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Fiction de la rencontre dans le guide touristique et le récit de voyage : "Dans les forêts de Sibérie" de Sylvain Tesson (2011) et le "Petit Futé Sibérie" (2017)

ARTICLE

Aux xvie et xviie siècles, les récits de voyage, alors relativement factuels et peu centrés sur le ressenti de leurs auteurs, constituaient une des seules sources d'information sur les pays lointains. Le voyageur du xxie siècle dispose en revanche d’un vaste choix de guides de voyage. Ces guides, qui ont au premier abord une valeur essentiellement informative, mêlent cependant réalité et romanesque. Dès lors, le lecteur est en droit de se demander dans quelle mesure la fiction affecte la fonction informative et référentielle de son guide. L’indétermination du statut référentiel ou fictionnel de structures ou passages se trouvant dans deux œuvres non-fictionnelles représente la problématique centrale de cette étude. Il s’agira d’identifier ces structures et passages, de montrer qu’ils créent un espace de rupture dans le pacte référentiel, et de formuler des hypothèses quant à leur fonction dans le texte. Le sujet sera abordé à travers l’analyse de deux textes référentiels centrés sur une même destination mais de natures différentes : le Petit Futé Sibérie 2017-2018, guide de voyage touristique n’ayant pas de visée littéraire, et Dans les forêts de Sibérie (2011) de l’écrivain primé Sylvain Tesson, récit de voyage relevant du pacte autobiographique qui narre sous forme de journal six mois d'ermitage au bord du lac Baïkal et qui n’a pas la fonction informative et pratique d’un guide.

La fiction demeure au centre des études littéraires [1] et la littérature non-fictionnelle jouit d’un statut moins prestigieux, du fait de sa dépendance à une réalité empirique [2] . Pourtant, autant Sylvain Tesson que les auteurs du Petit Futé, qui écrivent des récits a priori référentiels, mettent en place des stratégies narratives qui peuvent être vues comme étant empruntées à la fiction. Le caractère fictionnel de certains passages n’est pas nécessairement déclaré et rompt le pacte référentiel.

À travers l’étude de ces deux textes, cet article interroge les formes que revêt la fiction dans le récit et le guide de voyage, et contribue plus largement au champ d’étude sur la place de la fiction dans la littérature non-romanesque. Après un bref essai de typologie distinguant guide et récit de voyage, j’aborderai la ‘fictionnalisation’ de la rencontre avec l’Autre dans le Petit Futé. Cette approche répond à la nécessité de soumettre la représentation de l’Autre à un examen attentif, à l’heure où les études postcoloniales nous poussent à nous questionner sur la façon dont les voyageurs acquièrent des connaissances sur Autrui et les diffusent ensuite à travers certaines représentations. J’examinerai ensuite la ‘fictionnalisation’ de la rencontre avec soi-même dans le récit de Tesson, ce qui m’amènera à me pencher brièvement sur les correspondances entre récit de voyage et littérature romanesque.

À contrecourant de la position méthodologique qui considère les guides et récits de voyage comme des produits culturels plutôt que littéraires [3] , cette étude part du principe qu’ils réorganisent la réalité empirique au moyen de stratégies narratives spécifiques, qu’il est utile d’étudier en prenant appui sur les outils de la narratologie et les théories de la littérature viatique.

Récit de voyage et guide touristique : genèse et typologie

Récits et guides de voyage se distinguent par leurs formes, fonctions et buts. Le mépris traditionnellement réservé au guide touristique s’explique par l’histoire de la littérature viatique. Il ne s’agit pas ici de faire un historique du dédain associé à la figure du touriste, qui a déjà été traité et déconstruit par des critiques tels que Jean-Didier Urbain dans L’Idiot du Voyage [4] . Il s’agit plutôt de retracer les grandes lignes de cette opposition, qui explique la différence de valeur attribuée au récit de voyage et au guide de voyage. Agnieszka Sobocinska et Richard White expliquent que le récit de voyage commence à se dissocier du guide touristique au début du xixe siècle. Initialement, les voyageurs aisés entreprenaient soit un pèlerinage, soit un « Grand Tour », dont le but était d’atteindre une transformation morale, spirituelle ou intellectuelle profitable à la société [5] . Le plaisir ressenti en chemin devait demeurer secondaire, sous peine de voir le voyage considéré comme « frivole » et non «sérieux» [6] . Aussi le touriste du xxie siècle hérite-t-il du dédain précédemment associé aux voyages entrepris simplement pour le plaisir. Avec l’avènement du Romantisme, une autre hiérarchie s’établit : alors que le touriste suit la masse de ses pairs vers des destinations familières, le voyageur véritable s’engage dans des aventures solitaires accompagnées de souffrances [7] .

Comme en témoigne le récit de Sylvain Tesson, qui narre avec enthousiasme les efforts physiques que lui demande sa vie au bord du lac Baïkal, les récits de voyage présentent aujourd’hui encore la souffrance sous un jour favorable, voire comme un moyen d’élévation morale. De Henry David Thoreau à Tesson, les écrivains-voyageurs des xixe, xxe et xxie siècles ont affirmé leur différence par un rejet de la modernité et du consumérisme qui s’est parfois accompagné d’un retrait du monde On comprend donc que le guide touristique, étant par essence un objet marchand inséré dans une logique de profit, suscite ainsi « mépris et moquerie » [8] . Sobocinska et White attirent l’attention de leurs lecteurs sur le fait que la supériorité morale supposée du récit de voyage, et plus précisément celui du voyage d’aventure, dissimule l’inquiétude d’une élite et sert à maintenir une hiérarchie aristocratique entre le voyageur et le touriste [9] .

