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Futurs de l’ethnopoétique: les arts de la parole au-delà de la « Grande Division ».
: 08/01/2023
: Université Paris Cité et Université Sorbonne Nouvelle
: Maxime Pierre, Cyril Vettorato et Tristan Mauffrey
: tristan.mauffrey@sorbonne-nouvelle.fr
: https://www.fabula.org/actualites/110214/futurs-de-lethnopoetique--les-arts-de-la-parole-au.html
Développée à l’Université Paris Diderot (devenue depuis Université Paris Cité) à la fin des années 2000 à l’initiative de  Florence Dupont, l’ethnopoétique, institutionnalisée sous la forme du Groupe de Recherche en Ethnopoétique (GREP) se donne alors pour ambition d’étudier les arts de la parole sans se donner "aucune limite dans le temps ou dans l’espace", englobant ainsi "les cultures urbaines contemporaines, les cultures traditionnelles, les cultures anciennes, les cultures orales comme les cultures écrites" (Dupont 2010, p. 8). Ce parti pris méthodologique qui tout à la fois prolonge l’ethnopoétique américaine née dans les années 1960-1970 et s’en distingue, se trouve au cœur du volume collectif La voix actée, paru en 2010. Comme son titre l’indique, l’ouvrage-manifeste de l’ethnopoétique francophone contemporaine a fait de la voix l’emblème d’une approche de la poétique qui refuserait le primat du "texte" sur le corps, le chant, la danse et toutes les autres composantes des arts verbaux.

Le colloque international Futurs de l’ethnopoétique : les arts de la parole au-delà de la “Grande Division” souhaiterait écrire une nouvelle page de cette entreprise intellectuelle en reposant ces questions dans le contexte intellectuel qui est le nôtre, quinze ans après la création du GREP. L’événement sera ouvert à des contributions générales envisageant les aspects méthodologiques et théoriques de l’approche ethnopoétique autant qu’à des études de cas permettant d’en explorer, par l’exemple, des dimensions nouvelles. Il s’agira d’interroger les fondements épistémologiques de l’ethnopoétique autant que d’en parcourir les devenirs possibles, dans un champ universitaire en pleine mutation.

Un premier axe de réflexion du colloque interrogera les relations entre oralité et écriture dans les arts de la parole. Si l’ethnopoétique a toujours opéré au-delà de la "Grande Division" (Great Divide) entre oralité et écriture, elle a par la force des choses tendu à valoriser l’oral (la voix, le corps) contre l’écrit dans le but de légitimer ses objets face à ceux de la "littérature" entendue dans un sens strictement textuel. Dans le contexte actuel, cette opposition ne semble plus nécessaire et il serait intéressant de questionner les relations complexes entre écriture et oralité notamment en convoquant les approches anthropologiques de la "littératie" (Fraenkel 2021) dans leur lien aux objets plus habituels de l’ethnopoétique. Comment l’écrit intervient-il en amont de la performance, dans des contextes culturels variés ? Comment l’ethnopoétique peut-elle s’enrichir d’une prise en compte des pratiques culturellement situées du discours interprétatif comme de la question de la construction rétrospective de "traditions", dans un processus de patrimonialisation qui "re-signifie" les arts du passé ? Inscrire les pratiques interprétatives dans le concret des cultures, montrer comment des imaginaires et des idéologies (souvent entrelacés) de l’oral et de l’écrit interviennent dans la performance comme dans l’interprétation, l’archivage et la canonisation des arts verbaux, sont autant de pistes stimulantes pour enrichir les travaux déjà existants.

Un deuxième axe du colloque interrogera les rapports possibles de l’ethnopoétique avec des champs connexes qui se sont développés en parallèle d’elle. De fait, par les méthodes dont elle s’est dotée, l’ethnopoétique se nourrit des apports théoriques des sciences humaines et sociales, ainsi que des sciences du langage, dont la linguistique pragmatique. Par sa démarche critique de décentrement du regard, qui invite à repenser la place du "nous" par rapport à l’objet étudié, elle rejoint la pratique du comparatisme interculturel. Elle entretient également des affinités avec les disciplines émergentes, par exemple l’écopoétique (Bonvalot et alii, 2021), la "littérature mondiale", les approches cognitives, l’ethnoscénologie, les travaux sur la littératie (Fraenkel 2021), les sound studies (Guillebaud 2017) ou l’ethnopragmatique prônée par Alessandro Duranti (Duranti 2011). Quelles lignes de tension ou de convergence peut-on percevoir entre ces approches, comment peuvent-elles se nourrir mutuellement ? En quoi ces disciplines connexes peuvent-elles aider à définir de nouvelles lignes pour une éthnopétique affranchie de la "Grande Division" ?

Pour tracer collectivement les contours théoriques et méthodologiques de ces futurs de l’ethnopoétique, les contributions de comparatistes, d’ethnologues ou ethnomusicologues, et de spécialistes de l’antiquité, entre autres disciplines, seront les bienvenues.

Les propositions de communications, accompagnées de quelques lignes de bio-bibliographie, sont à envoyer aux trois organisateurs (maxime.pierre@u-paris.fr, cyril.vettorato@u-paris.fr et tristan.mauffrey@sorbonne-nouvelle.fr) avant le dimanche 8 janvier 2023. Les personnes dont la proposition aura été acceptée seront notifiées au plus tard le 30 janvier 2023. Le colloque sera accueilli par les Universités Paris Cité et Sorbonne Nouvelle les 26 et 27 mai 2023.

Références :

Anne-Laure Bonvalot, Héloïse Brézillon, Inès Cazalas, Sylvie Decaux, Marie Lorin, Myriam Suchet, « Voix, oralités : vers une échopoétique transculturelle », Littérature n° 201, 2021, p. 38-65.
Florence Dupont, « Introduction », dans La voix actée. Pour une nouvelle ethnopoétique, dir. Claude Calame, Florence Dupont, Bernard Lortat-Jacob et Maria Manca, Paris, Éditions Kimé, 2010.
Alessandro Duranti, « Ethnopragmatics and Beyond : Intentionality and Agency Across Languages and Cultures », Hybrids, Differences, Visions. On the Study of Culture, dir. Claudio Baraldi, Andrea Borsari et Augusto Carli, Aurora, The Davies Group, 2011, p. 151-168.
Béatrice Fraenkel, « Littératie », Langage et société, Hors série 1, 2021, p. 221-224.
Christine Guillebaud (dir.), Toward an Anthropology of Ambient Sound, New-York/Londres, Routledge, Anthropology series, 2017.

Ce colloque s'inscrit dans le cadre du programme IDEX Emergence recherche « CHORUS Les arts de la parole, entre voix singulière et corps social ».
: Tristan Mauffrey