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ARTICLE
La migration des formes littéraires et artistiques prend parfois des chemins de traverse : l’axe qui relie l’URSS à l’Espagne au début du XXe siècle n’est sans doute pas le plus étudié ni le plus évident, même si l’art et les événements politiques de la Russie soviétique ont eu un impact immense dans toute l’Europe. En l’occurrence, le transfert culturel d’un certain nombre de formes artistiques venues d’URSS en Espagne a été aiguillé par les circonstances politiques espagnoles : la République, tout d’abord, entre 1931 et 1936, a offert un espace de diffusion à l’art soviétique. Mais c’est surtout la Guerre Civile qui a précipité l’importation de formes spécifiques depuis l’URSS, en particulier celle du théâtre d’agit-prop. Il ne s’agit pas ici de faire le compte-rendu détaillé de ce transfert culturel [1] mais de réfléchir à la question du théâtre d’agit-prop en tant que « genre » et à la migration de ses formes dans le contexte de la guerre d’Espagne.
Avec la République, les avant-gardes artistiques espagnoles du début des années 1930 s’intéressent aux nouveaux théâtres soviétiques et allemands, qui nourrissent l’espoir d’un renouvellement d’une scène espagnole aux procédés éculés ainsi que le souhait de voir advenir un théâtre politique et pourquoi pas un théâtre révolutionnaire. Naît alors, encore très minoritaire, un teatro de circunstancias [« théâtre de circonstances »] influencé par l’agit-prop et les expériences de Piscator en Allemagne. Mais à partir de l’insurrection militaire du 18 juillet 1936, il ne s’agit plus de se livrer à une simple agitation politique. Ces modèles étrangers vont alors représenter, dans le vaste arsenal de la propagande culturelle de guerre, autant d’armes au service du camp républicain et du camp nationaliste [2] , nourrissant des formes théâtrales mobiles destinées à jouer sur les fronts, dans les villes assiégées, dans les villages, les usines etc.
Si plusieurs expériences de théâtre politique influencent le teatro de guerra (voir infra), je vais m’intéresser à une forme en particulier, que je n’ose encore appeler « genre », celle du théâtre d’agit-prop, qui innerve à la fois la structuration du teatro de guerra [3] (l’organisation et le nom des groupes, leur répartition sur le territoire, leurs processus de création) et sa dramaturgie : techniques de jeu, d’écriture, usage de « genres » déterminés. Cet article cherche à s’interroger sur sa « conversion », sa « migration » en teatro de guerra en se posant plusieurs types de questions. Dans le contexte de la guerre d’Espagne, le théâtre d’agit-prop répond-il toujours aux critères essentiels du genre tel qu’il s’est déployé en URSS et en Allemagne ? Quels infléchissements connaît-il en devenant teatro de guerra ? Que deviennent les « genres » théâtraux déjà existants dans un théâtre qui fait feu de tout bois pour être le plus efficace possible, qui utilise tous les genres, de la farce au mélodrame en passant par la tragédie, l’auto sacramental ou le théâtre épique de Piscator ? Est-ce le creuset de l’élaboration d’un genre théâtral particulier ou bien plutôt un signe de l’éclatement des genres dramatiques, de leur soumission à une dramaturgie de propagande ? Si l’on peut à partir de là cerner certaines spécificités du « théâtre de guerre » qui en feraient un « genre », quels pourraient être ses critères de définition et ses différences avec l’agit-prop ?
Le théâtre d’agit-prop russe et soviétique : « genre » et « formes »
À partir du moment où il existe un nom dédié à une forme de théâtre, on peut se poser la question du genre. Non pas d’un genre institué par la tradition et la théorie du théâtre comme la comédie, le mélodrame ou la tragédie, mais d’un genre qui serait principalement déterminé, si l’on suit les catégories proposées par Jean-Marie Schaeffer, par le niveau de la « fonction » de « l’acte communicationnel », c’est-à-dire le but poursuivi. Il s’agirait, pour l’agit-prop, d’une « fonction perlocutoire » : « toute œuvre à prétentions moralisantes ou propagandiste vise des effets perlocutoires, puisqu’elle se propose de changer le comportement des récepteurs [4] . » C’est bien là ce qui fait a priori la spécificité de l’agit-prop théâtral des origines tel qu’il se déploie pendant la guerre civile russe puis sous le régime soviétique : la subordination des moyens et des enjeux esthétiques à la finalité politique, dans la mesure où il « ne connaît d’autre critère que celui de l’effet produit, critère éminemment politique auquel tous les autres viennent s’ordonner, conformément à la loi du genre [5] ».
D’autres critères définissent les formes originelles du théâtre d’agit-prop soviétique. Son caractère « auto-actif » est essentiel car il le distingue d’autres pratiques comme le théâtre amateur et le théâtre politique professionnel, même si les frontières sont floues, car certains groupes d’agit-prop se professionnalisent ou collaborent avec des troupes professionnelles [6] . Mais à l’origine, c’est bien un théâtre « auto-actif » :
Le théâtre auto-actif recherche la mobilité des emplois et des engagements, l’ouverture permanente de la troupe à des volontaires ; l’élaboration collective du canevas et du spectacle, aidée d’un recours, limité et contrôlé, à des spécialistes ; la participation la plus large possible de la collectivité aux projets du théâtre, par l’information, aux répétitions et à la préparation matérielle (décors, costumes) par sa présence, son avis et son aide concrète, à la représentation aussi par son rôle actif (le « co-jeu » des spectateurs) [7] .
En URSS, le théâtre auto-actif, qui se déploie principalement entre 1918 et la fin des années 1920, s’élabore au sein d’un « club », un « organisme d’éducation politique et culturelle, impulsé par le Parti, le Komsomol, le syndicat ou le Proletkult dans un quartier, un village, une entreprise, une unité militaire [8] . » Chaque club a plusieurs « cercles » artistiques et culturels, dont le cercle dramatique.