Si l’on quitte la vision historique pour se pencher sur la forme du guide d’aujourd’hui, on peut noter qu’il se distingue du récit de voyage par des critères formels, dont le plus notable est l’usage de la voix narrative. Au xixe siècle [10] la littérature viatique se scinde en deux, et le guide touristique passe d’un récit à la première personne du singulier à un récit à la première personne du pluriel qui suggère une expérience universalisable, avec cependant des exceptions récentes. Le Lonely Planet d’aujourd’hui préfère par exemple un narrateur idiosyncratique à l’objectivité des guides Baedeker du début du xxe siècle [11] . Le Petit Futé Sibérie adopte un « nous » ou un « on » impersonnel, alors que le récit de voyage Dans les forêts de Sibérie se présente comme un journal autobiographique à la première personne du singulier. Aujourd’hui, de nombreux critiques définissent avant tout le récit de voyage par la subjectivité de l’auteur-narrateur : c’est par exemple le cas d’Helen Carr pour qui la forme de ces récits se fit plus subjective au xxe siècle [12] , de Casey Blanton, pour qui le récit de voyage « met en scène un investissement de soi dans le monde [13] », et de Sara Wheeler et Dea Birkett, qui assurent que l’interprétation de l’écrivain-voyageur a plus d’importance que la destination qu’il choisit. [14] Si l’on en croit Tim Youngs, l’importance accrue donnée à la subjectivité du narrateur est une réaction à l’anonymat du tourisme de masse [15] . Les caractéristiques comparées des deux genres littéraires, leurs buts, les valeurs qui y sont associées, les voyages qu’ils décrivent, la voix avec laquelle ils le font, pourraient être résumées comme suit, tout en gardant à l’esprit la porosité des catégories :

Guide de voyage Récit de voyage
Supposé utile, pratique

Voyage reproductible

Vérifiable

Visant le confort

Temps limité

Voix collective « on », « nous » (remise en cause par certains guides)

Considéré comme moralement inférieur car à visée ludique et invitant le touriste à s’immerger dans des décors soi-disant mis en scène [16]

Sans visée pratique, but artistique/esthétique

Voyage ou série de voyages uniques

Invérifiable car autobiographique

Souffrances liées à une transformation morale

Temps étendu

Voix personnelle du « je »

Considéré comme moralement supérieur car lié à la perspective d’une transformation morale et spirituelle [17]

 

Tromperie sur la rencontre avec l’Autre dans le Petit Futé
Le Sibérien type vous attend

Dans le Petit Futé Sibérie 2017-2018, les rencontres avec les populations autochtones sont racontées comme des fictions, mais non déclarées comme telles. Le guide entretient une indétermination ontologique trompeuse sur la nature de ces rencontres. Pour l’écrivain américain Paul Fussell, les guides se distinguent des récits de voyage car ils « ne sont pas autobiographiques et ne reposent pas sur un récit qui recours à des stratégies fictionnelles » [18] . Je retiendrai le critère autobiographique comme déterminant dans l’opposition de ces deux genres littéraires. En revanche, le guide recourt bien à ce qui peut être considéré comme des « stratégies fictionnelles », par exemple quand le Petit Futé affirme qu’en prenant le Transsibérien, « vous ferez à coups sûrs des rencontres passionnantes » [19] . Dans un encadré d’une demi-page qui s’intitule « Rencontres sibériennes… », les auteurs décrivent brièvement cinq rencontres avec des autochtones [20] . En voici deux :

Entre Krasnoïarsk et Omsk, un jeune homme de 20 ans retourne au service militaire après un congé d’un mois et demi où il a retrouvé sa famille et sa fiancée. Désespéré, il fait part de ses craintes de la perdre. 

[…]

Entre Novossibirsk et Krasnoïarsk, un Azerbaïdjanais cherche une compagnie pour partager les kilos de victuailles et les litres de vodka qu’il a apportés. On le retrouve en compagnie des provodnisti [hôtesses du wagon] dont l’une essaie de reprendre courage avec une boisson alcoolisée [21] .

Ces exemples n’ont pas de fonction informative ou pratique, mais font un catalogue de personnages types. Sans les éléments ici italicisées, on pourrait les croire tirés d’un récit de voyage plutôt que d’un guide. Dans les segments italicisés on remarque une impersonnalité et une absence du pronom de la première personne qui sont deux traits typiques du style de cette édition du Petit Futé, qui n’emploie jamais le « je ». Ainsi, on peut lire « il fait part » plutôt qu’« il me fait part », et « on le retrouve » plutôt que « je le retrouve ».

Ces exemples posent trois problèmes. Premièrement, rien ne signale avec certitude le statut référentiel ou fictionnel de ces rencontres, qui peuvent donc être considérées comme trompeuses. Elles sont certes introduites par une phrase qui suggère qu’elles ont eu lieu : « [v]oici quelques exemples de personnes rencontrées dans le Transsibérien » [22] . Cependant, en raison de l’absence d’ancrage dans une situation d’énonciation, le lecteur ne sait pas si ces rencontres ont eu lieu dans la réalité (rencontres faites par les auteurs du guide), dans une œuvre de fiction (rencontres faites par des personnages de roman ayant pris le Transsibérien) ou si elles sont données à titre indicatif car elles pourraient avoir lieu lorsque le lecteur-voyageur se trouvera dans le Transsibérien. Autrement dit, elles pourraient être vraies, intertextuelles-fictionnelles ou potentielles et hypothétiques.

