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Appel à communications : Journée d’études Mazeppa de Byron
: 17/10/2025
: 15/05/2025
: MSH de Clermont-Ferrand
Journée d’études

 

Mazeppa de Byron : transitions, ambivalences et chevauchements

 

Université Clermont-Auvergne – CELIS, avec le soutien de la SERA

 

MSH de Clermont-Ferrand, 17 octobre 2025

 

 

Cette journée d’études, qui s’adresse aussi bien aux anglicistes qu’aux non anglicistes, s’intéresse à Mazeppa, que Byron rédige entre avril 1817 et septembre 1818 et publie en octobre 1819. Ce poème occupe une place charnière dans sa vie et dans son œuvre : composé après sa séparation d’avec Annabella Milbanke et son départ définitif d’Angleterre, il se situe entre le lyrisme romantique de Childe Harold et l’ironie et la satire de Don Juan. Sa situation « transitionnelle1 », pour reprendre le mot de Bruno Sibona, invite à mettre cette œuvre, qui est à l’origine du « mythe Byron » dans toute l’Europe, sous le signe de la transition, de l’ambivalence et du chevauchement, et de l’interroger en tant que telle. C’est donc sous cet angle que nous proposons quatre perspectives dans lesquelles les communications pourront s’inscrire.

 

Ambivalence tonale et générique : Mazeppa, écrivait l’un des premiers lecteurs français de Byron, est un « récit moitié sérieux, moitié plaisant2 ». Même si la réception de Mazeppa a le plus souvent privilégié le sérieux du récit et l’héroïsme du personnage, la mise en lumière de l’histoire du comte Palatin, cocufié par le jeune page qui joue à l’égard de Teresa le même rôle de cavalier sirvente que Byron à l’égard de Teresa Guiccioli, pourra faire affleurer la potentialité comique du poème en réactivant toute la part autobiographique du je du narrateur du récit enclavé. On pourra aussi envisager d’étudier la représentation de Mazeppa en poète (« Even I for once produced some verses, / And sign’d my odes “Despairing Thyrsis” », IV) et de recontextualiser la fluctuation des tonalités dans l’évolution de l’écriture de Byron avec Beppo (1818) et la découverte de Morgante Maggiore de Luigi Pulci. On pourra questionner le genre de Mazeppa qui rappelle les contes Le Giaour (1813) et Le corsaire (1814) et qui pose le problème du romanesque dans la poésie de Byron qui aimait à critiquer la poésie trop mentale de Keats3. La question de la poéticité de Mazeppa pourra être posée à la fois selon les critères d’appréciation esthétique propres au romantisme et selon ceux de la poésie moderne. Cette première perspective conduit à réfléchir sur le statut littéraire du personnage de Mazeppa.

 

Les avatars du héros : Byron débute le chant I de Don Juan (1819) par cette confession : « I want a hero : an uncommon want ». Mazeppa répond-il à ce besoin « extraordinaire » de héros ? On pourra étudier l’ambiguïté du héros à travers la construction de la narration qui articule différents moments de la vie du personnage et dont l’enchâssement du récit permet de confronter l’hetman de soixante-dix ans au très beau jouvenceau de vingt ans et, partant, d’inscrire la dimension morale du poème dans une représentation plus humaine du personnage et dans une sensibilité aiguë du temps qui passe. On pourra s’intéresser à tous les indices, aussi infimes et inconscients soient-ils, qui tendent à défaire l’image du héros rédimé et rédempteur et à annoncer le traitement du personnage de Don Juan. Cette deuxième perspective pourra être prolongée par l’étude sur la tension intrinsèque à l’écriture de Mazeppa entre le mythe et la sensation.

 