Un troisième critère dont Ivernel fait l’hypothèse serait la destruction de la forme-drame, « le drame se définissant comme une structure pseudo-organique où la réalité secondaire du théâtre transmue – esthétiquement – la réalité primaire, non théâtrale, de la matière sociale [9] ». Dans l’agit-prop, il ne s’agit pas de transfigurer la matière sociale dans une unité fictive, au contraire, c’est la réalité qui vient s’inviter et modeler la matière théâtrale, aboutissant à une majorité de formes brèves et à un certain éclatement de l’unité du texte allant parfois jusqu’au montage de plusieurs « genres » à l’intérieur d’une même pièce.
Mentionnons un dernier critère qui est en lui-même problématique par rapport à la notion de genre : l’exigence d’adaptation aux circonstances et de variabilité de la pièce d’agit-prop, qui contredit l’idée même de genre en tant qu’elle supposerait un certain nombre de traits stylistiques stables. Le primat du politique implique un « théâtre de situation, voué à l’improvisation [10] », les formes et les structures du théâtre d’agit-prop ont donc des exigences très précises tout en ne présentant pas de caractère canonique lié à l’histoire d’un genre.
Si l’agit-prop comporte des aspects qui n’autorisent qu’un usage restreint de la notion de « genre » dans une perspective pragmatique, il propose des formes relativement identifiables, mais là encore toujours modulables ou à réinventer. On peut retenir ici quelques manifestations emblématiques comme les « journaux vivants » [« živie gazety »], spécialité du groupe Blouse Bleue ou le « procès d’agitation » [« agitsud »] qui fait intervenir la population réelle dans un procès fictif. Les genres populaires sont revisités avec le Guignol rouge et le cabaret rouge, ou bien le « mélodrame révolutionnaire » [11] . Ces formes vont s’exporter en Europe, en particulier en Allemagne dans le contexte révolutionnaire des années 1920, chaque pays adaptant l’agit-prop à ses propres usages. En Allemagne par exemple, la forte tradition de cabaret en fera une forme modèle de la pièce d’agit-prop.
Le théâtre d’agit-prop n’est donc pas un genre spécifique au contexte de guerre, mais il entretient avec elle des liens particuliers, ne serait-ce que par son origine en Russie : c’est au sein de la guerre civile qui suivit la révolution d’Octobre que le théâtre d’agit-prop est né. Ses formes primordiales sont donc orientées vers la propagande et l’agitation sur le front et à l’arrière, pour animer les combattants – en 1920, environ 2 000 théâtres et clubs amateurs officiaient autour de l’Armée rouge – et les populations. Ces théâtre de guerre déployaient, selon Konstantin Rudiniski, deux lignes principales : l’une décrivant avec clarté et simplicité les faits de guerre ou la vie des prolétaires ; l’autre, qu’il appelle « romantique », de nature allégorique et symbolique [12] . En Espagne, quelques textes et essais scéniques directement inspirés des voyages de Rafael Alberti, Max Aub ou Rafael Dieste en Union soviétique ont animé les années 1932-1936, mais sans commune mesure avec la période de la guerre civile, qui a fait du théâtre d’agit-prop une inspiration privilégiée du théâtre espagnol d’après-guerre [13] .
Le teatro de urgencia : la structuration du théâtre d’agit-prop espagnol d’après le modèle soviétique
Les expériences dramatiques de la guerre d’Espagne intègrent trois grands modèles. L’agit-prop soviétique et allemand, tout d’abord, devient le référent de plusieurs structures du teatro de guerra comme la revue El Mono Azul [La Blouse bleue] qui emprunte son nom à la plus connue des troupes d’agit-prop soviétique, ou les groupes « Altavoz del frente » [Porte-voix du front], dont le nom renvoie au « rote Sprachrohr » [Le Porte-voix rouge], un groupe d’agit-prop allemand très important dans les années 1920. L’autre grande référence est le théâtre épique d’Erwin Piscator, dont Das Politische Theater, publié en 1929, est traduit en espagnol dès 1930 ; en décembre 1936, le metteur en scène allemand se rend à Barcelone pour deux conférences destinées à orienter la lutte théâtrale, qui auront un fort écho [14] . Enfin, le théâtre professionnel d’avant-garde et le cinéma soviétique constituent le dernier modèle. Tairov, Meyerhold, Evreinov, Stanislavski et aussi le cinéaste Eisenstein [15] deviennent les références d’un nouvel art théâtral.
Pour organiser les « Teatros del frente » [« Théâtres du front »], les agitateurs de la lutte théâtrale républicaine, emmenés par Rafael Alberti et son épouse María Teresa León, s’appuient sur une structuration en partie auto-active, même si le modèle connaît quelques infléchissements. Dès son retour d’URSS en 1934, Alberti théorise cette dimension auto-active en vue d’un théâtre d’agitation révolutionnaire :
[…] no veo otra cosa más que la de organizar tropas o grupos de agitación, para crear el teatro de masas de que antes hablábamos. Estos grupos, de once personas cada uno, al igual que los equipos de fútbol, serían los encargados de realizar la cruzada por toda España. Deberán ser integrados por estudiantes, obreros e intelectuales en general. Para que la tarea responda a sus propósitos, las obras resumirán las preocupaciones actuales de los obreros; sus luchas por las reinvindicaciones, su protesta contra la guerra imperialista y contra el fascismo, etc.
[…] Je ne vois pas d’autre solution que d’organiser des troupes ou des groupes d’agitation, pour créer le théâtre de masses dont nous avons parlé. Ces groupes, constitués de onze personnes chacun, comme les équipes de football, seraient chargés de mener la croisade dans toute l’Espagne. Ils devront être formés d’étudiants, d’ouvriers et d’intellectuels en général. Pour que la tâche réponde à ses objectifs, les œuvres résumeront les préoccupations sociales des ouvriers ; leurs luttes pour leurs revendications, leur protestation contre la guerre impérialiste et contre le fascisme, etc [16] .