Le problème qui se pose ne vient pas de la présence d’éléments fictionnels dans un texte référentiel. La fiction est souvent incorporée dans la dynamique discursive de textes référentiels. Pour Dominique Vaugeois, le contrat fictionnel ou référentiel n’est pas figé dès les premières lignes, mais est sans cesse renégocié au fil des pages [23] . Dans ces cas de renégociation, la présence de la fiction demeure cependant claire, car le texte comporte des signes qui indiquent la modification de l’intention de l’auteur, qui est dans le « faire-semblant » et non dans le mensonge. Puisqu’il y a fiction, il n’y a normalement pas de volonté de « tromp[er] le lecteur sur le statut ontologique des êtres » [24] . Selon John Searle, la fiction se distingue en effet du mensonge car elle n’a pas l’intention de tromper [25] . Ce qui distingue la fiction du mensonge, selon Searle, c’est aussi que l’auteur de fiction s’inscrit dans un «ensemble distinct de conventions qui [lui] permet de faire mine d’affirmer des choses qu’il sait ne pas être vraies sans pour autant avoir l’intention de tromper» [26] . Un texte peut par exemple annoncer sa nature fictionnelle de façon implicite lorsque derrière l’énoncé se dessinent des formules telles que «[i]maginez que…» ou « [p]ar la présente je souhaite susciter dans votre esprit l’histoire fictionnelle de… », si l’on en croit Genette [27] .

Cependant, dans les exemples extraits du Petit Futé, il semble y avoir volonté de maintenir une indétermination ontologique, voire de « tromp[er] le lecteur sur le statut ontologique des êtres de fictions » pour reprendre les mots de Frank Wagner [28] . Puisqu’un guide touristique appartient à la littérature non-fictionnelle et qu’il suscite des attentes référentielles de la part de ses lecteurs, nous pouvons nous demander, comme Dominique Vaugeois le fait de façon plus générale, si ce n’est pas précisément « là, quand toutes les garanties du discours sérieux sont en place, qu’il faut le plus se méfier de l’effet de fiction » [29] .

Il serait d’autant plus valide de qualifier les rencontres du Petit Futé de mystifications plutôt que de fictions et d’exercer une certaine suspicion vis-à-vis d’elles au vu de la phrase qui les clôt : « Moult autres personnes […] attendent de partager un morceau de leur vie avec des voyageurs curieux » (166). Nous arrivons ici au deuxième problème : l’Autre est décrit comme disponible, prêt à recevoir le voyageur et à satisfaire sa curiosité. En somme, il est prêt à être consommé. Examinons le discours du guide à la lumière des stratégies d’« anti-conquête » identifiées par Mary Louise Pratt [30] , qui se penche sur le discours de voyageurs bourgeois de la fin du xixe siècle, qui, sous couvert de voyages désintéressés, notamment à visée scientifique, s’approprient le monde à travers des systèmes de classifications, et perpétuent ainsi la domination européenne. Pratt montre que ce voyageur bourgeois pose un regard faussement innocent sur l’étranger, et réordonne la diversité du pays : « [l]’œil “commande” à ce qui tombe sous son regard, les montagnes et les vallées “se dévoilent”, “présentent une image” ; le pays “s’ouvre” à ses visiteurs », il « s’offre » à eux » [31] . Un même lexique de la disponibilité se retrouve dans le Petit Futé 2017-2018 de façon récurrente. Cette représentation de l’Autre pose question car elle est centrée sur le visiteur, qui serait attendu par les autochtones, et sur la satisfaction unilatérale de ses attentes par ses hôtes. Il faut cependant noter que le guide invite ses lecteurs à emporter des photos de leur famille avec eux, afin de satisfaire la curiosité des Russes dans un rare geste de réciprocité.

Des rencontres garanties

Un troisième problème lié à la référentialité du guide se présente quand il promet, mieux, garantit ces rencontres au moyen d’un futur à valeur éventuelle augmenté d’une locution à valeur adverbiale dénotant la certitude : « vous ferez à coups sûrs des rencontres passionnantes » [32] . Ce type de futur est disséminé dans tout le guide, et le plus souvent la proposition subordonnée conditionnelle est gommée, ce qui donne l’impression d’un futur assuré et non conditionnel. Ce futur régit non seulement les découvertes que les touristes feront, mais encore leurs réactions et émotions, ainsi que celles des autochtones. On trouve ainsi des formules telles que : « la Sibérie vous emportera dans des aventures incroyables » [33] et « les esprits aventuriers y trouveront de quoi satisfaire leur curiosité » [34] , etc. Le guide propose deux scripts : un scénario comportemental que les populations autochtones sont supposées de suivre (elles doivent être disponibles, bavardes, etc.), et un parcours géographique et émotionnel fléché pour les touristes. Le guide anticipe en effet les réactions émotionnelles de ces derniers, comme dans l’exemple suivant : « [v]ous serez émerveillés par la pointe [de l’île Mys Khoboï] d’où l’on domine le lac Baïkal du haut de falaises acérées tombant à pic » [35] . On annonce également la surprise ressentie par le touriste au moyen de formules telles que « [r]échauffez-vous en achetant aux nombreux vendeurs un omoul fumé (un poisson que l’on ne trouve que dans le lac). Sa chair fondante vous surprendra » [36] , ou on prédit son ressenti : « [u]ne forêt de sapins entoure ce petit coin de paradis qui ne manquera pas de vous émouvoir » [37] .

Outre que les émotions promises relèvent de l’éventuel et sortent donc du cadre référentiel, elles appellent les questions suivantes : si le touriste qui suit les étapes conseillées par le guide ressent effectivement de la surprise ou de la joie comme l’avait anticipé le Petit Futé, cela signifie-t-il que les informations données par cet ouvrage étaient vérifiables et donc référentielles ? Ou bien les sentiments du touriste sont-ils alors une simple répétition du script qui, en les précédant, les aurait prédéterminées ?

