parution

Rimbaud sous les traits de Fu Site
: Michel AROUIMI
: fr
: 9791036702266
: Yu Feng
: Yu Feng, Paris, 2023
: https://www.you-feng.com/rimbaud_sous_les_traits_fu_site_michel_arouimi.php

« Ut pictora poesis », écrivait le poète latin. « Le poème est une peinture invisible, la peinture est un poème visible », observait un penseur chinois du XIe siècle… Le débat est millénaire. Il revêt un sens inédit ou peu s’en faut dans ce nouvel ouvrage : Rimbaud sous les traits de Fu Site (quinze chapitres titrés, vingt illustrations en couleur, 212 p.)


Le peintre chinois contemporain Fu Site, qui a étudié la peinture, surtout en Chine et un peu en France, travaille et expose désormais à Paris. De Rimbaud, il connait le nom, mais n’a gardé de son œuvre que le souvenir imprécis d’un ou deux poèmes, lus autrefois en chinois. Or chacun de ses tableaux, à mi-chemin du figuratif et de l’abstraction, avec le recours aux techniques les plus nouvelles, présente une analogie intrigante avec tel ou tel poème de Rimbaud, poèmes en vers ou Illuminations. Cette analogie culmine dans de petites peintures où semblent transposés le vécu et les angoisses de Rimbaud trafiquant au Harar, exprimées dans des lettres que Fu Site n’a pourtant jamais lues.


On pourrait penser que l’idée de cet ouvrage résulte de la subjectivité de l’observateur. Mais l’analyse formelle et thématique très méticuleuse des tableaux de Fu Site, associée à celle des œuvres de Rimbaud, favorise l’idée d’une analogie réelle de ces deux expériences artistiques, animées par une inquiétude qui est celle de la finalité de l’art:  simple remède aux tensions dont les anciens philosophes chinois ont ressenti le danger, ou bien le moyen de représenter un principe spirituel, omniprésent dans l’esprit des ancêtres de Fu Site : quelque chose comme le Nombre et l’Harmonie, dont l’esprit de Rimbaud s’est rapidement détaché. Dans l’Occident moderne, ce principe unitaire est l’objet d’une contestation dont se gardent les artistes d’Extrême-Orient, imprégnés par les interprétations de l’Un, toujours vivaces dans leur culture.


Le premier chapitre de cet ouvrage est réservé au thème filé de la Chine (ou celui de « l’Orient ancien ») dans les poèmes de Rimbaud. Ce thème chez notre poète ajoute à cette enquête une visée anthropologique : comme si Rimbaud lui-même était conscient des invariants qui transcendent les différences culturelles les plus indéniables. C’est que la parole de Rimbaud, comme le pinceau de Fu Site, questionnent une vérité universelle, qui se joue de ces différences.