Au sein du teatro de guerra, émerge au cours du conflit l’idée de teatro de urgencia [théâtre d’urgence], qui obéit à des attentes plus précises, orientées vers l’efficacité directe comme arme de propagande. En 1938, Rafael Alberti lance sous ce nom un appel à l’écriture de pièces pour créer un répertoire spécifiquement dédié à la lutte, où la part auto-active reste présente, puisque soldats, ouvriers et paysans sont appelés à se faire dramaturges :
Urge el « teatro de urgencia ». Hacen falta estas obritas rápidas, intensas – dramáticas, satíricas, didácticas… – que se adapten técnicamente a la composición específica de los grupos teatrales. Una pieza de este tipo no puede plantear dificultades de montaje ni exigir gran número de actores. Su duración no debe sobrepasar la media hora. En veinte minutos escasos, si el tema está bien planteado y resuelto, se puede producir en los espectáculos el efecto de un fulminante. […] Jóvenes, escritores, soldados, campesinos, obreros de los talleres y las fábricas: sin timidez, con decisión y entusiasmo, escribid y enviadnos vuestros trabajos.
Le « théâtre d’urgence » est urgent. Nous avons besoin de ces petites pièces rapides, intenses – dramatiques, satiriques, didactiques… – adaptées aux moyens techniques et à la composition spécifique des groupes théâtraux. Une pièce de ce genre ne doit pas présenter de difficultés de montage ni exiger un grand nombre d’acteurs. Sa durée ne doit pas dépasser la demi-heure. En vingt petites minutes, si le sujet est bien posé et résolu, on peut obtenir dans ces spectacles un effet explosif. […] Jeunes gens, écrivains, soldats, paysans, ouvriers des ateliers et des usines : sans timidité, avec conviction et enthousiasme, écrivez et envoyez-nous vos travaux [17] .
Les précisions sur la durée, la facilité du montage et la métaphore du « fulminate », un sel explosif, illustrent la théorisation d’un théâtre agit-prop spécifiquement dédié à la guerre et aux conditions particulières de représentation qu’elle entraîne. Si les structures de l’agit-prop soviétique servent de canevas à la structuration du teatro de urgencia, ses formes semblent subir des infléchissements plus substantiels.
Mutations du genre : un théâtre d’agit-prop littéraire et satirique
Un certain nombre de formes de l’agit-prop soviétique sont utilisées par le teatro de urgencia : des journaux parlés, des montages de textes et de chants, le guignol, le mélodrame font partie du répertoire des Guerrillas del Teatro ou d’Altavoz del Frente [18] . Cependant, l’appropriation espagnole du genre entraîne des ajustements, dûs à la fois au contexte de la guerre et à la tradition théâtrale du pays de réception, vers une dimension incontestablement plus « littéraire » et esthétique. En URSS, certains auteurs comme Maïakovski ont produit des pièces d’agit-prop pendant et après la guerre civile [19] mais cette pratique littéraire de l’agit-prop reste plus minoritaire dans le contexte soviétique, tandis que le répertoire du teatro de guerra est marqué par la forte présence de textes écrits par des auteurs professionnels, dont les pièces ont tourné dans tous les groupes.
Cet infléchissement littéraire peut être dû aux circonstances de la guerre elle-même : il est sans doute plus difficile d’organiser une écriture collective en temps de guerre, l’heure est peu propice aux « clubs » et aux cercles artistiques… En revanche, un certain nombre d’intellectuels et artistes étaient chargés par le gouvernement républicain, sous l’égide du Comisario de Propaganda [Commissariat à la propagande] et du Consejo Central del Teatro [Le Comité Central du Théâtre], d’organiser le front culturel et théâtral. Les hommes de théâtre de la Seconde République ont donc été enrôlés dans cette tâche : Max Aub, Rafael Alberti, Rafael Dieste ou Miguel Hernández, qui ont tous voyagé en URSS entre 1932 et 1934, s’attèlent à l’écriture d’œuvres pour le teatro de guerra [20] .
Cette dimension littéraire est revendiquée par certains d’entre eux qui, malgré la fascination éprouvée lors de leur séjour en URSS, critiquent ce qu’ils y voient sur la scène. Max Aub, qui écrit en 1933 une série de treize articles intitulée « El teatro en Rusia », dans le journal républicain Luz, est assez sévère. Il y explique qu’il ne croit pas au « théâtre de masses » ou au théâtre prolétarien, qui ne peuvent exister que comme théâtre d’État dans des régimes socialistes et que les réussites de la scène soviétique sont principalement dues aux expériences de laboratoire pré-révolutionnaires comme celles de Meyerhold et Stanislavski [21] …. Rafael Alberti et María Teresa León sont beaucoup plus enthousiastes sur les expériences russes [22] . Pourtant, c’est Max Aub qui semble le plus lucide, car ce que ces voyageurs espagnols voient en URSS en 1933 a peu à voir avec l’agit-prop historique [23] . Il leur faut donc de toute façon réinventer l’agit-prop, s’approprier un modèle dont ils n’ont pu observer que les traces déclinantes. On peut comprendre que dans ces conditions, tout en reconnaissant la vitalité des groupes historiques, Max Aub réclame des auteurs :
En los clubs los équipos de teatro se multiplican, pero carecen de buenas obras, y en 1927 se dan cuenta de que el público se cansa de tanta obra puramente ideológica como le dan. Lunatcharski dice, dirigiéndose a las gentes de teatro: “No entendéis al obrero; olvidáis que necesita arte verdadero. Prefiere un buen drama, aun imperfecto desde el punto de vista ideológico, a uno malo, con 100 por 100 de ideología comunista”. El teatro ruso no espera más que una cosa: autores.