Synecdoque ethnographique : chamanisme et « visage bouriate »

Il paraît également nécessaire de porter notre attention sur une anomalie liée à l’aspect représentatif du Petit Futé Sibérie. Lorsqu’il s’agit de dépeindre la population locale, les auteurs du guide créent un personnage exotique que l’on pourrait clairement considérer comme fictif, n’était la proposition implicite qui suggère que ce personnage incarne l’essence de la Sibérie et s’y rencontre fréquemment en chair et en os. Le Petit Futé voudrait persuader ses lecteurs que le Sibérien-type pratique des rites chamaniques ancestraux. La section introductive consacrée aux religions explique clairement que la population russe compte 42,5% d’orthodoxes, 6,9% de musulmans et 0,4% de bouddhistes [38] . Le guide consacre ensuite une page à l’orthodoxie, puis quatre au chamanisme, sans que le lecteur n’ait jamais su la proportion que le chamanisme représente dans la population russe. Plutôt que de se concentrer sur une part quantitativement représentative de la population russe (les orthodoxes), le guide sur-représente le chamanisme. Il comporte peu de photos, pourtant on en trouve trois d’un même rite chamanique utilisées pour illustrer tour à tour le chamanisme, les costumes traditionnels bouriates et la danse bouriate [39] .

L’analyse critique que James Clifford fait des méthodes ethnographiques nous permet de comprendre le biais associé à ce choix. Au lieu de représenter « l’état actuel de la création et de l’art tribaux » d’un monde toujours vivant et changeant, le Petit Futé sur-représente « un monde primitif qui aurait besoin d’être préservé, rédimé et représenté » [40] . Ce choix peut s’expliquer par le désir de surmonter « la discontinuité de la modernité » [41] , que Dean MacCannell identifie comme une des motivations qui poussent les touristes à voyager. Il peut aussi s’expliquer par le désir de se détacher de ce que Clifford nomme les « inventions diluées d’un présent syncrétique » [42] , par nostalgie d’un âge d’or qui l’aurait moins été.

Sur ce point, il semble y avoir eu peu d’évolution depuis le début du xxe siècle, époque des Guides Bleus sévèrement critiqués par Roland Barthes :

Pour le Guide Bleu, les hommes n’existent que comme “types”. En Espagne par exemple, le Basque est un marin aventureux, le Levantin un gai jardinier, le Catalan un habile commerçant et le Cantabre un montagnard sentimental. On retrouve ici ce virus de l’essence […] [43] .

Dans le Petit Futé, ce mythe du « type » s’incarne dans le visage d’enfants bouriates. Deux portraits montrent le visage rond d’un enfant souriant, les yeux en amande. Sous la seconde photo ne figure que la légende suivante : «[v]isage bouriate » [44] . Ainsi, un visage bouriate signifie tous les visages bouriates. À l’instar des ethnographes dont James Clifford commentait le travail, les éditeurs du guide « transforme[nt] les ambiguïtés et la diversité rencontrées sur le terrain en un portrait unifié » [45] . Ils répondent ainsi à une exigence capitaliste de rationalisation du temps : le touriste n’a pas le temps d’apprécier la diversité sibérienne et il est nécessaire qu’il puisse saisir des catégories entières à partir de signes clairs [46] , d’où l’importance de la synecdoque, figure de style consistant à saisir un tout à travers une de ses parties. La mystification apparaît d’autant plus frappante lorsqu’on tente d’inverser le rapport regardé-regardant : imaginez par exemple que la photo d’un(e) Français(e) de votre connaissance apparaisse dans un guide vendu sur un autre continent, avec comme seule légende « un visage français ».

Dans les forêts de Sibérie : Fiction de la rencontre avec soi-même
Pacte autobiographique dans le récit de voyage

Pour aborder la question de la fiction dans le récit de voyage, il faut tout d’abord rappeler que le pacte référentiel y est articulé autour d’un pacte autobiographique. Ce pacte est cependant altéré par l’absence fréquente de référence à la situation d’énonciation, c’est-à-dire le moment où le texte est réécrit et édité. Ce pacte est aussi compromis par le caractère hybride du genre du récit de voyage, qui emprunte certaines structures au roman ; par exemple, on peut considérer que la fiction s’invite dans le récit dès lors qu’il se présente sous la forme d’une quête.

Une autobiographie est un texte référentiel qui raconte la vie d’une personne réelle et se distingue ainsi des œuvres de fiction [47] . Selon Philippe Lejeune, le pacte autobiographique entre auteur et lecteur est respecté si l’identité de l’auteur, du narrateur et du personnage correspondent : « [l]a personne qui énonce le discours doit permettre son identification à l’intérieur même de ce discours » [48] (p.15). La seconde pierre angulaire du pacte autobiographique est l’exigence de véridicité, soit la conformité à une vérité, énoncée sans dissimulation. Elle correspond au pacte référentiel. Lorsque Sylvain Tesson se présente aux lecteurs sous un jour défavorable, ceux-ci peuvent y voir un respect de l’exigence de sincérité ou du moins le respect d’une convention d’écriture propre au pacte autobiographique :

Que suis-je ? Un pleutre, affolé par le monde, reclus dans une cabane, au fond des bois. Un couard qui s’alcoolise en silence pour ne pas risquer d’assister au spectacle de son temps ni de croiser sa conscience faisant les cent pas sur la grève [49] .

