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comparatistes en quarantaine (1) Akira Mizubayashi
En ces temps de confinement, la composante mentale de la liberté apparaît encore plus importante que dans d’autres circonstances… Dans cet ordre d’idée, je vous partage un extrait d’un essai d’un écrivain japonais d’expression française, Akira Mizubayashi, que des circonstances académiques m’ont fait découvrir il y a quelques mois. Pour cet homme, le choix d’habiter la langue française, en plus de sa langue maternelle, a été un ferment de liberté qui a orienté une grande partie de sa vie.

« On ne choisit pas sa naissance. On ne choisit pas ses parents. On ne choisit pas sa généalogie. On ne choisit pas son pays. On ne choisit pas ses origines ethniques et raciales. On ne choisit ni son époque, ni son lieu et sa date de naissance, ni donc a priori sa langue.  Mais parmi toutes ses données hors de notre maîtrise, qui nous sont définitivement imposées du dehors, et qui nous fixent, nous arrêtent, nous enferment dans une détermination préalable sans issue ou presque, seul l’espace de la langue semble nous offrir des ouvertures, des échappatoires, si infimes soient-elles. En fait, on peut choisir sa langue, si l’on veut ; une langue, des langues dans toute la gigantesque symphonie communicante des langues. On peut librement s’approprier une langue, des langues, ou plutôt les langues sont des biens communes, des espaces publics, des lieux non délimités et non délimitables qu’on peut traverser, fréquenter sans être redevable de quoi que ce soit, à qui que ce soit, sans être taxé d’être envahisseur. La langue n’est pas une propriété privée. C’est une terre généreuse sans propriétaire où se déroule une fabuleuse fête permanente à entrée gratuite.»

 

Eloge de l’errance, Gallimard, Folio, 2018, p. 127-128.

 

Jean-Louis Haquette
: Haquette, Jean-Louis