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Colloque « Jeu vidéo & romanesque »
Date de l'échéance : 30/06/2020
Lieu de l'événement : Université de Picardie Jules Verne
Nom de l'organisateur : Isabelle Hautbout et Sébastien Wit
Email de l'organisateur : s.wit@parisnanterre.fr
Site web de référence : https://www.u-picardie.fr/unites-de-recherche/cercll/presentation/
Colloque « Jeu vidéo & romanesque »
4-5 février 2021 à Amiens
Centre d'Etudes des Relations et des Contacts Linguistiques et Littéraires
Université de Picardie Jules Verne
En tant que forme narrative, le jeu vidéo emprunte une grande partie de son imaginaire aux productions fictionnelles qui l’ont précédé. À cet égard, il a été particulièrement influencé par la littérature et le cinéma (Chevaldonné, 2012). Si la notion de « romanesque », au sens premier de ce qui relève du roman, est a priori associée intrinsèquement à la littérature, on sait depuis longtemps que le romanesque constitue un type de modélisation du réel, qui s’est exporté d’un medium à un autre et connote alors le roman hors du roman. Le romanesque, compris comme catégorie esthétique transgénérique, correspond à une réalité poreuse, friable, dont la dimension qualitative (les qualia) facilite les processus de transferts médiatiques.
Du fait de sa parenté avec les jeux de rôle sur table des années 1970 (Donjons & Dragons, entre autres) et les livres-jeux du début des années 1980 (en particulier Les Livres dont vous êtes le héros), sans compter les adaptations vidéo-ludiques d’œuvres romanesques spécifiques, le jeu vidéo hérite d’un lien très fort avec la notion de romanesque, renvoyant à l’épaisseur dont une intrigue se trouve dotée.
Néanmoins, il faut bien reconnaître que le récit vidéoludique n’est pas un récit comme les autres. Sa narration ne trouve sa signification qu’à travers son articulation à la nature avant tout ludique du dispositif fictionnel. L’intrigue correspond à un rouage de l’expérience de jeu. De fait, le romanesque du jeu vidéo ne peut être considéré qu’à la lumière de la nature potentiellement ludique de ce dernier.
La place de l’imaginaire du livre au sein des jeux vidéo a déjà bien été explorée par la critique, notamment en ce qui concerne la manière dont la matérialité de l’objet-livre a pu être réinvestie par le medium vidéoludique (Barnabé & Dozo, 2014 & 2015). De même, de récents colloques ou journée d’étude se sont penchés sur les liens du jeu vidéo aux autres disciplines et medias[1], à la littérature (Colombani, 2019) ou à la narration[2]. Toutefois, le cas précis de l’imaginaire, de la liaison narrative des éléments de l’intrigue - qui fait la facture romanesque de ce qui est raconté - n’a encore été que peu abordé en tant que tel.
Le cas particulier des novellisations, « cette mise en forme cadrée d'une expérience » par laquelle le romanesque vient combler une forme de lacune du récit vidéoludique (Letourneux, 2004) illustre bien la complexité des relations qui lient la narrativité vidéoludique aux formes traditionnelles du récit. La narrativité vidéoludique est sans cesse complétée, commentée, transformée, que ce soit à travers ses extensions transmédia ou par le biais des productions de fans qui constituent un matériau privilégié de croisement entre l’expérience de jeu et la mise en récit (fanfictions, let’s play narratifs, etc.).
Tout processus de novellisation s’accompagne d’un éclairage du récit vidéoludique, voire d’une motivation de ce dernier grâce au recours au récit. Les événements épars, les incohérences narratives (parfois induites par les mécaniques de jeu) deviennent autant de prises pour l’imagination romanesque des auteur-e-s d’extensions transmédiatiques. Sur Internet, de nombreuses communautés de fans se sont d’ailleurs constituées autour du rétablissement d’une logique romanesque dans la réception de l’œuvre vidéoludique (Nuzlocke Challenge, etc.).
Lors de ce colloque, il s’agira donc de s’intéresser à la manière dont les notions propres à l’analyse du romanesque (durée, intrigue, aventure, personnages, sentiments, univers, vraisemblance, style…) peuvent être convoquées dans l’approche des narrations vidéoludiques, sans pour autant écraser les spécificités propres à chaque medium.
En outre, le jeu vidéo est devenu une source d’inspiration – aussi bien formelle que thématique – de certains romans contemporains, des fictions de soi de Chloé Delaume aux romans de gamers d’Austin Grossman ou de Constantin Gillies, mettant en scène des jeux vidéo existants ou imaginés. Il occupe désormais une place importante dans la littérature pour la jeunesse, qu’il s’agisse avant tout de séduire le jeune lecteur, en particulier de light novels comme Sword Art Online de Reki Kawahara (décliné en mangas, série d’animation et jeux vidéo) ou de véhiculer un discours didactique – notamment sur des problématiques d’addiction, d’altérité, de communauté ou de construction d’identité – plus ou moins hostile ou favorable au jeu vidéo.
Les études inter- et trans-médiales, du roman au jeu vidéo et vice-versa, seront ainsi particulièrement bienvenues.
Les propositions de communication pourront s’inscrire dans un ou plusieurs des axes suivants, sans nécessairement s’y limiter :
1. Le romanesque des jeux vidéo ;
2. Les jeux vidéo dérivés de romans ;
3. Les novellisations et les narrativisations de jeux vidéo.
4. L’influence des jeux vidéo sur le roman contemporain ;
Les travaux de ce colloque feront l’objet d’un numéro hors-série de la revue Romanesques à l’automne 2021.