Cependant, l’effet de témoignage et d’immédiateté du journal intime pose question. Si l’on en croit Genette, « l’effet de témoignage » est « fictif » et « abusif » quand il « ne suggèr[e] pas seulement un « j’y étais », mais un « j’y suis encore » […] : un effet de présence » [50] . Or, l’effet de témoignage est une caractéristique centrale des récits de voyage, comme le souligne Simon Cooke, qui s’appuie sur Elsner et Rubiés : « [l]a revendication de vérité du témoin oculaire est assurément un composant de premier plan dans de nombreux récits de voyage. Comme le font remarquer Elsner et Rubiés, la “position rhétorique qui revendique l’autorité de l’observateur direct” peut être vue comme “un mécanisme fondamental de légitimation de ce genre littéraire” » [51] . Le rôle du témoin représente selon Holland et Huggan une stratégie de persuasion visant à attester de l’authenticité des faits [52] . Nous pouvons supposer que les pactes autobiographique et référentiel basés sur le témoignage influencent l’ « horizon d’attente » [53] du lecteur qui s’attend à un récit rendant compte de la réalité. Pas de « suspension volontaire de l’incrédulité » au seuil d’un récit référentiel. Or, cet effet d’authenticité masque l’activité de remémoration à l’origine du récit et la distance entre le moment de l’action et ceux de la rédaction et de l’édition. Il fait oublier que le livre est « un objet décontextualisé, le lien à la réalité corporelle du voyage [étant] à jamais rompu » [54] . Le caractère « abusif » du témoignage identifié par Genette peut en outre s’expliquer par le fait que le récit se base sur une activité de remémoration individuelle, ce qui signifie que la réalité extratextuelle à laquelle est relié le texte relève d’une interprétation personnelle, plutôt que d’une suite de faits vérifiables dont la réalité serait attestée par plusieurs sources. Par conséquent, comme la fiction, le récit autobiographique « se soustrait à toute tentative de vérification » [55] .

Le récit de voyage : un genre entre réalité et fiction

Les travaux en narratologie se sont longuement penchés sur « la possibilité ou l’impossibilité de mettre au jour des traits formels susceptibles d’autoriser une identification assurée du proprement fictionnel » [56] . D’un côté, Käte Hamburger et Dorrit Cohn « défendent l’hypothèse de l’existence de […] marqueurs ou d’indices textuels de fictionalité » [57] ; de l’autre, John Searle, Gérard Genette et Christine Montalbetti « entérinent un discours d’indiscernabilité » [58] . Pour Montalbetti, qui s’accorde avec Genette, « les indices formels de fictionalité (ou de référentialité) d’un texte [sont] éminemment réversibles » [59] , et peuvent être utilisés dans les deux types de textes. Pour Genette, il n’y a pas de « formes pures, indemnes de toute contamination » [60] , néanmoins, un texte pourra être identifié, dans sa globalité, comme fictionnel ou non fictionnel.

Le problème qui se pose au lecteur d’un récit de voyage est précisément le statut fictionnel ou non-fictionnel global de l’œuvre. Comme le soulignent nombre de théoriciens de la littérature viatique, le récit de voyage est à la lisière entre fictionnel et référentiel. Il adopte un style proche de la fiction [61] , ce qui en fait un « objet fabriqué, entre faits et fiction » [62] , et si l’on en croit Stacy Burton, ce genre littéraire accorde aujourd’hui plus d’importance à l’autobiographie et à l’interprétation personnelle de l’auteur qu’à la collecte d’informations documentaires visant l’objectivité scientifique [63] . Pour Janicke Stensvaag Kaasa, qui s’appuie sur les œuvres de Blanton et de Holland et Huggan, le récit de voyage partage de nombreuses caractéristiques avec le roman : il est centré sur un personnage, organisé en séquences, et narré de façon à s’assurer l’attention du lecteur [64] . Selon John Tallmadge, le succès du récit de voyage s’explique par l’articulation de l’exploration autour d’une intrigue et d’une personnalité idiosyncratique : le récit «doit être à la fois un compte-rendu exact et une bonne histoire» [65] .

Quête de sens et nécessaire transformation de soi

Dans le récit de voyage, l’aspect romanesque ou fictionnel est visible au niveau de la structure. Comme dans le guide touristique, la présence de la fiction dans le récit de voyage relève d’un désir de donner un sens unifié à l’expérience. Comme l’ont souligné Peter Hulme and Tim Youngs [66] , dans le récit de voyage, la narration est souvent séquentielle, chronologique et géographiquement linéaire, quoique des récits tels que « Voyage dans l’hyperréalité » d’Umberto Eco (“Nel cuore dell’impero: viaggio nell’iperrealtà”, 1975 [67] ), Video Night in Kathmandu de Pico Iyer (1988) ou Terra Incognita : Travels in Antarctica de Sara Wheeler (1996) fassent exception à cette linéarité, notamment parce qu’ils suivent des déplacements en avion.

Il est fréquent que le récit de voyage prenne la forme d’une quête au terme de laquelle le voyageur connaît une métamorphose, une remise en cause de ses préjugés ou un changement moral. Cet impératif de transformation n’est pas sans rappeler l’objectif d’élévation spirituelle et morale des pèlerins et Grand Touristes des xviie et xviiie siècles. On y discerne également l’influence de la sensibilité romantique de la fin du xviiie siècle, qui mit l’accent sur l’écriture de soi. La transformation des voyageurs des xxe et xxie siècles se concentre sur l’individu et n’a plus la vocation sociale du Grand Tour, qui supposait que le voyageur aisé partage, une fois de retour, ses acquis avec la société. Ainsi, Tesson, lassé de la société consumériste, vitupérant contre les velléités destructrices des hommes qui déforestent, polluent l’environnement et ravagent la faune, ne cherche pas à agir contre ces maux, mais à vivre en ermite loin d’eux et, selon la préface de son récit, à trouver la paix pour lui-même.

L’impératif de transformation appelle une structure de récit initiatique, avec une situation initiale (dans le pays de résidence), un élément perturbateur (le désir ou la raison du voyage), des aventures qui prennent la forme de rencontres, de choix, de difficultés, et enfin, un état final qui suppose la découverte de nouvelles valeurs. Le récit de Tesson comporte un état initial – sa vie à Paris, qu’il juge vide ; ses voyages, auxquels il ne trouve plus de sens – et un état final : la paix qu’il dit retrouvée. Dans la préface, il résume son voyage en lui donnant la forme d’une transformation :

Je me suis installé pendant six mois dans une cabane sibérienne sur les rives du lac Baïkal, à la pointe du cap des Cèdres du Nord.