Dans les clubs les équipes de théâtre se multiplient, mais elles manquent de bonnes pièces et en 1927 on se rend compte que le public est fatigué des pièces purement idéologiques qu’on lui propose. Lounatcharski dit, en s’adressant aux hommes de théâtre : “Vous ne comprenez pas l’ouvrier ; vous oubliez qu’il a besoin d’un art véritable. Il préfère un bon drame, même imparfait du point de vue idéologique, à un mauvais, qui contient cent pour cent d’idéologie communiste”. Le théâtre russe n’attend plus qu’une chose : des auteurs [24] .
Quant aux formes privilégiées par l’appropriation littéraire du théâtre d’agit-prop, elles présentent deux directions principales. Premièrement, les dramaturges espagnols font appel aux formes nationales savantes, la grande tradition du Siècle d’Or est enrôlée et détournée dans la dramaturgie de guerre [25] . Deuxièmement, on remarque une dominante satirique et comique qui s’appuie également sur des genres anciens. S’il existe un répertoire sérieux minoritaire (tragédies, mélodrames), l’agit-prop purement didactique n’est guère à l’ordre du jour dans le teatro de urgencia. Dans ses conseils aux apprentis dramaturges, Rafael Alberti n’en n’appelle pas à l’orthodoxie idéologique mais aux « réactions les plus élémentaires de l’homme : le rire et les larmes. Par ces deux veines, le théâtre d’urgence accomplira son rôle d’agitateur [las más elementales reaciones del hombre: la risa y el llanto. Por esas dos venas, el teatro de urgencia complirá su papel de agitador] [26] . »
Commençons par un exemple de réinvestissement de la tradition comique de l’entremés [intermède] [27] associée à une autre tradition populaire, celle du théâtre de marionnettes. Il s’agit de la réécriture de l’intermède cervantin El Retablo de las maravillas par Rafael Dieste, qui nomme sa pièce Nuevo Retablo de las Maravillas. Cet ancien animateur du « Retablo de los Fantoches » [Théâtre des Fantoches], le guignol d’éducation populaire des « Misiones Pedagógicas » [Missions Pedagogiques] de la Seconde République, produit une pièce qui condense la dimension littéraire et la veine comique du teatro de guerra tout en démontant les mécanismes des illusions politiques par le jeu du théâtre dans le théâtre. Dans l’intermède de Cervantès, un couple de saltimbanques propose un spectacle fictif à toute une population, avertissant les spectateurs que seuls ceux qui ne sont ni bâtards ni mêlés de sang juif pourront voir les apparitions extraordinaires du retable. Chez Dieste, seuls peuvent les distinguer « ceux qui ne sont pas atteints de marxisme, syndicalisme, anarchisme et autres plaies [los que no esten tocados de marxismo, sindicalismo, anarquismo y demás plagas] [28] ». Comme chez Cervantès, le retable de marionnettes reste vide, mais des citoyens représentatifs des soutiens de Franco sont emportés par l’illusion qu’ils sont en marche vers Madrid grâce à l’illusion politique qui se substitue ici à une illusion théâtrale absente. Leur marche enthousiaste vers la capitale les précipite au-devant d’un groupe de paysans qui leur administre une bonne correction : subjugués par ce guignol invisible, ils sont devenus les vraies marionnettes de l’Histoire. Comme le conclut Manuel Aznar Soler, avec l’envahissement final de la scène par les paysans, les merveilles de la réalité, c’est-à-dire la libération du peuple par les forces loyales, s’imposent aux merveilles de l’illusion nationaliste[29]. Les genres traditionnels, comme ici, sont intégrés dans une « forme agit-prop » qui les instrumentalise, les encadrant de prologues ou d’épilogues didactico-révolutionnaires qui en orientent la lecture vers l’objectif de propagande. À la fin des pièces de teatro de urgencia, la scène est souvent envahie par des représentants du peuple ou des combattants qui chantent l’Internationale et rossent les ennemis, marquant l’occupation du territoire politique par celle de l’espace théâtral.
L’agit-prop de guerre met donc en place un « jeu » – au sens ludique et mécanique du terme – avec les genres, dont on peut examiner un second exemple avec l’appropriation de l’auto sacramental par Max Aub. Le dramaturge écrit deux versions de son « auto » Pedro López García pendant la guerre, la première en 1936 intitulée Historia y muerte de Pedro López Garcia, « auto », et la seconde, écrite aussi en 1936 et publiée en 1938, Pedro López García [29] . L’auto sacramental est un genre de théâtre religieux et allégorique, qui s’est développé dans le contexte de la Contre-Réforme en Espagne et qui est donc à sa manière un théâtre de propagande : il offre des structures et des techniques dramatiques d’édification dont on peut se saisir dans le contexte de la guerre. On peut retenir trois de ses caractéristiques qui sont réinvesties dans les autos du teatro de guerra : la coexistence de deux plans de l’action, spirituelle et temporelle ; liée à ces deux plans, l’intervention d’une manifestation divine qui propose un retournement souvent rapide de l’action, une révélation, un dévoilement ou une conversion ; enfin, la présence de personnages allégoriques.
Dans les deux versions de son auto, Max Aub propose deux plans d’action. Le plan terrestre est représenté par la vie quotidienne pendant la guerre civile à l’arrière puis au front, à travers l’histoire de Pedro, un berger qui ne pense qu’à ses brebis, enrôlé de force par les rebelles, ce qui était une pratique courante. Sa mère est assassinée par des soldats nationalistes pour avoir refusé de leur faire cuire une de ses brebis, après les avoir copieusement insultés. Le plan symbolique, équivalent à l’action spirituelle de l’auto, est incarné dans la première version par l’apparition du fantôme puis de l’ombre de la Mère, qui tente vainement de convaincre Pedro de passer dans le camp républicain et de faire exploser un pont essentiel aux positions des soldats rebelles, dont il fait partie ; puis par l’apparition de La Terre, allégorie associant le principe créateur primordial et la patrie, qui, dans une longue adresse lyrique à Pedro, lui rappelle ce qu’il lui doit. La Terre finit par le convaincre, on entend une explosion, celle du pont. Immédiatement, dans une rupture apparemment brutale avec le genre de l’auto et la dimension symbolique, la scène est envahie par des miliciens républicains qui crient « U.H.P. » (Uníos Hermanos Proletarios [Unissez-vous frères prolétariens]) et chantent l’Internationale en brandissant le cadavre de Pedro. À moins que cette apparition ne soit une version collective de la manifestation divine qui intervient souvent pour clore les autos. La dimension allégorique sera enrichie dans la seconde version avec le personnage de L’Araignée, qui développe la métaphore d’un monde envahi par des tarentules avides et celui de L’Homme Masqué, incarnant la conscience coupable du Sergent qui a ordonné la mort de la Mère de Pedro.