Mythe et sensation : la chevauchée de Mazeppa relatée à la première personne donne lieu à une écriture qui note au plus près ses sensations brutes (« I felt as on a plank at sea », XIII) tout en représentant comme en direct sous les yeux du lecteur un mythe qui ne renvoie pas tant au « mythe personnel » de l’auteur qu’à celui d’un nouveau Prométhée. On pourra étudier ces deux tropismes de la poétique de Byron, l’un qui piste la sensation dans ce qu’elle a de plus volcanique, que ce soit pour le supplicié ou pour le cheval, l’autre qui tend de façon plus abstraite à une représentation commune. La singularité de la situation du jeune homme ligoté à un cheval en perpétuel mouvement, même si Byron l’emprunte à Voltaire, acquiert une force insoupçonnée dans le poème. On pourra s’intéresser précisément au schéma oxymorique qui sert de matrice narrative et qui revient à représenter Mazeppa comme un petit Prométhée non plus rivé à un rocher mais à l’instabilité même de la course d’un cheval effréné. Cette étude pourra aussi interroger le continuum entre la sensation physique de Mazeppa et la réflexion sur la valeur poétique et politique de la liberté chez Byron. On pourra réfléchir sur le mouvement dialectique entre le point de fixation de l’homme et la course éperdue du cheval : « Each motion which I made to free / My swoln limbs from their agony / Increased his fury and affright » XIII). Enfin on pourra confronter le schéma oxymorique matriciel à la grande fluidité du récit enclavé et étudier les éléments qui donnent au lecteur la sensation qu’il assiste en direct à la figuration d’un mythe. Cette troisième perspective appelle une réflexion sur ce qui serait à la source du succès de Mazeppa et qui a généré tant d’œuvres diverses dans autant d’arts différents.

 

Transmédialité : Si Delacroix écrit dans son journal : « Rappelle-toi, pour t’enflammer éternellement, certains passages de Byron », Bruno Sibona constate de son côté : « On peut penser que sans eux [les peintres] et sans Hugo, Mazeppa aurait été bien vite oublié5. » C’est entre ces deux phases de la création que la question de la réception et de la capacité à inspirer du poème se pose : comment Mazeppa prolonge-t-il son élan originaire en suscitant un désir de créer chez d’autres artistes et comment ces œuvres interrogent-elles la source dont elles procèdent ? Comment le déplacement de la source permet-il un retour à la source ? Dans cette perspective on pourra étudier certaines des œuvres que Joseph-Marc Bailbé a listées dans Mazeppa et les artistes romantiques6, article auquel nous renvoyons et dont nous rappelons brièvement les artistes principaux : V. Hugo, A. Pouchkine, J. Slowacki, pour la littérature ; H. Vernet, T. Géricault, T. Chassériau, L. Boulanger, E. Delacroix, pour la peinture ; F. Liszt, F. Tchaïkovski, pour la musique. Liste à laquelle il faut ajouter le cinéma (V. Gontcharov, M. Berger, Y. Illienko etc.) et le spectacle équestre (A. Franconi, Bartabas). On pourra aussi étudier le personnage de Mazeppa comme figure de l’artiste virtuose7 et intégrer dans la perspective de la transmédialité l’étude des traductions de Mazeppa.

 

Les propositions de communication (25mn), en français, accompagnées d’une brève bio-bibliographie, sont à envoyer à Marc Eynard (marc.eynard@orange.fr), Adeline Barel (adeline.barel@doctorant.uca.fr) et Anne Rouhette (anne.rouhette@uca.fr) avant le 15 mai 2025.

 

Comité scientifique : Laurent Folliot (Sorbonne Université, VALE) – Sophie Laniel-Musitelli (Université de Lille, CECILLE) – Marc Porée (ENS / PSL) – Nathalie Vincent-Munnia (UCA, CELIS)

 

Comité d’organisation : Marc Eynard, Adeline Barel et Anne Rouhette (UCA, CELIS)

 

1 Bruno Sibona, Le cheval de Mazeppa, Voltaire, Byron, Hugo. Un cas d’intertextualité franco-anglaise, 2006, L’Harmattan, p. 72-74.

2 Benjamin Laroche, Œuvres complètes de Byron, 1837, Paris, Charpentier, t. II, p. 543, note 1.

3 Leslie A. Marchand, Byron, portrait d’un homme libre (1971), trad. par Odette Lamolle, éd. Autrement Littératures, 1999, p. 444.

4 E. Delacroix, Journal, José Corti, Domaine romantique, 2009, t. I, p. 158.

5 Sibona, Le cheval de Mazeppa, op. cit., p. 76.

6 . Annales de la Faculté des lettres et sciences humaines d’Aix, tome XL, 1966, p. 13-40.

7 Sarah Hassid, « Chevauchées romantiques de la toile au clavier : les métaphores équestres de l’artiste tourmenté et virtuose du XIXe siècle », dans Un duel romantique. Le Giaour de Lord Byron par Delacroix, Louvre éditions, Le Passage, 2020, p. 69-80.

 
: Patrick Werly