[…]

J’ai connu l’hiver et le printemps, le bonheur, le désespoir et, finalement, la paix. Au fond de la taïga, je me suis métamorphosé. L’immobilité m’a apporté ce que le voyage ne me procurait plus. Le génie du lieu m’a aidé à apprivoiser le temps [68] .

Cependant, les conclusions de la préface sont contredites par le contenu du journal. D’abord, parce que les randonnées hebdomadaires de Tesson et les visites des gardes-forestiers russes occupent autant de place que son immobilité. Ensuite, parce que son récit s’achève non pas sur un tableau de paix mais sur un tableau de mort avec le massacre d’une couvée d’eider par sa chienne [69] . Cette scène fait écho à l’élément perturbateur principal, qui est le message de rupture envoyé par sa compagne au cinquième mois de son séjour [70] . L’élément perturbateur intervient donc à une étape avancée du voyage, menace le charme du séjour, et est métaphoriquement répété à la fin du livre, où la beauté du lieu est une nouvelle fois détruite par le geste imprévu et destructeur d’un être féminin. Ainsi, il ne semble pas y avoir de résolution du « désespoir » en « paix », comme l’indiquait la préface. L’impératif de transformation annoncé dans cette préface est en outre remis en cause lorsque le voyage est interrompu à mi-parcours par le renouvellement du visa de Tesson. Contraint de quitter les forêts pour se rendre en ville et y effectuer cette demande, il est incapable d’emmener avec lui la paix acquise au bord du lac :

Je m’arrache au lac, monte dans des avions, fais le siège d’agents diplomatiques et culturels […] obtiens le tampon que je convoite, ferme mes écoutilles pour ne pas me faire aspirer par la grande ville, dors cinq heures par nuit tendu comme un arc, me saoule horriblement, jette à nouveau une cargaison de vivres et d’équipement d’été dans le coffre d’un camion, retourne d’où je viens […] [71] .

La structure de récit initiatique et l’idée d’une transformation apparaissent donc artificiellement superposées au texte en aval de son écriture, d’autant plus que la préface s’intitule « [u]n pas de côté » [72] , ce qui suggère que ces six mois en Sibérie n’ont pas d’incidence durable sur sa vie mais se situent en marge [73] . S’il n’y a pas de transformation à long terme, la fonction initiatique du voyage narré est à reconsidérer, et la « transformation » semble purement rhétorique. Le récit est construit de telle façon que le lecteur doute que cette transformation ait une fonction référentielle, ce qui met en lumière son caractère et sa fonction romanesques et fictionnelles.

Conclusion

On peut faire remonter la question de « la valeur de vérité de la représentation » qui hante le genre de la littérature de voyage à l’historien et géographe grec Hérodote, qui mettait sur le même plan légendes et faits [74] . Malgré leur statut de textes référentiels, le guide et le récit de voyage empruntent à la fiction. Le guide construit une mythologie selon l’acception barthésienne. Il prétend offrir une connaissance de l’Autre, alors qu’il masque en vérité le visage de l’altérité et le recouvre de types. Le récit de voyage cherche également à donner un sens unifié à l’expérience de la diversité, mais, comme il repose sur une subjectivité assumée par le « je » de l’auteur, il construit un imaginaire donné comme subjectif plus qu’une mythologie. Nous pouvons dire que dans le guide, le script garantissant une rencontre avec l’Autre qui n’est pas assumée comme fiction relève du mensonge. Par contre, dans le récit de voyage, la structure de quête garantissant la transformation du héros apparaît plutôt comme une transplantation venue de la littérature romanesque. Les récits de voyage contemporains semblent cependant peiner à unifier l’expérience du voyageur. Comme l’explique Stensvaag Kaasa, il arrive que le narrateur se révèle incapable de donner un sens à ses aventures [75] . Les faits apparaissent alors comme des « fictions », comme des versions possibles, et « l’interprétation [de l’auteur] n’apporte rien de plus que de nouvelles versions [de ces faits] » [76] . À l’opposé du guide touristique, qui repose sur l’assurance d’une certitude, la fonction de l’écrivain de voyage postmoderne serait peut-être alors de rappeler les limites de la connaissance.

Il y aurait encore beaucoup à écrire sur les interrogations soulevées par le fonctionnement des éléments fictionnels dans les stratégies de persuasion de ces textes référentiels, notamment en ce qui concerne la place de la fiction introduite par l’intertextualité et la perception par le lecteur d’éléments textuels comme fictionnels ou non. L’intertexte pose la question d’une fuite vers le passé et d’un refus de la référence, étant donné que le Petit Futé et Dans les forêts de Sibérie recouvrent la Russie actuelle avec des citations tirées de la littérature du xixe siècle. Tesson, qui accorde autant de place à son expérience de pêcheur et de randonneur qu’à son expérience de lecteur invite ainsi son lectorat à se poser la question du rôle de l’imagination dans la production de la connaissance – celle de soi-même et celle de l’Autre. La place considérable accordée à l’intertexte dans son récit suggère qu’il fuit davantage la référence à la modernité que le guide de voyage, qui, cependant, passe sous silence l’actualité de la Russie qui serait susceptible d’apparaître comme trop politiquement clivante. Le lecteur est en droit de se demander s’il se trouve toujours dans un texte référentiel, quand le Petit Futé dit à ses lecteurs que « [j]usqu’en 2014, la Russie faisait partie du G8 » [77] , sans jamais expliquer la raison pour laquelle elle n’en fait plus partie.