Cet auto montre bien l’imbrication des formes issues de l’agit-prop avec de grands genres nationaux, qui sont aussi représentés par l’ouverture de la première version de la pièce par un romance, forme de poésie populaire espagnole dont le vers octosyllabique est le vers de référence de l’auto [30] . Quant aux techniques d’agit-prop, on les retrouve dans plusieurs modalités didactiques. Tout d’abord, Pedro López García est une pièce « dialectique » au sens brechtien du terme, qui met en scène le retournement d’un homme, de l’indifférence à la guerre vers un engagement républicain jusqu’à la mort [31] , comme le fera Brecht en 1937 dans Les Fusils de la Mère Carrar, pièce consacrée à la guerre d’Espagne. Ensuite, dans la seconde version, Aub inclut un « Intermède » didactique entre le premier et le deuxième tableau, qui explicite les enjeux de la situation politique et militaire à travers le personnage d’un « Vendeur ambulant » qui y vend l’Espagne à des soldats rebelles tout comme les nationalistes la « vendirent » aux Allemands et aux Italiens. Enfin, un ajout de la deuxième version utilise avec de nouveaux enjeux le personnage allégorique de l’auto. Le plan spirituel de l’action est incarné ici par un « Altavoz », un « Porte-voix » qui, tel un deus ex machina, appelle lors du dénouement les soldats et les travailleurs espagnols à défendre leur liberté tandis que des officiers rebelles tentent vainement de lui tirer dessus. Pour le public de l’époque, ce Porte-voix fait immédiatement référence aux groupes théâtraux Altavoz del Frente (et aux « rote Sprachrohre » allemands), substituant à la figure providentielle de l’auto une nouvelle abstraction, le porte-voix, qui symbolise le genre même de l’agit-prop.
Enfin, du point de vue symbolique et politique, Max Aub écrit très clairement un « anti-auto ». Il utilise la figure allégorique de la Terre pour l’opposer à la vision du monde de l’Église catholique et la démythifier, suivant la veine satirique anti-religieuse de l’agit-prop. Ainsi, La Terre affirme à Pedro (deuxième version) le contraire du message chrétien de l’auto sacramental : « Il n’y a ni ciel ni enfers, Pedro López García. Seule j’existe, immense, la Terre. Ni vierges ni saints, ni même Saint Pierre [No hay cielo ni infiernos, Pedro López García. Solo existo yo, inmensa, la Tierra. Ni vírgenes ni santos, ni San Pedro siquiera] [32] . » Le détournement du modèle semble se nicher jusque dans la versification, puisqu’aux octosyllabes assonancés du vers de romance, Aub substitue des vers de sept pieds assonancés.
Pedro López García est un exemple très élaboré d’un usage circonstanciel de plusieurs genres théâtraux qui aboutit à un éclatement des genres et des formes dans un cadre de propagande. Mais en même temps, leur imbrication et leur fusion dans l’agit-prop donne une certaine unité à ce patchwork et « lisse » les différents genres dans la fable didactique de l’évolution intérieure du héros. Est-ce suffisant pour former un « genre » du théâtre de guerre ?
Hypothèses conclusives : si le « théâtre de guerre » était un genre [33] , qu’est-ce qui le définirait en tant que tel ?
La première hypothèse concerne la question de la théorisation, qui se pose nécessairement lorsqu’un genre littéraire ou artistique est institué en tant que tel. Bien sûr, il n’existe pas d’ « art poétique » du « théâtre de guerre » et ce n’est pas la guerre d’Espagne qui l’a créé. Mais il a reçu dans ce contexte une définition théorique et politique, on l’a institué « arme de combat », comme le formule Miguel Hernández dans une courte préface à son Teatro en la guerra [34] . La métaphore du théâtre comme arme « aussi mortifère et efficace que le fusil [tan mortífera y eficaz cómo el fusil] [35] », déclinée dans les textes de propagande républicaine consacrés au théâtre, ne peut cependant guère être qualifiée de théorisation. En revanche, les deux brefs textes intitulés « teatro de urgencia » et « presentación del teatro de urgencia », publiés par Rafael Alberti en 1938 [36] , proposent une théorisation programmatique qu’on peut assimiler à une poétique à la fois descriptive et prescriptive d’un genre. Il y définit des objectifs, des sujets, des formes, des techniques dramatiques et scéniques, des écueils à éviter. Ce qui amène aussi à penser que ce théâtre fut alors considéré comme un genre nouveau par ses acteurs, c’est que certains textes de propagande se félicitent, tout en rappelant leur dette aux expériences étrangères passées, d’en avoir réalisé l’essence véritable :
No pretendemos, claro es, asegurar que ha sido España, la España antifascista y republicana, el país que ha creado el teatro de guerra y para la guerra, pero sí debemos hacer resaltar que el teatro iniciado para tal motivo durante la gran contienda europea ha podido y se ha conseguido mejorar por nosotros, partiendo de aquella experiencia. No hemos hecho representar a nuestros actores – como hicieron en Alemania – escenas, comedias y dramas, que no tenían otro propósito que el de distraer a los que luchaban, apartándolos del objetivo de la lucha y haciéndoles olvidar el deber que cumplían. Desde el primer momento nuestros modestos grupos contaron con un material y una producción exclusivamente concebidos para ver y para hacer la guerra […].
