parution
DEFAIRE LE TOTALITARISME: Rimbaud lu par Klemperer
Auteur : Michel Arouimi
Langue : fr
Nom du responsable : Giovanni Dotili
Nom de l'auteur responsable de la parution : Michel AROUIMI
EAN13 : 9791037033239
Éditeur : HERMANN, Paris, 2023
Année de publication : 29 novembre 2023
Site web de référence : https://www.editions-hermann.fr/
Défaire le totalitarisme: Rimbaud lu par Klemperer.
En commentant Le Bateau ivre dans une de ses études de la littérature française, Victor Klemperer, en 1956, traduit le mot « guidé », dans le premier vers, par le substantif : « Führer ». C’est tout dire, sous la plume de ce philologue juif allemand miraculeusement rescapé de la Seconde Guerre mondiale, de la méfiance inexprimée qui explique l’absence du nom de Rimbaud dans la plupart de ses travaux critiques et dans son œuvre autobiographique si volumineuse.
Ce commentaire du Bateau ivre comporte d’autres termes, qui suggèrent la sensibilité de Klemperer aux détails qui, dans l’œuvre et dans la vie même de Rimbaud, rapprochent notre poète de l’idéal qui fut celui des nazis. La violence qui imprègne les écrits de Rimbaud, la radicalité révolutionnaire de sa vision, peuvent en effet suggérer cette impensable analogie. Klemperer aurait négligé l’enjeu cathartique des efforts du « voyant », qui concernent les formes inédites de la violence totalitaire, laquelle évince dans notre monde (et depuis la Seconde Guerre mondiale) le credo unitaire que nomment le « Nombre et […] l’Harmonie » sous la plume de ce « voyant ».
Or Klemperer, dans ses écrits philologiques comme dans son énorme Journal, a beau faire silence sur Rimbaud, son expérience personnelle semble parfois transposer le contenu de maintes Illuminations. S’il ne s’agit pas d’une influence littéraire, il faut admettre qu’une crise spirituelle, chez les deux écrivains, oriente leur regard sur les aspects les plus houleux du réel qui les entoure.
La crise du langage, dont l’étude a fait la réputation de Klemperer, se profile sur l’horizon du « voyant » qui la dépasse du regard, dans son désir de trouver une langue. Les coïncidences entre le détail factuel de l’errance des deux écrivains, relatée dans certains de leurs écrits, ne sont rien sans un art de la mesure qui transcende le contenu de ces écrits. C’est l’aspect le plus étonnant de ce rapprochement, qui incite à nuancer le désengagement spirituel où se rejoignent Klemperer, si détaché de la tradition de ses pères, et son modèle occulte.
Les analogies pittoresques entre le vécu du prisonnier Klemperer et les affres de Rimbaud, jusqu’à la clôture de son destin, donnent l’idée d’un effet de miroir, qui en recouvre d’autres. En effet, dans le texte d’un roman nazi dont le titre est donné par Klemperer à l’un des chapitres de sa Langue du Troisième Reich, le nom de « Charleville » et la date « 1870 », et plus généralement l’intrigue même de ce roman, suggèrent le pouvoir de séduction de Rimbaud dans l’esprit des littérateurs nazis. Une réception qui reste à méditer…
Cette méditation mérite encore mieux ce nom si l’on met en rapport ces effets de miroir, thématiques ou textuels, avec le « miroir » omniscient qui représente l’origine de tous les êtres, dans la pensée de Franz Rosenzweig, souvent cité dans son Journal par Klemperer, qui prétend pourtant ne comprendre que fort mal cette pensée … Comme celle de Rimbaud ?
En commentant Le Bateau ivre dans une de ses études de la littérature française, Victor Klemperer, en 1956, traduit le mot « guidé », dans le premier vers, par le substantif : « Führer ». C’est tout dire, sous la plume de ce philologue juif allemand miraculeusement rescapé de la Seconde Guerre mondiale, de la méfiance inexprimée qui explique l’absence du nom de Rimbaud dans la plupart de ses travaux critiques et dans son œuvre autobiographique si volumineuse.
Ce commentaire du Bateau ivre comporte d’autres termes, qui suggèrent la sensibilité de Klemperer aux détails qui, dans l’œuvre et dans la vie même de Rimbaud, rapprochent notre poète de l’idéal qui fut celui des nazis. La violence qui imprègne les écrits de Rimbaud, la radicalité révolutionnaire de sa vision, peuvent en effet suggérer cette impensable analogie. Klemperer aurait négligé l’enjeu cathartique des efforts du « voyant », qui concernent les formes inédites de la violence totalitaire, laquelle évince dans notre monde (et depuis la Seconde Guerre mondiale) le credo unitaire que nomment le « Nombre et […] l’Harmonie » sous la plume de ce « voyant ».
Or Klemperer, dans ses écrits philologiques comme dans son énorme Journal, a beau faire silence sur Rimbaud, son expérience personnelle semble parfois transposer le contenu de maintes Illuminations. S’il ne s’agit pas d’une influence littéraire, il faut admettre qu’une crise spirituelle, chez les deux écrivains, oriente leur regard sur les aspects les plus houleux du réel qui les entoure.
La crise du langage, dont l’étude a fait la réputation de Klemperer, se profile sur l’horizon du « voyant » qui la dépasse du regard, dans son désir de trouver une langue. Les coïncidences entre le détail factuel de l’errance des deux écrivains, relatée dans certains de leurs écrits, ne sont rien sans un art de la mesure qui transcende le contenu de ces écrits. C’est l’aspect le plus étonnant de ce rapprochement, qui incite à nuancer le désengagement spirituel où se rejoignent Klemperer, si détaché de la tradition de ses pères, et son modèle occulte.
Les analogies pittoresques entre le vécu du prisonnier Klemperer et les affres de Rimbaud, jusqu’à la clôture de son destin, donnent l’idée d’un effet de miroir, qui en recouvre d’autres. En effet, dans le texte d’un roman nazi dont le titre est donné par Klemperer à l’un des chapitres de sa Langue du Troisième Reich, le nom de « Charleville » et la date « 1870 », et plus généralement l’intrigue même de ce roman, suggèrent le pouvoir de séduction de Rimbaud dans l’esprit des littérateurs nazis. Une réception qui reste à méditer…
Cette méditation mérite encore mieux ce nom si l’on met en rapport ces effets de miroir, thématiques ou textuels, avec le « miroir » omniscient qui représente l’origine de tous les êtres, dans la pensée de Franz Rosenzweig, souvent cité dans son Journal par Klemperer, qui prétend pourtant ne comprendre que fort mal cette pensée … Comme celle de Rimbaud ?