Notes

  • [1]

    Comme souligné par Frank Wagner, les outils de la narratologie se sont développés au contact de la fiction. Frank Wagner. « Le récit fictionnel et ses marges : état des lieux », version assez largement développée et remaniée d’une communication présentée à l’EHESS le 3 mai 2005, dans le cadre du séminaire du CRAL (EHESS/CNRS), « La narratologie, aujourd’hui », organisé par Francis Berthelot, John Pier et Jean-Marie Schaeffer (http://www.vox-poetica.org/t/articles/wagner2006.html. Consulté le 12.08.2019. §3).

  • [2]

    Cette explication du statut mineur de la littérature de voyage est avancé par Steve Clark. Selon lui, le manque de prestige de ce genre littéraire s’explique en partie pour les raisons suivantes : « too dependent on an empirical rendition of contingent events, what happened to happen, for entry into the literary canon ». Steve Clark, Travel Writing and Empire: Postcolonial Theory in Transit, Londres, Zed Books, 1999, cité par Simon Cooke, Travellers’ Tales of Wonder: Chatwin, Naipaul, Sebald, Edinburgh University Press, 2013. p.17.

  • [3]

    Simon Cooke, op. cit., p.6.

  • [4]

    Jean-Didier Urbain, L’Idiot du voyage, Paris, Payot, 2002

  • [5]

    Agnieszka Sobocinska et Richard White, “Travel Writing and Tourism”, dans Nandini Das et Tim Youngs (éds.), The Cambridge History of Travel Writing, Cambridge University Press, 2019. p.565.

  • [6]

    Ibid., p.565. Ma traduction.

  • [7]

    Ibid., p.567.

  • [8]

    Sobocinska et White, op.cit., p.568. Voir aussi Patrick Holland et Graham Huggan, Tourists with Typewriters, Critical Reflections on Contemporary Travel Writing, Ann Arbor (MI), The University of Michigan Press, 1998, p.62. Ma traduction.

  • [9]

    Argument aussi avancé par Caren Kaplan : « I have already argued that the rejection of tourism in favor of “pure traveling” signals powerful anxieties about hierarchical values and the boundaries between sociopolitical and aesthetic distinctions in modernity ». C. Kaplan, Questions of Travel : Postmodern Discourses of Displacement, Durham (NC), Duke University Press, 1996, p.79.

  • [10]

    Sobocinska et White donnent l’exemple de Travels on the Continent de Starke, remanié et publié par John Murray en 1820. Op. cit., p.570.

  • [11]

    Sobocinska et White, op. cit., p.577-578.

  • [12]

    « Modernism and Travel (1880-1940) », dans Peter Hulme et Tim Youngs (éds.), The Cambridge Companion to Travel Writing, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p.70-86. p.74.

  • [13]

    « dramatized an engagement between self and world », p.ix. Ma traduction.

  • [14]

    « Introduction », dans Amazonian : the Penguin Book of Women’s New Travel Writing, Londres, Penguin, 1998, pp.viii-ix, cité par Tim Youngs, « Travel writing after 1900 », dans The Cambridge History of Travel Writing, op. cit., pp. 125-140. p.136.

  • [15]

    Op. cit., p.133.

  • [16]

    Voir par exemple Dean MacCannell, qui affirme que l’expérience du touriste est « toujours une tromperie », « inférieure à l’expérience simple » : « The touristic experience that comes out of the tourist setting is based on inauthenticity and as such it is superficial when compared with careful study. It is morally inferior to mere experience. A mere experience may be mystified, but a touristic experience is always mystified. The lie contained in the touristic experience, moreover, presents itself as a truthful revelation, as the vehicle that carries the onlooker behind false fronts into reality », p.102. Ma traduction.

  • [17]

    Supériorité morale remise en cause notamment par Mary Louise Pratt, qui critique la fausse innocence du récit de voyage et sa complicité dans la colonisation (Imperial eyes: Travel Writing and Transculturation, Londres, Routledge, 1995).

  • [18]

    « [Travel books] are not autobiographical and are not sustained by a narrative exploiting the devices of fiction ». Cité par Holland et Huggan, op. cit., p.9. Ma traduction.

  • [19]

    Dominique Auzias et Jean-Paul Labourdette (dir.), Sibérie, de l’Oural au Kamtchatcka, Petit Futé 2017-2018, Paris, Les Nouvelles Éditions de l’Université, 2017, p.165, je souligne.

  • [20]

    Ibid., p.166.

  • [21]

    Ibid., p.166. Je souligne.

  • [22]

    Ibid., p.166.

  • [23]

    Voir Dominique Vaugeois, « Implications théoriques d’une approche pragmatique de la fiction dans l’essai ». https://www.fabula.org/ressources/atelier/?Implications_th%26eacute%3Boriques_d%27une_approche_pragmatique_de_la_fiction_dans_l%27essai. Mis à jour le 6 Juin 2002. §4.

  • [24]

    Frank Wagner, op. cit., §9.

  • [25]

    John Searle, Sens et expression. Études et théories des acrtes de langage, trad.  par Joëlle Proust, Éditions de Minuit, 1982, p.109-111,  repris dans Christine Montalbetti (dir.), La fiction, Paris, Flammarion, 2001, p.60-62.

  • [26]

    John Searle, op. cit., p.109-111, dans La fiction, éd. Christine Montalbetti, op. cit., p.62.

  • [27]

    Wagner, op. cit., §11.

  • [28]

    Ibid., §9.

  • [29]

    Op. cit., §9.

  • [30]

    Op. cit., p.7. Ma traduction.

  • [31]

    Mary Louise Pratt, op. cit., p.60. Ma traduction.

  • [32]

    Dominique Auzias et Jean-Paul Labourdette, op. cit., p.163.

  • [33]

    Ibid., p.14.

  • [34]

    Ibid., p.352.

  • [35]

    Ibid., p.362.

  • [36]

    Ibid., p.356.

  • [37]

    Ibid., p.361.