Nous ne prétendons pas, bien sûr, affirmer que c’est l’Espagne, l’Espagne antifasciste et républicaine, le pays qui a créé le théâtre de guerre et pour la guerre mais oui, nous devons rappeler que les initiatives théâtrales de ce genre qui sont nées pendant le grand conflit européen ont pu être améliorées grâce à nous, à cette expérience. Nous n’avons pas fait représenter à nos acteurs – comme ils l’ont fait en Allemagne – des scènes, des comédies et des drames qui n’avaient d’autre propos que de distraire ceux qui luttaient, les éloignant de l’objectif de la lutte et leur faisant oublier le devoir qu’ils accomplissaient. Dès le début, le matériel et la production de nos modestes groupes théâtraux étaient exclusivement conçus pour voir et pour faire la guerre […] [37] .
On peut tirer de cette affirmation, bien sûr partiale, que l’Espagne aurait réalisé l’essence du genre « théâtre de guerre », une idée simple mais essentielle qui tient lieu de seconde hypothèse : le sujet, le thème principal du teatro de guerra est la guerre. Évidence qui propose cependant un autre critère, d’ordre thématique. Dès lors, on peut s’interroger sur la concordance du teatro de guerra avec le critère principal du théâtre d’agit-prop, ce critère politique « auquel tous les autres viennent s’ordonner » (voir supra). Certes, la guerre est un sujet politique, mais l’objectif du théâtre de guerre n’est pas toujours idéologique : certaines pièces sont plus orientées vers une valeur de témoignage, d’expression ou d’exutoire des souffrances de la population qui met au second plan l’objectif politique, comme la tragédie Sombras de héroes de Germán Bleiberg, fable de déploration qui fait apparaître les fantômes du massacre de Guernica [38] .
Troisième hypothèse qui découle de cette nuance entre présence thématique de la guerre et objectif de propagande : le théâtre de guerre est-il plus de l’ordre de l’« agitation » que de la « propagande » ? Si ces deux mots sont parfois synonymes, il peut être éclairant de revenir à la distinction des deux termes dans leurs définitions historiques, à commencer par celle de Lénine. Il différencie, dans Que faire ? (1902), le travail de l’agitateur de celui du propagandiste à partir de Plekhanov. Le propagandiste explique les causes d’un phénomène pour rendre intelligible « la nécessité de la transformation de cette société en société socialiste, etc. En un mot, il doit donner “beaucoup d’idées”, un si grand nombre d’idées que seul un nombre (relativement) restreint de personnes pourra du premier coup assimiler toutes ces idées prises dans leur ensemble [39] ». Quant à l’agitateur, il choisira plutôt un fait connu et concret d’injustice « et, s’appuyant sur ce fait connu de tout le monde, il fera tous ses efforts pour donner aux “masses” une seule idée […] ; il s’efforcera de susciter le mécontentement, et l’indignation des masses contre cette injustice criante, laissant au propagandiste le soin de donner une explication complète de cette contradiction [40] . » Le propagandiste s’adresse donc au raisonnement tandis que l’agitateur joue prioritairement sur les émotions, ce qui fait écho à l’appel de Rafael Alberti à utiliser les émotions les plus élémentaires de l’homme plutôt qu’un théâtre didactique [41] . Enfin, Jean-Pierre Morel cite une lettre de Nadejda Kroupskaïa, l’épouse de Lénine, adressée en 1928 à Chistov, membre de la section d’agit-prop du Comité central. Elle souligne combien, pendant la guerre civile, « le travail » de propagande (de formation et de développement de l’indépendance des masses) était sapé par l’agitation :
Le travail commençait à se développer à une grande échelle, mais la guerre nous força à accorder plus d’attention à l’agitation, notamment à l’agitation artistique. À la fin de la guerre civile, un nombre considérable de travailleurs militaires affluèrent au politprosvet [Direction de l’Éducation Publique], y apportant toutes les méthodes du front. L’indépendance de la population et toutes les façons d’approfondir le travail furent réduites à néant [42] .
L’agitation, rendue nécessaire par les exigences du front, est donc accusée par N. Kroupaskaïa de nuire à l’effort de propagande en profondeur. L’agitation est ici du côté de la guerre, des « méthodes du front », ce qui pourrait du point de vue théorique faire pencher le théâtre de guerre plutôt de côté de l’agitation que de la propagande. En cela, il serait peut-être aussi plus libre. En imposant l’agitation, le contexte de la guerre éviterait en partie la sclérose, l’inclusion de l’agit-prop dans une sphère institutionnelle établie, car en temps de guerre, même si le théâtre est intégré dans des structures de propagande, celles-ci restent circonstancielles, fragiles et improvisées. Reste à mettre cette hypothèse à l’épreuve des textes et des réalisations ; on peut déjà mentionner la façon dont les moyens stylistiques privilégiés du teatro de guerra – la satire, le rire et les larmes, la dimension ludique – suggèrent une dramaturgie qui joue plus sur les émotions que sur le discours et le raisonnement.
Dernière hypothèse sous forme de question : malgré les circonstances peu propices a priori à la création, le « théâtre de guerre » serait-il plus « littéraire » que l’agit-prop ? Ce qu’on voit en effet avec le teatro de guerra dans le cas de l’Espagne, c’est que les genres nationaux traditionnels deviennent un enjeu politique dans le contexte d’une guerre civile. Chaque camp revendique pour lui-même les grands genres comme l’auto sacramental ou les grands auteurs comme Cervantès, Lope de Vega, Calderón, conçus comme autant de symboles littéraires de la nation dont on se dispute l’héritage.
Bibliographie
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Schaeffer, Jean -Marie, Qu’est-ce qu’un genre littéraire ?, Paris, Seuil, 1989.