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Modalités d’envoi des propositions
Les propositions de communication, d’environ 400 mots et accompagnées d’une brève bio-bibliographie, sont à envoyer avant le 30 juin 2020 aux adresses suivantes : isabelle.hautbout@free.fr; s.wit@parisnanterre.fr
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Bibliographie indicative
AARSETH, Espen J., Cybertext: Perspectives on Ergodic Literature, Baltimore, John Hopkins University Press, 1997
BARNABÉ, Fanny et DOZO, Björn-Olav (dir.), Jeu vidéo et livre, Liège, Presses universitaires de Liège, 2015 [http://books.openedition.org/pulg/2716]
—, Mémoires du lire, « Livre et jeu vidéo », vol. 5, no 2, 2014
[https://www.erudit.org/fr/revues/memoires/2014-v5-n2-memoires01373/1024772ar/]
—, Narration et jeu vidéo. Pour une exploration des univers fictionnels, Liège, Bebooks, « Culture contemporaine », 2014
BARONI, Raphaël et MARTI, Marc (dir.), Cahiers de narratologie, « Les bifurcations du récit interactif : continuité ou rupture ? », no 27, 2014 [https://journals.openedition.org/narratologie/6996]
BESSON, Anne, Constellations : des mondes fictionnels dans l'imaginaire contemporain, Paris, CNRS Éditions, 2015
—, D’Asimov à Tolkien : cycles et séries dans la littérature de genre, Paris, CNRS Éditions, 2004
BOGOST, Ian, Persuasive Games: The Expressive Power of Videogames, Cambridge, The MIT Press, 2010
CAÏRA, Olivier, Définir la fiction : du roman au jeu d'échecs, Paris, Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales, DL 2011
—, Jeux de rôles, les forges de la fiction, Paris, CNRS Éditions, 2007
CHEVALDONNE, Yves, “Intertextualités : jeu vidéo, littérature, cinéma, bande dessinée”, Hermès. La Revue, n° 62, 2012, p. 115-121
[https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2012-1-page-115.htm]
COAVOUX, Samuel, RUFAT, Samuel et TER MINASSIAN, Hovig (dir.), Espaces et temps des jeux vidéo, Paris, Questions théoriques, 2012
COLOMBANI, Paul-Antoine, GRANDJEAN, Guillaume, WÜRTZ, Siegfried (dir.), Littératures du jeu vidéo, actes du colloque, ENS Ulm, 15 et 16 juin 2018, Paris, La Taupe Médite, juin 2019.
COULOMBE, Maxime, Le Monde sans fin des jeux vidéo, Paris, Presses Universitaires de France, 2010
CRAIPEAU, Sylvie, GENVO, Sébastien et SIMONNOT, Brigitte (dir.), Les Jeux vidéos au croisement du social, de l'art et de la culture, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2010
DECLERCQ, Gilles, MURAT, Michel (dir.), Le Romanesque, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelles, 2004.
FINE, Gary Alan, Shared Fantasy. Role-Playing Games as Social Worlds, Chicago / London, University of Chicago Press, 1983
JENKINS, Henry, Convergence Culture. Where Old and New Media Collide, New York / London, New York University Press, 2006
JONES, Steven E., The Meaning of Video Games. Gaming and Textual Strategies, New York, Routledge, 2008
GENVO, Sébastien (dir.), Sciences du jeu, « Du ludique au narratif. Enjeux narratologiques des jeux vidéo », no 9, 2018 [https://journals.openedition.org/sdj/894]
—, Le Game design de jeux vidéo : approches de l'expression vidéoludique, Paris, L'Harmattan, 2006
LETOURNEUX, Mathieu, Fictions à la chaîne : littératures sérielles et culture médiatique, Paris, Seuil, 2017
—, « Un cas limite de narrativité, la novélisation des jeux vidéo », dans BAETENS, Jan et LITS, Marc (dir.), La novellisation : du film au livre / Novelization: From Film to Novel, Leuven, Leuven University Press, 2004, p. 235-246
LUKÁCS, Georg, La Théorie du roman [1920], trad. Jean Clairevoye, Paris, Gallimard, 1989
MELISSINOS, Chris et O’ROURKE, Patrick, The Art of Video Games. From Pac-Man to Mass Effect, New York, Welcome Books, 2012
PEYRON, David, Culture geek, Limoges, FYP éditions, 2013
RYAN, Marie-Laure, Avatars of Story, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2006
SAINT-GELAIS, Richard, Fictions transfuges. La transfictionnalité et ses enjeux, Paris, Seuil, 2011
SELLIER, Hélène, « Personnages vidéoludiques, construction et dislocation de l’identité dans la littérature contemporaine », ReS Futurae, 10 | 2017, [http://journals.openedition.org/resf/1117]
TRICLOT, Mathieu, Philosophie des jeux vidéo, Paris, La Découverte, 2011
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[1] DEVÈS, Cyril (dir.), « Le Jeu vidéo au carrefour de l’histoire, des arts et des medias », école Émile Cohl, Lyon, 22-23 mars 2019. RIVALIN, Claire, DEROUIN, Eva, MUSY, Alexandra (dir.), « Entre Adaptations, réécritures et représentations : le jeu vidéo, un « intermédia » historique et littéraire », Université de Bretagne Sud, 23 avril 2019.
[2] GOUDET, Laura, GHEERAERT, Tony (dir.), « Lusor in fabula: jeu vidéo et nouvelles frontières du récit », Université de Rouen, 7-8 novembre 2019.
Source de l'information : Sébastien Wit