  • [38]

    Ibid., p.102.

  • [39]

    Ibid., p.106, 349, 377.

  • [40]

    « a primitive world in need of preservation, redemption, and representation » ; « the present existence of inventive tribal cultures and arts ». James Clifford, The Predicament of Culture, Cambridge, Massachusetts, Harvard University, 1988, p.200. Ma traduction.

  • [41]

    « the discontinuity of modernity ». Dean MacCannell, The Tourist, New York, Schocken books, 1989, p.13. Ma traduction.

  • [42]

    « [T]he diluted inventions of a syncretic present ». James Clifford, op. cit., p.16. Ma traduction.

  • [43]

    Roland Barthes, Mythologies [1956], Paris, Éditions du Seuil, 1970, p.122.

  • [44]

    Dominique Auzias et Jean-Paul Labourdette, op. cit., p.377.

  • [45]

    « [T]he ethnographer transforms the research situation’s ambiguities and diversities of meaning into an integrated portrait ». James Clifford, op. cit., p.40.

  • [46]

    Voir Jonathan Culler: « The tourist is interested in everything as a sign of itself, an instance of a cultural practice: a Frenchman is an example of a Frenchman, a restaurant on the Left Bank is an example of a Left-Bank-Restaurant: it signifies “Left-Bank-Restaurantness”. All over the world the unsung armies of semioticians, the tourists, are fanning out in search of the signs of Frenchness, typical Italian behaviour, exemplary Oriental scenes, typical American truways, traditional English pubs ». The Pursuit of Signs: Semiotics, Literature, Deconstruction. Londres, Routledge, 1983, p.127.

  • [47]

    Annie Oliver, Le biographique, Paris, Hatier, 2001, p.8.

  • [48]

    Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1975, p.15.

  • [49]

    Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie, Paris, Gallimard, 2011, p.196.

  • [50]

    Marielle Macé, « Une lecture de “Métalepse”, Gérard Genette, Paris, Seuil, 2004 », Fabula, Ressources, Atelier. Mis à jour le 27 Mars 2007, §16.

  • [51]

    « The auto-optic claim of the witness is certainly a foregrounded component of many travel writings. As Elsner and Rubiés remark, the “rhetorical attempt to claim authority as a direct observer” can be seen as the “fundamental literary mechanism of legitimation in the genre” », Simon Cooke, op. cit., p.18. Ma traduction.

  • [52]

    Op. cit., p.16.

  • [53]

    Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de le réception, trad. C. Maillart, Paris, Gallimard, 1978, p.51.

  • [54]

    « [T]he travel book is also a decontextualized object, forever disembodied from its source ». Casey Blanton, Travel writing : the self and the world. Londres, Routledge, 2002, p.111. Ma traduction.

  • [55]

    Wagner, op. cit., §9.

  • [56]

    Ibid., §15.

  • [57]

    Ibid.

  • [58]

    Ibid., §16.

  • [59]

    Christine Montalbetti, « Les indices de fictionalité : une enquête. Dorrit Cohn, Le propre de la fiction, 2001 », Fabula. §2.

  • [60]

    Frank Wagner, op. cit., §40.

  • [61]

    Casey Blanton, op. cit., p.5. Ma traduction.

  • [62]

    Patrick Holland et Graham Huggan, op. cit., p.ix.

  • [63]

    Stacy Burton, Travel Narrative and the Ends of Modernity, New York, Cambridge University Press, 2014, p.2.

  • [64]

    Janicke Stensvaag Kaasa, « Travel and Fiction », dans The Cambridge History of Travel Writing, op. cit., p.476.

  • [65]

    Cite par Janicke Stensvaag Kaasa, op. cit., p.481.

  • [66]

    Cité par Janicke Stensvaag Kaasa, op. cit., p.476.

  • [67]

    Voir Umberto Eco, La Guerre du faux, traduit de l’italien par Myriam Tanan, Paris, Grasset, 1985.

  • [68]

    Op. cit., p.9-10.

  • [69]

    Op. cit., p.290.

  • [70]

    Ibid., p.242.

  • [71]

    Ibid., p.168.

  • [72]

    Ibid., p.9.

  • [73]

    L’absence de changement entre la situation initiale du voyageur et sa situation finale se retrouve chez d’autres auteurs, par exemple l’anglais Colin Thubron. Au journaliste de la radio BBC 4 qui lui demande s’il a l’impression d’avoir changé après son voyage en Sibérie dans les années 1990, il répond que quelques semaines après son retour, comme après chaque voyage, il retourne toujours à sa routine londonienne, ce qui est « un peu déprimant », de son aveu. « Colin Thubron – In Siberia ». Bookclub. BBC radio 4, 7 janvier 2018, 28 min.

  • [74]

    Mary Baine Campbell, « Travel writing and its theory » dans Cambridge Companion to Travel Writing, op. cit., §14.

  • [75]

    Janicke Stensvaag Kaasa, op. cit., p.484.

  • [76]

    Janicke Stensvaag Kaasa commente ainsi le roman de Christoph Ransmayr, The Terrors of Ice and Darkness [Die Schrecken des Eises und der Finsternis, Wien, Brandstätter, 1984] op. cit., p.484.

  • [77]

    Dominique Auzias et Jean-Paul Labourdette, op. cit., p.87.

Biographie de l'auteur

Ana CALVETE

Ana Calvete est diplômée d’un doctorat en littérature comparée de l’université d’Helsinki, obtenu en cotutelle avec l’université Toulouse Jean-Jaurès (unité de recherche Cultures Anglo-Saxonnes). Elle a notamment enseigné dans les universités du Massachusetts, de Toulouse Jean-Jaurès, de Tampere et d’Helsinki. Ses recherches portent sur la littérature de voyage contemporaine anglophone et francophone.