événement

Journée d’études – Les enquêtes au musée
: 10/10/2025
: Université Toulouse Jean Jaurès / Musée Saint-Raymond
Journée d’études « Les enquêtes au musée »

Université Toulouse-Jean Jaurès / musée Saint-Raymond

10 octobre 2025

 

Comité d’organisation :

Marine Le Bail (université Toulouse-Jean Jaurès, PLH-ELH)

Marie-Clémence Régnier (université d’Artois, Textes & Cultures, IUF)

Louis Watier (université Toulouse-Jean Jaurès, LLA CREATIS)

 

Université Toulouse-Jean Jaurès, Maison de la Recherche, salle D155

Cette journée d’études s’inscrit dans la continuité des travaux réalisés à l’occasion d’une première rencontre qui a eu lieu le 5 février 2024 à l’université d’Artois. L’identification d’un paradigme indiciaire, commun à l’historien d’art et au détective, déjà mis en lumière par Carlo Ginzburg dans un article célèbre, avait fourni un point de départ fructueux que l’on souhaiterait approfondir. En effet, si la quête d’indices propre au roman policier entre en résonance avec la démarche muséale qui cherche à établir l’authenticité et la provenance des œuvres, le roman d’enquête peut s’appuyer sur un imaginaire collectif qui ne correspond pas toujours à la vérité historique, que ce soit pour engager les lecteurs sur de fausses pistes ou, au contraire, pour ériger des hypothèses réfutées par l’histoire de l’art en indices menant à la résolution de l’intrigue. Des logiques contradictoires et concurrentes semblent ainsi se faire jour entre la démarche scientifique et sa représentation fictionnelle. Observe-t-on un point de rupture décisif entre des régimes de vérité distincts ? S’agit-il plutôt de déjouer, de manière délibérée ou non, certains critères de véridicité pour accroître le plaisir de la fiction ?

Pour répondre à de telles questions, il peut être pertinent de se pencher davantage sur les artefacts archéologiques au sein des récits d’enquête. Volontiers enfouis et inaccessibles, du moins tant qu’ils ne sont pas exhumés, les artefacts produits par les civilisations anciennes sont indissociables d’un imaginaire fictionnel de la fouille qui remotive la métaphore lexicalisée voulant qu’il faille « creuser » pour révéler une vérité cachée - il n’est à cet égard pas anodin que la « Reine du crime », Agatha Christie, se soit adonnée à l’archéologie en compagnie de son second mari ; elle saura s’en souvenir dans Rendez-vous avec la mort ou Meurtre en Mésopotamie. De fait, la résurgence d’objets enfouis permettant la progression de l’enquête est bien l’un des topoï du roman policier. De même, l’association topique entre les figures du détective et du lecteur trouve une nouvelle actualisation à travers l’investissement, par la fiction, de modes d’écriture marqués par leur altérité, qui résistent au processus de déchiffrement et qui, par là-même, permettent de thématiser la dimension herméneutique du récit d’enquête : runes celtiques, hiéroglyphes et idéogrammes, voire mystérieux manuscrits gothiques, parfois reproduits dans le corps de la page, se présentent comme autant de rébus indéchiffrables pour le lecteur non-initié, sans pour autant perdre (bien au contraire) en pouvoir de suggestion ou de fascination.

Les significations attachées aux artefacts proviennent donc d’un ancrage spatio-temporel qui peut être exploité, au sein de la fiction policière, d’une manière qui n’est pas toujours sans ambivalence, que ce soit dans le traitement sensationnaliste d’objets exotiques (on peut penser au couteau d’obsidienne aztèque utilisé pour commettre des meurtres rituels dans La Mariposa de obsidiana de Juan Bolea), ou bien dans le recours à tout un folklore archéologique stéréotypé. La dimension fantasmatique de l’objet, liée à sa localisation géographique, à son épaisseur historique et à sa valeur esthétique, peut donc fonctionner comme un embrayeur d’imaginaire, tout en faisant office de preuve ou d’indice au sein de l’intrigue. L’articulation entre des aires culturelles extra-européennes et/ou régionales sera ainsi particulièrement bienvenue pour rendre compte des différentes manières d’exploiter les clichés et les stéréotypes liés à des phénomènes de territorialisation au sein des récits d’investigation. Pour autant, si certains récits naviguent entre l’« invention de la tradition », flattant un sentiment nationaliste ou régionaliste, et une fétichisation fort discutable de l’exotisme, d’autres tirent parti du récit archéologique pour développer une réflexion sur les rapports de force néo-coloniaux  ou centralisateurs qui sont à l’œuvre  dans les politiques de conservation ; la fiction peut alors devenir le lieu d’une plaidoirie pour la restitution et le retour des objets.

 

Programme

 

9h30 : introduction, par Marine Le Bail (université Toulouse-Jean Jaurès, PLH-ELH)

 

Première session : « Fictions à creuser : enquêtes archéologiques dans la littérature romantique »

 

9h45 : « L’archéologue, le lecteur et la momie : enquête dans les archéofictions de Gautier », par Martine Lavaud (université d’Artois, Textes & Cultures)

10h15 : « Un musée à ciel ouvert : Pompéi entre compte rendu de voyage et enquête par la fiction dans la littérature romantique », par Gabrielle Bornancin-Tomasella (université de Grenoble, LITT&ARTS)

 

10h45 : échanges et discussions

11h : pause

 

Deuxième session : « Enquêtes muséales et exotisme, de près et de loin »

11h15 : « Le rouge et le noir, le sang sur l'obsidienne. Revisiter les rites aztèques dans la fiction policière », par Louis Watier (université Toulouse-Jean Jaurès, LLA CREATIS)

11h45 : « Enquêtes chez l'écrivain : la "maison d'écrivain", scène de crime familière dans le polart régional », par Marie-Clémence Régnier (université d’Artois, Textes & Cultures, IUF)

 

12h : échanges et discussions

 

12h15 : pause déjeuner

 

Troisième session : « Ce que la fiction fait au musée : vulgarisation, médiation, mythification »

14h : « L’artificialisation du musée ? Ce que la fiction contemporaine nous donne à connaître de Lascaux, son mythe et ses facs-similés », par Loïse Lelevé (Université Paris-Nanterre, LiPo)

14h30 : « Les visiteurs mènent l’enquête. Deux exemples de médiation proposés par le musée Saint-Raymond », par Matthieu Scapin (musée Saint-Raymond, PLH-CRATA)

 

15h : échanges et discussions

 

Musée Saint-Raymond de Toulouse

 

16h : visite du musée Saint-Raymond