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Fictions et imaginaires du complot : perspectives interdisciplinaires. Rencontres internationales
Date de l'échéance : 15/10/2024
Lieu de l'événement : Paris, Maison Heinrich Heine
Nom de l'organisateur : Equipe ConspiFic
Email de l'organisateur : conspific2025@gmail.com
Site web de référence : https://conspific.hypotheses.org/
Fictions et imaginaires du complot : perspectives interdisciplinaires
Rencontres internationales
Maison Heinrich Heine, Paris
5-7 juin 2025
Porteurs :
- Marie-Ève Carignan, Université de Sherbrooke, Chaire UNESCO-PREV
- Chloé Chaudet, Université Clermont Auvergne, CELIS/IUF
- Sylvain Delouvée, Université Rennes 2, LP3C
Si le complotisme est sans conteste un fait social majeur de notre époque, les figures et les figurations conspiratoires ne se contentent pas d’inonder le monde politique et la sphère médiatique. Depuis les années 1960, elles suscitent l’intérêt croissant d’une communauté scientifique d’abord ancrée dans le domaine anglophone. Désormais investi par des politologues, des sociologues, des psychologues, des philosophes, des historiens, des spécialistes des médias [pour un panorama, voir notamment Delouvée et Dieguez ; France] ou encore des chercheurs en rhétorique et/ou en analyse du discours [tels Danblon et Nicolas], ce domaine d’étude s’avère aussi foisonnant que les productions discursives dont il traite. Les discours complotistes au cœur de ce champ de recherche seront ici conjointement envisagés comme (1) des énoncés pseudo-factuels, dont les contenus sont présentés comme réels sans avoir fait l’objet de vérifications empiriques ; (2) des énoncés centrés sur des complots, c’est-à-dire sur des concertations secrètes visant à infléchir le devenir socio-historique.
À l’évidence, les représentations collectives associées à ces discours complotistes ou conspirationnistes (adjectifs que nous considérerons ici comme des synonymes) informent pléthore d’œuvres fictionnelles. De multiples écrivains et réalisateurs le confirment depuis bien longtemps. Dans leurs romans, Friedrich Schiller, George Sand, Alexandre Dumas, Honoré de Balzac, Joseph Conrad, Thomas Pynchon, Umberto Eco ou encore Dan Brown ont tous mis en intrigue des figurations du complot courantes à leur époque. On ne compte plus les séries télévisées, les films ou les jeux vidéo (The X-Files, Conspiracy Theory, Assassin’s Creed…) qui évoquent des entreprises conspiratoires, attribuées tantôt à des personnages marginaux, tantôt à des institutions étatiques, tantôt à des associations criminelles (les unes frayant parfois avec les autres).
Or, rares sont les études qui articulent l’analyse de la fiction à celle des figures du complot. Renvoyant à un motif narratif [Courtés, Greimas et al.] plus qu’à un thème statique, le complot paraîtrait pourtant destiné à susciter un large intérêt auprès des spécialistes de fiction. La fiction comprise comme « feintise ludique partagée » [Schaeffer] ne se limite certes pas au récit (ni inversement). Mais les liens entre récit et fiction sont aussi fréquents qu’anciens, et les recherches sur la narrativité – constitutive du complot – continuent à se fonder sur des corpus fictionnels [Baroni ; Brooks]. Au vu de l’immensité du corpus transmédiatique concerné, les analyses des fictions narrant spécifiquement des complots restent toutefois à développer [en écho par exemple à Barkun ; Knight ; Jameson ; Ziolkowski ; Aude et Tilliette ; Chaudet et Rialland ; Chelebourg et Faivre].
En outre, comment étudier systématiquement ces fictions du complot sans aborder les discours auxquels elles se rattachent ou s’opposent ? Là aussi, les recherches sont à approfondir. Elles permettraient par exemple de mieux comprendre comment divers discours complotistes ont été alimentés par des fictions (à l’instar du faux antisémite des Protocoles des sages de Sion, indirectement inspiré par des romans-feuilletons français et allemands) ou, a contrario, comment de nombreuses fictions se ressaisissent, dans le cadre énonciatif particulier qui est le leur, de représentations conspirationnistes qu’elles contribuent tantôt à entretenir, tantôt à déconstruire (voir le contraste entre l’œuvre de Dan Brown et celle d’Umberto Eco). Si les études sur le complotisme et les études sur la fiction se portent actuellement aussi bien que leurs objets respectifs, il reste encore à œuvrer à leur rencontre.