Notes
- [1]
Je l’ai fait dans mon article « Transferts culturels et urgence historique. L’exemple du théâtre guignolesque d’agit-prop en Espagne (1934-1938) », dans Hélène Beauchamp, Anne-Cécile Druet et Axelle Guillausseau (dir.), Transferts culturels, dossier de la revue Mélanges de la Casa de Velázquez, Nouvelle série, no 38, 2, 2008, p. 59-79.
- [2]
On retrouve un certain nombre de techniques communes dans les deux camps, même si le répertoire nationaliste, moins prolifique, a tendance à faire appel aux formes dramatiques plus traditionnelles. Voir Emilio Peral Vega, Retablos de agitación política: nuevas aproximaciones al teatro de la guerra civil, Madrid, Frankfurt am Main, Iberoamericana, Vervuert, 2013 et Nigel Denis et Emilio Peral Vega (éds.), Teatro de la Guerra Civil : el bando republicano, Madrid, Fundamentos, coll. « Biblioteca temática RESAD », 2009 et Teatro de la Guerra Civil : el bando nacional, Madrid, Fundamentos, coll. « Biblioteca temática RESAD », 2010.
- [3]
Cette expression utilisée par les acteurs de l’époque comme par les critiques actuels renvoie au théâtre qui traite du conflit en cours et qui participe d’une manière ou d’une autre à la lutte, ce qui le distingue du théâtre simplement joué pendant la guerre sans engagement particulier.
- [4]
Jean-Marie Schaeffer, Qu’est-ce qu’un genre littéraire ?, Paris, Seuil, 1989, p. 103.
- [5]
Philippe Ivernel, « Introduction générale » à Le Théâtre d’agit-prop de 1917 à 1932. Équipe « Théâtre Moderne » du GR 27 du CNRS, coll. « Théâtre années 20 », Lausanne, La Cité, L’Âge d’Homme, 1977, 4 tomes. Tome 1 : L’URSS. Recherches, p. 12.
- [6]
Par exemple, le TRAM, Théâtre de la Jeunesse Ouvrière de Leningrad.
- [7]
Jean-Pierre Morel, « Les phases historiques de l’agit-prop soviétique », dans Le Théâtre d’agit-prop de 1917 à 1932, op. cit., p. 31-48, p. 34.
- [8]
Claudine Amiard-Chevrel, « Méthodes et formes spécifiques », dans Le Théâtre d’agit-prop de 1917 à 1932, op. cit.., p. 49-61, p. 50.
- [9]
Philippe Ivernel, « Introduction générale » dans Le Théâtre d’agit-prop de 1917 à 1932, op. cit., p. 21.
- [10]
Ibid., p. 22.
- [11]
Typologie plus complète proposée par Claudine Amiard-Chevrel, « Méthodes et formes spécifiques », art. cit.
- [12]
Voir Konstantin Rudiniski, Théâtre russe et soviétique, Paris, Éditions du Regard, 1987, p. 46-47. Traduit de l’anglais par Éric Déschodt. C’est également lui qui donne le chiffre de 2 000 clubs théâtraux associées à l’Armée rouge.
- [13]
Une partie de la production d’exil des auteurs du teatro de guerra, dont certaines pièces marquantes comme Noche de guerra en el Museo del Prado [Nuit de guerre au Musée du Prado] de Rafael Alberti, gardent des traces très fortes de la dramaturgie de l’agit-prop. Voir mon article « Des blessures de la guerre à la mémoire critique d’une patrie : les théâtres d’exil de Max Aub et Rafael Alberti » dans Isabelle Ligier-Degauque et Anne Teulade (dir.), La Mémoire de la blessure au théâtre. Mise en fiction et interrogation du traumatisme de la Renaissance au XXIe siècle, coll. « Le spectaculaire », Rennes, PUR, 2018, p. 189-202.
- [14]
Erwin Piscator, conférence du 10 décembre 1936 à Barcelone et « Movilización total del arte », conférence du 13 décembre, extraits reproduits dans Erwin Piscator, El Teatro político y otros materiales, Madrid, HIRU, 2002.
- [15]
L’esthétique cinématographique d’Eisenstein influence durablement les conceptions théâtrales d’Alberti et de María Teresa León, qui voyagent avec lui lors de leur séjour à Moscou en 1934 pour le premier congrès des écrivains soviétiques.
- [16]
Rafael Alberti, « Hacia un teatro de multitudes. En Rusia la escena es una escuela insuperable », entretien dans El imparcial, 23 avril 1933, reproduit dans José Monleón, Tiempo y teatro de Rafael Alberti, Primer Acto, Madrid, 1990, p. 125-126.
- [17]
Rafael Alberti, « Teatro de Urgencia », dans Boletín de orientación teatral, no 15, Madrid, 15 février 1938, reproduit dans Rafael Alberti, Prosas encontradas (1924–1942), Madrid, Ayuso, 1973 p. 155-156.
- [18]
Voir Emilio Peral Vega, « Altavoz del frente: una experiencia multidisciplinar », dans Retablos de agitación polItica, op. cit., p. 33-110.
- [19]
Après Moscou brûle, une « pantomime féérie » évoquant les événements de 1905, Maïakosvki produisit des pièces satiriques de propagande pour le 1er mai 1920 : Petite pièce sur les Popes qui ne comprennent pas ce qu’est une Fête ; Et quoi ? Si ?; Qui comment passe le temps les fêtes fêtant.
- [20]
Il ne s’agit pas d’affirmer que la production du teatro de guerra fut exclusivement littéraire : beaucoup de pièces écrites par des anonymes ont circulé et une bonne partie ont été perdues, détruites, ou bien ont suivi leurs auteurs dans leur exil sud-américain. Nous voulons simplement souligner qu’en Espagne, un théâtre d’agit-prop littéraire a vraiment existé et nourri le répertoire des théâtres du front.
- [21]
Articles dans Luz du 18 au 26 mars 1933, reproduits dans Manuel Aznar Soler, Max Aub y la vanguardia teatral (escritos sobre teatro, 1928-1938), Valence (Espagne), Universidad de Valencia, 1993.
