 1967, p. 97.

  • [27]

    André Lefevere, Translation/History/Culture. A Sourcebook, op. cit.

  • [28]

    Douglas Robinson, Western Translation Theory. From Herodotus to Nietzsche, Manchester, St Jerome Publishing, 2002 [1997].

  • [29]

    Voir mon Plaidoyer pour un monde métis, Paris, Textuel, 2005, chapitre 2.

  • [30]

    C’est sur un autre seuil que l’événement de la libération d’Égypte se marque puisqu’un signe sur les poteaux et le linteau de leurs portes signale la maison des Hébreux et les préserve de la mort frappant les premiers-nés lors de la dernière des dix plaies (Ex., 12, 1-28). Quant à Moïse, il demeurera au seuil de la terre promise sans y pénétrer (Deut. 32, 48-52 et 34, 1-8 ; Nomb. 20, 7-12), un thème que retiendra la tradition juive et qui décline la logique même de la promesse : accomplie, elle n’en est plus une. Le messie aussi doit ne pas arriver pour conserver la force de ce qu’il promet.

  • [31]

    Traduction de Henri Meschonnic : Au commencement, Paris, Desclée de Brouwer, 2002, p. 87.

  • [32]

    Voir Daniel Arasse, L’Annonciation italienne. Une histoire de perspective, Paris, Hazan, 1999. Et Michel Feuillet, L’Annonciation sous le regard des peintres, Paris, Mame, 2004.

  • [33]

    La tradition selon laquelle une grotte servit de décor à l’annonciation met cependant sur la voie de l’espace liminal.

  • [34]

    George Steiner exprime cette idée par un lexique moral (« élan de confiance ») ou religieux

    (« profession de foi ») : « On risque un bond en avant : on concède d’emblée qu’il y a là-dedans quelque chose à comprendre, que le passage ne se fera pas à vide (Après Babel, op. cit., p. 277).

  • [35]

    Massimo Cacciari, L’ange nécessaire (tr. M. Raiola), Paris, Bourgois, 1988, p. 11. Dans son livre précédent, Icônes de la loi (tr. M. Raiola, Paris, Bourgois, 1990), et notamment dans le chapitre intitulé « La porte ouverte », Cacciari livre une pensée éclairant notre approche du seuil. La figure de l’ange y était déjà traitée.

  • [36]

    Paul Ricoeur, Sur la traduction, Paris, Bayard, 2003, p. 20.

  • [37]

    Le « sortilège du seuil » de Benjamin. Voir supra.

  • [38]

    Edgar Allan Poe, Histoires extraordinaires (trad. C. Baudelaire), Paris, Le livre de poche, 1972, pp. 32-33.

  • [39]

    L’éthique lévinasienne nous a appris que la condition d’altérité se voit entamée dès qu’elle est soumise à un processus de familiarisation.

  • [40]

    Ian MacEwan, Atonement, Londres, Vintage Books, 2002, p. 37.

  • [41]

    “Translation is a kind of drawing after the life ; where every one will acknowledge there is a double sort of likeness, a good one and a bad. ‘Tis one thing to draw the outlines true, the features like, the proportions exact, the colouring itself perhaps tolerable; and another thing to make all these graceful, by the posture, the shadowings, and, chiefly, by the spirit which animates the whole”, in R. Schulte and J. Biguenet (sous la dir. de), Theories of Translation. An Anthology of Essays from Dryden to Derrida (Chicao and London, Chicago University Press, 1992, p. 23.

  • [42]

    Ian Rankin, The Falls, Londres, Orion Books, 2008 [2001], p. 449.

  • [43]

    Multitraduction, à dire vrai : « […] version italienne d’une obscure version néo-gothique française d’une édition latine du XVIIe siècle d’un ouvrage écrit en latin par un moine allemand vers la fin du XIVe siècle » (Umberto Eco, Le nom de la rose, trad. J.- N. Schifano, Paris, Le livre de poche, LGF, 1983, p. 12). À cet égard, il faut aussi mentionner un élément majeur de l’intrigue, le deuxième livre de la Poétique d’Aristote qui, s’il était retrouvé, devra être traduit.

  • [44]

    Du nom de son héros, le chevalier C. Auguste Dupin : « La lettre volée », « Le double assassinat dans la rue Morgue », « Le mystère de Marie Roget ».

  • [45]

    « Le séminaire sur « La Lettre volée » », Écrits I, Paris, Seuil, coll. « Points », 1970, p. 25.

  • [46]

    Idem, p. 47.

  • [47]

    (ma trad.).

  • [48]

    « L’abandon du traducteur », op. cit., p. 28.

  • [49]

    Paul Celan, Choix de poèmes (tr. J-P. Lefebvre), Paris, Gallimard, 1998, p. 115. Je l’analyse plus en détails dans Paul Celan. Les lieux d’un déplacement, pp. 152-153 et 187.

  • [50]

    Paul Celan, Die Gedichte, 2005, Francfort, Suhrkamp, p. 153 (ma trad.)

  • [51]

    Paul Celan, Le Méridien et autres proses (trad. J. Launay), Paris, Seuil, 2002, p. 73.

  • [52]

    Ibid., p. 78.

  • [53]

    Ibid., p. 79.

  • [54]

    Id.

  • [55]

    Ibid., p. 84.