Dans cette perspective, ces rencontres internationales visent à décrire et analyser les articulations (convergences, divergences, frictions, etc.) entre les fictions du complot et les discours complotistes. Nous entendons ainsi contribuer à une meilleure compréhension des représentations sociales [Delouvée, Monaco et Rateau ; Mannoni] du complot qui influencent nos démocraties, notre vie culturelle et notre quotidien.
Afin de conserver une cohérence d’ensemble, les participants sont invités à se concentrer sur les XIXe, XXe et/ou XXIe siècles – période de développement sans précédent des discours et fictions du complot en langues européennes ainsi que de la culture médiatique contemporaine qui a favorisé leur diffusion. Sans exclure le travail sur des œuvres et/ou des énoncés traduits, notre intérêt se portera en priorité sur des corpus en langues européennes issus de divers continents.
Prenant acte du fait que ces fictions et discours contemporains relèvent d’un imaginaire social fondamentalement hétérogène [Kalifa ; Popovic], nous souhaitons confronter les points de vue quant à leurs relations en sollicitant différentes disciplines et approches : études littéraires (notamment comparées), théorie de la fiction, narratologie, stylistique, histoire, philosophie, sociologie, psychologie, sciences de l’information et de la communication, didactique, etc.
Nous privilégierons les travaux explorant cette vaste problématique pour :
- envisager les fictions centrées sur des complots selon une perspective interdiscursive, en soulignant leurs points de convergence et de friction avec les énoncés complotistes pseudo-factuels ;
- examiner comment l’étude de la fiction peut nous permettre de mieux comprendre les « mentalités conspirationnistes » [Moscovici] d’un point de vue psycho-cognitif et psycho-social ;
- retracer les circulations transmédiatiques au sein des manifestations protéiformes de l’imaginaire du complot en accordant une place non anecdotique aux productions esthétiques ;
- aborder la fiction comme un objet d’étude et d’enseignement susceptible, notamment dans un cadre scolaire ou universitaire, de nous aider à réagir de manière pertinente face aux représentations conspirationnistes.
Plus généralement, toute proposition envisageant les représentations sociales du complot en lien avec une réflexion sur l’étude et les usages des fictions à l’ère contemporaine sera la bienvenue.
Les auteurs feront parvenir avant le 15 octobre 2024, à l’adresse conspific2025@gmail.com, un titre et un résumé d’environ 400 mots accompagnés d’une brève notice bio-bibliographique.
Les notifications d’acceptation ou de refus seront communiquées avant la fin de l’année 2024.
Les communications ne devront pas excéder 25 minutes et feront l’objet de discussions dans le cadre de panels interdisciplinaires.
Une publication des actes est prévue.
Quelques références bibliographiques
Arciszewski Thomas ; Bonetto Éric, « The Creativity of Conspiracy Theories », Journal of Creative Behavior, vol. 5, n°4, 2021, p. 916-924.
Aude Nicolas ; Tilliette Marie-Agathe (dir.), L’Imaginaire des sociétés secrètes dans la littérature du XIXe siècle, Société des Études Romantiques et Dix-Neuviémistes, 2021 (en ligne), URL : https://serd.hypotheses.org/8154.
Barkun Michael, A Culture of Conspiracy. Apocalyptic Visions in Contemporary America [2003], Berkeley, University of California Press, 2013.
Baroni Raphaël, Les Rouages de l’intrigue. Les outils de la narratologie postclassique pour l’analyse des textes littéraires, Genève, Slatkine, 2017.
Boillet Étienne, Fiction : mode d’emploi, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2020.
Boltanski Luc, Énigmes et complots. Une enquête à propos d’enquêtes, Paris, Gallimard, 2012.
Bonnet Valérie ; Mercier Arnaud ; Siouffi Gilles (dir.), dossier « Circulation des discours dans les récits complotistes », Mots. Les langages du politique, n°130, novembre 2022 (en ligne), URL : https://journals.openedition.org/mots/30297.
Brooks Peter, Seduced by Story. The Use and Abuse of Narrative, New York, New York Review Books, 2022.
Butter Michael ; Knight Peter (dir.), Routledge Handbook of Conspiracy Theories, Londres / New York, Routledge, 2020.