- [22]
Voir Rafael Alberti, « Hacia un teatro de multitudes. En Rusia la escena es una escuela insuperable », art. cit. Lui aussi rapporte une série d’articles d’URSS, « Noticiario de un poeta en la URSS », Luz, Madrid, 22–26 juillet et 1–8–23 août 1933, recueillis dans Prosas encontradas, op. cit., p. 142–163.
- [23]
En témoigne le collectif Le Théâtre d’agit-prop. 1917-1932, dont les auteurs justifient la chronologie par la dégradation et la dilution des formes de l’agit-prop dans une propagande étatisée en URSS.
- [24]
Max Aub, « Antecendentes del teatro ruso contemporáneo », dans Nueva cultura, no 12, mayo–junio 1936, p. 15–16 et no 13, julio 1936, p. 15–16, reproduits dans Manuel Aznar Soler, Max Aub y la vanguardia teatral, op. cit., p. 116–127, p. 126-127 pour la citation.
- [25]
Les nationalistes s’appuient également sur ces grandes traditions dans leurs œuvres de guerre, mais de manière beaucoup moins ludique et plus imitative.
- [26]
Rafael Alberti, « Presentación del teatro de urgencia », dans Teatro de Urgencia, Madrid, 1938, reproduit dans Rafael Alberti, Prosas encontradas, op. cit., p. 157.
- [27]
L’entremés est un genre comique bref, qui accompagne la comedia ou l’auto, dans lequel s’est notamment illustré Miguel de Cervantès.
- [28]
Rafael Dieste, Nuevo Retablo de las maravillas, dans Teatro II, Barcelona, Laia, 1981, p. 71-94, p. 79.
- [29]
Manuel Aznar Soler, « El Teatro de Rafael Dieste durante la Guerra Civil », prologue à Rafael Dieste, Teatro II, op. cit.
- [30]
Dans le journal Hora de España.
- [31]
Le romance a été utilisé par ces mêmes auteurs aussi poètes. Les couplets du Romancero de la Guerra Civil pouvaient être lus, diffusés, récités sur les fronts ou intégrés dans des pièces de théâtre. Voir Francisco Caudet (éd.), Romancero de la Guerra Civil, Madrid, ed. de la Torre, 1978.
- [32]
On peut y voir aussi le schéma de conversion jusqu’au martyre de l’auto.
- [33]
Max Aub, Pedro López García (1936) dans Primer Teatro, Obras completas, vol. VII-A, Biblioteca Valenciana, Valencia, 2002, p. 267-286, p. 284.
- [34]
Nous passons, à partir de l’étude du teatro de guerra, à une interrogation plus large de la notion de « théâtre de guerre » comme genre en naviguant de façon tout à fait consciente entre les deux dénominations.
- [35]
Miguel Hernández, Teatro en la guerra, dans Obras completas II. Teatro. Correspondencia, Pozuelo de Alarcón, Espasa Calpe, 2010.
- [36]
Formule utilisée par le rédacteur anonyme de la section consacrée au guignol de guerre dans un document de 1937 intitulé Propaganda y cultura en los frentes de guerra: resúmen de la obra realizada por el subcomisario de Propaganda del Comisario General de la Guerra, Comisario General de la Guerra, Valencia, 1937. Section « Teatros del frente: grupos teatrales; el guiñol », p. 88.
- [37]
Rafael Alberti, Teatro de Urgencia, Madrid, 1938, reproduit dans Rafael Alberti, Prosas encontradas, op. cit.
- [38]
Anonyme, Propaganda y cultura en los frentes de guerra, op. cit., p. 76-77.
- [39]
German Bleiberg, Sombras de héroes, dans Miguel Bilbatúa (éd.), Teatro de agitación política, Madrid, Cuadernos del diálogo, 1976. La pièce se clôt tout de même sur la « Voix du Peuple d’Euzkadi » qui forme un chœur à l’antique pleurant les morts et appelant aux armes, mais le reste est un témoignage tragique et allégorique.
- [40]
Vladimir Illich Lénine, Que faire ? (1902), Paris, Seuil, 1966, p. 121.
- [41]
Ibid.
- [42]
Le dramaturge y parle d’ailleurs du rôle « agitateur » du teatro de urgencia tandis que le discours officiel républicain use plus volontiers du terme propaganda.
- [43]
Lettre de Nadejda Kroupskaïa à Chistov, citée par Jean-Pierre Morel, « Les phases historiques de l’agit-prop soviétique », art. cit., p. 37.
Pour citer cet article
Hélène Beauchamp, « Du théâtre d’agit-prop au teatro de guerra : migration d’un genre, de l’URSS à l’Espagne », SFLGC, Bibliothèque comparatiste, publié le 01/07/2019., URL : https://sflgc.org/acte/beauchamp-helene-du-theatre-dagit-prop-au-teatro-de-guerra-migration-dun-genre-de-lurss-a-lespagne-2/, page consultée le 04 Décembre 2024.
Biographie de l'auteur
BEAUCHAMP Hélène
Hélène Beauchamp est maîtresse de conférences en littérature comparée à l’université de Toulouse-Jean Jaurès. Ancienne pensionnaire de la Casa de Velázquez à Madrid, docteure en littérature comparée, elle a publié en 2018 un livre issu de sa thèse, La marionnette, conscience critique et laboratoire du théâtre (années 1890 et les années 1930 – France, Espagne, Belgique) aux Éditions Institut International de la Marionnette/Deuxième Époque. Elle s’intéresse à la dramaturgie du théâtre de marionnettes, sujet sur lequel elle a co-dirigé plusieurs collectifs dont Les Scènes philosophiques de la marionnette (Institut International de la Marionnette/ L’Entretemps, 2016). Elle travaille actuellement sur les théâtres d’actualité et de propagande en temps de guerre au début du XXe siècle.