Caïra Olivier, Définir la fiction. Du roman au jeu d’échecs, Paris, Éditions de l’EHESS, 2011.
Carignan Marie-Ève ; Morin David, Mon frère est complotiste. Comment rétablir le lien et le dialogue social, Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2022.
Chaudet Chloé ; Rialland Ivanne (dir.), dossier « Fictions du complot », ELFe XX-XXI, n°12, automne 2023 (en ligne), URL : https://journals.openedition.org/elfe/4898.
Chaudet Chloé, « Comparatisme et imaginaire du complot », Recherche Littéraire / Literary Research, vol. 39, automne 2023, p. 163-185. Revue consultable en ligne : https://www.peterlang.com/document/1418255.
Chelebourg Christian ; Faivre Antoine (dir.), Secrets, complots, conspirations [actes du colloque Cerisy de 2016], Cadillon, Le Visage vert, 2021.
Courtés Joseph, Greimas Algirdas-Julien et al., « Motif », in Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage [1979], Paris, Hachette, 2013, p. 237-238.
Danblon Emmanuelle ; Nicolas Loïc (dir.), Les Rhétoriques de la conspiration, Paris, CNRS Éditions, 2010.
Delouvée Sylvain ; Lo Monaco Grégory ; Rateau Patrick (dir.), Les Représentations sociales. Théories, méthodes et applications, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, 2016.
Delouvée Sylvain ; Dieguez Sebastian, Le Complotisme. Cognition, culture, société, Bruxelles, Mardaga, 2021.
France Pierre, « Méfiance avec le soupçon ? Vers une étude du complot(isme) en sciences sociales », Champ pénal / Penal field, vol. 17, 2019 (en ligne), URL : https://journals.openedition.org/champpenal/10718.
Girardet Raoul, Mythes et mythologies politiques, Paris, Le Seuil, 1986.
Jameson Fredric, La Totalité comme complot. Conspiration et paranoïa dans l’imaginaire contemporain [The Geopolitical Aesthetic. Cinema and Space in the World System, 1992], trad. Nicolas Vieillescazes, Paris, Les Prairies ordinaires, 2014.
Kalifa Dominique, Les Bas-fonds. Histoire d’un imaginaire, Paris, Le Seuil, 2013.
Knight Peter, Conspiracy Culture. From Kennedy to The X Files, Londres / New York, Routledge, 2000.
Kreis Emmanuel, Les Puissances de l’ombre. La théorie du complot dans les textes, Paris, CNRS Éditions, 2012.
Lavocat Françoise, Fait et Fiction. Pour une frontière, Paris, Le Seuil, 2016.
Leiduan Alessandro, Umberto Eco et les théories du complot. Contre le complotisme. Au-delà de l’anticomplotisme, Nice, Ovadia, 2019.
Mannoni Pierre, Les Représentations sociales [1998], Paris, Presses universitaires de France, 2016.
Moscovici Serge, « Reflections on the Popularity of “Conspiracy Mentalities” », International Review of Social Psychology, vol. 33, n°1, 2020, p. 1-13.
Popovic Pierre, Imaginaire social et folie littéraire. Le Second Empire de Paulin Gagne, Montréal, Presses de l’université de Montréal, 2008.
Schaeffer Jean-Marie, Pourquoi la fiction ?, Paris, Le Seuil, 1999.
Tardy Jean-Noël, L’Âge des ombres. Complots, conspirations et sociétés secrètes au XIXe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 2015.
Ziolkowski Theodore, Cults and Conspiracies. A Literary History, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2017.
Comité scientifique
- Nicolas Aude, Sorbonne Université, CRLC
- Marie-Ève Carignan, Université de Sherbrooke, Chaire UNESCO-PREV
- Chloé Chaudet, Université Clermont Auvergne, CELIS/IUF
- Mathieu Colin, Université de Sherbrooke, Chaire UNESCO-PREV
- Sylvain Delouvée, Université Rennes 2, LP3C
- Sebastian Dieguez, Université de Fribourg, LCNS
- David Morin, Université de Sherbrooke, Chaire UNESCO-PREV
- Ivanne Rialland, Université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines, CHSHC
- Stéphanie Tremblay, Université du Québec à Montréal, Centre de recherche interdisciplinaire sur la diversité et la démocratie
- Anna C. Zielinska, Université de Lorraine/CNRS, AHP-PReST
Source de l'information : Chloé Chaudet